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  • Le film de la semaine du 16 novembre recommandé par "Mon festival du cinéma"

    Demain sort un de mes coups de coeur, un coup de foudre même, du festival de Cannes 2005: Three Times de Hou Hsiao Hsien , un film que je vous recommande vivement, et tout particulièrement à tous ceux qui avaient succombé à la langueur mélancolique de In the mood for cinéma.
    Retrouvez ma critique de "Three times" en avant-première dans mon compte-rendu du festival de Cannes 2005. (résumé du vendredi  20 Mai).

    Sandra.M

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  • Les ouvrages concourant pour le prix du livre de société 2005

    Le 24 novembre prochain sera décerné le prix du livre de société 2005 dont je suis membre du jury et dont Franz Olivier-Giesbert est le président. En attendant le palmarès et sans rien vous dévoiler de mon vote, retrouvez ci-dessous mes 10 critiques des ouvrages en compétition.

     

    Second rôle d'Alexandre Moix

     Second rôle pourrait n’être que la complainte larmoyante d’un homme aigri et désemparé, frustré par la mise en lumière de son protagoniste de frère, écrivain célèbre de son état. C’est avant tout un cri de douleur aux accents houellebecquiens, aux phrases incisives et percutantes dont la sincérité le rend aussi mordant que touchant. Ce qui n’aurait pu être qu’un roman voyeur ou impudique devient un témoignage sociétal, disséquant avec cynisme ou ironie les préjudices de la célébrité pour ceux qui vivent dans son ombre tentaculaire dans une société qui cultive le culte du paraître, où la médiatisation est érigée en qualité suprême et intrinsèque. Lecteur de Proust et inconditionnel de Truffaut, ce « second rôle » vit autant dans l’ombre des monstres sacrés du septième art que dans celle, étouffante et omniprésente, de ce frère qui l’ignore, dont il se croit séparé d’une distance infranchissable, celle de l’indifférence et du mépris. L’enfer c’est l’autre, l’autre qui devient l’unique aux yeux d’un monde ébloui et aveuglé par ceux qui resplendissent sous les feux de la rampe. La plus grande distance à franchir est probablement néanmoins celle qui le sépare de la lucidité, de la réalité qui, retrouvées, lui permettront peut-être enfin de décrocher le premier rôle…

     

    Mauvais Génie de Marianne Denicourt et Judith Perrignon

    Mauvais génie est la réponse vindicative et acerbe de Marianne Denicourt à Rois et Reines de Desplechin qui a, selon cette dernière, pillé son existence pour écrire son scénario. Ce roman s’apparente néanmoins davantage à une vengeance aigrie dénuée de véritable trame narrative qu’à une véritable histoire. Cela pourrait être une lettre restée dans la sphère privée mais pour évacuer sa douleur, sa rancœur Marianne Denicourt a préféré livrer son histoire au public. Sa vengeance est peut-être réussie, ou du moins son désir de rétablir la vérité et sa dignité, rassasié, il en va autrement de cette histoire nous contant les mesquineries de ce Duplancher qui ne présenterait pas le plus infime intérêt s’il n’était pas Desplechin. Fallait-il répondre à une mesquinerie par une autre? Peut-être Marianne Denicourt a-t-elle oublié que « la vengeance est un plat qui se mange froid » … L’intérêt du roman réside surtout dans les questions qu’il suscite: jusqu’à quel point la création peut-elle puiser dans sa vie et celle de ses proches sans devenir indécente ? Peut-on encore parler d’œuvre d’art lorsque sa source est malséante, au mépris de la dignité d’autrui et donc de celle de l’auteur ? Après tout une œuvre d’art doit être décente ou morale ou la fin justifie-t-elle tous les moyens ?

     

    Les maisons hantées de Meyer Levin de Tereska Torrès

    Les maisons hantées nous emmènent dans l’intériorité tourmentée, « hantée » d’un homme. L’homme c’est Meyer Levin, et celle qui le hante c’est Anne Franck. Tereska Torrès, sa femme, décrit avec minutie et par le truchement d’anecdotes significatives cet aller sans retour de l’obsession jusqu’à la folie d’un homme guidé par le sentiment d’injustice que cristallise le livre d’Anne Franck selon lui exploitée sous son seul aspect sentimental, symbole d’un monde qui préfère ignorer plutôt que regarder avec lucidité. Tereska Torrès va elle aussi jusqu’à frôler, s’immiscer dans sa folie ; pour mieux comprendre, pour le soutenir, malgré tout. Plus qu’un roman d’introspection, Tereska Torrès cherchant les racines de cette dévorante et possessive obsession, c’est avant tout un roman d’amour, roman « d’amour fou » avec toute la polysémie qu’implique l’expression. Un roman qui hante le lecteur longtemps après sa lecture.

     

    Musulman de Zahia Rahmani

    Musulman c’est avant tout une quête d’identité, un parcours dont la langue est le fil conducteur. Récit vocal, dérive musicale parsemée de contes, de poèmes, de langues, de cris, de silences. Zahia Rahmani dissèque les mots et la destinée qu’ils peuvent impliquer à commencer par celui que désigne le titre de son roman, mot synonyme de confusion et dont elle est prisonnière comme elle le sera d’une prison qui ressemble étrangement à Guantanamo. Par une écriture incisive et percutante elle dénonce autant les amalgames et les extrémismes que son identité peut susciter ou engendrer.

     

    Toute l’histoire du monde de Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot

    Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot ont signé un ouvrage dont le titre paraît quelque peu présomptueux, nous promettant toute l’histoire du monde « de la préhistoire à nos jours » ! Comme pour s’excuser de cette ambition démesurée et de cette entreprise hasardeuse, ils nous préviennent d’emblée, le récit sera incomplet, nous évoquant même un « conte »… qui n’est « pas destiné aux historiens de métier » ! D’où peut-être cette impression d’approximation, de raccourcis hâtifs ou parfois même aléatoires. Pour vulgariser, fallait-il simplifier à l’extrême ? Faut-il être simpliste (autant dans la forme que dans le fond) pour intéresser à l’Histoire ? Les auteurs ambitionnent certes de donner un passé aux « immémorants » que nous sommes selon eux mais ils semblent néanmoins être tombés dans le culte de l’immédiateté contre lequel ils s’érigent ! Indéniablement ce livre se lit simplement, se zappe presque… Ce livre chronologique et subjectif est avant tout destiné à des lecteurs de prime abord réfractaires à l’Histoire pour les réconcilier avec la matière…une simple mise en bouche qui aura peut-être au moins le mérite de mettre en appétit… Les auteurs auront au moins eu l’honnêteté de proclamer l’aspect « rudimentaire » de ce « résumé » et le mérite de nous donner des repères chronologiques, certes (un peu trop) arbitrairement choisis…et parcellaires.

     

    Le photographe de Guibert, Lefèvre, Lemercier.

    D. Lefèvre immortalise ce périlleux périple, nous livrant un documentaire captivant entremêlant judicieusement photographie, et bande dessinée d’E.Guibert. Nous franchissons avec lui les cols abruptes, traversons les routes escarpées, les paysages arides, rudes, côtoyons les vies et ce pays ravagés, déchirés, mutilés par la guerre entre Soviétiques et Moudjahidin. L’originalité formelle procure une véracité, une émotion prégnantes au reportage, le transformant en une singulière expérience autant pour l’auteur que le lecteur. Il ne dissimule ni ses doutes, ni ses craintes, ne tombe jamais dans l’écueil du voyeurisme, n’hésitant pas à déposer son appareil quand l’image qui s’offre à lui devient trop insoutenable. Il fige des images touchantes, poignantes, insolites, âpres, des regards désarçonnés, égarés qui nous happent dans leurs précipices de douleur. Son regard est empreint d’empathie, d’admiration même pour ces médecins sans frontières qui franchissent, transcendent avec tant de courage celles de la peur. Une symphonie picturale à plusieurs mains aux couleurs de l’Orient, soulignant ses différences avec l’Occident et l’universalité de la douleur et de l’humanisme. Un voyage d’une rare intensité, aux résonances contemporaines indéniables, auquel je vous convie vivement.

     

    L’ami de Bono de Jean Grégor

    Cela débute comme une photo de classe, instantané d’adolescence aux relents d’éternité. Puis, J. Grégor portraiture chacun de ceux qui y figurent notamment à travers la musique qu’ils aiment : Daho, Dire Straits, U2... Il dresse ainsi le tableau d’une génération de trentenaires, une peinture aux traits parfois cruels, le choix arbitraire de « morceaux » de leur vie mettant en exergue les désillusions de chacun. La musique devient alors un moyen de communication, de singularisation, même d’exclusion. L’ami de Bono, c’est avant tout le récit initiatique de celui que désigne le titre éponyme, Dany Dane, envoûté par U2. Ce périple le mènera jusqu’au chanteur, en Irlande, voyage crucial signifiant un pansement sur la plaie des illusions perdues. La musique, mélancolique, rythme aussi les phrases harmonieuses du livre comme elle rythme l’existence des personnages, musiques impitoyablement ou délicieusement immortelles malgré le temps qui passe, les regrets et remords qui s’amoncellent, un flash-back sonore sur les rêves souvent déchus du passé de ces êtres «libres et fiers» devenus «tristes et soumis». Un refrain lancinant qui résonne longtemps après la dernière ligne, nostalgique et délicieusement ensorcelant, une composition lucide et salutaire sur une génération désenchantée.

     

    Lutétia de Pierre Assouline
    Depuis ce palace de la rive gauche dont il narre l’histoire de 1938 à 1945 par le prisme du regard du détective chargé de l’hôtel et de la sécurité de ses clients, on voit, on imagine, on ressent la montée des périls et on assiste avec effroi au glissement du monde vers la tragédie, vers l’innommable, vers l’irrationnel. Assouline a choisi délibérément le seul palace de la Rive Gauche, antre de l’intelligentsia, qui vit l’Histoire dont il fit partie intégrante se dérouler sous ses yeux. Avec lui tantôt horrifiés, tantôt fascinés nous parcourons les couloirs du Lutétia et découvrons les secrets qu’il recèle, les destins qui s’y croisent et qui basculent parfois. Par une sorte d’empathie et grâce au talent de son auteur, le lecteur a l’impression de ressentir la même impuissance que le protagoniste qui, confiné dans ce lieu, voit le monde dériver vers l’inéluctable tragédie. Avec lui nous voyons avec horreur l’Abwehr, le contre-espionnage allemand, prendre possession des lieux, transformer le symbole d’insouciance en celui de l’Occupation. Assouline aurait pu se contenter d’écrire un livre d’Histoire ou un roman mais toute la richesse et la singularité de ce livre résident dans le judicieux mélange des deux sans jamais que cela n’alourdisse le récit ou n’entrave le plaisir du lecteur. Le Lutétia devient un microcosme de la société française, cristallise les angoisses que connaît alors le monde terrassé par le joug nazi. Assouline nous transporte avec lui dans ce lieu, à cette époque troublée par ce roman à la démesure de son sujet, traité sans emphase grandiloquente mais avec pudeur. De surcroît, il a su créer un personnage nuancé, ambigu, qui aime les Allemands et l’Allemagne tout en haïssant les nazis. Il évite ainsi l’écueil du manichéisme, de la complaisance aussi. A l’image du Lutétia, tantôt lâche, tantôt courageux, aveugle puis lucide, le protagoniste oscille entre passivité coupable (puisque le Lutétia hébergea le contre-espionnage allemand) et engagement dans la Résistance presque malgré lui (le Lutétia hébergea les déportés alors appelés « rapatriés » après la Libération )Le Lutétia est ainsi un personnage à part entière d’ailleurs personnifié puisque chacun l’appelle Lutétia, emblème vivant et immortel, symbole d’occupation puis de libération, d’insouciance puis de tragédie, de liberté puis d’enfermement. Assouline esquisse une véritable Comédie humaine n’oubliant ni l’héroïsme, ni les petitesses que cette époque a engendrés. Le protagoniste est aussi épris de la comtesse Clary qu’il connaît depuis l’enfance et qu’il y croise fréquemment. Cette histoire d’amour ajoute un souffle épique et romanesque et enrichit encore le récit. L’histoire et l’Histoire se mêlent donc astucieusement : la guerre 14, le scandale Stavisky, l’Occupation, la déportation, la Résistance ont jalonné le parcours du protagoniste qui verra la guerre commencer puis se terminer, qui assistera à des actes de lâcheté et d’héroïsme, qui aimera, haïra, résistera…sans jamais quitter l’hôtel Lutétia. Nous y croisons Matisse, Joyce et son secrétaire Samuel Beckett ou encore André Gide ou Albert Cohen dont nous apprenons qu’il y écrivit le sublime Belle du Seigneur. Les illustres clients de ce lieu mythique qui jalonnent le récit en accroissent l’intérêt. Le Lutétia devient alors le cadre d’un huis clos tel un théâtre dans lequel se déroule une tragédie qui le dépasse, mais qu’il symbolise aussi. Assouline retranscrit avec minutie l’atmosphère de ce majestueux édifice qui sombre avec les heures noires de l’Histoire puis renaît avec la Libération. Il parvient à nous émouvoir et nous bouleverser et là où d’autres n’auraient réussi qu’un ouvrage historique didactique de plus, Assouline a signé un roman historique passionnant, édifiant, un livre hybride sur les méandres du destin et de l’Histoire.
    Désormais quand je passe devant le somptueux édifice, je songe à toutes ces histoires qu’il a vu naître puis mourir, à ces destins dont il a assisté, impuissant, au basculement et je ne peux m’empêcher moi aussi de l’appeler à mon tour Lutétia en me prenant à rêver qu’une réponse murmurée provienne de l’imposante personnalité du Boulevard Raspail, témoin impassible de l'Histoire, qui me livrerait alors ses douloureux secrets…

     

    Prof is beautiful de Jean-Luc Despax

    Jean- Luc Despax dresse un inventaire acide des petitesses du milieu professoral à travers le regard de l’un d’entre eux victime des mesquineries de ses collègues sur lesquels il porte un regard impitoyable. Dans ce qui est à la fois une étude sociologique et un récit acerbe ces « profs » sont tout sauf « beautiful ». Son récit est volontairement déstructuré comme un cahier d’écoliers, en l’espèce celui d’un professeur égaré dans celui de ses collègues tyranniques et pinailleurs. Cette forme parcellaire du récit, son style inégal et son aspect parfois didactique dispersent un peu l’attention du lecteur telle celle d’un écolier distrait, celui-ci n’en demeure pas moins caustique et corrosif, et souvent jubilatoire notamment la retranscription d’interminables babillages administratifs et pédagogiques vains et dérisoires.

     

    Jamais je n’oublierai Beslan de Florence Schaal

    Florence Schaal signe là un témoignage poignant, pudique et surtout nécessaire nous emmenant avec elle en Ossétie du Nord, au cœur de l’horreur indicible nous obligeant salutairement à nous arrêter et nous interpeller sur le drame que cette région a connue malgré un zapping incessant, une actualité effroyable en chassant malheureusement une autre avec une amnésie déconcertante. Au-delà de cette obscure et innommable tragédie qu’elle retranscrit brillamment elle met en lumière le drame Tchétchène et l’affairisme qui ronge encore la Russie en terminant judicieusement son récit sur une note d’espoir avec la révolution orange en Ukraine. On ressort bouleversés de ce voyage déroutant et saisissant, Florence Schaal ayant eu l’intelligence de ne jamais tomber dans l’écueil du pathos ou de l’indifférence feinte nous livrant avec lucidité et courage ses craintes, ses impressions. Grâce à son précieux et bouleversant témoignage si personnel nous n’oublierons jamais l’ignominie de Beslan.

     

    Sandra Mézière

     

     

     

     

     

     

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  • Sondage: le film de l'année et les 5 plus grands films de l'Histoire du cinéma

    Comment voter pour le film de l'année et les 5 plus grands films de l'Histoire du cinéma?

    Je vous propose de voter pour les 5 plus grands films de l'Histoire du cinéma et pour le film de l'année à partir d'une liste préétablie (à laquelle vous pourrez néanmoins ajouter vos propres suggestions). Comment faire pour voter? Pour cela, rendez-vous sur In the mood for cinéma , rubrique "sondages cinématographiques" et déposez vos votes dans les commentaires dudit site. Les résultats de ces deux sondages seront publiés dans un mois. En espérant que vous serez nombreux à participer.

    Sandra.M

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  • Les films à voir cette semaine

    Demain sortent deux films très différents que vous recommande "Mon festival du cinéma". Deux films très différents ...quoique...Evidemment, s'il s'agit d'évoquer la médiatisation (gargantuesque pour l'un, invisible pour l'autre) ou leur traitement, ces deux films sont radicalement différents, en revanche des deux émane un véritable propos pacifiste même si les temps et les lieux ne sont pas les mêmes. Dans les deux il est question d'absurdité de la guerre... Deux regards, deux époques, deux guerres mais aussi deux films bouleversants. Les deux  ont  aussi effectué un passage mémorable à Cannes, l'un a reçu le prix d'interprètation féminine amplement mérité, l'autre a reçu l'accueil le plus chaleureux du festival (un moment rare comme si l'exaltation présente dans le film s'était emparée du -pourtant très difficile- public cannois)...tout aussi mérité autant pour son lyrisme que cette belle fraternité que sa magnifique affiche symbolise. Deux films d'une belle humanité, salvatrice en cette période tourmentée...

    Il s'agit de Joyeux Noël de Christian Carion et de Free Zone d'Amos Gitaï. Vous pouvez retrouver mes évocations de ces deux films dans mon compte-rendu du festival de Cannes 2005. 

    Vous pouvez également y retrouver ma critique de Manderlay , la désarçonnante fable de Lars Von Trier qui sort également demain.

    Sandra.M

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  • L'autre film de la semaine: "Je ne suis pas là pour être aimé" de Stéphane Brizé

    Me souvenant du premier film de Stephane Brizé Le bleu des villes qui avait reçu le prix Michel d’Ornano 1999, je tenais absolument à découvrir ce second long-métrage du réalisateur. Réminiscences espérées d’un film dont je gardais une excellente impression ? Réminiscences espérées de l’atmosphère enchanteresse du lieu où j’avais vu ce précèdent film et de tant de souvenirs aussi : celle et ceux du festival du film américain de Deauville 1999 ? Mystères de l’inconscient. Toujours est-il que je me retrouvai, non pas dans la salle de cinéma du casino de Deauville mais au cinéma Saint-André des Arts, dans une salle au public plus que clairsemé…forcément eu égard au peu d'échos médiatiques de ce film qui en aurait pourtant mérité.

    Du Bleu des villes je me souvenais d’une histoire universelle, de personnages touchants, dépeints sans manichéisme simplificateur, juste humains, ambivalents, aspirant à une vie meilleure, différente en tout cas. Je me souvenais aussi d’une esquisse assez juste de la province. Tous ces éléments se retrouvent d’ailleurs dans Je ne suis pas là pour être aimé . Les premiers plans nous font suivre Jean-Claude Delsart (Patrick Chesnais) qui monte l’escalier d’un immeuble, essoufflé, haletant, lassé. Essoufflé par la situation autant que par sa vie. Comme la protagoniste du Bleu des villes il a un métier a priori plutôt ingrat (huissier de justice),il ne nous apparaît pas « aimable » (dans les deux sens du terme)d’emblée. Sa vie routinière, monotone, se partage entre le cadre claustrophobique de son étude, grisonnante, voire sinistre, et celle de la chambre de la maison de retraite de son père, un père irascible. Et puis un jour la fenêtre de son étude s’ouvre et de là on découvre l’appartement qui lui fait face, s’y oppose même : celui où sont donnés des cours de tango dans une ambiance chaleureuse. Les couleurs du lieu sont aussi chaudes que celles de l’étude sont froides, la musique emplit autant le lieu que le silence de l’étude la vide. Une fenêtre s’ouvre aussi dans son existence. Ses désirs, ses échecs enfouis se réveillent soudain, ses « bleus » à l’âme aussi. Dans un douloureux silence. Son médecin lui a recommandé de faire de l’exercice à cause de son cœur, un cœur fatigué : il s’inscrit donc au cours de tango. Même s’il n’est initialement pas « là pour être aimé », c’est pourtant ce qui va arriver. Malgré lui. Comme une évidence. Sous les traits d'une jeune femme sur le point de se marier : Fanfan (Anne Consigny).

     Là pourrait avoir été résumé tout le film, pourtant c’est bien plus que cela. Quelle danse plus sensuelle que le tango ? C’est avec cette même sensualité que Stephan Brizé filme ses personnages, filme celle qui s’empare peu à peu d’eux, un trouble imperceptible capté par la caméra : une main qui progressivement se rapproche d’une épaule, le frémissement d’un visage, et sans dialogues, le temps d’une danse, par son talent de réalisateur et par celui de son acteur principal, une histoire qui naît de manière indicible, avec la noblesse du silence.

    Les scènes dialoguées sont tout aussi réussies : percutantes, cruelles parfois (scènes de famille de la future mariée en proie aux doutes, scènes avec son père, etc) aux accents de réalité indéniables. L’histoire d’un « cœur en hiver » (la référence est plus qu’élogieuse de ma part : un de mes films préférés ) qui se remet peu à peu à battre, à exister. La profonde humanité avec laquelle Brizé décrit ses personnages n’est d’ailleurs pas sans rappeler le style du réalisateur précité.

    On pourrait lui reprocher un scénario prévisible mais son talent nous le fait bien vite oublier: il filme la polysémie des silences, des visages, comme personne. Un film d’une tendre cruauté, d’une subtile drôlerie, d’une belle humanité, sans théâtralité ni grandiloquence mais dont la mélancolie vous charme insidieusement, subrepticement comme ce tango qui rapproche peu à peu les personnages et dont la musique exaltante vous poursuivra longtemps après le générique de fin.…

     Sandra Mézière

    Film encore projeté au Saint-André des arts, à l'UGC Rotonde Montparnasse, à l'UGC triomphe, au Gaumont Opéra français, à l'UGC ciné cité Bercy, et au Studio 28.

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