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"La Sainte Victoire" de François Favrat avec Christian Clavier, Clovis Cornillac...

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Voilà un film dont je redoutais le pire ! La politique est un sujet finalement assez rarement abordé dans le cinéma français postérieur aux années 1970 où il a culminé et, quand il l'est, c'est toujours de manière caricaturale mettant en scène des hommes politiques arrivistes, prêts à tout pour accéder au pouvoir dont la quête, forcément effrénée, est en général uniquement guidée par l'ambition personnelle, le paroxysme d'absurdité et de manichéisme ayant été atteint avec « Président » de Lionel Delplanque même si, avec « Le Promeneur du champ de mars », Robert Guédiguian nous avait proposé un passionnant portrait tout en nuances d'une emblématique figure politique du 20ème siècle. Mes craintes furent renforcées par la présence de Christian Clavier, redoutant qu'il ne soit seulement là pour un contre-emploi et comme deuxième caution « bankable » du projet.

Ce n'est pas sous les ors de l'Elysée que nous embarque François Favrat mais en Provence, là où Xavier Alvarez (Clovis Cornillac) un petit architecte avide de reconnaissance sociale (ou de la fameuse montre que selon un célèbre publicitaire pour avoir réussi sa vie, il faut avoir avant 50 ans) et parti de rien n'a plus qu'une ambition pour que sa réussite soit - à ses propres yeux- complète : décrocher un gros marché public. Il voit alors en Vincent Cluzel (Christian Clavier), candidat outsider à la mairie le moyen idéal de décrocher ce projet. Pendant ce temps des écologistes se battent contre une entreprise de téléphonie mobile et les effets néfastes de l'implantation des antennes relais sur la santé. Les deux histoires vont se rejoindre et chacun va devoir confronter ses rêves, ses idéaux, ses combats au principe de réalité...

Pour une fois, au moins pas de « tous pourris » simplificateur, caricatural et démagogique. Sans doute est-ce aussi la raison qui, malgré toutes ses faiblesses, me donne envie de défendre ce film, le personnage de Christian Clavier (ici d'une sobriété rare et étonnamment crédible dans ce rôle)  pour une fois nous montrant un homme politique intègre, humain, et pas un calculateur froid prêt à tout pour réussir et satisfaire ses ambitions personnelles. Avec beaucoup d'habileté François Favrat nous montre comment, malgré son intégrité, pour gravir les échelons et donc appliquer sa politique, Cluzel va devoir faire des compromis avec ses principes, va être confronté à des dilemmes moraux, va devoir renoncer à certaines de ses idées pour en défendre d'autres et pour conserver le pouvoir.

Face à lui Xavier Alvarez, fébrile, sanguin, aveuglé par sa dévorante ambition, sa rage de réussir et  surtout de reconnaissance, ou encore par son désir de posséder tous les signes extérieures de richesse, va  pousser Cluzel, au nom de l'amitié, dans l'abus de bien social. On pense évidemment à des affaires médiatiques comme l'affaire Noir /Botton mais cette histoire, finalement éternelle, pourrait sans doute s'appliquer à bien d'autres et même à d'autres domaines.

Qu'êtes-vous prêt à perdre pour gagner ?  Question passionnante... qui ne s'applique d'ailleurs pas qu'au domaine politique. La vraie réussite est sans doute d'accéder à ses ambitions tout en restant intègre, fidèle à ses idéaux de jeunesse mais ici, malgré son idéalisme, Cluzel se heurte au principe de réalité. Ou de la nécessité parfois d'être machiavélien sans pour autant être forcément machiavélique... Comment rester intègre quand la conservation du pouvoir pour appliquer ses idées (ou même parfois les évènements inextricables ou comme ici des amitiés) nécessite d'en bafouer quelques unes ? Comment distinguer l'amitié sincère  de celle fallacieuse et intéressée ? La Victoire est elle si « sainte » ou si nécessaire qu'il faille y sacrifier certains idéaux pour en défendre et appliquer d'autres ? Accéder à ses ambitions nécessite-t-il de vendre son âme au diable ?  Aider les autres se fait-il au mépris de certains autres ? La politique par essence pour être appliquée n'implique-t-elle pas de faire des entorses à ses idéaux ? Si le film n'apporte pas forcément de réponses, il montre en tout cas que rien n'est blanc ou noir mais que la politique étant faîte par des humains et non des machines, ceux qui la conduisent  sont forcément faillibles.

Ce film pose aussi la question de l'image, et là encore des compromis qu'il faut faire pour qu'elle soit attractive, parfois au mépris du fond qui n'en devient alors que secondaire : star du football comme caution médiatique, look à la George Clooney, phrases accrocheuses, alliance avec les écologistes -qui feront partie de ce qu'il devra perdre pour gagner- mises à mal par les pressions financières, dangereuses connivences, pressions lobbyistes...

Avec ce deuxième long-métrage, François Favrat explore de nouveau le thème de la fascination qu'un personnage exerce sur un autre, passant du domaine du cinéma avec « Le rôle de sa vie » à celui de la politique, deux domaines dans lesquels les enjeux, de pouvoir ou de notoriété, ont finalement des conséquences (trahisons etc) similaires.

Alors évidemment le film n'est pas exempt de faiblesses : une musique omniprésente, des raccourcis scénaristiques (l'histoire d'amour entre Alvarez et la fille de Cluzel est un peu vite expédiée ; le père d'Alvarez réapparaît deux fois de manière opportune sans aucune logique entre ces deux apparitions ; le revirement de caractère du personnage de la journaliste incarnée par Marianne Denicourt est peu crédible), un mélange des genres parfois dommageable même si l'idée de passer de la légèreté à la noirceur (aussi bien dans le fond que dans la forme) est intéressante en ce qu'elle montre comment la proximité du pouvoir change finalement davantage ceux qui l'approchent que ceux qui le détiennent forçant ainsi les seconds également à se composer un personnage.

 Pour la complexité de son analyse psychologique du personnage principal, son refus du manichéisme, et la décortication des mécanismes du pouvoir et de ses compromissions mais aussi de la solitude du pouvoir, le tout incarné par un Christian Clavier surprenant  lequel est accompagné par une excellente distribution (Sami Bouajila, Marilyne Canto,  Marianne Denicourt...), cette Saint Victoire mérite vraiment le détour... ne serait-ce que parce qu'elle réhabilite et interroge une notion souvent mise à mal, en politique et ailleurs : l'intégrité... en laquelle l'idéaliste que je suis ne peut s'empêcher de continuer à croire, et à croire qu'il en existe encore des représentants... François Favrat nous donne en tout cas envie de « garder la foi » en cette sainte victoire-là...malgré tout.

Commentaires

  • J'ai bien aimé aussi. Très agréable surprise avec de beaux personnages et une superbe interprétation je trouve.

  • Pour moi aussi c'était vraiment une surprise, je m'attendais vraiment à une caricature et je crois que c'est la première fois que je trouve Clavier aussi sobre et juste dans un autre registre que celui de la comédie.

  • Clavier m'avait vraiment "subjuguée" (y'a pas d'autre mot) dans le Napoléon d'Antoine de Caunes ! Depuis, je fais abstraction de tout le reste (... et y'en a du reste et non des moindres...) et ne voit plus que l'acteur. Il est vraiment très très bien.

  • voiS...

    car elle ne se parle pas encore à la troisième personne du singulier,
    et encore moins à la première du pluriel.
    Mais ça viendra.
    Quand je serai prem's à Wikio sans doute.
    MDR

  • @ Pascale: Ah oui! J'avais complètement oublié "Napoléon" et comment ai-je pu! Moi aussi je l'avais vraiment trouvé bien dans ce rôle! Je vois (enfin elle voit et nous voyons) que Tancrède t'a contaminée...

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