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  • Critique de BABEL de Alejandro Gonzalez Inarritu à 20H40 sur TCM ce jeudi 19 novembe 2015

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    Je vous recommande vivement ce film qui avait reçu le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2006:  un de mes plus grands chocs cinématographiques cannois et, pour moi, un chef d’oeuvre. Voici la critique que j’avais alors publiée:

    En plein désert marocain, des enfants jouent avec un fusil que leur père vient d’acheter. Un coup de feu retentit et blesse une touriste américaine dans un bus qui passait sur la route, en contrebas. Les destins de cette femme (Cate Blanchett) et de son mari (Brad Pitt) dont le couple battait de l’aile, les destins des deux enfants responsables du coup de feu, le destin de la nourrice mexicaine des enfants du couple d’Américains, le destin d’une jeune Japonaise, en l’occurrence la fille de l’homme qui a donné le fusil à un Marocain qui l’a revendu au père des deux enfants : ces destins vont tous avoir une influence les uns sur les autres, des destins socialement et géographiquement si éloignés, mais si proches dans l’isolement et dans la douleur.

    Rares sont les films que je retourne voir, mais pour Babel vu au Festival de Cannes 2006 où il a obtenu le prix de la mise en scène et celui du jury œcuménique, c’était une vraie nécessité parce que Babel c’est plus qu’un film : une expérience. Ce film choral qui clôt le triptyque du cinéaste après Amours chiennes et 21 grammes fait partie de ces films après lesquels toute parole devient inutile et impossible, de ces films qui expriment tant dans un silence, dans un geste, qu’aucune parole ne pourrait mieux les résumer. De ces films qui vous hypnotisent et vous réveillent. De ces films qui vous aveuglent et vous éclairent. Donc le même choc, la même claque, le même bouleversement, quelques mois après, l’effervescence, la déraison et les excès cannois en moins. Malgré cela.

    Si la construction n’avait été qu’un vain exercice de style, qu’un prétexte à une démonstration stylistique ostentatoire, l’exercice aurait été alors particulièrement agaçant mais son intérêt provient justement du fait que cette construction ciselée illustre le propos du cinéaste, qu’elle traduit les vies fragmentées, l’incommunicabilité universelle.

    Le montage ne cherche pas à surprendre mais à appuyer le propos, à refléter un monde chaotique, brusque et impatient, des vies désorientées, des destins morcelés. En résulte un film riche, puissant où le spectateur est tenu en haleine du début à la fin, retenant son souffle, un souffle coupé par le basculement probable, soudain, du sublime dans la violence. Du sublime d’une danse à la violence d’un coup de feu. Du sublime d’une main sur une autre, de la blancheur d’un visage à la violence d’une balle perdue et d’une blessure rouge sang. Du sublime du silence et du calme à la violence du basculement dans le bruit, dans la fureur, dans la déraison.

    medium_P80601087315038.jpgUn film qui nous emmène sur trois continents sans jamais que notre attention ne soit relâchée, qui nous confronte à l’égoïsme, à notre égoïsme, qui nous jette notre aveuglement et notre surdité en pleine figure, ces figures et ces visages qu’il scrute et sublime d’ailleurs, qui nous jette notre indolence en pleine figure, aussi. Un instantané troublant et désorientant de notre époque troublée et désorientée. La scène de la discothèque est ainsi une des plus significatives, qui participe de cette expérience. La jeune Japonaise sourde et muette est aveuglée. Elle noie son désarroi dans ces lumières scintillantes, fascinantes et angoissantes. Des lumières aveuglantes: le paradoxe du monde, encore. Lumières qui nous englobent. Soudain aveuglés et sourds au monde qui nous entoure nous aussi.

    Le point de départ du film est donc le retentissement d’un coup de feu au Maroc, coup de feu déclenchant une série d’évènements qui ont des conséquences désastreuses ou salvatrices, selon les protagonistes impliqués. Peu à peu le puzzle se reconstitue brillamment, certaines vies se reconstruisent, d’autres sont détruites à jamais.

    Jamais il n’a été aussi matériellement facile de communiquer. Jamais la communication n’a été aussi compliquée, Jamais nous n’avons reçu autant d’informations et avons si mal su les décrypter. Jamais un film ne l’a aussi bien traduit. Chaque minute du film illustre cette incompréhension, parfois par un simple arrière plan, par une simple image qui se glisse dans une autre, par un regard qui répond à un autre, par une danse qui en rappelle une autre, du Japon au Mexique, l’une éloignant et l’autre rapprochant.

    Virtuosité des raccords aussi : un silence de la Japonaise muette qui répond à un cri de douleur de l’américaine, un ballon de volley qui rappelle une balle de fusil. Un monde qui se fait écho, qui crie, qui vocifère sa peur et sa violence et sa fébrilité, qui appelle à l’aide et qui ne s’entend pas comme la Japonaise n’entend plus, comme nous n’entendons plus à force que notre écoute soit tellement sollicitée, comme nous ne voyons plus à force que tant d’images nous soit transmises, sur un mode analogue, alors qu’elles sont si différentes. Des douleurs, des sons, des solitudes qui se font écho, d’un continent à l’autre, d’une vie à l’autre. Et les cordes de cette guitare qui résonnent comme un cri de douleur et de solitude.

    Véritable film gigogne, Babel nous montre un monde paranoïaque, paradoxalement plus ouvert sur l’extérieur fictivement si accessible et finalement plus égocentrique que jamais, monde paradoxalement mondialisé et individualiste. Le montage traduit magistralement cette angoisse, ces tremblements convulsifs d’un monde qui étouffe et balbutie, qui n’a jamais eu autant de moyens de s’exprimer et pour qui les mots deviennent vains. D’ailleurs chaque histoire s’achève par des gestes, des corps enlacés, touchés, touchés enfin. Touchés comme nous le sommes. Les mots n’ont plus aucun sens, les mots de ces langues différentes. Selon la Bible, Babel fut ainsi une célèbre tour construite par une humanité unie pour atteindre le paradis. Cette entreprise provoqua la colère de Dieu, qui pour les séparer, fit parler à chacun des hommes impliqués une langue différente, mettant ainsi fin au projet et répandant sur la Terre un peuple désorienté et incapable de communiquer.

    medium_P80601161052655.jpgC’est aussi un film de contrastes. Contrastes entre douleur et grâce, ou plutôt la grâce puis si subitement la douleur, puis la grâce à nouveau, parfois. Un coup de feu retentit et tout bascule. Le coup de feu du début ou celui en pleine liesse du mariage. Grâce si éphémère, si fragile, comme celle de l’innocence de ces enfants qu’ils soient japonais, américains, marocains, ou mexicains. Contrastes entre le rouge des vêtements de la femme mexicaine et les couleurs ocres du désert. Contrastes entres les lignes verticales de Tokyo et l’horizontalité du désert. Contrastes entre un jeu d’enfants et ses conséquences dramatiques. Contraste entre le corps dénudé et la ville habillée de lumière. Contraste entre le désert et la ville. Contrastes de la solitude dans le désert et de la foule de Tokyo. Contrastes de la foule et de la solitude dans la foule. Contrastes entre « toutes les télévisions [qui] en parlent » et ces cris qui s’évanouissent dans le désert. Contrastes d’un côté et de l’autre de la frontière. Contrastes d’un monde qui s’ouvre à la communication et se ferme à l’autre. Contrastes d’un monde surinformé mais incompréhensible, contrastes d’un monde qui voit sans regarder, qui interprète sans savoir ou comment, par le prisme du regard d’un monde apeuré, un jeu d’enfants devient l’acte terroriste de fondamentalistes ou comment ils estiment savoir de là-bas ce qu’ils ne comprennent pas ici.

    medium_P80601693016905.jpgMais toutes ces dissociations et ces contrastes ne sont finalement là que pour mieux rapprocher. Contrastes de ces hommes qui parlent des langues différentes mais se comprennent d’un geste, d’une photo échangée (même si un billet méprisant, méprisable les séparera, à nouveau). Contrastes de ces êtres soudainement plongés dans la solitude qui leur permet finalement de se retrouver. Mais surtout, surtout, malgré les langues : la même violence, la même solitude, la même incommunicabilité, la même fébrilité, le même rouge et la même blancheur, la même magnificence et menace de la nuit au-dessus des villes, la même innocence meurtrie, le même sentiment d’oppression dans la foule et dans le désert.

    Loin d’être une démonstration stylistique, malgré sa virtuosité scénaristique et de mise en scène Babel est donc un édifice magistral tout entier au service d’un propos qui parvient à nous transmettre l’émotion que ses personnages réapprennent. Notons que malgré la pluralité de lieux, de langues, d’acteurs (professionnels mais souvent aussi non professionnels), par le talent de son metteur en scène, Babel ne perd jamais sa cohérence qui surgit, flagrante, bouleversante, évidente, au dénouement.

    La mise en scène est volontairement déstructurée pour refléter ce monde qu’il met en scène, un monde qui s’égare, medium_P80601398560603.jpget qui, au moindre geste , à la moindre seconde, au moindre soupçon, peut basculer dans la violence irraisonnée, un monde qui n’a jamais communiqué aussi vite et mal, un monde que l’on prend en pleine face, fascinés et horrifiés à la fois, un monde brillamment ausculté, décrit, par des cris et des silences aussi ; un monde qui nous aveugle, nous assourdit, un monde de différences si semblables, un monde d’après 11 septembre.

    Babel est un film douloureux et clairvoyant, intense, empreint de la fébrilité du monde qu’il parcourt et dépeint de sa lumière blafarde puis rougeoyante puis nocturne. Un film magnifique et éprouvant dont la mise en scène vertigineuse nous emporte dans sa frénésie d’images, de sons, de violences, de jugements hâtifs, et nous laisse avec ses silences, dans le silence d’un monde si bruyant. Le silence après le bruit, malgré le bruit, le silence de l’harmonie retrouvée, l’harmonie éphémère car il suffirait qu’un coup de feu retentisse pour que tout bascule, à nouveau. La beauté et la douleur pareillement indicibles. Babel, tour de beauté et de douleur. Le silence avant les applaudissements, retentissants, mérités. Si le propre de l’Art c’est de refléter son époque et de l’éclairer, aussi sombre soit-elle, alors Babel est un chef d’œuvre. Une expérience dont on ne peut ressortir indemne ! Mais silencieux, forcément.

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  • Critique de GAINSBOURG (Vie héroïque) de Joann Sfar à 20H40 sur OCS Max ce jeudi 19 novembre 2015

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    Encore un biopic !, m'étais-je exclamée en apprenant qu'un film sur Gainsbourg était en préparation après avoir déjà dû subir ceux sur Piaf, Chanel, Sagan, ou d'autres comme celui sur Coluche dans lequel Antoine de Caunes tentait de contourner le genre avec plus ou moins d'habileté en se concentrant sur une période particulière de l'existence de ce dernier (celle de sa campagne présidentielle). Le fait que ce genre ait été particulièrement en vogue ces dernières années reflète sans doute la frilosité ou l'opportunisme de certains producteurs qui, en produisant des films retraçant les existences de personnalités appréciées du public, s'assurent d'emblée un nombre d'entrées conséquent. Après l'excellent « This is it », on se demande d'ailleurs quel sera le premier à initier un biopic sur Mickael Jackson...

     

    Avec Gainsbourg, idole et référence de plusieurs générations mais aussi proche d'un certain nombre de personnalités encore vivantes, le sujet était a priori aussi opportuniste que délicat. Joann Sfar a donc eu l'excellente idée (apparemment suggérée par Jane Birkin pour bien signifier que les dialogues et situations ne sont pas authentiques) de donner à son film l'appellation de « conte », désamorçant d'avance toutes les polémiques et s'autorisant ainsi une composition libre. Une liberté dont était épris celui dont il retrace une partie du parcours artistique et des amours souvent célèbres et tumultueuses. Ou quand le sujet et la forme se confondent subtilement. D'où l'idée aussi judicieuse de cette « gueule » qui accompagne Gainsbourg, un Gainsbarre omniprésent, son double maléfique, sa face obscure, son Mister Hyde.

    Tout commence dans le Paris occupé des années 1940 où Serge Gainsbourg s'appelle encore Lucien Ginsburg, fils d'immigrants russes juifs forcé de porter l'étoile jaune ...

    Difficile d'expliquer pourquoi ce film au scénario pourtant imparfait m'a autant touchée et embarquée, séduite comme tant l'ont été par un Gainsbourg à l'apparence pourtant si fragile. Sans doute cette fameuse magie du cinéma. Certainement aussi l'interprétation incroyable d'Eric Elmosnino qui ne singe pas Gainsbourg mais s'approprie magistralement sa personnalité, sa gestuelle, son mélange d'audace et de fragilité touchantes. Certainement cette photographie d'une beauté redoutable. Ces scènes qui exhalent le charme provocateur de Gainsbourg. L'éclat troublant et sensuel du couple qu'il forme avec Brigitte Bardot (Laetitia Casta qui, pour ceux qui en doutaient encore, montre à quel point elle est une actrice extraordinaire empruntant même les intonations si particulières de Bardot ) ou avec Jane Birkin (Lucy Gordon, lumineuse qui chante « Le Canari est sur le balcon », chanson tristement prémonitoire -l'actrice s'est récemment suicidée- ). Sans doute encore la force intemporelle de chansons qui ont accompagné des périodes de mon existence comme pour tant d'autres, et la force émotionnelle des réminiscences qu'elles suscitent...

    Un film en apparence désordonné et confus comme émergeant des volutes de fumée et des vapeurs d'alcool indissociables de Gainsbourg. Joann Sfar brûle ainsi les étapes de son film comme Gainsbourg le faisait avec sa vie, ce qui aurait pu apparaître comme une faille scénaristique devient alors une trouvaille. Les scènes phares de son existence amoureuse et artistique deviennent alors autant de tableaux de l'existence de celui qui était d'abord destiné à la peinture. Les décors, de l'appartement de Dali à celui de la rue de Verneuil, sont poétiquement retranscrits, entre la réalité et le conte. « Ce ne sont pas les vérités de Gainsbourg qui m'intéressent mais ses mensonges » précise Joann Sfar. Tant mieux parce que les mensonges en disent finalement certainement davantage sur la vérité de son être.

    Sans tomber dans la psychologie de comptoir, par touches subtiles, Sfar illustre comment ses blessures d'enfant portant l'étoile jaune intériorisées expliquent sa recherche perpétuelle de reconnaissance d'un pays qui l'a parfois mal compris et quand même adopté, qu'il provoquait finalement par amour (notamment avec sa fameuse "Marseillaise"). Comment Gainsbourg est toujours resté ce Lucien Ginsburg, éternel enfant rebelle.

    Le risque était aussi de faire chanter les comédiens avec leurs propres voix, une réussite et puis évidemment il y a la musique et les textes de Gainsbourg, génie intemporel, poète provocateur d'une sombre élégance. Paris audacieux et gagnés pour ce premier film prometteur.

    Si comme moi vous aimiez Gainsbourg l'insoumis, ses textes et ses musiques, vous retrouverez avec plaisir son univers musical, et dans le cas contraire nul doute que ce conte vous emportera dans la magie poétique et captivante de cette vie héroïque.

  • Critique de UN CHÂTEAU EN ITALIE de Valeria Bruni Tedeschi à 20H45 ce 19 novembre 2015 sur Ciné + Club

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    Pourquoi ce film en compétition de ce 66ème Festival de Cannes est-il passé inaperçu ? Mystère. Ce fut pour moi un des coups de cœur de cette édition.

    Louise (interprétée par la réalisatrice Valeria Bruni Tedeschi dont c’est ici la troisième réalisation) rencontre Nathan (Louis Garrel) par hasard, dans une forêt. Comme le début d’un conte. Une bonne décennie les sépare. La princesse n’a pas perdu sa chaussure mais son chapelet. Il est acteur. Il veut arrêter. Elle est actrice. Elle a tout arrêté des années auparavant.  Un autre hasard.  Sauf que la « princesse » a un frère mourant, est seul, et sans l’enfant qu’elle désire par-dessus tout (ou qu’on lui fait désirer par-dessus tout) et elle possède un « château en Italie » dont elle va devoir se séparer…

    Derrière un humour parfois cruel, caustique, derrière un film et des personnages tourbillonnants se dissimulent une renversante mélancolie et des sujets graves. Une pluralité de tons et un film contrasté, écartelé comme le personnage principal entre  un monde qui se délite, s’achève et un nouvel amour, un nouvel élan.

    Comme dans un film de Visconti, Valeria Bruni Tedeschi nous parle d’un monde en déliquescence, celui d’une grande famille de la bourgeoisie industrielle italienne. Comme dans un film de Fellini, l’exubérance et la folie masquent la tristesse et la tragédie. Sélectionné en compétition officielle du Festival de Cannes comme film français, les références cinématographiques y sont donc avant tout italiennes même si Valeria Bruni Tedeschi déploie ici un talent et un univers qui n’appartiennent qu’à elle.

    Le film est jalonné de scènes d’anthologie de tonalités très différentes. La rencontre entre Louise et Nathan, pleine de charme et de maladresse, drôle, tendre et décalée. Le mariage à l’hôpital où la vie côtoie la mort, scène pleine de tendresse et de tragédie, de douceur et de douleur. Ou des scènes carrément burlesques qui permettent d’évacuer la souffrance et la solitude dont sont entourés les personnages, en particulier Louise.

     Le scénario d « Un Château en Italie » a été écrit par trois femmes : Valeria Bruni Tedeschi, Noémie Lvovsky et Agnès de Sacy. Chacune a apporté son expérience, son vécu au scénario qui, s’il est certes très inspiré de la vie de Valeria Bruni-Tedeschi (la mort du frère du Sida, comme le propre frère de la réalisatrice à qui le film est dédié, le rôle de sa mère interprété par sa propre mère, le château en Italie du film qui fut le leur, Louis Garrel son ancien compagnon dans la vie …), est loin d’épargner le personnage qu’elle incarne, snob, cassante, égoïste qui se donne bonne conscience en donnant aux plus démunis (qu’elle n’épargne d’ailleurs pas non plus).

    Des premiers rôles à ceux plus secondaires, ils sont tous réellement excellents sans parler de la royale apparition d’Omar Sharif. Symbole de la beauté éphémère de l’instant malgré la mort qui rôde. Xavier Beauvois est également parfait dans le rôle d’un personnage cruel qui heurte et réveille sans oublier la belle-mère excentrique (Marie Rivière) et Louis Garrel délicieusement désinvolte, décalé, égocentrique. Sans oublier Marisa Borini, la propre mère de la réalisatrice qui semble avoir joué toute sa vie et Filippo Timi, dans le rôle du frère malade. Princier. Aérien.

    La musique, classique, italienne, sérieuse, dramatique, légère, accompagne les changements de tons du film ou parfois au contraire est judicieusement dissonante et nous fait passer de l’entrain à la tristesse en un quart de seconde, servant de liant aussi à un scénario qui pourrait apparaître décousu, ou trop jalonné de hasards et coïncidences, mais qui finalement reflète l’inénarrable méli-mélo d’émotions qu’est la vie.

     Un film riche de son humour noir, de sa fantaisie salutaire qui permet d’affronter cette histoire de deuils ( de l’enfance, du passé, des personnes aimées, de certains rêves et espoirs), comme un exutoire aux nôtres. Un film vibrant, vivant, lucide, cruel, drôle, tendre, plein de charme, parsemé d’instants de grâce. Un film tourbillonnant qui ne rentre pas dans les codes, singulier, qui mêle le burlesque, la tragédie et l’amour de la vie. Un film où l’amour et le rire dansent constamment avec la mort et les larmes. La lucidité et la cruauté finalement comme un masque pudique sur la douleur. Un film plein de vie qui s’achève en mêlant la beauté légère et joyeuse d’un nouvel élan et la cruauté douloureuse et déchirante d’un déracinement. Un film qui fait du bien, et que je vous recommande.

  • Critique de THE IMMIGRANT de James Gray ce 19 novembre 2015 à 20H45 sur Ciné + Emotion

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    Projeté en compétition officielle du 66ème Festival de Cannes, The Immigrant de James Gray décidément à l’honneur cette année-là puisqu’il est aussi le coscénariste de  "Blood ties" réalisé par Guillaume Canet (également présenté à Cannes) est, seulement, le cinquième long-métrage du cinéaste américain ( après Little Odessa, The Yards, La Nuit nous appartient, Two lovers) et nous avons bien du mal à le croire tant chacun de ses films précédents était déjà maîtrisé, et James Gray comptant, déjà, comme un des plus grands cinéastes américains contemporains. The Immigrant a apparemment déçu bon nombre de ses admirateurs alors que, au contraire, c’est à mon sens son film le plus abouti, derrière son apparente simplicité. Il s’agit en effet de son film le plus sobre, intimiste et épuré mais quelle maîtrise dans cette épure et sobriété!

    On y retrouve les thèmes chers au cinéaste: l’empreinte de la Russie, l’importance du lien fraternel, le pardon mais c’est aussi son film le plus personnel puisque sa famille d’origine russe est arrivée à Ellis Island, où débute l’histoire, en 1923.

    L’histoire est centrée sur le personnage féminin d’Ewa interprétée par Marion Cotillard. 1921. Ewa et sa sœur Magda quittent leur Pologne natale pour la terre promise, New York. Arrivées à Ellis Island, Magda, atteinte de tuberculose, est placée en quarantaine et Ewa, seule et désemparée, tombe dans les filets de Bruno, un souteneur sans scrupules. Pour sauver sa sœur, elle est prête à tous les sacrifices et se livre, résignée, à la prostitution.  L’arrivée d’Orlando (Jeremy Renner), illusionniste et cousin de Bruno (Joaquin Phoenix), lui redonne confiance et l’espoir de jours meilleurs. Mais c’est sans compter sur la jalousie de Bruno…

    James Gray a écrit le rôle en pensant à Marion Cotillard (très juste et qui aurait mérité un prix d’interprétation) qui ressemble ici à une actrice du temps du cinéma muet, au visage triste et expressif. The Immigrant est ainsi un mélo assumé qui repose sur le sacrifice de son héroïne qui va devoir accomplir un véritable chemin de croix pour (peut-être…) accéder à la liberté et faire libérer sa sœur. Les personnages masculins, les deux cousins ennemis, sont  en arrière-plan, notamment Orlando. Quant à Bruno interprété par l’acteur fétiche de James Gray, Joaquin Phoenix, c’est un personnage complexe et mystérieux qui prendra toute son ampleur au dénouement et montrera aussi à quel point le cinéma de James Gray derrière un apparent manichéisme est particulièrement nuancé et subtil.

    Le tout est sublimé par la photographie de Darius Khondji (qui avait d’ailleurs signé la photographie de la palme d’or du Festival de Cannes 2012, Amour de Michael Haneke) grâce à laquelle certains plans sont d’une beauté mystique à couper le souffle.

    James Gray a par ailleurs tourné à Ellis Island, sur les lieux où des millions d’immigrés ont débarqué de 1892 à 1924, leur rendant hommage et, ainsi, à ceux qui se battent, aujourd’hui encore, pour fuir des conditions de vie difficiles, au péril de leur vie. C’est de dos qu’apparaît pour eux la statue de la liberté au début du film. C’est en effet la face sombre de cette liberté qu’ils vont découvrir, James Gray ne nous laissant d’ailleurs presque jamais entrevoir la lumière du jour. Si le film est situé dans les années 1920, il n’en est pas moins intemporel et universel. Une universalité et intemporalité qui, en plus de ses très nombreuses qualités visuelles, ne lui ont pas permis de figurer au palmarès cannois auquel il aurait mérité d’accéder.

    Tout comme dans La Nuit nous appartient qui en apparence opposait les bons et les méchants, l’ordre et le désordre, la loi et l’illégalité, et semblait au départ très manichéen, dans lequel le personnage principal était écartelé,  allait évoluer,  passer de l’ombre à la lumière, ou plutôt d’un univers obscur où régnait la lumière à un univers normalement plus lumineux dominé par des couleurs sombres, ici aussi le personnage de Bruno au cœur qui a « le goût du poison », incarne toute cette complexité, et le film baigné principalement dans des couleurs sombres, ira vers la lumière. Un plan, magistral, qui montre son visage à demi dans la pénombre sur laquelle la lumière l’emporte peu à peu, tandis qu’Ewa se confesse, est ici aussi prémonitoire de l’évolution du personnage. L’intérêt de Two lovers  provenait avant tout des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses. C’est aussi le cas ici même si le thème du film et la photographie apportent encore une dimension supplémentaire. James Gray s’est inspiré des photos « quadrichromes » du début du XXe  siècle, des tableaux qui mettent en scène le monde interlope des théâtres de variétés de Manhattan. Il cite aussi comme référence Le Journal d’un curé de campagne, de Robert Bresson.

    James Gray parvient, comme avec Two lovers, à faire d’une histoire a priori simple un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante et lancinante qui nous envahit peu à peu et dont la force ravageuse explose au dernier plan et qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin. Longtemps après, en effet, j’ai été  éblouie par la noirceur de ce film, une noirceur de laquelle émerge une lueur de clarté sublimée par une admirable simplicité et maitrise des contrastes sans parler du dernier plan, somptueux, qui résume toute la richesse et la dualité du cinéma de James Gray et de ce film en particulier.

     

  • Critique - LES LYONNAIS de Olivier Marchal à 20H45 sur 13ème rue ce jeudi 19 novembre 2015

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    Avec ce quatrième long-métrage après « Gangsters », « 36 Quai des Orfèvres » et « MR 73 », Olivier Marchal continue d’ausculter le milieu qu’il connaît le mieux, celui des « flics et voyous ». Si le cinéma policier a donné la majorité de ses plus grands films dans les années 1970, (« Le Cercle rouge » de Jean-Pierre Melville, « Max et les ferrailleurs » de Claude Sautet, « Police Python 357 » d’Alain Corneau…), c’est aussi la décennie symbolique des gangs comme celui des Lyonnais dont Olivier Marchal retrace le parcours, suite à la lecture d’ « Une poignée de cerises », l’autobiographie d’Edmond Vidal, un des fondateurs du « Gang des Lyonnais » et suite à sa rencontre avec ce dernier, même s’il s’en est inspiré de manière très libre puisque le livre s’arrête en 1977 alors que le film se poursuit de nos jours. En pleine affaire Neyret (le commissaire qui a même inspiré un des personnages du film), le film d’Olivier Marchal est rattrapé par l’actualité…

    Edmond Vidal, dit Momon,  fondateur du Gang des Lyonnais, c’est ici Gérard Lanvin qui, à l’approche de la soixantaine, s’est retiré des « affaires » pour s’occuper de sa femme Janou (Valeria Cavalli) qui a beaucoup souffert desdites affaires et a même fait de la prison pour lui, et pour s’occuper de ses petits enfants. Au contraire de ce dernier, Serge Suttel (Tchéky Karyo), l’ami d’enfance, avec qui il avait fait ses premiers mois de prison (pour le vol d’une caisse de cerises) et fondé le Gang des Lyonnais qui, lui, est en cavale depuis plusieurs années, et qui se fait enfin arrêter. Edmond Vidal va devoir choisir entre la promesse faîte à sa femme de ne plus reprendre « les affaires » et la loyauté envers son ami…avec qui il s’était fait connaître pour leurs braquages dans les années 1970, une série de braquages qui avait pris fin en 1974 lors d’une arrestation spectaculaire. Mais pour Momon, l’amitié prime sur tout…et surtout en vertu fameux code de l’honneur…qui veut qu’on ne laisse pas un ami en prison…

    Olivier Marchal a deux principaux atouts : bien connaître le milieu dont il parle (ce qui n’est par ailleurs guère rassurant quand on voit le portrait de la police qu’il fait ici ou dans ses autres films) et dans lequel il nous plonge et dont il nous montre une nouvelle facette à chaque  nouveau long-métrage, et savoir habilement manier les codes du récit et du polar. En commençant par la fin et nous laissant entendre que Vidal se fera tuer, il crée d’emblée un suspense qui fera un peu défaut au reste du long-métrage mais là semble ne pas avoir été l’objectif principal de Marchal qui ici cherche plutôt à retracer un parcours et une époque : le parcours d’un homme face à ses principes et ses illusions perdues et  une époque qu’il regarde avec une étrange nostalgie. Nostalgie d’un temps où un policier pouvait interroger un voyou venant d’être arrêté au restaurant avec la promesse de ce dernier de ne pas s’enfuir selon le fameux code d’honneur. « Etrange » nostalgie car Marchal semble avoir plus de fascination pour les voyous que les flics auxquels il appartenait et dont il montre ici les méthodes pour le moins douteuses. Nostalgie parce que si Le Gang des Lyonnais s’était aussi fait connaître pour réaliser des braquages sans jamais verser de sang, cette époque est  bien révolue. Le choix de Marchal du flashback avec le parallèle entre la jeunesse de Vidal (style sépia à l’appui) et le présent, permet aussi de mettre l’accent sur ce décalage. Désormais on n’hésite plus à tuer à bout portant, hommes et femmes, ni à égorger hommes et animaux.

    Le personnage de Vidal, le Gitan victime d’ostracisme qui devient chef de gang, dont les « principes » sont tellement contradictoires avec le mode de vie pour lequel, encore une fois, Marchal semble éprouver une vraie fascination, est sans doute le véritable intérêt du film, seulement Gérard Lanvin, s’il ne joue pas mal, semble ne pas totalement convenir au rôle, écrit au départ pour Alain Delon dont l’ombre semble planer sur tout le film. Voix, gestuelle, coiffure même, Lanvin semble être ici l’ombre un peu terne de Delon qui aurait en effet été impeccable dans ce rôle (et qui officiellement l’a laissé pour un différend concernant l’écriture du scénario et des raisons d’emploi du temps). On peut aisément comprendre qu’il ait été tenté par ce rôle de Parrain en voie de rédemption rattrapé par le passé, lequel Parrain semble avoir d’ailleurs beaucoup inspiré Marchal, de la scène d’anniversaire qui rappelle celle du mariage au début du film de Coppola à certaines méthodes qui rappellent celles des Corleone (Depardieu était déjà filmé en « Parrain » dans « 36 quai des orfèvres »). Mais on peut aussi comprendre ce qui a pu le rebuter et ce qui ne figurait jamais dans les films de Melville qu’il a contribué à immortaliser : une violence parfois excessive (le film est interdit aux moins de 12 ans).  Dans un souci peut-être de réalisme, et sans doute influencé par le cinéma américain, Marchal use et abuse des scènes de fusillades ou tortures qui pour moi au lieu de faire avancer l’histoire la freinent. C’est aussi ce qui m’avait dérangée dans le « Mesrine » de Richet dans lequel ce dernier était présenté comme un héros.

    « Le Gang des Lyonnais » c’est aussi la radiographie d’une époque, avec notamment les liens troubles entre le SAC et le gang.  Marchal est aussi l’auteur de la série « Braquo », dans « Le Gang des Lyonnais » figurent ainsi tous les éléments pour une série, et peut-être le format du long-métrage était-il trop étroit pour retracer tant d’évènements (les braquages sont ainsi à peine montrés).

    D’un point de vue purement cinématographique, « Le Gang des Lyonnais » est néanmoins une réussite : des acteurs talentueux (mais quelle idée d’avoir choisi Dimitri Storoge pour interpréter Lanvin jeune, il ne lui ressemble vraiment pas du tout) avec de vrais gueules de truands que Marchal semble avoir beaucoup de plaisir à filmer (Daniel Duval, Lionnel Astier, François Levantal…), une construction scénaristique habile et maîtrisée (ce qui n’exclut pas l’ennui et quelques baisses de rythme), une réalisation qui ne manque pas d’ampleur,  et un dénouement, désenchanté et mélancolique, réussi.

    De films en films, Olivier Marchal impose son style bien à lui, un singulier mélange d’âpreté, de réalisme désabusé et de sentimentalité exacerbée avec des hommes qui perdent leurs illusions, dessinant une frontière très floue entre les flics et les voyous, loin de tout manichéisme, avec le souci de montrer une nouvelle facette du banditisme ou de la police, mais aussi toujours avec une musique omniprésente, des acteurs charismatiques, de vraies « gueules » (Demongeot, Anconina, Depardieu hier)  pour renouer avec la grande époque des polars, et un dénouement toujours réussi qui laisse une empreinte forte au spectateur. Olivier Marchal a l’avantage d’être aujourd’hui le seul dans ce genre de film et film de (ce) genre en France (« A bout portant » de Fred Cavayé n’ayant pas tenu les belles promesses de « Pour elle »), même si j’avais largement préféré « Gangsters » et « 36 quai des Orfèvres » que je vous recommande de (re)voir (avec une préférence pour le premier).

  • Critique de RAPT de Lucas Belvaux à 20H50 sur France 3 ce jeudi 19 novembre 2015

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    Stanislas Graff est un homme d'industrie à qui, en apparence, tout réussit jusqu'à ce qu'il soit enlevé par un  groupe de truands sans scrupules. Débute alors pour lui un calvaire qui va durer plusieurs semaines. Pour persuader son entourage de payer, ses ravisseurs lui coupent un doigt qu'ils envoient à ses proches. Pendant qu'il est coupé du monde et humilié, la presse fait de nombreuses révélations sur ses pertes au jeu, sur ses nombreuses maîtresses, sur sa double vie. Sa femme (Anne Consigny), sa mère (Françoise Fabian) et ses deux filles découvrent par la même occasion sa face cachée...

    A certains égards, « Rapt » me rappelle  « Monsieur Klein » de Joseph Losey, dans sa négation de l'humanité et de l'identité d'un homme, dans son analyse de la barbarie, de l'inhumanité,  d'un fascisme latent.

    Lucas Belvaux, en quelques plans frénétiques et vertigineux, nous présente d'abord Stanislas Graff dans son statut d'homme d'industrie, homme de pouvoir, sûr de lui, pressé, respecté, ami des puissants, quelque peu arrogant même. Rien qui ne nous le rende éminemment sympathique ni totalement antipathique. Et puis c'est l'enlèvement, la descente aux enfers. L'homme est condamné à être enchaîné, à genoux, pire qu'un animal, amputé, humilié. Lui qui surplombait Paris de son appartement et le regardait de sa hauteur d'homme de pouvoir devant lequel on se courbe est courbé à son tour et n'a même plus le droit de lever les yeux condamné à l'obscurité et au silence. Ses bourreaux n'ont aucune pitié, uniquement guidés par l'appât du gain et la haine envers cet homme qui représente un statut auquel ils souhaitent accéder. Par tous les moyens. Même les plus vils et barbares.  Lucas Belvaux a eu l'intelligence de ne jamais les rendre sympathiques, mais de stigmatiser au contraire leur goût du pouvoir et de la violence. Et lorsque la conversation de l'un de ses bourreaux se fait sur un ton presque léger avec un accent marseillais chantant, la cruauté n'en est que plus insidieuse quand, en parlant sur un ton faussement badin et d'autant plus exaspérant, il lui remet les chaînes autour du cou.

    La réalisation, intelligemment elliptique, glaciale et glaçante, accompagne aussi bien les scènes de Stanislas avec ses ravisseurs que celles de sa famille, des avocats, de la police plus soucieux de préserver leurs intérêts que de réellement le sauver. Stanislas va devenir l'objet d'une lutte de pouvoirs acharnée. Entre la police et son avocat. Entre son entreprise et sa famille. Entre son épouse et sa mère.

    Là où le film était intéressant dans ses trois premiers quarts, il se révèle brillant et d'une cruauté ineffable dans ses dernières minutes. Libéré, Stanislas se heurte à un mur de froideur et d'incompréhension. Pas une marque d'affection ou de tendresse si ce n'est de la part de son chien à qui son apparence est bien égale ( ironie du sort pour lui qui a été réduit à l'animalité) sinon des reproches sur sa vie passée comme si cela justifiait, voire excusait, la barbarie dont il a été victime dans le regard des médias, de ses collaborateurs, et même de sa famille pour qui il n'a finalement été qu'un enjeu d'argent.

    L'image l'emporte sur la réalité des faits. Celle que les médias ont forgé  confondant fonds propres et chiffres d'affaires, confondant vie dissolue d'un homme et barbarie dont il est victime, comme si la première justifiait la seconde. Ces médias qui passent d'un sujet à l'autre, lunatiques, amnésiques, un drame en chassant un autre. La dignité avec laquelle il fait face alors qu'il a tout perdu et que sa libération s'avère être une autre forme de captivité (prisonnier de son image) le rend encore plus bouleversant, piétiné alors qu'il est à terre.

    Yvan Attal est ainsi absolument parfait du début à la fin mais encore plus dans les dernières minutes, visage émacié, méconnaissable mais digne et faisant face.

    Cette histoire inspirée de l'affaire du Baron Empain qui eut lieu en 1978 a été transposée de nos jours avec évocation de stock options et de parachutes dorés de rigueur, ce qui renforce le sentiment de malaise et de vraisemblance.

    Le dernier plan, d'une austérité angoissante, montre l'homme dans toute sa solitude, sans même une lueur d'espoir, plongé dans  un cauchemar inextricable. Un film d'une noirceur et d'une froideur rares mais judicieuses qui, du premier plan au dernier, nous tient en haleine malgré sa noirceur et sa violence psychologique suffocantes (mais toujours au service du propos). Le jeu irréprochable et subtilement froid des acteurs secondaires (délibérément hiératiques) contribue aussi à cette réussite.  Un (excellent) film particulièrement intense dont on ressort avec une forte impression qui nous accompagne bien longtemps après le générique, tout comme nous compagne longtemps ce regard d'Yvan Attal, blessé mais debout, seul mais digne. Poignant.

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