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télévision - Page 10

  • Critique de BLACK SWAN de Darren Aronofsky sur France 4 à 20H50

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    Ce soir, à 20H50, sur France 4, ne manquez pas ce tourbillon fiévreux dont vous ne ressortirez pas indemnes.

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    Nina (Natalie Portman) est ballerine au sein du très prestigieux New York City Ballet. Elle (dé)voue sa vie à la danse et partage son existence entre la danse et sa vie avec sa mère Erica (Barbara Hershey), une ancienne danseuse. Lorsque Thomas Leroy (Vincent Cassel), le directeur artistique de la troupe, décide de remplacer la danseuse étoile Beth Mcintyre (Winona Ryder) pour leur nouveau spectacle « Le Lac des cygnes », Nina se bat pour obtenir le rôle. Le choix de Thomas s’oriente vers Nina même si une autre danseuse, Lily, l’impressionne également beaucoup, Nina aussi sur qui elle exerce à la fois répulsion et fascination.  Pour « Le Lac des cygnes », il faut  une danseuse qui puisse jouer le Cygne blanc, symbole d’innocence et de grâce, et le Cygne noir, qui symbolise la ruse et la sensualité. Nina en plus de l’incarner EST le cygne blanc mais le cygne noir va peu à peu déteindre sur elle et révéler sa face la plus sombre.

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     « Black swan » n’est pas forcément un film d’emblée aimable (ce qui, pour moi, est une grande qualité quand les synopsis des films ressemblent trop souvent à des arguments marketing) : il se confond ainsi avec son sujet, exerçant tout d’abord sur le spectateur un mélange de répulsion et de fascination, entrelaçant le noir et le blanc, la lumière (de la scène ou de la beauté du spectacle, celle du jour étant quasiment absente) et l’obscurité, le vice et l’innocence mais le talent de cinéaste d’Aronofsky, rusé comme un cygne noir, et de son interprète principale, sont tels que vous êtes peu à peu happés, le souffle suspendu comme devant un pas de danse époustouflant.

    « Black swan » à l’image de l’histoire qu’il conte (le verbe conter n’est d’ailleurs pas ici innocent puisqu’il s’agit ici d’un conte, certes funèbre) est un film gigogne, double et même multiple. Jeu de miroirs entre le ballet que Thomas met en scène et le ballet cinématographique d’Aronofsky. Entre le rôle de Nina dans le lac des cygnes et son existence personnelle. Les personnages sont ainsi à la fois doubles et duals : Nina que sa quête de perfection aliène mais aussi sa mère qui la pousse et la jalouse tout à la fois ou encore Thomas pour qui, tel un Machiavel de l’art, la fin justifie les moyens.

     Aronofsky ne nous « conte » donc pas une seule histoire mais plusieurs histoires dont le but est une quête d’un idéal de beauté et de perfection. La quête de perfection obsessionnelle pour laquelle Nina se donne corps et âme et se consume jusqu’à l’apothéose qui, là encore, se confond avec le film qui s’achève sur un final déchirant de beauté violente et vertigineuse, saisissant d’émotion.

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    Par une sorte de mise en abyme, le combat (qui rappelle celui de « The Wrestler ») de Nina est aussi celui du cinéaste qui nous embarque dans cette danse obscure et majestueuse, dans son art (cinématographique) qui dévore et illumine (certes de sa noirceur) l’écran comme la danse et son rôle dévorent Nina. L’art, du cinéma ou du ballet, qui nécessite l'un et l'autre des sacrifices. Le fond et la forme s’enlacent alors pour donner cette fin enivrante d’une force poignante à l’image du combat que se livrent la maîtrise et l’abandon, l’innocence et le vice.

    Quel talent fallait-il pour se montrer à la hauteur de la musique de Tchaïkovski (qui décidément inspire ces derniers temps les plus belles scènes du cinéma après « Des hommes et des dieux ») pour nous faire oublier que nous sommes au cinéma, dans une sorte de confusion fascinante entre les deux spectacles, entre le ballet cinématographique et celui dans lequel joue Nina. Confusion encore, cette fois d’une ironie cruelle, entre l'actrice Winona Ryder et son rôle de danseuse qui a fait son temps.  Tout comme, aussi, Nina confond sa réalité et la réalité, l’art sur scène et sur l’écran se confondent et brouillent brillamment nos repères. Cinéma et danse perdent leur identité pour en former une nouvelle. Tout comme aussi la musique de Clint Mansell se mêle à celle de Tchaïkovski pour forger une nouvelle identité musicale.

    La caméra à l’épaule nous propulse dans ce voyage intérieur au plus près de Nina et nous emporte dans son tourbillon. L’art va révéler une nouvelle Nina, la faire grandir, mais surtout réveiller ses (res)sentiments et transformer la petite fille vêtue de rose et de blanc en un vrai cygne noir incarné par une Natalie Portman absolument incroyable, successivement touchante et effrayante, innocente et sensuelle, qui réalise là non seulement une véritable prouesse physique (surtout sachant qu’elle a réalisé 90% des scènes dansées !) mais surtout la prouesse d’incarner deux personnes (au moins...) en une seule et qui mérite indéniablement un Oscar.

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     Un film aux multiples reflets et d’une beauté folle, au propre comme au figuré, grâce à la virtuosité de la mise en scène et de l’interprétation et d’un jeu de miroirs et mise(s) en abyme. Une expérience sensorielle, une danse funèbre et lyrique, un conte obscur redoutablement grisant et fascinant, sensuel et oppressant dont la beauté hypnotique nous fait perdre (à nous aussi) un instant le contact avec la réalité pour atteindre la grâce et le vertige.

    Plus qu’un film, une expérience à voir et à vivre impérativement (et qui en cela m’a fait penser à un film certes a priori très différent mais similaire dans ses effets : « L’Enfer » d’Henri-Georges Clouzot) et à côté duquel le « Somewhere » de Sofia Coppola qui lui a ravi le lion d’or à Venise apparaît pourtant bien fade et consensuel...

     

     

     

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  • Critique de UN BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE de Rithy Panh, ce soir, à 20H45, sur France Ô

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    Indochine, 1931. Dans le Golfe du Siam, au bord de l’Océan Pacifique, une mère (jamais nommée car vivant par, pour, à travers ses enfants, incarnée par Isabelle Huppert) survit tant bien que mal avec ses deux enfants, Joseph (20 ans) –Gaspard Ulliel- et Suzanne (16 ans)-Astrid Bergès-Frisbey-, qu’elle voit grandir et dont elle sait le départ inéluctable. Abusée par l’administration coloniale, elle a investi toutes ses économies dans une terre régulièrement inondée, donc incultivable. Se battant contre les bureaucrates corrompus qui l’ont escroquée, et qui menacent à présent de l’expulser, elle met toute son énergie dans un projet fou : construire un barrage contre la mer avec l’aide des paysans du village.  Alors que la mère est ruinée et obsédée par son entreprise arrive le mystérieux M.Jo (Randal Douc), fils d’un riche homme d’affaires chinois qui s’éprend de Suzanne. La famille va tenter d’en tirer profit.

    Difficile d’adapter au cinéma Marguerite Duras (« Un barrage contre le Pacifique » est son premier roman paru au printemps 1950, adapté de son enfance coloniale, tout comme « L’Amant ») quand on sait qu’elle était tellement mécontente de l’adaptation de « L’amant » par Jean-Jacques Annaud dont, malade, elle n’a pu suivre la fin de l’élaboration du scénario qu’en guise de revanche elle en a sorti sa propre version scénaristique. « Un barrage contre le Pacifique » est certainement très différent d’un film réalisé par Marguerite Duras, éloigné de son style expérimental  notamment basé sur le décalage entre l’image et le son comme elle les affectionnait, comme ce qu’elle mit en œuvre dans ses propres films. Aurait-elle renié cette adaptation-ci ? Pas sûr…

    Difficile aussi en raison de son style littéraire difficilement adaptable même si « Un barrage contre le Pacifique » est certainement le plus classique de ses romans (d’ailleurs déjà adapté au cinéma, en 1958, par René Clément, sous le titre « Barrage contre le Pacifique ») , ce qui explique aussi le classicisme que certains ont reproché au film de Rithy Panh, un film dans lequel, pourtant, le délitement du temps, le refus de tout spectaculaire et de toute dramatisation auxquels le sujet se prêtait si bien ne sont d’ailleurs pas si académiques. Un cinéaste qui laisse le temps au temps, laisse aussi le soin au spectateur de remplir les ellipses et les non dits : voilà qui est plutôt destiné à me plaire et je trouve que beaucoup de critiques ont été bien injustes.

    La lenteur, ce refus de la grandiloquence et donc la forme reflètent judicieusement la fin des illusions de la mère qui expire finalement tout au long du film. Ce qu’on lui a reproché aussi, sans doutes, c’est de filmer avec distance et donc sans passions des sentiments passionnels et extrêmes (l’amour, la passion, le désir, l’injustice, la mort, le mensonge, la violence…), mais c’est là justement, dans ce décalage, que réside tout l’intérêt du film et l’univers que lui a apporté Rithy Panh.

     Filmé tout en douceur malgré la violence des sentiments, en lenteur, en simplicité malgré l’ambiguïté des personnages,  le film de Rithy Panh nous imprègne progressivement, sans fracas mais peut-être avec d’autant plus de force comme cette révolte contre le colonialisme qui s’empare progressivement de la mère.

    Et puis il y a les paysages, la nature récalcitrante et sauvage que Rithy Panh n’enjolive pas mais filme dans sa beauté brute et d'autant plus fascinante.

    Isabelle Huppert incarne merveilleusement cette femme aride comme la terre qu’elle tente vainement d’exploiter, provocatrice et indomptable, qui aime un peu trop son fils, qui rudoie un peu trop sa fille avec lesquels elle entretient des rapports plus qu’ambigus à l’image de ceux de Suzanne avec le troublant et ambivalent M.Jo, ce qui donne à l’ensemble une opacité salutaire dans un cinéma qui veut de plus en plus aller à l’essentiel (et d’ailleurs l’oubliant et le niant ainsi).  Un film à la fois simple et hermétique comme un livre de Duras.

    Gaspard Ulliel et Astrid Berges-Frisbey, quant à eux, manient savamment force et douceur, innocence et sensualité et sont aussi pour beaucoup dans la réussite de ce film que, vous l’aurez compris, In the mood for cinema vous recommande.

     « Un Barrage contre le Pacifique » a été présenté au Festival de Rome 2008.

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  • Critique LE SAMOURAÏ de Jean-Pierre Melville avec Alain Delon, ce 30 septembre 2013, à 20H50, sur Arte

     

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    Il était évidemment impossible que je ne vous parle pas de la diffusion du « Samouraï » d’abord parce que c’est un des films à l’origine de ma passion pour le cinéma qui s’est au départ et dès l’enfance nourrie surtout de cinéma policier, ensuite parce que c’est un chef d’œuvre du maître du cinéma policier et accessoirement un de mes cinéastes de prédilection, Jean-Pierre Melville, et enfin parce que c’est un des meilleurs rôles d’Alain Delon qui incarne et a immortalisé le glacial, élégant et solitaire Jef Costello tout comme il immortalisa Tancrède, Roch Siffredi, Corey, Robert Klein, Roger Sartet, Gino dans les films de Clément, Deray, Visconti, Verneuil, Losey, Giovanni. Si je ne devais vous recommander qu’un seul polar, ce serait sans doute celui-ci…

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    Jef Costello est un tueur à gages dont le dernier contrat consiste à tuer le patron d’une boîte de jazz, Martey. Il s’arrange pour que sa maîtresse, Jane (Nathalie Delon), dise qu’il était avec elle au moment du meurtre. Seule la pianiste de la boîte, Valérie (Cathy Rosier) voit clairement son visage. Seulement, lorsqu’elle est convoquée avec tous les autres clients et employés de la boîte pour une confrontation, elle feint de ne pas le reconnaître… Pendant ce temps, on cherche à  tuer Jef Costello « le Samouraï » tandis que le commissaire (François Périer) est instinctivement persuadé de sa culpabilité qu’il souhaite prouver, à tout prix.

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    © Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

    Dès le premier plan, Melville parvient à nous captiver et plonger dans son atmosphère, celle d’un film hommage aux polars américains…mais aussi référence de bien des cinéastes comme Johnny To dans « Vengeance » dans lequel le personnage principal se prénomme d’ailleurs Francis Costello mais aussi Jim Jarmusch  dans « Ghost Dog, la voie du samouraï » sous oublier Michael Mann avec « Heat » , Quentin Tarantino  avec « Reservoir Dogs » ou encore John Woo dans « The Killer » et bien d’autres qui, plus ou moins implicitement, ont cité ce film de référence…et d’ailleurs très récemment le personnage de Ryan Gosling dans « Drive » présente de nombreuses similitudes avec Costello (même si Nicolas Winding Refn est très loin d’avoir le talent de Melville qui, bien que mettant souvent en scène des truands, ne faisait pas preuve de cette fascination pour la violence qui gâche la deuxième partie du film de Nicolas Winding Refn malgré sa réalisation hypnotique) de même que le personnage de Clooney dans « The American » de Anton Corbijn.

    Ce premier plan, c’est celui du Samouraï à peine perceptible, fumant, allongé sur son lit, à la droite de l’écran, dans une pièce morne dans laquelle le seul signe de vie est le pépiement d’un oiseau, un bouvreuil. La chambre, presque carcérale, est grisâtre, ascétique et spartiate avec en son centre la cage de l’oiseau, le seul signe d’humanité dans cette pièce morte (tout comme le commissaire Mattei interprété par Bourvil dans « Le Cercle rouge » a ses chats pour seuls amis).  Jef Costello est un homme presque invisible, même dans la sphère privée, comme son « métier » exige qu’il le soit. Le temps s’étire. Sur l’écran s’inscrit « Il n’y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï si ce n’est celle d’un tigre dans la jungle…peut-être… » ( une phrase censée provenir du « Bushido, le livre des Samouraï » et en fait inventée par Melville). Un début placé sous le sceau de la noirceur et de la fatalité comme celui du « Cercle rouge » au début duquel on peut lire la phrase suivante : « Çakyamuni le Solitaire, dit Siderta Gautama le Sage, dit le Bouddha, se saisit d’un morceau de craie rouge, traça un cercle et dit :  » Quand des hommes, même sils l’ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d’entre eux et ils peuvent suivre des chemins divergents, au jour dit, inéluctablement, ils seront réunis dans le cercle rouge (Rama Krishna) ».

    Puis, avec calme et froideur (manière dont il agira tout au long du film), Costello enfile sa « panoplie », trench-coat et chapeau, tandis que son regard bleu acier affronte son image élégante et glaciale dans le miroir. Le ton est donné, celui d’un hiératisme silencieux et captivant qui ne sied pas forcément à notre époque agitée et tonitruante. Ce chef d’œuvre (rappelons-le, de 1967) pourrait-il être tourné aujourd’hui ? Ce n’est malheureusement pas si certain…

    Pendant le premier quart d’heure du film, Costello va et vient, sans jamais s’exprimer, presque comme une ombre. Les dialogues sont d’ailleurs rares tout au long du film mais ils  ont la précision chirurgicale et glaciale des meurtres et des actes de Costello, et un rythme d’une justesse implacable : «  Je ne parle jamais à un homme qui tient une arme dans la main. C’est une règle ? Une habitude. » Avec la scène du cambriolage du « Cercle rouge » (25 minutes sans une phrase échangée), Melville confirmera son talent pour filmer le silence et le faire oublier par la force captivante de sa mise en scène. (N’oublions pas que son premier long-métrage fut « Le silence de la mer »).

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    © Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

    La mise en scène de Melville est un modèle du genre, très épurée (inspirée des estampes japonaises), mise en valeur par la magnifique photographie d’Henri Decae, entre rues grises et désertes, atmosphère grise du 36 quai des Orfèvres, passerelle métallique de la gare, couloirs gris, et l’atmosphère plus lumineuse de la boîte de jazz ou l’appartement de Jane. Il porte à la fois le polar à son paroxysme mais le révolutionne aussi, chaque acte de Costello étant d’une solennité dénuée de tout aspect spectaculaire.

    Le scénario sert magistralement la précision de la mise en scène avec ses personnages solitaires, voire anonymes. C’est ainsi « le commissaire », fantastique personnage de François Périer en  flic odieux prêt à tout pour satisfaire son instinct de chasseur de loup (Costello est ainsi comparé à un loup) aux méthodes parfois douteuses qui fait songer au « tous coupables » du « Cercle rouge ». C’est encore « La pianiste » (même si on connaît son prénom, Valérie) et Jane semble n’exister que par rapport à Costello et à travers lui dont on ne saura jamais s’il l’aime en retour. Personnages prisonniers d’une vie ou d’intérieurs qui les étouffent comme dans « Le cercle rouge ».

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    © Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

    Le plan du début et celui de la fin se répondent ainsi ingénieusement : deux solitudes qui se font face, deux atmosphères aussi, celle grisâtre de la chambre de Costello, celle, plus lumineuse, de la boîte de jazz mais finalement deux prisons auxquelles sont condamnés ces êtres solitaires qui se sont croisés l’espace d’un instant.  Une danse de regards avec la mort qui semble annoncée dès le premier plan, dès le titre et la phrase d’exergue. Une fin cruelle, magnifique, tragique (les spectateurs quittent d’ailleurs le « théâtre » du crime comme les spectateurs d’une pièce ou d’une tragédie) qui éclaire ce personnage si sombre qui se comporte alors comme un samouraï sans que l’on sache si c’est par sens du devoir, de l’honneur…ou par un sursaut d’humanité.

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    © Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

    Que ce soit dans « Le Doulos », « Le Deuxième souffle » et même dans une autre mesure « L’armée des ombres », on retrouve toujours chez Melville cet univers sombre et cruel, et ces personnages solitaires qui firent dirent à certains, à propos de « L’armée des ombres » qu’il réalisait un « film de gangsters sous couverture historique » … à moins que ses « films de gangsters » n’aient été à l’inverse le moyen d’évoquer cette idée de clandestinité qu’il avait connu sous la Résistance. Dans les  films précédant « L’armée des ombres » comme « Le Samouraï », Melville se serait donc abrité derrière des intrigues policières comme il s’abritait derrière ses indéfectibles lunettes, pour éviter de raconter ce qui lui était le plus intime : la fidélité à la parole donnée, les codes qui régissent les individus vivant en communauté. Comme dans « L’armée des ombres », dans « Le Samouraï » la claustrophobie psychique des personnages se reflète dans les lieux de l’action et est renforcée d’une part par le silence, le secret qui entoure cette action et d’autre part par les «couleurs », terme d’ailleurs inadéquat puisqu’elles sont ici aussi souvent proches du noir et blanc et de l’obscurité. Le film est en effet auréolé d’une lumière grisonnante, froide, lumière de la nuit, des rues éteintes, de ces autres ombres condamnées à la clandestinité pour agir.

    Evidemment, ce film ne serait sans doute pas devenu un chef d’œuvre sans la présence d’Alain Delon (que Melville retrouvera dans « Le Cercle rouge », en 1970, voir ma critique ici, puis dans « Un flic » en 1972) qui parvient à rendre attachant ce personnage de tueur à gages froid, mystérieux, silencieux, élégant dont le regard, l’espace d’un instant face à la pianiste, exprime une forme de détresse, de gratitude, de regret, de mélancolie pour ensuite redevenir sec et brutal. N’en reste pourtant que l’image d’un loup solitaire impassible d’une tristesse déchirante, un personnage quasiment irréel (Melville s’amuse d’ailleurs avec la vraisemblance comme lorsqu’il tire sans vraiment dégainer) transformant l’archétype de son personnage en mythe, celui du fameux héros melvillien. 

    Avec ce film noir, polar exemplaire, Meville a inventé un genre, le film melvillien avec ses personnages solitaires portés à leur paroxysme, un style épuré d’une beauté rigoureuse et froide et surtout il a donné à Alain Delon l’un de ses rôles les plus marquants, finalement peut-être pas si éloigné de ce samouraï charismatique, mystérieux, élégant et mélancolique au regard bleu acier, brutal et d’une tristesse presque attendrissante, et dont le seul vrai ami est un oiseau. Rôle en tout cas essentiel dans sa carrière que celui de ce Jef Costello auquel Delon lui-même fera un clin d’oeil dans « Le Battant ». Melville, Delon, Costello, trois noms devenus indissociables au-delà de la fiction.

    Sachez encore que le tournage se déroula dans les studios Jenner si chers à Melville, en 1967, des studios ravagés par un incendie…et dans lequel périt le bouvreuil du film. Les décors durent être reconstruits à la hâte dans les studios de Saint-Maurice.

    Édités par Pathé, le DVD restauré et le Blu-ray inédit du film « Le Samouraï » seront disponibles à partir du 7 décembre 2011. Les deux supports contiennent un sublime livret de 32 pages au cours desquelles le journaliste Jean-Baptiste Thoret raconte la genèse du film et nous livre une analyse complète de l’œuvre et de son influence dans le cinéma français et international. Les Bonus sont enrichis par des documents inédits : un documentaire « Melville-Delon : de l’honneur à la nuit » et le Journal Télévisé de 20h de 1967 qui diffuse un reportage sur le film. Vendue au prix de 19.99€ pour le DVD et 24.99€ pour le Blu-ray, cette réédition exceptionnelle est l’occasion de redécouvrir les couleurs magistrales de ce chef d’œuvre du cinéma policier.

    Je vous recommande aussi cette interview d’Alain Delon pendant le tournage de « Mélodie en sous-sol »  réalisée en 1963 dans laquelle apparaît toute sa détermination, son amour du métier…que je ne retrouve malheureusement pas chez beaucoup d’acteurs aujourd’hui.

     

     

     

  • Critique de IL Y A LONGTEMPS QUE JE T'AIME de Philippe Claudel, à 20H50, sur HD1, ce dimanche 23 septembre 2013

    Une peinture des âmes grises bouleversante

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    Le film s’ouvre sur le regard bleu et absent et glacial de Kristin Scott Thomas (Juliette), ce regard qui va nous happer dans les abysses de ses douleurs et ses secrets et ne plus nous lâcher jusqu’à la dernière seconde du film. Ses traits sont tirés, sa démarche maladroite, ses réactions sont brutales. Elle vient de sortir de prison après 15 ans d’enfermement. 15 années pendant lesquelles sa famille l’a rejetée. Sa jeune sœur, Léa (Elsa Zylberstein), vient la chercher pour l’héberger et l’accueillir chez elle auprès de son mari Luc (Serge Hazanavicius) et ses deux filles, adoptives (ce qui n’est évidemment pas anodin). L’une et l’autre vont alors reconstruire leur relation et reconstruire le passé, panser cette plaie à vif, ce gouffre béant. Juliette va devoir se faire « adopter ».

    78c6f923d22bbf6d767494e0cca2be92.jpgA la manière d’un tableau qui l’on jugerait rapidement, s’arrêtant à notre premier regard, vue d’ensemble imparfaite et simpliste et finalement rassurante dans nos certitudes illusoires, c’est d’abord le mal être, la violence des réactions de Juliette qui nous apparaît, filmée en plongée, si fragile, brisée par la vie, l’absence de vie. Le cinéaste distille les informations retenant judicieusement notre attention par cette soif de comprendre, accroissant notre curiosité pour cette femme aux contours de moins en moins flous mais de plus en plus complexes. On apprend ensuite qu’elle a commis l’impardonnable : elle a tué son enfant. Elle devrait être détestable mais l’humanité avec laquelle elle est filmée, son égarement, son mutisme obstiné sur les circonstances du drame, la violence des réactions qu’elle provoque suscitent notre empathie puis notre sympathie. « Crime et châtiment ». Dostoïevski. (Probablement le livre le plus cité au cinéma, non ? Ici, aussi.) Le tableau nous apparaît d’abord très noir. Et puis les nuances apparaissent peu à peu. Juliette « Raskolnikov » s’humanise. Nous voyons le monde à travers son regard : faussement compassionnel, un monde qui aime enfermer dans des cases, un monde qui juge sans nuances. Un monde dont Philippe Claudel, peintre des âmes grises (Juliette est d’ailleurs presque toujours vêtue de gris) et des souffrances enfouies, nous dépeint la cruauté et la fragilité avec acuité.

    123d0f153ac881bcd7bc96b0868d006a.jpgIl y a des films comme ça, rares, qui vous cueillent, vous embarquent, vous emprisonnent délicieusement dans leurs univers, douloureux et, puis, lumineux, dès la première seconde, pour ne plus vous lâcher. C’est le cas d’ « Il y a longtemps que je t’aime », premier film en tant que réalisateur de l’auteur des « Ames grises » (Prix Renaudot 2003 adapté par Yves Angelo) et du « Rapport de Brodeck » qui a également signé le scénario. La bienveillance de son regard sur ces âmes grises, blessées, insondables, parcourt tout le film. Tous ces personnages, libres en apparence, sont enfermés à leur manière : le grand-père muet à la suite de son accident cérébral est muré dans son silence, la mère de Juliette et Léa est enfermée dans son oubli après l’avoir été dans son aveuglement, le capitaine est enfermé dans sa solitude, Michel –Laurent Grévil- (un professeur qui enseigne dans la même faculté que Léa et qui va s’éprendre de Juliette) est enfermé dans ses livres, Léa est enfermée dans ce passé qu’on lui a volé, et Juliette est encore enfermée dans cette prison à laquelle on ne cesse de l’associer et la réduire. La caméra ne s’évade que très rarement des visages pour mieux les enfermer, les scruter, les sculpter aussi, les disséquer dans leurs frémissements, leurs fléchissements, leurs fragilités : leur humanité surtout. La ville de Nancy où a été tourné le film est quasiment invisible. Nous sommes enfermés. Enfermés pour voir. Pour distinguer les nuances, dans les visages et les regards. Comme cette jeune fille que Michel vient sans cesse voir au musée, enfermée dans son cadre, et qui ressemble à un amour déçu et dont il se venge ainsi parce qu’elle ne peut pas s’échapper. Nous ne pouvons nous enfuir guidés et hypnotisés par le regard captivant, empli de douleur et de détermination, de Juliette. Nous n’en avons pas envie.

    Ne vous méprenez pas, ne soyez pas effrayés par le sujet. Si le tableau est sombre en apparence, ses couleurs sont multiples, à l’image de la vie : tour à tour cruel, très drôle aussi, l’ironie du désespoir peut-être, l’ironie de l’espoir aussi, les deux parfois (scène du dîner), bouleversant aussi, ce film vous poursuit très longtemps après le générique à l’image de la rengaine qui lui sert de titre. Il est parfois plus facile de chanter ou d’esquisser que de dire. « Il y a longtemps que ». Tout juste peut-on regretter que les traits de la personnalité du personnage de Luc ne soient qu’esquissés. (néanmoins interprété avec beaucoup de justesse par Serge Hazanavicius). Mais à l’image du verdict improbable, cela importe finalement peu.

    ef7396aca26c62ce0118fae3b1ff799a.jpgKristin Scott Thomas trouve là un personnage magnifique à la (dé)mesure de son talent, au prénom d'héroïne romantique qu'elle est ici finalement, aimant inconiditionnellement, violemment. A côté d’elle le jeu d’Elsa Zylberstein nous paraît manquer de nuances mais après tout la violence de la situation (le passé qui ressurgit brusquement) justifie celle de ses réactions. Au contact l’une de l’autre elles vont reconstituer le fil de l’histoire, elles vont renaître, revivre, et illuminer la toile.

    Jusqu’à cet instant paroxystique où le regard, enfin, n’est plus las mais là, où des larmes sublimes, vivantes, ostensibles, coulent sur la vitre, de l’autre côté, inlassablement, et les libèrent. Un hymne à la vie. Bouleversant. De ces films dont on ressort avec l’envie de chanter, de croquer la vie (dans le sens alimentaire et dans le sens pictural du terme) et la musique du générique, de Jean-Louis Aubert, achève de nous conquérir. Irréversiblement.

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  • Critique de ENTRE LES MURS de Laurent Cantet, ce dimanche 15 septembre 2013, à 20H35 sur LCP/Public Sénat

    C’est sans aucun doute un de mes plus beaux souvenirs de projection cannoise que cette projection du soir d’ « Entre les murs » de Laurent Cantet qui fut couronné de la palme d’or à Cannes en 2008, à ne pas manquer, demain soir, sur Public Sénat/LCP!

    Cette année-là figuraient également en compétition les films français suivants! « Un Conte de noël » d’Arnaud Desplechin et le mésestimé « La Frontière de l’aube » de Philippe Garrel mais c’est "Entre les murs» adapté du roman éponyme de François Bégaudeau qui y interprète ou plutôt recrée son propre rôle qui avait remporté le précieux trophée.

    Synopsis : François est un jeune professeur de français d’une classe de 4ème dans un collège difficile. Il n’hésite pas à affronter ses élèves dans de stimulantes joutes verbales. Mais l’apprentissage de la démocratie peut parfois comporter de vrais risques…

    Rarement une projection aura suscité autant d’enthousiasme, se manifestant notamment par 6 minutes d’applaudissements à la fin de la projection mais aussi par des rires et des applaudissements ayant ponctué celle-ci.

    Entre documentaire et fiction « Entre les murs » s’inscrit pourtant dans la lignée des films présentés cette année-là, du moins de par son sujet très réaliste, un film dont il est amusant de constater que son titre évoque l’idée d’enfermement, leitmotiv des films de cette édition 2008, mais aussi par sa forme très proche du documentaire (proche également du faux documentaire comme « Je veux voir » , mon coup de coeur de l’édition 2008).

    Comme son titre l’indique, Laurent Cantet ne fait jamais sortir ses personnages de l’enceinte de l’établissement mais ce qui s’y déroule est là encore un miroir du monde, une fenêtre ouverte sur ses « fracas » : l’exclusion culturelle et sociale notamment, les expulsions d’étrangers…

    Les joutes verbales palpitantes et si révélatrices entre les élèves et le professeur nous rappellent « L’esquive » d’Abdellatif Kechiche, le langage étant également ici un des acteurs principaux : révélateur des tensions, incompréhensions de la classe, entre le professeur et ses élèves mais aussi du monde qu’elle incarne.

    Le professeur n’est jamais condescendant ni complaisant avec ses élèves, les échanges qu’il a avec eux sont à la fois graves et drôles, tendres et féroces.

    Laurent Cantet filme au plus près des visages tantôt le professeur tantôt les élèves qui parlent mais aussi ceux qui rêvassent, s’évadent des murs, jouent avec leurs portables… nous immergeant complètement dans la vie de cette classe dont la résonance va bien au-delà.

    Laurent Cantet ne « victimise » ni les élèves ni les professeurs, il filme simplement deux réalités qui s’affrontent verbalement et qui dépassent parfois ceux qui la vivent.

    Le tournage a été précédé d’une année d’ateliers d’improvisations et les « acteurs » sont de vrais élèves, parents d’élèves, professeurs, administratifs de l’école : le résultat est bluffant de réalisme. Filmant avec discrétion, sans esbroufe, mais toujours au service de ses protagonistes, Laurent Cantet nous dresse à la fois un portrait subtile du monde d’aujourd’hui mais aussi celui d’un professeur avec ses doutes, ses découragements, qui met les adolescents face à leur propre limites, se retrouvant parfois face aux siennes, n’excluant pas le dérapage dont le langage est une nouvelle fois le témoignage.

    La tension et notre attention ne se relâchent jamais. En filmant un microcosme qui se révèle être une formidable caisse de résonance du mur qui se dresse entre le professeur et ses élèves, qui s’abat parfois le temps d’un inestimable instant, mais aussi de tout ce qui se déroule derrière les murs et que la caméra insinue avec beaucoup de subtilité, Laurent Cantet a signé un film fort sur la fragilité du monde d’aujourd’hui et sur ses fragilités dont l’école est le témoignage et le réceptacle. S’il nous montre qu’élèves et professeurs ne parlent bien souvent pas le même langage, il les humanise et filme leurs fragilités, leurs dérapages avec autant d’empathie qu’ils soient élèves ou professeurs, ce qui les humanise encore davantage.

    Dire que François Bégaudeau interprète son propre rôle avec beaucoup de talent pourrait paraître ironique et pourtant il est probablement difficile de recréer sa propre réalité en lui donnant un tel sentiment de véracité.

    Des murs entre lesquels le spectateur ne se sent jamais à l’étroit, toujours impliqué, conquis par ce film passionnant, qui traduit l’universel à travers l’intime. La palme d’or du jury et celle aussi des festivaliers. Cette année-là, Laurent Cantet avait tout gagné.

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  • Critique - OMAR M'A TUER de Roschdy Zem, ce soir, à 20H45, sur Ciné + Emotion

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    Adapter un fait divers aussi médiatique soit-il (ou justement parce qu’il est aussi médiatique) n’est jamais facile, d’abord parce qu’il faut respecter les droits des parties en cause, ensuite parce que réussir à susciter et maintenir l’intérêt du public avec des faits connus de tous nécessite une certaine maîtrise du récit.

    C’était ici d’autant plus difficile que le fait divers est relativement récent et toujours très présent dans les esprits puisqu’il remonte au 24 juin 1991 avec l’assassinat de Ghislaine Marchal retrouvée morte dans sa villa de Mougins. Des lettres tracées avec le sang de la victime accusent :    « Omar m’a tuer ».  Quelques jours plus tard, Omar Raddad (Sami Bouajila), son jardinier, est écroué à la prison de Grasse. Il parle peu et comprend mal le français. Dès lors, il est le coupable évident….et idéal.  Il n’en sortira que 7 ans plus tard, gracié, mais toujours coupable aux yeux de la justice. En 1994, révolté par le verdict, Pierre-Emmanuel Vaugrenard (Denis Podalydès), écrivain convaincu de l’innocence d’Omar Raddad ou du moins trouvant une belle opportunité dans la défense de son innocence, s’installe à Nice pour mener sa propre enquête et rédiger un ouvrage sur l’affaire…

    C’est Rachid Bouchareb qui devait initialement réaliser ce film consacré à « L’affaire Raddad ». Le succès d’« Indigènes » en a décidé autrement. Après s’être vu proposer le rôle d’Omar,  Roschdy Zem a finalement décidé de diriger lui-même le film, son second long-métrage après l’excellent « Mauvaise foi » en 2006.  Le scénario originel a ainsi été écrit par Rachid Bouchareb et Olivier Lorelle. Le scénario s'inspire de deux ouvrages : « Pourquoi moi ? »  dans lequel Omar Raddad livre son témoignage sur cette épreuve et  « Omar : la construction d'un coupable » du romancier Jean-Marie Rouard, un livre-enquête qui  dénonce les défaillances de la justice au moment de cette affaire criminelle et le lynchage médiatique dont a alors été victime Omar Raddad.

    Afin d’apporter du rythme à l’histoire, les scénaristes ont eu la bonne idée de montrer les destins croisés de l’accusé Omar Raddad et de l’écrivain dandy qui écrit un livre sur ce dernier, sans doute pas seulement pour de nobles raisons, épris au moins autant d’ambition que de justice, mais cela permet en tout cas de révéler les multiples zones d’ombre de l’enquête : aucune trace de sang détectée sur les vêtements qu'Omar Raddad portait au moment du crime, ses empreintes n'apparaissent nulle part sur les lieux du crime, les gendarmes se sont débarrassés de l'appareil photo qui contenait des clichés pris par la victime peu avant son décès, son corps a été incinéré moins d'une semaine après le meurtre, alors que de nouvelles autopsies auraient dû être effectuées…sans oublier les deux phrases "Omar m'a tuer" et "Omar m'a t" écrites de manière lisible, avec les lettres bien détachées alors que Mme Marchal était dans l’obscurité…et avec cette faute d’orthographe reprise dans le titre du film, d’autant plus étrange lorsqu’on sait que Ghislaine Marchal était férue de littérature et en particulier de Sagan, le nom de sa villa étant même inspiré de celui du roman « La Chamade » (que je vous recommande vivement par ailleurs).

    Plutôt que de s’attaquer aux médias et à la justice et à leur violence aveugle (traiter de l’implacable machine médiatique et judiciaire aurait d’ailleurs été un autre point de vue intéressant), Roschdy Zem a préféré réaliser un film à hauteur d’homme et dresser le portrait d’un homme simple démuni face à l’implacable machine judiciaire sans nier qu’il dépensait beaucoup  au jeu (on l’a aussi accusé de dépenser pour des prostituées…mais personne n’est jamais parvenu à le prouver). Démuni parce que ne possédant pas la maîtrise du langage et son premier interrogatoire par des gendarmes montre de manière flagrante l’incompréhension, l’angoisse qui le saisissent, dans toute son humanité désarmée.  Ce film est aussi un plaidoyer pour les mots, la maîtrise du langage, véritable arme (celle dont se sert l’écrivain et celle dont Omar est démuni) et instrument de pouvoir. Les mots qui l’accuseront, aussi.

    Comme souvent dans les films réalisés par des acteurs, l’interprétation est remarquable pas seulement grâce à la direction d’acteurs de Roschdy Zem mais évidemment aussi grâce à l’interprétation de Sami Bouajila qui interprète Omar Raddad avec sobriété, sans jamais en faire trop,  mais interprétant l’homme dans toute  sa dignité bafouée, sa fragilité, presque sa candeur. Dans un regard ou un silence, il parvient ainsi à exprimer toute la détresse d’un homme, sans parler évidemment de la performance physique (perte de poids, apprentissage du marocain).

    Roschdy Zem a eu l’intelligence de mettre en avant le coupable (devenu la seconde victime de cette histoire) plutôt que sa réalisation qui se contente de poser sa caméra sur pied ou sur des rails pour les scènes de l’écrivain qui « maîtrise » (sa situation, le langage)  et de porter la caméra à l’épaule pour filmer les scènes plus fébriles liées à Omar Raddad (désarmé, perdu).  Il n’oublie pas non plus la victime initiale en en dressant le portrait d’une femme libre, plutôt iconoclaste dont on ne souhaitait visiblement pas voir le passé révélé au grand jour !

    Un film de compassion, d’humanité poignante qui témoigne autant de celle de celui dont il raconte l’histoire que de celle de celui qui se trouve derrière la caméra, comme c’était d’ailleurs déjà le cas dans son premier film « Mauvaise foi ».

    Denis Podalydès est juste dans le rôle de cet écrivain parisien à mille lieux de l’univers de celui qu’il prétend défendre  et Maurice Bénichou dans celui de l’avocat Vergès qui trouvera en Omar son « premier innocent ».

    En attendant, le mystère demeure : les deux ADN masculins retrouvés sur les lieux du crime et qui ne correspondent ni l'un ni l'autre à celui d'Omar Raddad demeurent non identifiés. La Cour de révision, en charge du dossier a malgré cela décidé en 2002 de ne pas rejuger l'homme, qui reste toujours coupable aux yeux de la justice tout en ayant bénéficié de la grâce présidentielle de Jacques Chirac.  Et surtout demeure l’honneur bafoué d’Omar Raddad, un homme physiquement libre et mentalement emprisonné. A défaut de plaider ouvertement pour son innocence, le film plaide, avec compassion, pudeur et sobriété, pour une réouverture de l’enquête et une réhabilitation d’un homme privé du pouvoir des mots, que le pouvoir de quatre mots à a jamais enfermé et à qui le pouvoir d’un seul mot pourrait rendre la liberté.

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  • Critique - LES EMOTIFS ANONYMES de Jean-Pierre-Améris, ce soir, sur France 3, à 20H45

    Ce soir, sur France 3, à 20H45, je vous recommande "Les Emotifs anonymes" de Jean-Pierre Améris, l'occasion aussi de vous inciter à (re)voir le dernier film du cinéaste, "L'homme qui rit" dont vous pourrez également retrouver ma critique, ci-dessous.

    Critique - "Les émotifs anonymes" de Jean-Pierre Améris

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    La comédie française se porte bien : après le réjouissant « Tout ce qui brille », le pétillant « De vrais mensonges », le romantique « L’Arnacoeur », le décalé « La reine des pommes », le sucré acide « Potiche » cette année 2010 s’achève par une comédie qui n’est pas la plus clinquante ni la plus formatée mais sans aucun doute la plus attachante à des années lumière d’une « comédie » désolante, démagogique et opportuniste comme « Fatal ».

    Le gérant d’une chocolaterie au prénom aussi improbable que ses costumes démodés est un grand émotif. Jean-René (Benoît Poelvoorde) donc, puisque tel est ce fameux prénom suranné, cherche à employer une nouvelle commerciale. Angélique (Isabelle Carré) est la première à se présenter. Chocolatière de talent, elle est au moins aussi émotive que Jean-René, participant même à des séances des «Emotifs anonymes ». Entre eux le charme opère immédiatement, malgré leurs maladresses, leurs hésitations, leurs regards fuyants. Seulement leur timidité maladive tend à les éloigner…

    Quant la mode est aux cyniques célèbres, un film qui s’intitule « Les Emotifs anonymes » est déjà en soi rafraîchissant et j’avoue avoir d’emblée beaucoup plus de tendresse pour les seconds. Cela tombe bien : de la tendresse, le film de Jean-Pierre Améris en regorge. Pas de la tendresse mièvre, non. Celle qui, comme l’humour qu’il a préféré judicieusement employer ici, est la politesse du désespoir. Jean-Pierre Améris connaît bien son sujet puisqu’il est lui-même hyper émotif. J’en connais aussi un rayon en émotivité et évidemment à l’entendre je comprends pourquoi son film (me) touche en plein cœur et pourquoi il est un petit bijou de délicatesse.

    La première grande idée est d’avoir choisi pour couple de cinéma Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré déjà réunis dans « Entre ses mains », le très beau film d’Anne Fontaine. Poelvoorde donne ici brillamment corps (mal à l’aise, transpirant, maladroit), vie (prévoyante et tétanisée par l’imprévu) et âme (torturée et tendre) à cet émotif avec le mélange de rudesse involontaire et de personnalité à fleur de peau caractéristiques des émotifs et Isabelle Carré, elle aussi à la fois drôle et touchante, sait aussi nous faire rire sans que jamais cela soit aux dépends de son personnage. L’un et l’autre sont pour moi parmi les plus grands acteurs actuels, capables de tout jouer et de nous émouvoir autant que de nous faire rire. Ici ils font les deux, parfois en même temps. Poelvoorde en devient même beau à force d’être touchant et bouleversant, notamment lorsqu’il chante, dans une scène magnifique que je vous laisse découvrir. Le film de Jean-Pierre Améris est ainsi à l’image de l’entreprise de chocolaterie vacillante de son personnage principal : artisanal mais soigné, à taille humaine, et terriblement touchant.

    La (première) scène du restaurant est un exemple de comédie et symptomatique du ton du film, de ce savant mélange de sucreries, douces et amères, de drôlerie et de tendresse. Cette scène doit (aussi) beaucoup au jeu des acteurs. Leur maladresse dans leurs gestes et leurs paroles (leurs silences aussi), leurs mots hésitants, leurs phrases inachevées, leurs regards craintifs nous font ressentir leur angoisse, l’étirement du temps autant que cela nous enchante, nous amuse et nous séduit.

    Le deuxième est le caractère joliment désuet, intemporel du film qui ne cherche pas à faire à la mode mais qui emprunte ses références à Demy ou à des pépites de la comédie comme « The shop around the Corner » de Lubitsch avec ses personnages simples en apparence, plus compliqués, complexes et intéressants qu’il n’y paraît sans doute à ceux qui préfèrent les cyniques célèbres précités.

    Avec son univers tendrement burlesque, avec ses couleurs rouges et vertes, Jean-Pierre Améris nous embarque dans ce conte de noël qui se déguste comme un bon chocolat à l’apparence démodée mais qui se révèle joliment intemporel. Un film tout simplement délicieux, craquant à l’extérieur et doux et fondant à l’intérieur qui vous reste en mémoire...comme un bon chocolat à la saveur inimitable.

    Jean-Pierre Améris m’avait déjà bouleversée avec « C’est la vie » et « Poids léger », maintenant en plus il nous fait rire. Vivement le prochain film du cinéaste et vivement le prochain film avec Isabelle Carré ET Benoît Poelvoorde ! Si vous n’avez pas encore vu ce film allez-y de préférence le 25 décembre, vous ferez en plus une bonne action. Un film qui fait du bien comme celui-ci, c'est vraiment l'idéal un jour de noël et vous auriez tort de vous en priver.

    En bonus, regardez le clip de "Big jet lane" d'Angus et Julia Stone, très belle bo qui prolonge le film.

     

     

    Critique de "L'homme qui rit" de Jean-Pierre Améris

    cinéma, film, avant-première, Gérard Depardieu, livre, Victor Hugo, L'homme qui rit, marc-André Grondin, Gwynplaine, Christa Théret, Emmanuelle Seigner

    Comme étais-je passée à côté de ce roman de Victor Hugo ? Mystère… La sortie du film a pour moi été l’occasion de cette magnifique découverte, d’un texte ardu mais passionnant, riche de multiples digressions, d’une langue admirable (évidemment), et surtout d’un personnage monstrueusement séduisant auquel tous ceux qui se sont un jour sentis différents pourront s’identifier : Gwynplaine sur lequel Jean-Pierre Améris a eu la bonne idée de centrer son film.

    Alors que la tempête de neige fait rage, Ursus (Gérard Depardieu), le forain  en apparence revêche mais généreux, recueille deux orphelins dans sa roulotte. Le premier de ces deux orphelins, c’est Gwynplaine, un jeune garçon dont une cicatrice qui ressemble à un rire insolemment triste barre le visage, l’œuvre des Comprachicos (un mot qui est une invention de Victor Hugo provenant de l'espagnol comprar -qui signifie acheter- et chicos -qui signifie enfant- signifiant donc «acheteurs d’enfants»), spécialisés dans le commerce d'enfants, qu'ils achètent ou volent et revendent après les avoir mutilés. L’autre enfant, c’est Déa une petite fille aveugle que ce dernier a trouvée sur son chemin. Quelques années plus tard, ils sillonnent toujours les routes et présentent un spectacle dont Gwynplaine (Marc-André Grondin) alors adulte, est devenu la vedette, accompagné de Déa (Christa Théret), également sur scène. Partout, on souhaite voir « L’homme qui rit » celui qui fait rire et émeut les foules mais un autre théâtre, bien plus redoutable, celui de l’aristocratie, va l’éloigner de ceux qu’il aime et qui l’aiment…

    Hugo a écrit « L’homme qui rit » entre 1866 et 1869 durant son exil politique dans les îles Anglo-Normandes. Adapter les 750 pages de ce roman était un véritable défi tant le roman est foisonnant, allégorique aussi, et tant l’auteur digresse sur la politique, la philosophie et même l’architecture. Jean-Pierre Améris et Guillaume Laurant (notamment scénariste de films de Jean-Pierre Jeunet dont « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ») ont réalisé un incroyable travail d’adaptation et ont eu l’excellente idée de transposer le roman qui se déroule dans l’Angleterre du XVIIème sicèle dans un lieu et une époque imprécis (le film a été tourné en studios à Prague) et surtout d’en faire un conte sombre, et ainsi fascinant. Pour rendre l’histoire plus moderne et accessible, Jean-Pierre Améris a volontairement utilisé des éléments plus contemporains, pour les dialogues mais aussi pour les costumes, comme l'avaient fait Baz Luhrmann pour "Roméo et Juliette" ou Sofia Coppola pour "Marie-Antoinette".

    Dès les premiers plans dans la neige et la tempête, la poésie lugubre et la féérie sombre des images captivent. Du roman baroque d’Hugo Jean-Pierre Améris a fait une fable intemporelle d’une beauté triste mais ensorcelante. C’est un magnifique roman (et film) sur la différence, la dualité, entre blancheur et noirceur, entre beauté et laideur, entre théâtre et réalité, entre aveuglement et clairvoyance, des contrastes que l’esthétique du film souligne magnifiquement et dont elle souligne aussi les paradoxes. « Qu’est-ce que ça veut dire être laid ? Laid c’est faire le mal ! Toi tu me fais du bien », résume si bien l’aveugle et sensible Déa. 

    La vie est à la fois sublimée et plus réelle sur les planches comme elle peut l’être dans « Le Carrosse d’or », « Les enfants du paradis », « Le dernier métro » et c’est là que l’amour impossible de Déa (la jeune aveugle qui voit la beauté de l’âme, allégorie simple et tellement magnifique) et Gwynplaine est le plus éclatant. La monstruosité, le théâtre, la noirceur se situent finalement dans la réalité et du côté de l’aristocratie comme dans le « Ridicule » de Patrice Leconte. « Ne quitte jamais les planches. Ici les gens t’aimeront, mais dans la vie réelle, ils te feront souffrir » le prévient pourtant Ursus mais pour son plus grand malheur, Gwynplaine ne l’écoutera pas…

    Jean-Pierre Améris (dont j’ai découvert le cinéma avec « C’est la vie » et « Poids léger » que je vous recommande vivement et dont le dernier film « Les Emotifs anonymes » était une comédie très réussie), pour son 12ème film, est une nouvelle fois attiré par une histoire de marginaux qu’il sait si bien comprendre et pour lesquels il sait si bien susciter de l’empathie. Il a ainsi fait de Gwynplaine un personnage éminemment séduisant : innocent, révolté, libre, d’une laideur attrayante.  Gwynplaine est moins connu que Quasimodo et pourtant sa belle monstruosité a énormément inspiré les artistes, à commencer par Tim Burton pour « Edward aux mains d’argent ». Le film de Jean-Pierre Améris, sans jamais le singer, m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à l’univers du cinéaste américain par sa beauté baroque, entre rêve et cauchemar, par ses personnages d’une beauté étrange et fascinante (très felliniens, aussi), par sa mise en scène inspirée. Tim Burton n’était d’ailleurs pas le seul à avoir été inspiré par Gwynplaine. Les dessinateurs Jerry Robinson et Bob Kane reconnaissaient ainsi volontiers s’être inspirés de Gwynplaine pour le personnage du Joker, dans les comics Batman. Et le roman d’Hugo est longuement évoqué dans  « Le Dahlia noir » de James Ellroy, présent également dans l'adaptation cinématographique de Brian De Palma.

    C’est aussi un très bel hymne à la différence,  et à ceux qui se battent pour les autres (Hugo était un écrivain engagé, Jean-Pierre Améris, l’est aussi à sa manière dans chacun de ses films ou même teléfilms comme « Maman est folle »). Magnifique scène de la tirade au Parlement ! Il s’agit d’un discours exalté dans lequel Marc-André Grondin met beaucoup d’éloquence et de conviction : « Ce qu’on fait à ma bouche, c’est ce qu’on fait au peuple. On le mutile » dit-il notamment (le texte, magnifique, est là repris de Hugo). Marc-André Grondin apporte toute sa beauté, sa fraîcheur à ce homme bouleversant caché derrière ce masque tragiquement rieur, se mettant ainsi à nu, dévoilant son visage mais surtout sa belle âme, face à la vraie monstruosité.

     Le film bénéficie aussi d’un casting impeccable : outre Marc-André Grondin, Gérard Depardieu impose sa force tranquille et sa générosité (au passage, que les pseudo-politiquement corrects laissent tranquille cet homme terriblement libre, vivant, cet immense artiste, plutôt que d’utiliser sa vie personnelle pour, probablement, exprimer une certaine rancœur, voire jalousie, et qu’ils s’engagent et mettent leur énergie vindicative au service de causes qui en sont vraiment). J’espère que cela permettra aussi à certains de découvrir Swann Arlaud que j’avais découvert au Festival de Cabourg dans le court-métrage   « Alexis Ivanovich vous êtes mon héros » de Guillaume Gouix dans lequel il incarne admirablement un personnage radieux et joyeusement désinvolte qui, en une fraction seconde, blessé dans son orgueil, va tout remettre en question, découvrant ne pas être le héros qu’il aurait aimé être aux yeux de son amoureuse.  Emmanuelle Seigner est une incarnation sublime de la tentation diabolique et finalement, malgré tout, touchante (comme chez Hugo, même ou car monstrueux, ses personnages restent humains),  et comme elle le dit elle-même, le visage de Gwynplaine est le reflet de son âme sombre. Enfin, Christa Théret dont le visage est si expressif (à voir aussi absolument dans « Renoir », dans un rôle très différent dans lequel elle excelle également) est la tentation angélique, incarnation du mélange de force et de fragilité, d’aveuglement et de clairvoyance.

    Mon seul reproche concerne le montage, et la durée, l’impression que la fin est un peu brusque…et que sans digresser autant que le fait Hugo dans son livre, le film aurait encore gagné en densité en gagnant un peu en longueur.

    Ce film est néanmoins vraiment un enchantement, un enchantement mélancolique, la forme reflétant ainsi le fond et toutes les sublimes dualités que l’histoire recèle. C’est aussi un opéra moderne ( la musique a été enregistrée à Londres avec un orchestre de 65 musiciens et elle apporte une force lyrique au film) . C’est également une histoire d’amour absolu, idéalisée, intemporelle (elles sont trop rares au cinéma pour s’en priver). C’est enfin un film universel au dénouement bouleversant. N’ayez pas peur de l’humour grinçant, la noirceur, la tragédie, ils sont sublimés par un personnage émouvant qui à la fois nous ressemble si peu et tellement (pour peu que nous nous sentions un tout petit peu différents) et un univers fascinant, poignant : celui d’un conte funèbre et envoûtant. La très belle surprise de cette fin d’année.

    Quelques citations extraites du livre « L’homme qui rit » de Victor Hugo, pour terminer :

    « Les aristocrates ont pour orgueil ce que les femmes ont pour humiliation, vieillir. »
    « De telles innocences dans de telles ténèbres, une telle pureté dans un tel embrassement, ces anticipations sur le ciel ne sont possibles qu'à l'enfance, et aucune immensité n'approche de cette grandeur des petits. »
    « Ca doit se fourrer dans des trous, le bonheur. Faites-vous encore plus petits que vous n'êtes, si vous pouvez. Dieu mesure la grandeur du bonheur à la petitesse des heureux. Les gens contents doivent se cacher comme des malfaiteurs. »
    « Deux coeurs qui s'aiment, n'allez pas chercher plus loin la poésie; et deux baisers qui dialoguent, n'allez pas chercher plus loin la musique. »

    L’homme qui rit a été présenté en clôture de la 69ème Mostra de Venise.

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