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  • Critique de "Quantum of Solace" de Marc Forster: la vengeance implacable de 007 (ce soir, à 20H45, sur France 2)

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    Après « Casino Royale », un James Bond particulièrement jubilatoire et réussi à tous points de vue (scénario, action, montage, jeu, réalisation…) qui avait fait l’unanimité et qui était aussi le premier dans lequel Daniel Craig interprétait 007 (qui lui aussi avait fait l’unanimité après avoir pourtant suscité une vive polémique lorsqu’on avait annoncé qu’il succéderait à Pierce Brosnan), je me suis donc précipitée dès son premier jour de sortie (inhabituellement un vendredi) voir ce « Quantum of Solace » qui en est en quelque sorte la suite, pour savoir s’il serait à la hauteur du précédent et pour voir comment ce dernier allait assouvir sa soif de comprendre et surtout de vengeance.

    Trahi par Vesper Lynd (Eva Green)  dans « Casino Royale », la jeune femme qui l’aimait qui fut forcée à le trahir, James Bond (Daniel Craig) est en effet décidé à traquer ceux qui ont forcé Vesper à agir ainsi. Bond est alors conduit sur la piste de Dominic Greene (Mathieu Amalric), homme d’affaires impitoyable et pilier d’une mystérieuse organisation nommée « Quantum ». Il croise alors la route de la belle et pugnace Camille (Olga Kurylenko) qui cherche à se venger elle aussi.  Greene veut ainsi prendre le contrôle de l’une des ressources naturelles les plus importantes au monde en utilisant la puissance de l’organisation et en manipulant la CIA et le gouvernement britannique. Afin de déjouer le sinistre plan de Greene,  Bond doit alors absolument garder de l’avance sur la CIA, les terroristes et même M  (Judi Dench qui l’incarne ici pour la sixième fois) qui veut l’empêcher d’assouvir son désir de vengeance.

    Ce 22ème volet de la saga James Bond a suscité une attente à la hauteur de la réussite et de l’engouement pour le précédent volet dont il est la suite, l’intrigue commençant en effet une heure après la fin de « Casino Royale ». Ce volet pourra être compris sans problèmes par ceux qui n’ont pas vu le précédent, il aura néanmoins davantage de sens et de saveur pour les autres.

    Comme ce titre n’aura pas manqué de vous intriguer, précisons d’abord que « Quantum of Solace » vient d’une nouvelle de Ian Fleming et que cela signifie dans le contexte du film qu'une relation ne peut être sauvée que si la confiance est restaurée entre les deux parties, "Quantum" signifiant quantité et "Solace" consolation.  Quantum of Solace fait par ailleurs ici référence à deux éléments : tout d'abord au fait que Bond cherche à se consoler de la  mort de Vesper, et ensuite à Quantum, l'organisation criminelle à laquelle il est confronté et qu'il va devoir combattre.

    Comme toujours avec James Bond, cela commence par des cascades époustouflantes qui font crisper les mains des spectateurs sur leurs fauteuils et qui maintiennent leurs yeux écarquillés rivés à l’écran. C’est en Toscane, à Sienne, que débute ce dernier volet et le montage nerveux, efficace nous captive (capture même) d’emblée. C’est un Bond au cœur brisé qui laisse entrevoir ses fêlures, mais aussi plus violent et glacial qui use et abuse de son « permis de tuer », qui réapparaît auquel Daniel Craig apporte une dureté, une intensité, une classe et à côté duquel les précédents acteurs l’ayant incarné font bien pâle figure.   Malgré sa violence, ses failles qui l’humanisent, son avidité de vengeance  et sa solitude (même la fidèle M doute de lui) suscitent notre empathie de même que le personnage de Camille guidée par une blessure que seule la vengeance semble pouvoir soigner. Leurs désirs de vengeance et leurs deux personnalités blessées se heurtent et se font intelligemment écho.

    Certains seront sans doute décontenancés par ce James Bond qui a perdu certaines caractéristiques qui contribuaient à sa spécificité : il n’utilise (temporairement) plus ou si peu de gadgets, a perdu son flegme et son humour britanniques, et se rapproche davantage de Jason Bourne que du héros de Ian Fleming. Il a aussi su s’adapter à l’époque complexe dans laquelle il vit : le méchant n’est plus un monstre sanguinaire qui veut dominer le monde interprété par un acteur au physique patibulaire et au jeu grandiloquent mais il prend ici les traits du Français Mathieu Amalric dont un simple regard suffit à faire comprendre la détermination haineuse. Il est aussi confronté à de nouveaux ennemis et aux maux de son époque dont l’environnement et les ressources naturelles deviennent un enjeu capital et parfois une trompeuse façade de générosité pour criminels et personnages cupides. James Bond confirme donc son entrée dans une nouvelle ère amorcée par « Casino Royale ».

    On assiste ainsi à une véritable surenchère : dans les scènes d’action (leur nombre et leur aspect spectaculaire), dans le nombre de plans, mais aussi dans le nombre de lieux, James Bond nous embarquant ainsi en Italie, en Autriche, à Haïti, en Bolivie, en Russie et en ville aussi bien qu’en plein désert. C’est aussi d’ailleurs pour cela qu’on se rue dans les salles à chaque nouveau volet : pour ce  voyage auquel il nous invite, il nous emmène ailleurs dans tous les sens du terme et de ce point de vue aussi ce James Bond est particulièrement réussi.

    La BO innove elle aussi puisqu’elle est pour la première fois interprétée par un duo, en l’occurrence formée par Alicia Keys et Jack White (des White Stripes). Marc Forster (« A l’ombre de la haine », « Neverland », « Stay ») qui succède à Martin Campbell est quant à lui un réalisateur efficace et appliqué même si la profusion de plans et d’angles de prise de vue nous égarent parfois.

    Le seul vrai bémol : c’est certainement le scénario (pourtant de nouveau cosigné Paul Haggis notamment réalisateur de « Collision » et scénariste de « Million Dollar Baby » mais aussi coscénariste de « Casino Royale ») plus léger que celui, il est vrai si dense et riche en rebondissements, de « Casino royale » mais il en faudrait plus pour bouder notre plaisir et pour que je ne vous recommande pas ce nouveau volet, transition réussie et nécessaire vers de nouvelles aventures peut-être moins sombres,  dont une scène remarquable sur un air de Tosca mérite, à elle seule, le détour.

    Daniel Craig aurait signé pour 4 James Bond. Vivement les prochains ! En attendant allez voir ce dernier James Bond, vous y trouverez votre quantité de consolation…ou en tout cas de divertissement et d’adrénaline, je vous le garantis.

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  • European Film Awards 2011: "Melancholia" de Lars von Trier, meilleur film 2011

    Ce soir, à Berlin, se tenait la cérémonie des European Film Awards. C’est le film que je considère comme le meilleur film européen mais également le meilleur film mondial de l’année qui a reçu le prix du European Film 2011: « Melancholia » de Lars von Trier (dont vous pouvez retrouver ma critique en bas de cet article). L’autre grand film européen de cette année, « The Artist » de Michel Hazanvicius n’a reçu « que » le prix de la meilleure musique mais gageons que, au regard de son accueil aux Etats-Unis, il figurera au palmarès des Oscars…et pas seulement pour la musique.

    PALMARES COMPLET DES EUROPEAN FILM AWARDS 2011

    EUROPEAN FILM 2011:
    MELANCHOLIA, Denmark/Sweden/France/Germany
    WRITTEN & DIRECTED BY: Lars von Trier
    PRODUCED BY: Meta Louise Foldager & Louise Vesth

     

    EUROPEAN FILM ACADEMY SHORT FILM 2011:
    EFA Short Film Nominee Drama:
    THE WHOLLY FAMILY by Terry Gilliam

    EUROPEAN FILM ACADEMY LIFETIME ACHIEVEMENT AWARD 2011:
    Stephen Frears

    EFA People’s Choice Award 2011:
    The King’s Speech

    EUROPEAN EDITOR 2011:
    Tariq Anwar for THE KING’S SPEECH

    EUROPEAN PRODUCTION DESIGNER 2011:
    Jette Lehmann for MELANCHOLIA

     EUROPEAN ACTOR 2011:
    Colin Firth in THE KING’S SPEECH

    EUROPEAN ACTRESS 2011:
    Tilda Swinton in WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN

    EUROPEAN FILM ACADEMY DOCUMENTARY 2011 – Prix ARTE:
    PINA, Germany
    written & directed by Wim Wenders
    produced by Gian-Piero Ringel & Wim Wenders

    EUROPEAN COMPOSER 2011:
    Ludovic Bource for THE ARTIST

     EUROPEAN SCREENWRITER 2011:
    Jean-Pierre & Luc Dardenne for LE GAMIN AU VELO (The Kid with a Bike)

    EUROPEAN ACHIEVEMENT IN WORLD CINEMA 2011:
    Mads Mikkelsen

    EUROPEAN DISCOVERY 2011 – Prix FIPRESCI:
    ADEM (Oxygen), Belgium/the Netherlands
    written & directed by Hans Van Nuffel

    EUROPEAN DIRECTOR 2011
    Susanne Bier for HÆVNEN (In a Better World)

    EUROPEAN CO-PRODUCTION AWARD – Prix EURIMAGES 2011:
    Mariela Besuievsky

    EFA SPECIAL HONORARY AWARD 2011:
    Michel Piccoli

    CARLO DI PALMA EUROPEAN CINEMATOGRAPHER AWARD 2011:
    Manuel Alberto Claro for MELANCHOLIA

    EUROPEAN FILM ACADEMY ANIMATED FEATURE FILM 2011:
    CHICO & RITA, Spain/Isle of Man
    directed by Tono Errando, Javier Mariscal & Fernando Trueba

    Critique de « Melancholia » de Lars von Trier

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    C’est quelques semaines après la mémorable projection cannoise que j’ai réuni mes impressions pour écrire cette critique… De cette projection, je garde une impression à la fois jubilatoire et dérangeante, et de fascination, accentuée par le fait que j’ai vu ce film dans le cadre de sa projection cannoise officielle suite à la conférence de presse tonitruante en raison des déclarations pathétiques de Lars von Trier dont le film n’avait vraiment pas besoin et dont nous ne saurons jamais si elles lui ont coûté la palme d’or que, à mon avis, il méritait beaucoup plus que « Tree of life ».  Rarement (jamais ?) en 11 ans de festival, l’atmosphère dans la salle avant une projection ne m’avait semblée si pesante et jamais, sans doute, un film n’aura reçu un accueil aussi froid (d’ailleurs finalement pas tant que ça) alors qu’il aurait mérité un tonnerre d’applaudissements.

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    Je pourrais vous en livrer le pitch. Ce pitch vous dirait que, à l’occasion de leur mariage, Justine (Kirsten Dunst) et Michael (Alexander Skarsgård ) donnent une somptueuse réception dans le château de la sœur de Justine, Claire(Charlotte Gainsbourg) et de son beau-frère. Pendant ce temps, la planète Melancholia se dirige inéluctablement vers la Terre…

     Mais ce film est tellement plus que cela…

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    Dès la séquence d’ouverture, d’une beauté sombre et déroutante, envoûtante et terrifiante (une succession de séquences et photos sur la musique de Wagner mêlant les images de Justine  et les images de la collision cosmique), j’ai été éblouie, subjuguée, happée par ce qui se passait sur l’écran pour ne plus pouvoir en détacher mon attention. Après ce prologue fantasmagorique et éblouissant,  cauchemardesque,  place au « réalisme » avec les mariés qui sont entravés dans leur route vers le château où se déroulera le mariage. Entravés comme Justine l’est dans son esprit. Entravés comme le sera la suite des évènements car rien ne se passera comme prévu dans ce film brillamment dichotomique, dans le fond comme dans la forme.

    Lars von Trier nous emmène ensuite dans un château en Suède, cadre à la fois familier et intemporel, contemporain et anachronique, lieu du mariage de Justine, hermétique au bonheur. La première partie lui est consacrée tandis que la seconde est consacrée à sa sœur Claire. La première est aussi mal à l’aise avec l’existence que la seconde semble la maitriser jusqu’à ce que la menaçante planète « Melancholia » n’inverse les rôles, cette planète miroir allégorique des tourments de Justine provoquant chez tous cette peur qui l’étreint constamment, et la rassurant quand elle effraie les autres pour qui, jusque là, sa propre mélancolie était incompréhensible.

    Melancholia, c’est aussi le titre d’un poème de Théophile Gautier et d’un autre de Victor Hugo (extrait des « Contemplations ») et le titre que Sartre voulait initialement donner à « La nausée », en référence à une gravure de Dürer dont c’est également le titre. Le film de Lars von Trier est la transposition visuelle de tout cela, ce romantisme désenchanté et cruel. Ce pourrait être prétentieux (comme l’est « Tree of life » qui semble proclamer chaque seconde sa certitude d’être un chef d’œuvre, et qui, pour cette raison, m’a autant agacée qu’il m’a fascinée) mais au lieu de se laisser écraser par ses brillantes références (picturales, musicales, cinématographiques), Lars von Trier les transcende pour donner un film d’une beauté, d’une cruauté et d’une lucidité renversantes.

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     C’est aussi  un poème vertigineux, une peinture éblouissante, un opéra tragiquement romantique, bref une œuvre d’art à part entière. Un tableau cruel d’un monde qui se meurt ( dont la clairvoyance cruelle de la première partie fait penser à « Festen » de Vinterberg) dans lequel rien n’échappe au regard acéré du cinéaste : ni la lâcheté, ni l’amertume, ni la misanthropie, et encore moins la tristesse incurable, la solitude glaçante face à cette « Mélancholia », planète vorace et assassine, comme l’est la mélancolie dévorante de Justine.

    « Melancholia » est un film bienheureusement inclassable, qui mêle les genres habituellement dissociés (anticipation, science-fiction, suspense, métaphysique, film intimiste…et parfois comédie certes cruelle) et les styles (majorité du film tourné caméra à l’épaule) .

    Un film de contrastes et d’oppositions. Entre rêve et cauchemar. Blancheur et noirceur. La brune et la blonde. L’union et l’éclatement. La terreur et le soulagement. La proximité (de la planète) et l’éloignement (des êtres).

    Un film à contre-courant, à la fois pessimiste et éblouissant. L’histoire d’une héroïne  incapable d’être heureuse dans une époque qui galvaude cet état précieux et rare avec cette expression exaspérante « que du bonheur ».

    Un film dans lequel rien n’est laissé au hasard, dans lequel tout semble concourir vers cette fin…et quelle fin ! Lars von Trier parvient ainsi à instaurer un véritable suspense terriblement effrayant et réjouissant qui s’achève par une scène redoutablement tragique d’une beauté saisissante aussi sombre que poignante et captivante qui, à elle seule, aurait justifié une palme d’or. Une fin sidérante de beauté et de douleur. A couper le souffle. D’ailleurs, je crois être restée de longues minutes sur mon siège dans cette salle du Grand Théâtre Lumière, vertigineuse à l’image de ce dénouement, à la fois incapable et impatiente de transcrire la multitude d’émotions procurées par ce film si intense et sombrement flamboyant.

    Et puis… comment aurais-je pu ne pas être envoûtée par ce film aux accents viscontiens (« Le Guépard » et « Ludwig- Le crépuscule des Dieux » de Visconti ne racontant finalement pas autre chose que la déliquescence d’un monde et d’une certaine manière la fin du monde tout comme « Melancholia »), étant inconditionnelle du cinéaste italien en question ? (J’en profite pour vous rappeler que « Ludwig- Le Crépuscule des Dieux de Visconti » est ressorti en salles la semaine dernière. A -re-voir absolument).

    Le jury de ce 64ème Festival de Cannes  a d’ailleurs semble-t-il beaucoup débattu du « cas Melancholia » (cf vidéo en bas de cette page).  Ainsi, selon Olivier Assayas, lors de la conférence de presse du jury : « En ce qui me concerne, c’est un de ses meilleurs films. Je pense que c’est un grand film. Je pense que nous sommes tous d’’accord pour condamner ce qui a été dit dans la conférence de presse. C’est une œuvre d’art accomplie. »

    Kirsten Dunst incarne la mélancolie (d’ailleurs pas pour la première fois, tout comme dans « Marie-Antoinette » et « Virgin Suicides ») à la perfection dans un rôle écrit au départ pour Penelope Cruz. Lui attribuer le prix d’interprétation féminine était sans doute une manière judicieuse pour le jury de récompenser le film sans l’associer directement au cinéaste et à ses propos, lequel cinéaste permettait pour la troisième fois à une de ses comédiennes d’obtenir le prix d’interprétation cannois (se révélant ainsi un incontestable très grand directeur d’acteurs au même titre que les Dardenne dans un style certes très différent), et précédemment Charlotte Gainsbourg pour « Antichrist », d’ailleurs ici également époustouflante.

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     Un très grand film qui bouscule, bouleverse, éblouit, sublimement cauchemaresque et d’une rare finesse psychologique qui, trois mois après l’avoir vu, me laisse le souvenir lancinant et puissant  d’un film qui mêle savamment les émotions d’un poème cruel et désenchanté, d’un opéra et d’un tableau mélancoliques et crépusculaires.

    Alors je sais que vous êtes nombreux à vous dire réfractaires au cinéma de Lars von Trier…mais ne passez pas à côté de ce chef d’œuvre (et je n’ai employé ce terme pour aucun autre film cette année) qui vous procurera plus d’émotions que la plus redoutablement drôle des comédies, que le plus haletant des blockbusters, et que le plus poignant des films d’auteurs et dont je vous garantis que la fin est d’une splendeur qui confine au vertige. Inégalée et inoubliable.

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  • Critique de "L'homme qui voulait vivre sa vie" de Eric Lartigau (à 20H50 sur Canal +): une adaptation elliptique sur la quête d'identité

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    J'avais lu le roman éponyme de Douglas Kennedy publié en France en 1998 (voir critique en bas de cet article), « L’homme qui voulait vivre sa vie », dont j’étais particulièrement curieuse de découvrir l’adaptation cinématographique étant donné que pour moi le roman, dans le fond comme dans la forme, est déjà très (trop) cinématographique. Douglas Kennedy lui-même ayant échoué à l’adapter en scénario, le projet a mis plusieurs années à se monter pour finalement voir le jour, produit par Pierre-Ange Le Pogam (Europacorp), et réalisé et écrit par Eric Lartigau (Laurent de Bartillat, Emmanuelle Bercot, Bernard Jeanjean ayant été consultés à différentes étapes de l’écriture) avec la bénédiction de Douglas Kennedy enchanté de cette adaptation et qui participe même à sa promotion.

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    Synopsis : Paul Exben (Romain Duris ) présente tous les signes extérieurs de bonheur : une femme Sarah (Marina Foïs), deux enfants, une profession prenante et lucrative (avocat d’affaires s’occupant des grandes fortunes), une belle maison au Vésinet. Tout juste échappe-t-il à ce cliché de la réussite en s’évadant dans la photographie, sa passion…jusqu’au jour où il découvre en sa femme une Emma Bovary qui trompe son mal être et son ennui dans les bras de leur voisin photographe Grégoire (Eric Ruf), arrogant et imbuvable. Sarah demande le divorce. Resté seul chez lui, Paul rend visite à Grégoire qui le provoque avec un cruel dédain. D’un geste de colère impulsive, Paul le tue involontairement. Un instant irréparable qui va à jamais bouleverser son existence. Le condamner à changer de vie et à devenir quelqu’un d’autre. Le condamner et peut-être le libérer…

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    Faut-il avoir tout perdu, et donc n’avoir plus rien à perdre pour se trouver ? Telle est la passionnante et complexe question que pose le film et, davantage que le livre qui par moments pouvait lorgner du côté du thriller, le film d’Eric Lartigau se concentre sur cette quête identitaire. C’est aussi la seconde partie, comme dans le roman, qui me semble plus intéressante, même si son intérêt ne résulte que de son contraste avec la première, donc indispensable. Paul devient alors réellement lui-même, non parce qu’il l’a réellement choisi, mais par la force des choses. Condamné à cette liberté vertigineuse et effrayante que symbolisent si bien le Montenegro et ses paysages beaux, âpres et sauvages. Une liberté paradoxalement contrainte.

    Ce n’est en effet pas dans le Montana mais en Bretagne puis au Montenegro où l’histoire a été transposée (l’avocat de Wall Street devenant avocat parisien) que fuit Paul. Venant tout juste de terminer la lecture du roman (donc très frais dans ma mémoire), je me suis concentrée sur les ressemblances et dissemblances entre ce dernier et le film et il faut souligner la manière habile dont le film est fidèle au roman … tout en lui étant infidèle. Pour cela les scénaristes ont majoritairement recouru  à l’ellipse et à la simplification, réduisant le nombre de personnages, expliquant en une scène ou une réplique (parfois trop rapidement pour que spectateur comprenne réellement un des éléments essentiels du roman : en quoi ce bonheur n’est qu’une image, en quoi cette réussite est pour lui un échec et une prison) ce qui l’était en plusieurs dans le roman, le but étant que le spectateur s’identifie à Paul, Paul que la caméra ne quitte pas, accrochée à sa peur et à son regard.

    Les scénaristes ont aussi choisi de faire une réelle séparation entre les deux parties et les deux vies de Paul alors que dans le livre sa vie d’avant ressurgissait de différentes manières. Quelques scènes ont par ailleurs été édulcorées (comme ce que Paul fait subir au cadavre).  Là où le roman s’évertuait tout de même à justifier ses rebondissements abracadabrantesques, le film ne prend pas cette peine : Paul n’efface pas ses empreintes après le meurtre, il a curieusement à sa disposition tout le matériel de l’assassin souhaitant effacer ses traces… et d’autres scènes en revanche superflues nous montrent ses allers et venues pour préparer son départ.

    C’est donc sur sa quête de lui-même, de sa vraie vie que se concentre la deuxième partie, même si cette nouvelle vie se déroule la peur chevillée au corps. Le changement de style, de décor, de manière de filmer (majoritairement caméra à l’épaule) épousent cette nouvelle identité et de nouveau le regard de Paul qui, désormais, voit ce qu’il regarde. Un regard d’une telle acuité que ses (très belles) photos le reflètent et lui valent un soudain succès.

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     Le problème, c’est qu’à force de vouloir être trop elliptique et d’être régi selon le principe une scène = une idée (exemple : Paul, en tant qu’avocat, reçoit un riche héritier et pour le forcer à travailler lui subtilise l’objet de sa passion comme son père le fit avec lui) , le film présente le même défaut que le roman qui vise l’efficacité avant tout.  A l’image de son personnage principal, constamment sur le qui-vive, le spectateur n’a le temps de s’attacher à rien, là où justement Paul devrait lui donner le sentiment de vivre réellement (dans la seconde partie).

     Certains personnages secondaires font par ailleurs de la figuration malgré l’importance de leur rôle (surtout Ivana-Branka Katic dont un regard évasif résume son passé douloureux et expliqué dans le roman, et dont rien d’autre ne justifie son attachement soudain à Paul).

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    Les plans les plus intéressants sont pour moi ceux où Paul photographie et découvre, fier et effrayé, ces images qu’il a enfantées. L’art comme une nouvelle naissance … une piste qu’il aurait été intéressant d’explorer.

    Les scénaristes ont donc délibérément choisi d’axer l’histoire sur la quête identitaire quitte à bâcler d’autres éléments importants, ils ont également choisi une fin différente de celle du livre, l’une faisant le pari de la liberté, l’autre de l’enfermement et dans l’un et l’autre cas nous laissant le loisir d’imaginer la suite à moins que Douglas Kennedy ou les scénaristes ne s’en chargent prochainement…

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    Malgré ses ellipses redondantes, malgré quelques facilités et improbabilités scénaristiques, la grande force du film qui parvient à en faire oublier les faiblesses, c’est Romain Duris qui incarne à la perfection cet homme enfermé dans sa liberté, ses contradictions, sa culpabilité, et qui, par la richesse de son jeu, parvient à montrer deux visages du même homme et à nous rendre proche cet homme qui pourrait être si lointain. Il ne faut pas oublier non plus les seconds rôles tous parfaits… de Catherine Deneuve en « père » spirituel, toujours aussi flamboyante, à Marina Foïs, en épouse aigrie et malgré tout touchante sans oublier Niels Arestrup aussi mystérieux, volcanique qu’inquiétant.

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    Critique du roman "L'homme qui voulait vivre sa vie" de Douglas Kennedy
     

     

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    Avant de voir, ce soir, en avant-première, l’adaptation du roman « L’homme qui voulait vivre sa vie » par Eric Lartigau avec Romain Duris dans le rôle principal, quelques mots sur le roman de Douglas Kennedy. Il est vrai que la rubrique littéraire de ce blog a été quelque peu délaissée après une profusion de critiques l’an passé, à l’occasion de ma participation au jury des lectrices ayant la lourde tâche, et non moins agréable, de décerner le prix littéraire du magazine Elle. Il est vrai aussi que si je lis beaucoup, je (re)lis beaucoup plus de classiques que de littérature contemporaine, peut-être est-ce aussi ce qui explique  (en partie) mon opinion sur le livre en question.

     Le « pitch » d’abord (j’emploie ce terme à dessein car il s’agit pour moi beaucoup plus d’un pitch scénaristique que d’un résumé de roman) tel que publié en quatrième de couverture : «  Ben Bradford a réussi. La trentaine, avocat compétent, un beau poste dans l'un des plus grands cabinets de Wall Street, un salaire à l'avenant, une femme et deux fils tout droit sortis d'un catalogue Gap. Sauf que cette vie, Ben la déteste. Il a toujours rêvé d'être photographe. Quand il soupçonne que la froideur de son épouse est moins liée à la dépression postnatale qu'à une aventure extraconjugale, ses doutes reviennent en force, et avec eux la douloureuse impression de s'être fourvoyé. Ses soupçons confirmés, un coup de folie meurtrier fait basculer son existence, l'amenant à endosser une nouvelle identité... »

    Ce qui m’avait marquée dans le cadre de ma participation au jury précité, c’était à quel point un grand nombre de romans (dans le fond comme dans la forme) étaient calqués sur les blockbusters cinématographiques américains (à moins qu’il ne s’agisse d’un pléonasme, alors disons sur les blockbusters), et « L’homme qui voulait vivre sa vie » me semble être la quintessence de ce style de roman. Ainsi, le style est simple, pour ne pas dire enfantin (on ne sait jamais, le lecteur pourrait se heurter à un mot inconnu et donc devoir ralentir sa lecture qui, ici, ne doit pas se déguster mais être ingurgitée). Le lecteur devient un consommateur vorace et insatiable, un comble pour un livre qui feint de dénoncer la consommation frénétique.

     Certes un chef d’œuvre de la littérature peut aussi se dévorer, mais les mots n’y sont pas de simples outils destinés à faire uniquement avancer l’histoire. Ils ont leur existence propre et le plaisir du lecteur provient  alors autant de leur alliance ou mésalliance que de l’histoire.  Oui, je sais, sans doute suis-je anachronique. Quelle idée d’exiger d’un livre qu’il soit bien écrit. Revenons au blockbuster : une situation inextricable et donc souvent hors du commun (souvent vécue par un homme ordinaire), un style qui vise avant tout l’efficacité,  des scénaristes qui ne s’embarrassent pas de psychologie, un sujet faussement subversif (personnage amoral voire immoral mais qui finit toujours pas se racheter et critique faussement ravageuse, ici de la réussite à l’Américaine) et une fin ouverte histoire de pouvoir écrire/réaliser une suite. Le but est l’efficacité avant tout. A n’en pas douter si, pour moi, le livre n’est pas une œuvre littéraire le film a de grandes chances d’être réussi (ce que me confirme d’ailleurs la bande-annonce).

    Une fois passée cette désagréable impression, stylistiquement parlant, de lire le journal plutôt qu’un roman, je me suis donc laissé entraîner, tournant les pages avec avidité (efficace, vous dis-je), impatiente de savoir ce qui arrivait à ce Ben Bradford et de voir donc, selon Douglas Kennedy, en quoi consistait « vivre sa vie ». Sans doute le but du pitch est-il de susciter l’identification d’un maximum de lecteurs partant du principe qu’un grand nombre souhaite changer de vie, le pitch le plus accrocheur pouvant se résumer ainsi « Que seriez-vous prêt à faire pour tour recommencer à zéro et changer de vie ?» et qui selon moi serait plutôt « A quel point pourriez-vous être lâche et égoïste  si vous n’aviez d’autre choix que de changer de vie ?» (mais c’est tout de suite moins accrocheur, j'en conviens). Seulement, je ne sais pas combien sont capables de tuer, découper le cadavre, inventer une histoire abracadabrantesque pour s’enfuir, abandonner femme et enfants (avec un peu de scrupule tout de même, il ne faudrait pas non plus choquer le lecteur/consommateur). Certes, je n’ai aucune envie de changer de vie mais si tel avait été le cas, je ne me serais sans doute pas plus identifiée à Ben Bradford et n’aurais pas été plus compréhensive.

     Là est pour moi le second problème : non seulement c’est totalement invraisemblable (sans parler de sa rencontre avec une journaliste qui lui écrit je t’aime au bout de quelques heures, sur des accidents vraiment opportuns et totalement improbables, et sur le fait que pour quelqu’un qui a mis autant d’énergie à disparaître il en met aussi beaucoup à se retrouver dans des situations susceptibles de le faire reconnaître ), c’est que je n’ai éprouvé aucune sympathie ni empathie pour ce personnage égoïste et lâche.

    Je suis donc d’autant plus curieuse de découvrir l’adaptation cinématographique dont je ne manquerai pas de vous parler dès demain et en attendant n’hésitez pas à me donner votre avis sur le roman, étant assez étonnée par le concert de louanges dont il fait l’objet.

     
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  • Critique – « Les Lyonnais » de Olivier Marchal avec Gérard Lanvin, Tchéky Karyo…

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    Avec ce quatrième long-métrage après « Gangsters », « 36 Quai des Orfèvres » et « MR 73 », Olivier Marchal continue d’ausculter le milieu qu’il connaît le mieux, celui des « flics et voyous ». Si le cinéma policier a donné la majorité de ses plus grands films dans les années 1970, (« Le Cercle rouge » de Jean-Pierre Melville, « Max et les ferrailleurs » de Claude Sautet, « Police Python 357 » d’Alain Corneau…), c’est aussi la décennie symbolique des gangs comme celui des Lyonnais dont Olivier Marchal retrace le parcours, suite à la lecture d’ « Une poignée de cerises », l’autobiographie d’Edmond Vidal, un des fondateurs du « Gang des Lyonnais » et suite à sa rencontre avec ce dernier, même s’il s’en est inspiré de manière très libre puisque le livre s’arrête en 1977 alors que le film se poursuit de nos jours. En pleine affaire Neyret (le commissaire qui a même inspiré un des personnages du film), le film d’Olivier Marchal est rattrapé par l’actualité…

    Edmond Vidal, dit Momon,  fondateur du Gang des Lyonnais, c’est ici Gérard Lanvin qui, à l’approche de la soixantaine, s’est retiré des « affaires » pour s’occuper de sa femme Janou (Valeria Cavalli) qui a beaucoup souffert desdites affaires et a même fait de la prison pour lui, et pour s’occuper de ses petits enfants. Au contraire de ce dernier, Serge Suttel (Tchéky Karyo), l’ami d’enfance, avec qui il avait fait ses premiers mois de prison (pour le vol d’une caisse de cerises) et fondé le Gang des Lyonnais qui, lui, est en cavale depuis plusieurs années, et qui se fait enfin arrêter. Edmond Vidal va devoir choisir entre la promesse faîte à sa femme de ne plus reprendre « les affaires » et la loyauté envers son ami…avec qui il s’était fait connaître pour leurs braquages dans les années 1970, une série de braquages qui avait pris fin en 1974 lors d’une arrestation spectaculaire. Mais pour Momon, l’amitié prime sur tout…et surtout en vertu fameux code de l’honneur…qui veut qu’on ne laisse pas un ami en prison…

    Olivier Marchal a deux principaux atouts : bien connaître le milieu dont il parle (ce qui n’est par ailleurs guère rassurant quand on voit le portrait de la police qu’il fait ici ou dans ses autres films) et dans lequel il nous plonge et dont il nous montre une nouvelle facette à chaque  nouveau long-métrage, et savoir habilement manier les codes du récit et du polar. En commençant par la fin et nous laissant entendre que Vidal se fera tuer, il crée d’emblée un suspense qui fera un peu défaut au reste du long-métrage mais là semble ne pas avoir été l’objectif principal de Marchal qui ici cherche plutôt à retracer un parcours et une époque : le parcours d’un homme face à ses principes et ses illusions perdues et  une époque qu’il regarde avec une étrange nostalgie. Nostalgie d’un temps où un policier pouvait interroger un voyou venant d’être arrêté au restaurant avec la promesse de ce dernier de ne pas s’enfuir selon le fameux code d’honneur. « Etrange » nostalgie car Marchal semble avoir plus de fascination pour les voyous que les flics auxquels il appartenait et dont il montre ici les méthodes pour le moins douteuses. Nostalgie parce que si Le Gang des Lyonnais s’était aussi fait connaître pour réaliser des braquages sans jamais verser de sang, cette époque est belle et bien révolue. Le choix de Marchal du flashback avec le parallèle entre la jeunesse de Vidal (style sépia à l’appui) et le présent, permet aussi de mettre l’accent sur ce décalage. Désormais on n’hésite plus à tuer à bout portant, hommes et femmes, ni à égorger hommes et animaux.

    Le personnage de Vidal, le Gitan victime d’ostracisme qui devient chef de gang, dont les « principes » sont tellement contradictoires avec le mode de vie pour lequel, encore une fois, Marchal semble éprouver une vraie fascination, est sans doute le véritable intérêt du film, seulement Gérard Lanvin, s’il ne joue pas mal, semble ne pas totalement convenir au rôle, écrit au départ pour Alain Delon dont l’ombre semble planer sur tout le film. Voix, gestuelle, coiffure même, Lanvin semble être ici l’ombre un peu terne de Delon qui aurait en effet été impeccable dans ce rôle (et qui officiellement l’a laissé pour un différend concernant l’écriture du scénario et des raisons d’emploi du temps). On peut aisément comprendre qu’il ait été tenté par ce rôle de Parrain en voie de rédemption rattrapé par le passé, lequel Parrain semble avoir d’ailleurs beaucoup inspiré Marchal, de la scène d’anniversaire qui rappelle celle du mariage au début du film de Coppola à certaines méthodes qui rappellent celles des Corleone (Depardieu était déjà filmé en « Parrain » dans « 36 quai des orfèvres »). Mais on peut aussi comprendre ce qui a pu le rebuter et ce qui ne figurait jamais dans les films de Melville qu’il a contribué à immortaliser : une violence parfois excessive (le film est interdit aux moins de 12 ans).  Dans un souci peut-être de réalisme, et sans doute influencé par le cinéma américain, Marchal use et abuse des scènes de fusillades ou tortures qui pour moi au lieu de faire avancer l’histoire la freinent. C’est aussi ce qui m’avait dérangée dans le « Mesrine » de Richet dans lequel ce dernier était présenté comme un héros.

    « Le Gang des Lyonnais » c’est aussi la radiographie d’une époque, avec notamment les liens troubles entre le SAC et le gang.  Marchal est aussi l’auteur de la série « Braquo », dans « Le Gang des Lyonnais » figurent ainsi tous les éléments pour une série, et peut-être le format du long-métrage était-il trop étroit pour retracer tant d’évènements (les braquages sont ainsi à peine montrés).

    D’un point de vue purement cinématographique, « Le Gang des Lyonnais » est néanmoins une réussite : des acteurs talentueux (mais quelle idée d’avoir choisi Dimitri Storoge pour interpréter Lanvin jeune, il ne lui ressemble vraiment pas du tout) avec de vrais gueules de truands que Marchal semble avoir beaucoup de plaisir à filmer (Daniel Duval, Lionnel Astier, François Levantal…), une construction scénaristique habile et maîtrisée (ce qui n’exclut pas l’ennui et quelques baisses de rythme), une réalisation qui ne manque pas d’ampleur,  et un dénouement, désenchanté et mélancolique, réussi.

    De films en films, Olivier Marchal impose son style bien à lui, un singulier mélange d’âpreté, de réalisme désabusé et de sentimentalité exacerbée avec des hommes qui perdent leurs illusions, dessinant une frontière très floue entre les flics et les voyous, loin de tout manichéisme, avec le souci de montrer une nouvelle facette du banditisme ou de la police, mais aussi toujours avec une musique omniprésente, des acteurs charismatiques, de vraies « gueules » (Demongeot, Anconina, Depardieu hier)  pour renouer avec la grande époque des polars, et un dénouement toujours réussi qui laisse une empreinte forte au spectateur. Olivier Marchal a l’avantage d’être aujourd’hui le seul dans ce genre de film et film de (ce) genre en France (« A bout portant » de Fred Cavayé n’ayant pas tenu les belles promesses de « Pour elle »), même si j’avais largement préféré « Gangsters » et « 36 quai des Orfèvres » que je vous recommande de (re)voir (avec une préférence pour le premier).

    Retrouvez également cet article sur mon nouveau blog: http://inthemoodlemag.com  à propos duquel j'attends par ailleurs vos avis et commentaires...

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  • Rétrospective cinéma et littérature à la Filmothèque du Quartier Latin du 10 janvier au 14 février 2012

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    Voilà une belle idée que celle de la Filmothèque du Quartier Latin de proposer une rétrospective Littérature et Cinéma du 10 janvier au 14 février 2012. L’occasion de revoir des classiques du cinéma (la sélection est remarquable, je crois bien que la Filmothèque deviendra ma seconde maison en janvier, février …) mais aussi des films récents, des films dont vous pouvez retrouver quelques critiques ici (cliquez sur les noms des films pour accéder à mes critiques) :

    « Le Guépard » de Luchino Visconti

    « L’armée des ombres » de Jean-Pierre Melville

    « Sagan » de Diane Kurys 

     

    PROGRAMME :

    Ouverture : le 10 janvier

    Rencontre : Emmanuel CARRERE (BOUGE PAS, MEURS ET RESSUSCITE) (en présence de l'actrice Dinara Droukarova)

     

    Semaine 1 : du 11 au 17 janvier

    Grands classiques : BARRY LYNDON, LE GUEPARD, LE MEPRIS, GENS DE DUBLIN, LE DIABLE AU CORPS, A L'EST D'EDEN.

    L'Ecrivain scénariste et cinéaste : TERRE ET CENDRES.

    L'Ecrivain vu par le cinéma : BRIGHT STAR.

    Les Jeudis du Polar : Romain SLOCOMBE présente LE CORBEAU ; ASSURANCE SUR LA MORT.

    Les Rencontres : Christine MONTALBETTI (MADAME BOVARY), Atiq RAHIMI (avant-première de réédition de L'INSOUTENABLE LEGERETE DE L'ETRE), Carole MARTINEZ (MOBY DICK).

     

    Semaine 2 : du 18 au 24 janvier

    Grands classiques : LE TEMPS DE L'INNOCENCE, LE MANTEAU, REBECCA, JOURNAL D'UN CURE DE CAMPAGNE, DIAMANTS SUR CANAPE, UN AMOUR DE SWANN.

    L'Ecrivain scénariste et cinéaste : THE SERVANT, UN ROI SANS DIVERTISSEMENT.

    L'Ecrivain vu par le cinéma : LES SOEURS BRONTE.

    Les Jeudis du Polar : « Spécial Jim Thompson » : François GUERIF (éditeur) présente GUET-APENS ; Marc VILLARD présente SERIE NOIRE.

    Les Rencontres : Zoé VALDES (LOLITA), Thomas CLERC (L'ARMEE DES OMBRES).

    Lecture : Marie RIVIERE lit « Les Morts se taisent » de Schniztler avant EYES WIDE SHUT.

     

    Semaine 3 : du 25 au 31 janvier

    Grands classiques : LA RONDE, LE DECAMERON, LOOKING FOR RICHARD, HAMLET, LA MARQUISE D'O, LA MAISON ET LE MONDE

    L'Ecrivain scénariste et  cinéaste : DROLE DE DRAME, NE TOUCHEZ PAS LA HACHE.

    Les Jeudis du Polar : Jean-Hugues OPPEL présente WINTER'S BONE ; TIREZ SUR LE PIANISTE.

    Les Rencontres : Eric LAURRENT (SADE - en présence de Benoît Jacquot, sous réserve), Maylis de KERANGAL (VANYA, 42ème RUE).

    Séance exceptionnelle : Les problématiques de l'adaptation par Alain Garel.

     

    Semaine 4 : du 1er au 7 février

    Grands classiques : LA NUIT DE L'IGUANE, LE ROUGE ET LE NOIR, LA RONDE DE L'AUBE, OLIVER TWIST, LE PLAISIR, LES 4 CAVALIERS DE L'APOCALYPSE.

    L'Ecrivain scénariste et cinéaste : Z, ESPOIR.

    L'Ecrivain vu par le cinéma : HENRY & JUNE.

    Les Jeudis du Polar : LA NUIT DU CHASSEUR.

    Les Rencontres : Tanguy VIEL (COMME UN TORRENT), Dominique BARBERIS (LES VESTIGES DU JOUR).

    Lecture : Irène JACOB lit des extraits d'« Ecrire » de Marguerite Duras avant NATHALIE GRANGER.

     

    Semaine 5 : du 8 au 14 février

    Grands classiques : LE TEMPS D'AIMER ET LE TEMPS DE MOURIR, LES LIAISONS DANGEREUSES, DUELLISTES, LE SILENCE DE LA MER.

    L'Ecrivain scénariste et cinéaste : LE ROMAN D'UN TRICHEUR.

    L'Ecrivain vu par le cinéma : CASANOVA, UN ADOLESCENT A VENISE.

    Les Jeudis du Polar : PAS D'ORCHIDEES POUR MISS BLANDISH.

    Week-end d'hommage à Françoise SAGAN (en présence de Denis WESTHOFF) : BONJOUR TRISTESSE, SAGAN, LES FOUGERES BLEUES (précédé du court-métrage ENCORE UN HIVER), LANDRU.

    Lecture : Mathias MEGARD lit des extraits du Cas Jekyll de Christine Montalbetti et des Carnets de Stevenson avant DOCTEUR JEKYLL ET MISTER HYDE.

    Séance exceptionnelle : Leçon de cinéma d'Alain Garel sur MORT A VENISE.

     

    Clôture : le 14 février

    Programmation en cours

     

    La Filmothèque du Quartier Latin

    9, rue Champollion - 75005 Paris - France - Tél. 01 43 26 70 38

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  • Après les 4 blogs, découvrez "In the mood - Le Magazine" !

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    Après les 4 blogs (sur lesquels je continuerai à écrire autant), découvrez "In the mood - Le Magazine":

     http://inthemoodlemag.com 

     Les commentaires, critiques et suggestions sont les bienvenus.

     Pour en savoir plus sur les raisons de la création de ce 5ème blog, rendez-vous dans sa rubrique "A propos".

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  • Critique- Sortie DVD- "I'm still here" de Casey Affleck avec Joaquin Phoenix

    Ce 24 novembre est sorti en DVD "I'm still here" de Casey Affleck avec Joaquin Phoenix. Une bonne occasion de le découvrir si vous l'aviez manqué lors de sa sortie. Retrouvez ma critique ci-dessous.

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    C'est dans le cadre du dernier Festival Paris Cinéma que j'avais découvert en avant-première « I’m still here » de Casey Affleck (dont c’est le premier film en tant que réalisateur, acteur exceptionnel notamment dans « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » d’Andrew Dominik ou dans « Gone baby gone » de son frère Ben Affleck) et Tom Blomquist… quelques jours après avoir revu « Two lovers » de James Gray (ma critique en bonus en bas de cet article) dans le cadre de ce même festival.  « I’m still here » a déjà été présenté dans plusieurs festivals et non des moindres puisqu’il figurait en sélection officielle de la Mostra de Venise et du Festival International de Toronto.

    C’est justement après la fin du tournage de « Two lovers » que Joaquin Phoenix a (vraiment) annoncé qu’il voulait arrêter sa carrière pour… se consacrer à la musique. C’est son beau-frère Casey Affleck qui immortalise ces instants, pendant deux ans, de l’explication de ses motivations … à sa descente aux enfers…ou plutôt disons qu’il feint d’immortaliser ces instants puisque tout cela n’est que fiction même si pendant deux ans Joaquin Phoenix a tout fait pour (nous) laisser croire qu’il s’agissait de la réalité.

    Ce style hybride (apparent documentaire mais vraie fiction), ce jeu constant sur les frontières entre fiction et réalité ( il manipule la réalité comme les médias manipulent sa réalité) en font à la fois un film fascinant et agaçant, humble et présomptueux ; en tout cas un objet filmique singulier posant des questions passionnantes sur le statut de l’image (au double sens du terme d’ailleurs : image cinématographique et image de l’artiste).

     « I’m still here » est fascinant en ce qu’il dresse finalement bien moins le portrait d’un homme que celui de la société qui le regarde mais c’est en cela que c’est aussi effrayant d’ailleurs.  Barbe, cheveux hirsutes, tenue vestimentaire improbable et hygiène aléatoire : sa métamorphose physique s’accompagne d’une descente aux enfers mais,  plus que spectacle de sa propre déchéance, nous assistons  finalement davantage au spectacle de ceux qui regardent et se délectent de cette déchéance avec mépris, cynisme, voracité. Voracité médiatique mais aussi voracité du public. Une scène en est particulièrement significative : tandis que sur scène il ânonne tant bien que mal un pseudo rap aux paroles aussi nombrilistes qu’insultantes envers le public, et dramatiquement drôles, une marée de téléphones portables immortalise l’instant sans vergogne... et sans broncher.  Scène édifiante, cynique, dérangeante,  et finalement insultante pour le spectateur, miroir du public carnassier qui assiste à cette scène et se glorifie d’y assister. Parce que ne nous y trompons pas : s’il feint de se ridiculiser, de caricaturer l’artiste en pleine décadence,  c’est finalement lui, Joaquin Phoenix, qui en sort avec le beau rôle, paradoxalement le sien, celui de l’innocent broyé par un système face à notre inertie et notre délectation coupables.

     Certes, avant le spectateur, c’est le flux dévorant d’images médiatiques qui se nourrit sans recul de ses excès (drogue, sexe, humiliations : rien ne nous est épargné), qui absorbe sans s’interroger ou se remettre en questions, que stigmatise cette fiction aux airs trompeurs de documentaire mais c’est aussi le spectateur ou le citoyen lambda avec son téléphone portable qui en devient le complice ou l’instigateur. C’est alors faire preuve d’une certaine condescendance à l’égard du public : un public aveugle, crédule, manipulateur (d’images) manipulé et doublement manipulé. Manipulé dans le spectacle que Joaquin Phoenix lui a donné à voir pendant deux ans mais aussi manipulé dans celui qui se déroule sur l’écran. Seulement, si pour la première manipulation la supercherie a parfaitement fonctionné, la seconde (même pour un spectateur ignorant de l’histoire et du caractère fallacieux du documentaire) laisse trop souvent entrevoir son dispositif (rôle trop écrit de Puff Daddy et présence préalable de la caméra alors que celui-ci feint la surprise devant la présence de Joaquin Phoenix) pour que la manipulation fonctionne parfaitement puisque volonté de manipulation il y a bel et bien, le film étant qualifié de « documentaire ».   Il fallait en tout cas beaucoup d’audace, de détermination, de folie (ou plutôt au contraire de raison) pour continuer à jouer le jeu même pendant la promotion d’un sublime film comme « Two lovers » dont on ne peut s’empêcher de penser que ce buzz médiatique lui a nui.

     N’en demeure pas moins un film très malin dont le début fait intelligemment écho à la fin mais aussi au dernier rôle Joaquin Phoenix (de Leonard dans « Two lovers » qui au début du film se jette à l’eau) qui se jette aussi à l’eau (là aussi dans les deux sens du terme), accentuant les résonances entre fiction et (semblant de) réalité. Et si dans la fiction « Two lovers » cela a fait revenir  son personnage à la réalité, ici cela lui permet de tuer ce personnage qu’il a endossé pendant deux ans lors d’une très belle scène finale. D’ailleurs « I’m still here » contient plusieurs très beaux plans de cinéma qui signent la naissance d’un vrai cinéaste.

     Le scénario est finalement très habile, et même cyniquement drôle, parfois au détriment de ceux qui en sont les complices plus ou moins volontaires Malgré son narcissisme, sa condescendance, « I’m still here » est une œuvre passionnante, audacieuse, un saut dans le vide , une mascarade, une manipulation, une « performance artistique », un pied-de-nez à un afflux abêtissant d’images qu’il interroge intelligemment d’autant plus à une période où une affaire dont on ne sait plus très bien si elle est fiction ou réalité se déroule là aussi sur les yeux lunatiques, dévorants, carnassiers des médias et de citoyens devenus public.   Un film aussi malin que le « Pater » d’Alain Cavalier (même si je préfère et de loin celui de Casey Affleck), l’un et l’autre mettant en scène la réalité, un simulacre de réalité dont le réalisateur est le manipulateur et le spectateur la marionnette, victime d’images dont il est d’habitude le coupable, vorace et impitoyable filmeur. Une brillante inversion des rôles. Une démonstration implacable. A voir.

    Sachez enfin que Joaquin Phoenix (est-il besoin de l’ajouter, ici, remarquable) sera prochainement à l’affiche des films de James Franco, Steven Shainberg, Paul Thomas Anderson.

     Sortie en salles : le 13 juillet.

    Critique de "Two lovers" de James Gray

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     « Two lovers » sera également projeté au mk2 bibliothèque, vendredi 8  juillet, à 14H45.

     Direction New York, ville fétiche du cinéma de James Gray, où, après avoir tenté de se suicider,  un homme hésite entre suivre son destin et épouser la femme que ses parents ont choisie pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, belle, fragile et inconstante, dont il est tombé éperdument amoureux, un amour dévastateur et irrépressible.

    L’intérêt de « Two lovers » provient avant tout des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses. Si James Gray est avant tout associé au polar, il règne ici une atmosphère de film noir et une tension palpable liée au désir qui s’empare du personnage principal magistralement interprété par Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, fiévreux, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble  crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente.

    Ce dernier interprète le personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (à travers le regard duquel nous suivons l’histoire : il ne quitte jamais l’écran), un homme, atteint d'un trouble bipolaire (mais ce n'est pas là le sujet du film, juste là pour témoigner de sa fragilité) qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes : Michelle, sa nouvelle voisine incarnée par Gwyneth Paltrow, et Sandra, la fille d’amis de ses parents campée par l’actrice Vinessa Shaw. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard va balancer…

    Il éprouve ainsi un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Ces « Two lovers » comme le titre nous l’annonce et le revendique d’emblée ausculte  la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’acceptent pas les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister, de ne pas trouver « la mélodie du bonheur ».

    Par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, James Gray  dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne ( plan de Michelle derrière des barreaux de son appartement, les appartements de Leonard et Michelle donnant sur la même cour rappelant ainsi « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock de même que la blondeur toute hitchcockienne de Michelle), et qui exalte et détruit.

    James Gray a délibérément choisi une réalisation élégamment discrète et maîtrisée et un scénario pudique et  la magnifique photographie crépusculaire de Joaquin Baca-Asay qui procurent des accents lyriques à cette histoire qui aurait pu être banale,  mais dont il met ainsi en valeur les personnages d’une complexité, d’une richesse, d’une humanité bouleversantes.  James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages (Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père etc).

     Un film d’une tendre cruauté, d’une amère beauté, et parfois même d'une drôlerie désenchantée,  un thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Irrépressiblement. Ajoutez à cela la bo entre jazz et opéra ( même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, « Una furtiva lagrima » que dans  le chef d’œuvre de Woody Allen « Match point » dans lequel on retrouve la même élégance dans la mise en scène et la même "opposition" entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski… : les ressemblances entre les deux films sont trop nombreuses pour être le fruit du hasard ), et James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin. Trois ans après sa sortie : d’ores et déjà un classique du cinéma romantique.

     
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