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"A l'origine" de Xavier Giannoli avec François Cluzet, Emmanuelle Devos...

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 A l’origine, il y avait un film beaucoup trop long que j’avais vu à Cannes où il figurait en compétition officielle, mais malgré cela très séduisant. Depuis, le film a été amputé de 25 minutes, c’est la raison pour laquelle je souhaitais le revoir, en espérant que ces 25 minutes en moins lui feraient gagner en rythme.

 

L’histoire est toujours la même que celle du film projeté à Cannes. Celle de Philippe Miller (François Cluzet), un escroc solitaire  qui découvre un chantier d’autoroute abandonné depuis des années, tout cela à cause d’un scarabée ! De l’arrêt des travaux avait découlé une véritable catastrophe  économique pour les habitants de la région. Si pour Philippe il s’agit d’une chance de réaliser une escroquerie aussi improbable qu’inédite en reprenant les travaux, pour les habitants de la région, il est le messie (c’est d’ailleurs ce qui lui dira le maire de la ville à son arrivée), celui qui va leur redonner espoir.  Les choses se compliquent quand Philippe prend conscience de l’importance considérable que prend son escroquerie dans la vie de ces gens surtout que dans le même temps, son passé va le rattraper.

 

Mettons tout de suite fin au suspense : ce nouveau montage est une incontestable réussite…même si pour cela il a fallu sacrifier certains personnages (et dans le même temps certains comédiens qui ont vu leurs rôles réduits ou supprimés comme l’ex-femme de « Philippe Miller », en réalité son pseudonyme). Ce que le film perd en minutes, le personnage interprété par François Cluzet le gagne en mystère,  en densité, en intérêt, en épaisseur, en charme ; et le film également. Ce montage radicalisé fait revenir à l’essentiel,  à l’être, à ce que l’homme était « à l’origine », à cette vérité humaine que la caméra de Xavier Giannoli, une nouvelle fois, capte avec une grande sensibilité, en filmant au plus près des visages, au plus près de l’émotion, au plus près du malaise. Et même quand il filme ces machines, véritables personnages d’acier, il les fait tourner comme des danseurs dans un ballet, avec une force visuelle saisissante et captivante. Image étrangement terrienne et aérienne, envoûtante. La musique de Cliff Martinez achève de rendre poétique ce qui aurait pu être prosaïque. Une poésie aussi inattendue que la tournure que prend cette histoire pour Philippe Miller qui va finalement vivre les choses plutôt que les prévoir.

 

 A l’origine il y avait aussi ce besoin de ne pas être seul, et surtout d’être considéré. Philippe devient quelqu’un et dans le regard des autres, il prend toute la mesure de sa soudaine importance. A l’origine il y avait un scarabée. Un homme qui aurait pu aussi être ce scarabée. Là pour détruire puis, par la force des choses et des rencontres, pour aider.

 

Il faut voir avec quel brio François Cluzet interprète cet être mal à l’aise, introverti, peu bavard, qui peu à peu va gagner en confiance. Le malaise de son imposture le dépasse, et les traits de son visage, ses gestes, tout semble témoigner de son tiraillement intérieur. Et dans cette scène où il se retrouve face au conseil municipal, son malaise est tellement palpable, crédible, que je l’ai ressenti comme si j’étais moi aussi dans cette pièce, prise dans un étau de mensonges. Et puis, il faut voir son visage s’illuminer éclairé par un soleil braqué sur lui comme un projecteur braqué sur celui dont le pouvoir est devenu quasiment démiurgique ; il faut le voir aussi patauger dans la boue en frappant dans ses mains, exalté, le voir tomber, se relever, aller au bout de lui-même pour les autres. Ce mensonge va l’étouffer, puis, le porter, puis l’enchaîner, pourtant il aura conquis un territoire, planté son drapeau.

 

Face à lui, le maire de la ville interprété avec beaucoup de justesse par Emmanuelle Devos qui dissimule sa solitude et ses blessures derrière une belle assurance.   Tous deux, comme tous les habitants du village, vont avoir une seconde chance, tout reprendre du départ, de l’origine.

 

Cette route qui va nulle part va les mener quelque part, à vivre une aventure humaine à se créer une famille (formidable Vincent Rottiers dans le rôle du « fils de substitution »).

 C’est aussi une belle métaphore du cinéma et du métier de comédien qui est finalement aussi une imposture, qui fait devenir quelqu’un d ‘autre, fabriquer un chemin, un univers qui ne mène pas forcément quelque part mais reste, là aussi, une belle aventure humaine.

 

Ce film est avant tout un portrait d’homme touchant, énigmatique et dense qui porté par un acteur au sommet de son art nous emporte totalement  dans son aventure aussi improbable soit-elle (et pourtant inspirée d’une histoire vraie s’étant déroulée en 1997 dans la Sarthe), dans ses mensonges, dans ses contradictions, dans sa conquête. Un césar du meilleur acteur sinon rien.

 

 Et ce nouveau montage a su faire d’un bon film un très beau film qui nous faire revenir à l’essentiel. A l’origine. Nous fait croire à l’impossible. A une seconde chance. Aux routes qui ne mènent nulle part.  A ce que le cinéma lui aussi était à l’origine : un mensonge exaltant qui peut nous faire croire que tout est possible. Même si la réalité, un jour ou l’autre, finira par reprendre ses droits.

Commentaires

  • Je ne l'avais pas vu à Cannes, donc je peux pas comparer les deux versions mais comme toi j'ai été vraiment emporté par cette histoire, et comme le "héros" un peu asphyxié et pris dans le vertige de cette aventure humaine hors normes, et c'est vrai que Cluzet que j'aimais déjà beaucoup est vraiment exceptionnel de densité, pour le César du meilleur acteur c'est sûr qu'il est bien parti, mais je le mets à égalité avec Vincent Lindon, magnifique aussi dans deux de mes coups de coeur de l'année 'Welcome" et "Mademoiselle Chambon".En tout cas un des meilleurs films français de l'année!

  • ah je suis contente que tu te sois laissée convaincre (de le revoir).
    Ce film français arrive pour moi juste derrière ou presque ex aequo avec "Un prophète". Je suis encore toute chamboulée par "A l'origine" d'une puissance et d'une beauté sidérantes.

    Effectivement ne pas connaître l'ex femme de Philippe ajoute à son mystère. Entre autre... Quel acteur aussi !

  • @Georges: Entièrement d'accord avec toi pour Vincent Lindon. Je crois d'ailleurs que dans mon article sur "Melle Chambon" et/ou "Welcome" je lui réclamais (aussi!!) un César! Peut-être sera-t-il nommé pour les deux films!
    @Pascale: Difficile d'établir une comparaison avec "Un Prophète", mais le film français de l'année reste pour moi "Je l'aimais" (je sais que là nous ne serons pas d'accord:-)). Oui, quel acteur!

  • Tout à fait d'accord avec ta critique. "A l'origine" est un film magnifique. Le portrait tout en nuances d'un petit escroc (à l'origine) qui, par un comportement proche de l'absurde, va aller jusqu'au bout d'une forme de folie. Interprétation magistrale de François Cluzet, à la fois terriblement fragile et grandiose qui, selon moi, mérite bien plus le César que Vincent Lindon pour "Welcome" ou Yvan Attal pour "Rapt", ou même Tahar Rahim pour "Un Prophète".
    Bref, film bouleversant.
    J'aime beaucoup ton blog : critiques fouillées et pertinentes, et CV très impressionnant. Bravo!
    Mon blog cinéma : http://onceuponatimeincinema.over-blog.com/

  • Merci vraiment Guillaume pour ce très sympathique et très encourageant commentaire!:-) Je vais de ce pas faire un ptit (ou grand) tour sur ton blog. Pour le César, j'avoue que mon coeur balance. Pour Vincent Lindon, je pense qu'il mérite davantage le César pour "Melle Chambon" que pour "Welcome". Tahar Rahim est nommé dans la catégorie Espoirs donc pas de concurrence de ce côté (à moins qu'il soit nommé comme Espoir et acteur, je me demande si cela ne s'est pas déjà vu?). Je n'ai pas encore vu "Rapt" mais Yvan Attal était aussi très bon dans "Partir". En tout cas, ce serait sidérant que François Cluzet ne soit pas nommé surtout qu'il y a deux films cette année pour lesquels il pourrait prétendre au césar du meilleur acteur. Le choix sera en tout cas certainement cornélien. Beaucoup de beaux rôles masculins cette année... sans oublier Auteuil dans "Je l'aimais"!

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