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  • Critique de « Ridicule » de Patrice Leconte (Ciné club du restaurant Les Cinoches, le 20 juin)

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    1780. Le Marquis Grégoire Ponceludon de Malavoy (Charles Berling),  issu d'une famille d'ancienne noblesse provinciale, ingénieur de formation, cherche désespérément à assécher son marécageux pays des Dombes, ravagé par une épidémie. En dernier recours, il décide de gagner Versailles pour solliciter l'aide de Louis XVI. Muni d'une lettre de recommandation, il se rend tout d'abord chez Madame de Blayac (Fanny Ardant) mais son mari qu'il était venu voir vient de décéder. Agressé sur la route non loin de Versailles, il est secouru et recueilli par le Marquis de Bellegarde (Jean Rochefort).  Ce dernier cherche d'abord à le dissuader d'aller à la cour, si frivole et impitoyable, avant de céder devant son insistance.  Là, il retrouve Madame de Blayac et fait la connaissance des courtisans et notamment de l'Abbé de Vilecourt (Bernard Giraudeau).  Dans le même temps, il rencontre Mathilde (Judith Godrèche) la savante fille du Marquis de Bellegarde qui doit épouser un vieux et riche noble...

    En sélectionnant ce film pour l'ouverture du Festival de Cannes 1996, Gilles Jacob a fait preuve d'un redoutable cynisme, certainement involontaire, tant les personnages de « Ridicule » sont d'une troublante modernité, et pourraient appartenir à des univers beaucoup plus contemporains que celui de la cour de Louis XVI, qu'ils soient médiatiques, politiques ou cinématographiques. Jusqu'où aller pour réaliser ses objectifs aussi nobles (dans les deux sens du terme) soient-ils ? Jusqu'où aller sans compromettre ses principes ni se compromettre ?

    Pour les courtisans de « Ridicule », les joutes verbales sont les cruelles, sauvages et violentes armes d'une guerre dont le ridicule est le terrible signe de reddition. L'autre n'est alors qu'un faire-valoir et qu'importe si pour briller, sauver la face, il faut l'anéantir en le ridiculisant. Pour Jean Rochefort «  C'est un western dons lequel on a remplacé les colts par des mots d'esprit ». La vive mise en scène de Patrice Leconte souligne ainsi ces échanges verbaux assénés comme des coups mortels, dégainés  sans la moindre vergogne avec pour seul souci de leurs auteurs de rester dans les bonnes grâces de la cour et du roi. Le bel esprit est alors un poison violent et vénéneux qui contamine et condamne quiconque souhaite s'en approcher. Menace constante et fatale qui plane au-dessus de chaque courtisan : le ridicule. Le langage devient l'arme de l'ambition et du paraître car « le bel esprit ouvre des portes » mais « la droiture et le bel esprit sont rarement réunis ».

    Derrière l'éclat de Versailles, derrière la blancheur à la fois virginale et cadavérique dont s'enduisent les corps et les visages se cache une cruelle noirceur, un narquois sursaut de vie,  derrière le raffinement une vulgarité indicible, un mal qui les ronge de l'intérieur comme la cour est progressivement rongée par son pathétique bel esprit, bientôt par les Lumières, une cour qui se prévaut du bel esprit de Voltaire tout en rejetant l'Esprit des Lumières qui lui sera fatal. C'est le crépuscule d'une époque annonciatrice de la Révolution. La cour parade et brille de toute sa paradoxale noirceur mais le désenchantement et le déclin la guettent. Epoque de contradictions entre les Lumières et ses découvertes scientifiques et un monde qui périclite. Portrait d'un monde qui se sait déclinant et refuse pourtant de mourir. A tout prix. Madame de Blayac incarne la conscience de ce déclin qu'elle tente de masquer par une cruauté désenchantée consciente de ses vanités et de sa vanité.

    Les savoureux et cruels dialogues, ces jeux dangereux voire mortels font penser au cynisme des « Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos ou aux bons mots de Guitry. Le scénario est ainsi signé Rémi Waterhouse et inspiré des écrits de la Comtesse de Boigne.

    De twitter et ses phrases lapidaires avec lesquelles certains se réjouissent de faire preuve d'un pseudo bel esprit a fortiori si c'est au détriment d'autrui, des critiques cinématographiques (qui ont d'ailleurs tellement et injustement malmené Patrice Leconte) qui cherchent à briller en noircissant des pages blanches de leur fiel, des couloirs de chaînes de télévision dont l'audience justifie toute concession à la morale et parfois la dignité, de la Roche de Solutré hier à la Lanterne de Versailles aujourd'hui, de ces comiques ravis de ternir une réputation d'un mot cruel, prêts à tuer pour et avec un bon mot pour voir une lueur d'intérêt dans les yeux de leur public roi, que ne ferait-on pas pour briller dans le regard  du pouvoir ou d'un public, fut-ce en portant une estocade lâche, vile et parfois fatale. L'attrait du pouvoir et des lumières (médiatiques, rien à voir avec celles du XVIIIème) est toujours aussi intense, l'esprit de cour bel et bien là, bien que celle de Versailles ait été officiellement déchu il y a plus de deux siècles.

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    Le choix des comédiens principaux est aussi pour beaucoup dans cette réussite de Jean Rochefort, partagé entre ces deux mondes, à Charles Berling dont c'est ici le premier grand rôle qui y apporte son prompt et fougueux esprit, à Bernard Giraudeau, baroque et pathétique au nom si parlant d'abbé Vilecourt, en passant par Fanny Ardant cruelle, lucide et donc malgré tout touchante sans oublier Judith Godrèche d'une attendrissante candeur et obstination.

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    Pour son premier film en costumes, à partir d'un excellent scénario, Patrice Leconte a réalisé un film d'une réjouissante modernité, à la mise en scène duale et aussi élégante que les courtisans qui traversent son film sont inélégants, un film mordant aussi cruel que raffiné qui  s'achève en faisant tomber les masques de la cour et triompher les Lumières. Alors laissez-vous aller au plaisir coupable des bout rimés,  bons mots, saillies drôlatiques et autres signes du bel esprit de cette cour de Versailles, tellement intemporelle et universelle.

    De Patrice Leconte, je vous recommande aussi :  « Monsieur Hire », « La fille sur le pont », « Dogora ».

    « Ridicule » de Patrice Leconte sera projeté au ciné club du restaurant Les Cinoches le dimanche 20 juin, à 21H.

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  • Deux vidéos du making-of et deux extraits de "Shrek 4"

    En attendant la sortie en salles le 30 juin 2010, quelques vidéos de "Shrek 4" en avant-première...

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  • Festival de Cannes 2010, 15 jours après :mon bilan

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    Dans l'actualité, les images de Cannes ont déjà été évincées par un flot carnassier d'informations, mais elles sont toujours bien vivaces dans ma mémoire. 15 jours au moins étaient nécessaires pour distinguer avec recul cette tornade émotionnelle et cinématographique, pour se dégriser (à peine)...Ne vous méprenez pas: contrairement à beaucoup d'autres, je ne me suis grisée que de cinéma, d'émotions, de fêtes, d'écriture, de rêves et de soleil. Cocktail déjà bien assez enivrant.  Dix ans après mon premier festival de Cannes, Cannes, ville « qui ne dort jamais » comme l'a si bien dit Kristin Scott-Thomas lors de l'ouverture, ne cessera jamais de m'éblouir, me fasciner, m'enchanter, me surprendre, m'embarquer dans un ailleurs à la fois si proche et exotique qui fait perdre toute notion du temps et de réalité, et qui parfois, aussi, m'exaspère.  Concentré de vie, de cinéma et d'orgueils. Tout est disproportionné dans les joyeux excès comme dans les plus pathétiques. Une frénésie parfois réjouissante, parfois périlleuse pour ceux qui noient et oublient l'essentiel dans cette vaine course contre le temps, à l'amnésie de son écoulement, forcément temporaire, à l'ivresse et à l'information.

     Eternel paradoxe cannois, et cette année plus que jamais : la vie y est tellement cinématographique, étincelante, quand le cinéma se fait lui le reflet de la réalité. Souvent sombre, désespérée. Jours et nuits, cinéma et réalité se succèdent sans réelle frontière vous faisant oublier que ce film-là aussi doit avoir une fin. Alors c'est l'étrange silence après le si doux et grisant tumulte. Après il faut bien réaliser que la vie ne peut ressembler toujours à du cinéma quoique...je m'y emploie.

    Cette année plus que jamais, j'ai eu le grand plaisir de pouvoir partager ma passion sur inthemoodforcinema.com et sur inthemoodforcannes.com mais aussi sur 20minutes.fr , sur l'appli iphone d'Orange au quotidien, sur M6, sur touscoprod.com, sur Pure Channel, sur France Bleu... et j'en profite pour remercier ces différents médias sur lesquels j'ai pu m'exprimer mais aussi Pascale pour son soutien dithyrambique ou encore Alexandra d'Hautetfort pour son précieux soutien.  J'en profite enfin pour remercier ceux qui ont commenté avec assiduité sur mes blogs comme Fred en regrettant de n'avoir pas eu le temps de répondre à tous et au fur et à mesure.

    15jours après tellement d'images encore : de belles rencontres, des retrouvailles parfois trop furtives et/ou agréablement insaisissables, des soirées surréalistes du VIP room au Baron, de la plage Orange à la plage Martini, de la plage Majestic à la plage Chérie chéri (merci également à ADR prod) au patio Canal+.

     Et puis bien évidemment, surtout, tant d'images de cinéma. Le plus beau souvenir restera sans doute pour moi la projection du « Guépard » en présence d'Alain Delon, Claudia Cardinale et Martin Scorsese et cette étrange, émouvante résonance entre le sujet du film, celui de la déliquescence d'un monde, et le présent pour ses protagonistes. Un chef d'œuvre inégalé qui n'a rien perdu de sa beauté majestueuse, nostalgique et saisissante. Un très grand moment que de revoir ce film à Cannes, 47 ans après sa palme d'or, parmi une assistance prestigieuse.

      Ensuite, il y a eu le plaisir d'interviewer Bernard Blancan, un des protagonistes de « Hors-la-loi », pourtant prix d'interprétation du Festival de Cannes 2006 au même titre que les autres et complètement exclu de la promotion du film. Eternelle et injuste valse des vanités cannoises qui se grise elle aussi mais d'éphémère, de futile, de faux-semblants.

    Et puis tant d'autres moments : la présentation de « Stones in Exile » par Mick Jagger, le vent d'air frais qu'a fait souffler Isabelle Huppert dans « Copacabana », le romanesque « La Princesse de Montpensier », Juliette Binoche émouvante et éblouissante dans « Copie conforme » et sur scène lors de la clôture, le concert de Charlie Winston, la si touchante « Tournée » de Mathieu Amalric, le bouleversant « Des Hommes et des Dieux » de Xavier Beauvois, l'incroyable Lesley Manville dans « Another year » de Stephen Frears », le pudique et poignant « The tree » de Julie Bertucelli...

     Certes, cette année et pour la première fois en dix ans de festival, je n'ai pas eu de réel coup de cœur cinématographique comme l'an passé avec les films d'Almodovar, Tarantino, Haneke, Ghobadi, Audiard... Difficile de rivaliser avec l'édition 2009 qui pour tant de raisons fut tellement inoubliable pour moi mais Cannes reste la plus grande et riche vitrine du cinéma mondial, un voyage fabuleux, sans cesse surprenant, parfois dérangeant, et malgré tout exaltant dans les cinématographies du monde et dans les sursauts de l'Histoire contemporaine et passée. Le cinéma, à l'image du monde que Cannes a reflété cette année, suffoque, nous parle beaucoup de deuil, de pauvreté, de désespoir, de perte de repères, d'oubli du réel dans la virtualité et cherche une lueur d'espoir et d'humanité en se repliant sur la cellule familiale.

    Un manège réel et cinématographique étourdissant dont je reviens avec cette envie délicieusement rageuse d'écrire et de voir des films, de partager avec vous mon enthousiasme surtout, parfois ma perplexité ou mon agacement, de me laisser étonner, déranger, dérouter, embarquer dans d'autres (ir)réalités encore et plus que jamais...

    Vous trouverez ci-dessous les liens vers mes articles sur mes meilleurs moments de ce Festival de Cannes 2010 et sur les films que je vous recommande.

    Prochains grands rendez-vous : le Festival Paris Cinéma dont je ferai partie du jury des 7 blogueurs et évidemment l'incontournable Festival du Cinéma Américain de Deauville et beaucoup de surprises et d'avant-premières, à Paris et ailleurs.  Et évidemment, le Festival de Cannes 2011, du 11 au 22 mai !

    Ouverture du 63ème Festival de Cannes: une édition ouverte sur l'éternité

    "Robin des bois" de Ridley Scott: Russell Crowe décoche la flèche d'ouverture

    "Tournée" de Mathieu Amalric: la beauté des âmes dénudées

    Critique du "Guépard" de Luchino Visconti (sélection Cannes Classics)

    "Le Guépard" 47 ans après (vidéos de Martin Scorsese, Alain Delon, Claudia Cardinale)

    Critique d' "Another year" de Mike Leigh

    "You will meet a tall dark stranger" de Woody Allen

    Et les soirées dans tout ça?

    "Toscan, the french touch" d'Isabelle Partiot-Pieri (Cannes Classics 2010) : portrait d'un être libre

    Critique de "La Princesse de Montpensier" de Bertrand Tavernier

    "Copacabana" de Marc Fitoussi, séance spéciale de Semaine de la Critique avec Isabelle Huppert (vidéo)

    "Film Socialisme" de Jean-Luc Godard (Critique) (Un Certain Regard)

    Critique et vidéos de présentation du film: "Des Hommes et des dieux" de Xavier Beauvois

    Inthemoodforcannes au jt de M6

    "Copie conforme" d'Abbas Kiarostami- Critique

    "Poetry" de Lee Chang-dong - Critique

    Mick Jagger présente "Stones in exile" (vidéos)

    Concert de Charlie Winston au vip room

    Critique de "Fair game" de Doug Liman

    Conférence de presse de l'équipe du film "Carlos" d'Olivier Assayas

    Critique de "Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb

    Conférence de presse de "Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb

    Dans les coulisses du Grand Journal à Cannes (concert de Gossip et équipe de "Hors-la-loi")

    Demain: le palmarès du Festival de Cannes 2010 (le cinéma français à l'honneur?)

    Palmarès complet et commenté du Festival de Cannes 2010 et images de la clôture

    Interview de Bernard Blancan

    Critique de "L'Autre monde" de Gilles Marchand (séance spéciale- sélection officielle)

    Critique de "The tree" de Julie Bertucelli (Film de clôture)

    Critique de "Biutiful" d'Alejandro Gonzalez Inarritu

    Conférence de presse de "La nostra vita" de Daniele Luchetti

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  • Avant-première de "Tournée" de Mathieu Amalric ce soir à l'UGC Ciné-cité Les Halles

    Je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises de "Tournée" de Mathieu Amalric, prix de la mise en scène du Festival de Cannes 2010. Si vous voulez voir le film en avant-première, il sera projeté ce soir à l'UGC Ciné-cité Les Halles, en présence de l'équipe du film. Je vous le recommande.

    Cliquez ici pour lire ma critique de "Tournée" de Mathieu Amalric.

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