Mon bilan du 35ème Festival du Cinéma Américain de Deauville
Nostalgique et joyeuse, décevante et agréable, mélancolique et ensoleillée...et initiatique... : voilà ce que fut pour moi cette édition 2009. Sans doute trouverez-vous tout cela contradictoire et antithétique à l'image de ce qu'est ce festival et de ce que sont et ont toujours été mes journées dans le cadre de celui-ci.
Nostalgique parce que, forcément, au bout de 16 années de pérégrinations deauvillaises... et plus de 160 jours de présence rien que pour ce Festival du Cinéma Américain, il est très difficile de rivaliser avec tant de souvenirs, de rencontres, de films mémorables, idéalisés peut-être aussi par le prisme de l'imagination et de la mémoire ; parce que Deauville c'est pour moi plus qu'un festival, c'est le lieu de l'exacerbation de ma passion dévorante pour le cinéma ; c'est le lieu de la danse endiablée et déconcertante entre le cinéma et ma réalité ; c'est le lieu qui a vu éclore, renaître et se fracasser tant de mes illusions ; c'est le lieu où dix jours en paraissent cent et un seul à la fois ; c'est le lieu qui, à jamais, aura une place particulière dans mon existence, quitte à avoir des réactions épidermiques et à défendre ce festival comme si je l'avais enfanté même si, cette année, j'ai un instant renié ma progéniture en songeant à délaisser Deauville pour Venise l'an prochain, je pense que l'attachement filial ou en tout cas sentimental sera finalement toujours plus fort.
Joyeuse parce que, forcément, comme chaque festival, celui-ci a engendré son lot de rencontres cinématographiques et humaines, de découvertes filmiques, d'instants hors du temps, de moments insolites et inattendus, et cette sensation à la fois rassurante et violente que cela durerait éternellement, qu'il était possible de vivre indéfiniment au rythme des projections.
Décevante parce que ce n'est plus un secret pour personne : cette édition 2009 n'a pas été à la hauteur de ce qu'aurait pu être un 35ème anniversaire et de ce que furent ses 25ème et 30ème anniversaires sans parler de sa mémorable 33ème édition. A la décharge des organisateurs, les 20% de recettes de partenaires en moins et la crise économique y sont certainement pour beaucoup. Les invités de la Mostra n'ont ainsi pas prolongé leurs séjours pour venir à Deauville, notamment Matt Damon qui, il y a deux ans, avait honoré les deux festivals de sa présence (soi-disant absent pour cause de rentrée des classes cette année). Les nombreuses stars présentes dans les films sélectionnés n'ont ainsi le plus souvent pas fait le déplacement et même les équipes des films en compétition habituellement présentes. A l'exception des deux derniers jours, avec notamment la venue d'Harrison Ford, le festival n'a pas connu son effervescence coutumière pas plus que le village du festival déserté par les partenaires officiels (par exemple Narciso Rodriguez présent l'an passé, ayant pourtant signé pour un partenariat de trois ans, avait rompu son contrat avec le festival). Le festival a néanmoins attiré 50000 festivaliers (selon les organisateurs). Excuse des organisateurs face à l'absence d'avant-première évènementielle comme Deauville en a connu tant ou argument pour se singulariser : le festival se présente désormais avant tout comme vitrine du cinéma indépendant américain dans la lignée de son alter ego, Sundance. Espérons aussi que le festival renouvèlera les Nuits Américaines 24H/24H comme les deux premières années et non uniquement à partir de 22h comme cette année. Espérons aussi qu'il rétablira les séances en deuxième partie de soirée.
Agréable parce que malgré tout, même si le cru 2009 ne résiste pas à la comparaison avec ses éditions précédentes, il nous a réservé de beaux moments parmi lesquels les présences de deux habitués du festival : la pétillante Meryl Streep (incroyable -mais cela devient un pléonasme- dans le film d'ouverture « Julie et Julia ») et Harrison Ford, submergé par l'émotion devant une salle médusée. Il y a eu l'émotion plus en retenue, d'autant plus touchante, d'Andy Garcia qui, à travers le film qui lui a consacré le festival pour son hommage, a vu là la preuve de la concrétisation de ses rêves ; un jury abordable et dynamique. Et puis Steven Soderbergh qui a présenté en avant-première le décevant « The Informant ! » ; Robin Wright Penn dont j'ai découvert l'impressionnante étendue du talent dans « Pippa Lee » ; Julia Migenes pour le concert d'ouverture illuminé de sa lyrique exubérance ; la clôture sur un air d'une nostalgique réminiscence, celui de Michael Jackson ; les facétieux ZAZ lors de leur hommage ; le poignant « Like Dandelion dust » de Jon Gunn avec Mira Sorvino ; la sympathique comédie « La proposition » de la déjantée Anne Fletcher. Des films souvent avec des thèmes forts (« Cold souls », « The Time traveler's wife », « Sin nombre », The messenger »...) et des interprétations marquantes ( « City Island », « Pippa Lee », « Julie et Julia », "Me and Orson Welles"...) mais souvent des scénarii bâclés et une sensation d'inachevé.
Mais agréable seulement parce que, pour la première fois, parmi les vingt projections auxquelles j'ai assistées (10 films en compétition et 10 avant-premières) je n'ai eu aucun coup de cœur pour un ou plusieurs des films présentés. Même si je reconnais la force du propos de certains d'entre eux ou de leurs interprètes, aucun film ne m'a réellement enthousiasmée alors qu'il y en avait toujours plusieurs les années précédentes.
Mélancolique parce que Deauville est intrinsèquement mélancolique, d'une mélancolie poétique qui endolorit chaleureusement les pensées, et ne cessera jamais de m'envoûter.
Ensoleillée, pas seulement grâce à une météo radieuse, et malgré la noirceur de certains films en compétition qui, bien que de qualité inégale, de par leur diversité, ont témoigné de la vitalité du cinéma indépendant américain. Deauville pourrait même devenir un festival s'affirmant comme politique ou du moins engagé (avec la compétition mais aussi les Docs de l'Oncle Sam que je regrette d'avoir manqués cette année) et se donner une mission de découvreur de talents (mission déjà accomplie si on regarde la liste des films primés les années précédentes de « Being John Malkovich » à « The Visitor », en passant par « Little miss sunshine »). C'est ainsi un film sur les conséquences de la guerre en Irak sans distributeur qui a été primé, un film d'Oren Moverman avec Woody Harrelson. Le prix du jury ex aequo attribué à "Sin Nombre" de Cary Joji Fukunaga s'inscrivait aussi dans cette optique mettant en lumière les brûlures et les parts d'ombres de l'Amérique du Sud.
Et enfin, ce festival s'est révélé initiatique parce que mon état d'esprit avait changé entre l'ouverture et la clôture, que j'ai compris que le présent aussi insensé puisse-t-il sembler n'annihile pas la douceur des souvenirs, mais qu'au contraire il se fortifie et s'éclaire grâce à eux.
Merci à Orange, notamment pour m'avoir permis de faire gagner des pass à 18 d'entre vous, et pour l'accueil toujours chaleureux au lounge Orange, au Public Système Cinéma pour l'accueil, de plus en plus cordial, notamment à Clément.R, et à mes acolytes festivaliers d'un jour ou de plusieurs et aux trois cinéblogueuses pour leur charmante compagnie.
A suivre : un article sur les films en compétition de ce 35ème Festival du Cinéma Américain de Deauville avec notamment la critique de « The messenger » et « Sin nombre ». Quant aux critiques des avant-premières elles seront mises en ligne à l'approche des sorties en salles des films en questions et notamment les critiques des trois films que je vous recommande « Like Dandelion Dust », « Pippa Lee », « City Island ».
Toutes les photos de cet article sont la propriété exclusive de Sandra Mézière pour inthemoodforcinema.com et inthemoodfordeauville.com . Pour toute utilisation, me contacter à inthemoodforcinema@gmail.com .