Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

film - Page 59

  • Critique de LES MARCHES DU POUVOIR de George Clooney, à 20H45, sur Ciné plus premier

    marches2.jpg

    « The American » d’Anton Corbijn, le précèdent film avec George Clooney avant "Les Marches du pouvoir" prouvait une nouvelle fois le caractère judicieux de ses choix en tant que comédien et en tant que producteur, ce film allant à l’encontre d’une tendance selon laquelle les films doivent se résumer à des concepts, prouvant qu’un film lent, au style épuré et aux paysages rugueux (ceux des Abruzzes en l’occurrence, d’ailleurs magnifiquement filmés) peut être plus palpitant qu’un film avec une action à la minute.

     Avec « Les Marches du pouvoir », il confirme la clairvoyance de ses choix (film produit par un autre acteur aux choix clairvoyants, Leonardo DiCaprio) avec un film au sujet a priori (et seulement a priori) peu palpitant : la bataille pour les primaires démocrates et, un peu à l’inverse de « The American » qui était un thriller traité comme un film d’auteur intimiste, il nous embarque dans un thriller palpitant avec ce qui aurait pu donner lieu à un film d’auteur lent et rébarbatif. "Les Marches du Pouvoir" est une adaptation de la pièce de théâtre « Farragut North » de Beau Willimon; il a été présenté en compétition officielle de la dernière Mostra de Venise.

    Stephen Meyers (Ryan Gosling) est le jeune, légèrement arrogant, mais déjà très doué et expérimenté conseiller de campagne du gouverneur Morris (George Clooney) candidat aux primaires démocrates pour la présidence américaine. Pour lui, Morris est le meilleur candidat et il s’engage à ses côtés, totalement convaincu de son intégrité et de ses compétences mais peu à peu il va découvrir les compromis qu’impose la quête du pouvoir et perdre quelques illusions en cours de route… Il va découvrir ce qu’il n’aurait jamais dû savoir, commettre l’erreur à ne pas commettre et la campagne va basculer dans un jeu de dupes aussi fascinant que révoltant.

    Le film commence sur le visage de Meyers récitant un discours, du moins le croit-on… La caméra s’éloigne et dévoile une salle vide et que l’homme qui semblait être dans la lumière est en réalité un homme dans et de l’ombre, préparant la salle pour celui qu’il veut mener à la plus grande marche du pouvoir. Ce début fait ironiquement écho au magnifique plan-séquence de la fin où la caméra se rapproche au lieu de s’éloigner (je ne vous en dis pas plus sur cette fin saisissante)…tout un symbole !

    Je ne suis pas à un paradoxe près : alors que je m’insurge constamment contre le poujadiste et simpliste «tous pourris » souvent le credo des films sur la politique, ce film qui dresse un portrait cynique de la politique et de ceux qui briguent les plus hautes marches du pouvoir m’a complètement embarquée… Clooney non plus n’est pas à un paradoxe près puisque lui qui a fermement défendu Obama dans sa campagne présidentielle et dont la sensibilité démocrate n’est pas un mystère a mis en scène un candidat (démocrate) dont l’affiche ressemble à s’y méprendre à celle du candidat Obama lors de son premier mandat. D’ailleurs, ce n’est pas forcément un paradoxe, mais plutôt une manière habile de renforcer son propos.

    A première vue, rien de nouveau : les manigances et les roueries de la presse pour obtenir des informations qui priment sur tout le reste, y compris de fallacieuses amitiés ou loyautés, la proximité intéressée et dangereuse entre le pouvoir politique et cette même presse (tout ce que la très belle affiche résume, avec en plus le double visage du politique), et même les liens inévitables entre désir et pouvoir qui ouvraient récemment un autre film sur la politique, « L’Exercice de l’Etat », dans une scène fantasmagorique mais, malgré cela, George Clooney signe un film remarquable d’intensité, servi par des dialogues précis, vifs et malins et par une mise en scène d’une redoutable élégance, notamment grâce au recours aux ombres et à la lumière pour signifier l’impitoyable ballet qui broie et fait passer de l’un à l’autre mais surtout pour traiter les coulisses obscures du pouvoir comme un thriller et même parfois comme un western (le temps d’un plan magnifique qui annonce le face-à-face dans un bar comme un duel dans un saloon). En fait, « Les marches du pouvoir » porte en lui les prémisses de plusieurs genres de films (thriller, romantique, western) montrant, d’une part, l’habileté de Clooney pour mettre en scène ces différents genres et, d’autre part, les différents tableaux sur lesquels doivent jouer les hommes politiques, entre manipulation, séduction et combat.

    Le temps d’une conversation plongée dans le noir ou d’une conversation devant la bannière étoilée (invisible un temps comme si elle n’était plus l’enjeu véritable mais aussi gigantesque et carnassière), sa mise en scène se fait particulièrement significative. Cette plongée dans les arcanes du pouvoir les décrit comme une tentation perpétuelle de trahir : ses amis politiques mais surtout ses idéaux. L’étau se resserre autour de Stephen comme un piège inextricable et les seuls choix semblent alors être de dévorer ou être dévoré, d’ailleurs peut-être pas tant par soif du pouvoir que par souci de vengeance et par orgueil, amenant ainsi de la nuance dans le cynisme apparent qui consisterait à dépeindre des hommes politiques uniquement guidés par la soif de conquête et de pouvoir. Ryan Gosling est parfait dans ce rôle, finalement pas si éloigné de celui qu’il endosse dans « Drive », incarnant dans les deux cas un homme qui va devoir renier ses idéaux avec brutalité, et qui révèle un visage beaucoup plus sombre que ce qu’il n’y parait. Face à lui, George Clooney en impose avec sa classe inégalée et inégalable qui rend d’autant plus crédible et ambivalent son personnage à la trompeuse apparence, épris de laïcité, de pacifisme et d’écologie... sans doute davantage par opportunisme que par convictions profondes, ses choix privés révélant la démagogie de ses engagements publics.

    Le cinéma américain entre Oliver Stone, Pakula, ou avec des rôles incarnés par Robert Redford comme dans « Votez McKay » de Michael Ritchie (que Redford avait d’ailleurs coproduit) a longtemps considéré et traité la politique comme un sujet à suspense. Tout en s’inscrivant dans la lignée de ces films, Clooney réinvente le genre en écrivant un film aux confluences de différents styles. La politique est décidément à la mode puisque pas moins de trois films français (très différents) sur le sujet étaient sortis l'an passé (« La Conquête », « Pater » et « L’Exercice de l’Etat »). Clooney ne s’intéresse d’ailleurs pas ici uniquement à la politique, le film ne s’intitulant pas « Les marches du pouvoir politique » mais du pouvoir tout court et cette soif d’ascension au mépris de tout pourrait se situer dans d’autres sphères de la société de même que la duplicité de ceux qui cherchent à en gravir les marches, à tout prix, même celui de leurs idéaux.

    Seul regret : que le titre original peut-être pas plus parlant mais plus allégorique n’ait pas été conservé. «The ides of March » correspond ainsi au 15 mars du calendrier romain, une expression popularisée par une des scènes de « Jules César » de William Shakespeare, dans laquelle un oracle prévient le célèbre général de se méfier du 15 mars, date à laquelle il finira par être assassiné.

    Un thriller aussi élégant que le sont en apparence ses protagonistes et qui en révèle d’autant mieux la face obscure grâce à un rythme particulièrement soutenu, un distribution brillamment dirigée (avec des seconds rôles excellents comme Philip Seymour Hoffman ou Paul Giamatti), des dialogues vifs, et surtout une mise en scène métaphorique entre ombre et lumière particulièrement symptomatique du véritable enjeu (être, devenir ou rester dans la lumière) et de la part d’ombre qu’elle dissimule (souvent habilement) et implique. Je vous engage à gravir ces « Marches du pouvoir » quatre-à-quatre. Un régal impitoyable. Vous en ressortirez le souffle coupé !

    Lien permanent Imprimer Catégories : A VOIR A LA TELEVISION : CRITIQUES DE FILMS Pin it! 0 commentaire
  • Critique de IL Y A LONGTEMPS QUE JE T'AIME de Philippe Claudel, à 20H50, sur HD1, ce dimanche 23 septembre 2013

    Une peinture des âmes grises bouleversante

    65ac8f39ddfb68b4d2c7cd6960c52370.jpg

    Le film s’ouvre sur le regard bleu et absent et glacial de Kristin Scott Thomas (Juliette), ce regard qui va nous happer dans les abysses de ses douleurs et ses secrets et ne plus nous lâcher jusqu’à la dernière seconde du film. Ses traits sont tirés, sa démarche maladroite, ses réactions sont brutales. Elle vient de sortir de prison après 15 ans d’enfermement. 15 années pendant lesquelles sa famille l’a rejetée. Sa jeune sœur, Léa (Elsa Zylberstein), vient la chercher pour l’héberger et l’accueillir chez elle auprès de son mari Luc (Serge Hazanavicius) et ses deux filles, adoptives (ce qui n’est évidemment pas anodin). L’une et l’autre vont alors reconstruire leur relation et reconstruire le passé, panser cette plaie à vif, ce gouffre béant. Juliette va devoir se faire « adopter ».

    78c6f923d22bbf6d767494e0cca2be92.jpgA la manière d’un tableau qui l’on jugerait rapidement, s’arrêtant à notre premier regard, vue d’ensemble imparfaite et simpliste et finalement rassurante dans nos certitudes illusoires, c’est d’abord le mal être, la violence des réactions de Juliette qui nous apparaît, filmée en plongée, si fragile, brisée par la vie, l’absence de vie. Le cinéaste distille les informations retenant judicieusement notre attention par cette soif de comprendre, accroissant notre curiosité pour cette femme aux contours de moins en moins flous mais de plus en plus complexes. On apprend ensuite qu’elle a commis l’impardonnable : elle a tué son enfant. Elle devrait être détestable mais l’humanité avec laquelle elle est filmée, son égarement, son mutisme obstiné sur les circonstances du drame, la violence des réactions qu’elle provoque suscitent notre empathie puis notre sympathie. « Crime et châtiment ». Dostoïevski. (Probablement le livre le plus cité au cinéma, non ? Ici, aussi.) Le tableau nous apparaît d’abord très noir. Et puis les nuances apparaissent peu à peu. Juliette « Raskolnikov » s’humanise. Nous voyons le monde à travers son regard : faussement compassionnel, un monde qui aime enfermer dans des cases, un monde qui juge sans nuances. Un monde dont Philippe Claudel, peintre des âmes grises (Juliette est d’ailleurs presque toujours vêtue de gris) et des souffrances enfouies, nous dépeint la cruauté et la fragilité avec acuité.

    123d0f153ac881bcd7bc96b0868d006a.jpgIl y a des films comme ça, rares, qui vous cueillent, vous embarquent, vous emprisonnent délicieusement dans leurs univers, douloureux et, puis, lumineux, dès la première seconde, pour ne plus vous lâcher. C’est le cas d’ « Il y a longtemps que je t’aime », premier film en tant que réalisateur de l’auteur des « Ames grises » (Prix Renaudot 2003 adapté par Yves Angelo) et du « Rapport de Brodeck » qui a également signé le scénario. La bienveillance de son regard sur ces âmes grises, blessées, insondables, parcourt tout le film. Tous ces personnages, libres en apparence, sont enfermés à leur manière : le grand-père muet à la suite de son accident cérébral est muré dans son silence, la mère de Juliette et Léa est enfermée dans son oubli après l’avoir été dans son aveuglement, le capitaine est enfermé dans sa solitude, Michel –Laurent Grévil- (un professeur qui enseigne dans la même faculté que Léa et qui va s’éprendre de Juliette) est enfermé dans ses livres, Léa est enfermée dans ce passé qu’on lui a volé, et Juliette est encore enfermée dans cette prison à laquelle on ne cesse de l’associer et la réduire. La caméra ne s’évade que très rarement des visages pour mieux les enfermer, les scruter, les sculpter aussi, les disséquer dans leurs frémissements, leurs fléchissements, leurs fragilités : leur humanité surtout. La ville de Nancy où a été tourné le film est quasiment invisible. Nous sommes enfermés. Enfermés pour voir. Pour distinguer les nuances, dans les visages et les regards. Comme cette jeune fille que Michel vient sans cesse voir au musée, enfermée dans son cadre, et qui ressemble à un amour déçu et dont il se venge ainsi parce qu’elle ne peut pas s’échapper. Nous ne pouvons nous enfuir guidés et hypnotisés par le regard captivant, empli de douleur et de détermination, de Juliette. Nous n’en avons pas envie.

    Ne vous méprenez pas, ne soyez pas effrayés par le sujet. Si le tableau est sombre en apparence, ses couleurs sont multiples, à l’image de la vie : tour à tour cruel, très drôle aussi, l’ironie du désespoir peut-être, l’ironie de l’espoir aussi, les deux parfois (scène du dîner), bouleversant aussi, ce film vous poursuit très longtemps après le générique à l’image de la rengaine qui lui sert de titre. Il est parfois plus facile de chanter ou d’esquisser que de dire. « Il y a longtemps que ». Tout juste peut-on regretter que les traits de la personnalité du personnage de Luc ne soient qu’esquissés. (néanmoins interprété avec beaucoup de justesse par Serge Hazanavicius). Mais à l’image du verdict improbable, cela importe finalement peu.

    ef7396aca26c62ce0118fae3b1ff799a.jpgKristin Scott Thomas trouve là un personnage magnifique à la (dé)mesure de son talent, au prénom d'héroïne romantique qu'elle est ici finalement, aimant inconiditionnellement, violemment. A côté d’elle le jeu d’Elsa Zylberstein nous paraît manquer de nuances mais après tout la violence de la situation (le passé qui ressurgit brusquement) justifie celle de ses réactions. Au contact l’une de l’autre elles vont reconstituer le fil de l’histoire, elles vont renaître, revivre, et illuminer la toile.

    Jusqu’à cet instant paroxystique où le regard, enfin, n’est plus las mais là, où des larmes sublimes, vivantes, ostensibles, coulent sur la vitre, de l’autre côté, inlassablement, et les libèrent. Un hymne à la vie. Bouleversant. De ces films dont on ressort avec l’envie de chanter, de croquer la vie (dans le sens alimentaire et dans le sens pictural du terme) et la musique du générique, de Jean-Louis Aubert, achève de nous conquérir. Irréversiblement.

    Lien permanent Imprimer Catégories : A VOIR A LA TELEVISION : CRITIQUES DE FILMS Pin it! 0 commentaire
  • Festival du Film Britannique de Dinard 2013 : compétition et infos

    Si vous suivez mes blogs, vous savez à quel point j’aime ce festival auquel j’assiste de temps à autre (et trop rarement à mon goût) depuis ma participation à son jury en 1999 (retrouvez mon article publié dans le livre des 20 ans du festival « Flashback » en cliquant ici et en bas de cette note, et vous saurez pourquoi j’aime autant ce festival et le cinéma britannique).

    Sa programmation est toujours diversifiée et de qualité, son ambiance particulièrement conviviale…et cette année ne devrait pas déroger à la règle.

    Cette 24ème édition aura lieu du 2 au 6 octobre 2013 avec, en prime, le Balneum, une nouvelle salle (de 250 places) pour accueillir les projections.

    Le Président du jury de cette édition 2013 sera Eric Cantona.

    J’en profite aussi pour vous annoncer que vient de sortir mon recueil de nouvelles sur les festivals de cinéma « Ombres parallèles » (éditeur : Numeriklivres) dont une nouvelle, intitulée « A l’ombre d’Alfred » se déroule dans le cadre de ce beau festival et vous avez de la chance car c'est la seule nouvelle du recueil qui est à télécharger gratuitement, ici, en espérant que cela vous donnera envie de découvrir les autres...

    ombrescouv8.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    L’AFFICHE

    Après l’artiste peintre Mariano Otéro qui avait réalisé le visuel de l’affiche du Festival l’année dernière, c’est au tour de Jean-François Rauzier de signer celui de la 24 ème édition.

     

    La Compétition du Festival du Film Britannique de Dinard 2013

     

    Sélection des six films en compétition :

    • Everyone’s Going to Die

      Les chemins de deux paumés se croisent par hasard dans un restaurant : Ray, un homme au passé (et malheureusement au présent) assez louche, et Mélanie,  une jeune allemande cérébrale coincée loin de chez elle avec un fiancé fantomatique, forment un duo drôle, sensible et maladroit. 

    • Hello Carter

      Carter est au bout du rouleau… En l’espace d’un an, il a perdu son appartement, sa copine et son travail. Dans sa quête désespérée pour retrouver et reconquérir son ex, il se lance dans une folle course à travers Londres, embarquant avec lui les plus improbables complices.

    • Spike Island

      C’est bientôt la fin de l’école pour les membres du groupe Shadowcaster, cinq jeunes fans des Stones Roses de Manchester. Rien ne pourra empêcher Tits, Dodge, Zippy, Little Gaz et Peach de voir leurs idoles sur scène, lors du légendaire concert du 27 mai 1990 des Stone Roses à Spike Island. Les 72 heures précédant l’événement seront décisives pour l’avenir de la bande de copains.  

    • The Sea

      Suite au décès de son épouse, Max Morden, historien de l’art, retourne dans le village en bord de mer d’Irlande où, enfant, il passait ses vacances. Cette visite fait resurgir des souvenirs, tantôt romantiques, tantôt dramatiques, d’un été qui vit son éveil à la sexualité ainsi qu’une terrible tragédie…

    • The Selfish Giant (Le Géant égoïste)

      Arbor, 13 ans, et son meilleur ami Swifty habitent un quartier populaire de Bradford, dans le nord de l’Angleterre. Renvoyés de l’école, les deux garçons rencontrent Kitten, un ferrailleur local. Ils commencent à collecter des métaux usagés pour lui en charrette à cheval. Kitten joue de leurs différences pour creuser un fossé entre eux. Leur amitié saura-t-elle résister au géant égoïste ?

    • TITUS

      Titus est une légende du jazz noir américain. Rattrapé par les années, il vit aujourd’hui dans la banlieue londonienne aux crochets de Marina, qui n’a jamais cessé de le soutenir.  Il souffre d’avoir perdu le feu sacré qui le liait à la musique, son énergie vitale.

       

     

     

    EVENEMENTS

    Voici les premiers évènements annoncés pour cette 24ème édition (source: site officiel du Festival du Film Britannique de Dinard):

    Événements

    En plus de l’attrayante programmation que le Festival vous prépare pour cette 24ème édition, des séances « événements » seront organisées du 2 au 6 octobre 2013.

    >  Carte Blanche à un invité prestigieux : le directeur de la photographie Philippe Rousselot

     

    philippe rousselotUn grand nom du cinéma international avec une brillante carrière, il a été auréolé de l’Oscar de la meilleure photographie en 1992 pour Et au milieu coule une rivière de Robert Redford ainsi que de trois Césars : en 1982 pour Diva de Jean-Jacques Beineix, en 1987 pour Thérèse de Alain Cavalier et en 1995 pour La Reine Margot de Patrice Chéreau.

     

    Il a travaillé avec les plus grands cinéastes : Tim Burton, Bertrand Blier, Neil Jordan… La liste est longue et impressionne. Pour le Festival, il a choisi de nous parler de 3 de ses collaborations avec des réalisateurs britanniques :

    - Hope and Glory (La Guerre a 7 ans) de John Boorman – Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears – Sherlock Holmes : jeu d’ombres de Guy Ritchie

    Une masterclass aura lieu à l’issue de la projection des Liaisons dangereuses.

    > La compétition de courts-métrages entre la NFTS (UK) et La fémis (France)

    le Festival accueille tous les ans deux prestigieuses écoles de cinéma qui s’affrontent par courts métrages interposés. La NFTS (National Film and Television School) et La fémis (École Nationale Supérieure des Métiers de l’Image et du Son) présenteront chacune des courts métrages et se retrouveront à Dinard face au public.

    NFTS logo     femis logo

    > Un Ciné concert : Charlot fait son cirque !

    Le duo constitué de Sylvain Mollard à la guitare et de Vincent Surjous au violon escorte Charlie Chaplin dans ses aventures rocambolesques. Venez assister à la diffusion de L’Émigrant et Charlot policier sur fond de jazz manouche ainsi qu’une prestation de nos compères qui revisitent les standards du style.

    Sylvain Mollard     Vincent Surjous

    > La leçon d’images d’AGM Factory : Les coulisses de la fabrication d’un film

    Que se passe-t-il après un tournage ? La question sera posée à Yann Legay, directeur d’AGM Factory à Rennes. Il donnera une réponse en présentant sous forme d’ateliers les différentes étapes de la post-production d’un film. Du mixage son au bruitage en passant par le doublage ou encore l’étalonnage, ce rendez-vous permettra de découvrir l’envers du décor.

    > L’Atelier de Technicolor : l’Ultra Haute Définition ou la révolution de la 4K.

    Technicolor est à nouveau le parrain officiel de cette édition. A cette occasion, le spécialiste nous fait découvrir la 4K, une image captée en Ultra Haute Définition, bénéficiant d’une fluidité sans précédent avec une utilisation de fréquence 2 à 6 fois plus rapide et d’une nette augmentation de la couleur pour un rendu exceptionnel !

    technicolor logo

    > La séquence J’écoute le cinéma

    En prolongement de la thématique sur les séries télévisées, la maintenant traditionnelle séquence « J’écoute le cinéma ! » mettra à l’honneur les génériques des séries TV mythiques. Dans un transat face à la mer, les festivaliers profiteront d’un programme sonore et pourront tester leur culture télévisuelle.

    séance j'écoute le cinéma

     

    MON ARTICLE PUBLIE DANS FLASHBACK, LE LIVRE DES 20 ANS DU FESTIVAL (pour vous convaincre de venir, si vous hésitez encore).

    blogdinard5.jpg
     
     
     blogdinard3.jpg

    Avant 1999, Dinard représentait pour moi ce lieu délicieusement intemporel magnifié par cette incomparable couleur émeraude de la côte éponyme, exhalant un paradoxal parfum d’enfance et d’éternité, et sur lequel veillait, de son œil malicieux, la statue de mon réalisateur favori : le grand Alfred Hitchcock. En septembre 1999, je tombai sur une annonce dans un journal local annonçant un concours qui permettait de devenir membre du jury du Festival du Film Britannique. Je gardais de mon expérience dans le jury jeunes du Festival du Film de Paris, l’année précédente, un souvenir inaltérable et la féroce envie de renouveler cette expérience. Particulièrement passionnée par le cinéma britannique, le défi était d’autant plus passionnant et exaltant. Je rédigeai donc la lettre de motivation, la page exigée me semblant néanmoins bien trop courte pour exprimer mon amour inconditionnel pour le cinéma, et le cinéma britannique en particulier, et pour cette ambivalence qui en constitue la richesse et la particularité, cette influence a priori inconciliable de cinéma européen et américain ; j’exprimai mon admiration pour le réalisme social de Ken Loach ou pour celui du Free cinema, pour le lyrisme épique de David Lean, pour la sensible appréhension des atermoiements et des « ombres du cœur » de Richard Attenborough, et par-dessus tout pour « Les liaisons dangereuses » de Stephen Frears, « Les Virtuoses » de Mark Herman et pour le cinéma saisissant de vérité de Mike Leigh. Cinq jours avant le festival, on m’annonçait la bonne (et déstabilisante !) nouvelle : ma candidature avait été sélectionnée parmi plus de deux cents autres et j’allais intégrer le jury du 10ème Festival du Film Britannique de Dinard, alors présidé par Jane Birkin. Qui n’a jamais fait partie d’un jury ne peut imaginer à quel point une telle expérience est trépidante, enrichissante, singulière, à quel point elle cristallise tant d’émotions, cinématographiques et pas seulement, à quel point elle abolit la fragile frontière entre cinéma et réalité qui s’y défient et entrechoquent, nous emportant dans un troublant et ensorcelant tourbillon, suspendant le vol du temps. Alors jeune étudiante, écartelée entre mes études de cinéma et de sciences politiques, je me retrouvai dans cette réalité titubante et dans un jury avec des artistes que j’admirais (et d’autant plus désormais) comme Jane Birkin, présidente à l’empathie incomparable et à l’excentricité aussi joyeuse que nostalgique et mélancolique, Etienne Daho, Julian Barnes, Daniel Prévost et je faisais la connaissance de Tom Hollander et Mark Addy dont je constatais avec plaisir que, à l’image du festival, ils avaient tous l’humilité, l’affabilité et la simplicité des grands. Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de les remercier, ni le festival et son directeur Hussam Hindi, pour l’accueil chaleureux qui m’a alors été réservé, ce livre me donne l’occasion de le faire aujourd’hui, dix ans après ces quatre jours hors du temps et de la réalité. Non seulement, je découvrais un festival de cinéma sous un angle différent, ses débats exaltés et exaltants mais aussi un cinéma dont je soupçonnais la richesse et l’inventivité et dont cette compétition me fit mesurer l’étendue à l’image des deux films qui partagèrent les suffrages de notre jury cette année-là : le palpitant thriller magnifiquement sombre, premier long métrage d’un certain Christopher Nolan « Following » (qui remporta le Hitchcock d’argent) qui révélait un cinéaste avec un univers d’une originalité sidérante qu’il a confirmé deux ans plus tard avec « Memento » et le déjanté et burlesque « Human Traffic » de Justin Kerrigan qui remporta le Hitchcock d’or. De mémoire de festivaliers, cette dixième édition fut la plus mémorable. En tout cas pour moi qui depuis ai été dix fois jurés dans divers festivals de cinéma et en ai parcouru de nombreux autres de Deauville à Cannes, cela reste sans aucun doute un souvenir indélébile et la cause du caractère incurable d’une triple passion dont deux étaient déjà ardentes : pour le cinéma en général, pour le cinéma britannique en particulier, et pour le Festival du Film Britannique de Dinard. J’eus alors un véritable coup de foudre pour le Festival de Dinard et si je le découvrais dans des conditions étranges et privilégiées, cette impression ne s’est jamais démentie par la suite : celle d’un festival convivial dont les festivaliers et le cinéma, et non ses organisateurs, sont les véritables stars, où la diversité du cinéma britannique s’exprime aussi dans le choix de ses invités, qui deviennent souvent des habitués (et pour cause…), et dans le choix de ceux qu’il a honorés ou révélés, et non des moindres : Danny Boyle, Peter Cattaneo, Stephen Daldry, Paul Greengrass, Peter Webber, Shane Meadows…. ! Retourner à Dinard chaque fois que j’en ai l’occasion signifie toujours pour moi une douce réminiscence de ces instants magiques ( et lorsque je ne peux pas me donne l’impression d’un rendez-vous manqué) qui ont déterminé la voie que je me suis enfin décidée à emprunter, celle de la passion irrépressible ; c’est aussi la perspective de découvrir ou redécouvrir de grands auteurs, une image de la société britannique avec tout ce qu’elle reflète de fantaisie désenchantée et enchanteresse, de pessimisme enchanté, de romantisme sombre, d’élégance triste, d’audace flegmatique et de réjouissants paradoxes et oxymores… et la perspective de jubilatoires frissons cinéphiliques . Dinard a priori si sombre et pourtant si accueillante, auréolée de sa très hitchcockienne et resplendissante noirceur facétieuse, est à l’image de ce cinéma qui possède à la fois le visage tourmenté et attendrissant de Timothy Spall et celui robuste et déterminé de Daniel Craig, un cinéma qui excelle dans les comédies romantiques (de Richard Curtis, de Mike Newell…) mais aussi dans des films ancrés dans la réalité sociale, un cinéma qui, récemment encore, à Dinard, nous a fait chavirer avec la complainte mélancolique de John Carney dans « Once » ou qui nous a ouvert les yeux sur les plaies de la société contemporaine avec le percutant « It’s a free world » de Ken Loach ou le tristement intemporel « Pierrepoint » d’Adrian Shergold, bref un cinéma éclectique qui sait concilier Histoire et contemporanéité, « raisons et sentiments », une fenêtre ouverte sur des mondes, garanties d’un avenir que je souhaite aussi lucide et radieux au Festival du Film Britannique de Dinard, incomparable antre de passions et découvertes cinématographiques qui a fait chavirer le cours de mon destin.

    Before 1999, Dinard for me was a deliciously timeless place magnified by the wonderful emerald colour of its coastline, and a paradoxical odour of childhood and eternity watched over maliciously by the statue of my favourite director, the great Alfred Hitchcock.

    In September 1999 I noticed a call for candidates in a local newspaper, to enter a competition which could lead to being a member of the jury of the British Film Festival. I already had wonderful memories of being one of the young jury members of the Paris Film Festival the previous year and was very keen to renew the experience. Since I am particularly interested in British cinema the challenge was even greater. So I applied thinking that the single page requested seemed far too short a space in which to express my absolute passion for film and for British films in particular as they represent a bridgehead between American and European cinema. I described my admiration for Ken Loach’s style of realism and its origins in Free Cinema. I also referred to the poetry to be found in David Lean’s films, to the prevariactions in Richard Attenborough’s « Shadowlands » but above all « Dangerous Liasions » by Stephen Frears, Mark Herman’s « Brassed Off » and for the remarkable truthfulness in Mike Leigh’s films. Five days before the festival started I received the good (and scary) news that I had been chosen out of some two hundred other applicants and was to become a member of the jury of the 10th British Film Festival of Dinard presided by Jane Birkin.

    Impossible for someone who has never sat on a jury to imagine what an exciting, rewarding, exceptional experience it is and the extent to which so many emotions can be encompassed in such activity somehow banishing the fragile barrier between film and real life takiing us into a strange and betwitching whirlwind while time stood still. At the time I was torn between studying cinema and political sciences and I was staggered to find myself a part of a jury of artists I admired (even more so now) starting with the president, Jane Birkin, a person of incomparable sympathy yet full of joyful excentricity mixed with nostalgia and sadness, then there were Etienne Daho, Julian Barnes, Daniel Prévost. I came to know Tom Hollander and Mark Addy. I also discovered with pleasure that in common with all great people and like the festival itself, they shared the qualities of modesty, simplicity and friendliness. I have never really had the chance to thank either them or the Festival Director, Hussam Hindi, for the warm welcome I received. Thanks to this book, published ten years later, I am now given the opportunity to do so. Not only did I discover a film festival from a different angle with high minded and exhilarating discussions but I also discovered wider aspects to British cinema than I had expected through the films selected in competition. This is characterised by the two films singled out by the jury. « Following » a magnificient dark thriller by a certain Christopher Nolan (which was awarded the silver Hitchcock) first feature from a film maker who was soon to make his mark two years later with « Memento » and the crazy burlesque « Human Traffic » by Justin Kerrigan which was awarded the Golden Hitchcock.. This tenth edition was the most memorable one so far to the minds of regular festival goers. Since then I have served as a jury member in ten other festivals and have attended many others from Deauville to Cannes, but my special memory of Dinard will never fade because of my triple passion for cinema in general, British cinema in particular and for the Dinard Festival itself. I fell in love with this festival, which I discovered under strange and privileged conditions, and this impression has not changed since: a user-friendly festival where guests and festival goers are the real stars – not tthe organisers. The diversity of British cinema is also made apparent through the choice of the guests, many of whom, subsequently and understandably, become regulars. Also must be mentioned the judicious choices of people receiving tributes and new talents soon to become well known names: Danny Boyle, Peter Cattaneo, Stephen Daldry, Paul Greengrass, Peter Webber, Shane Meadows…. ! Going back to Dinard whenever I can always brings back the sweet memories of those magic moments (and the years I can’t attend it always seems to me that I have missed something important) and which led me to follow the course I am on today following a real passion. It is also the occasion to discover or rediscover established ‘auteurs’, a vision of British society with all it projects in the way of disenchanted yet enchanting fantasy, of pessimism, dark romanticism, sad elegance, phlegmatic daring and joyful pardoxes and oxymorons with the prospect of enjoyable film loving shivers. Dinard seems so sober yet is so welcoming, under the star of supreme film-maker Hitchcock , reflecting this cinema which has both the features of Timothy Spall (tormented and moving) and those of Daniel Craig, (rugged and determined). A cinema that excells in romantic comedies (by Richard Curtis or Mike Newell) but also in films anchored in social reality as was the case recently in Dinard with John Carney’s film « Once » or Ken Loach’s « It’s a Free World » which opened our eyes to the wounds of contemporary society.

    I wish the British Film Festival of Dinard a radiant future and thank it for having dictated my destiny.

    LIENS:

    -mon compte-rendu du Festival du Film Britannique de Dinard 2010

    -mon compte-rendu du Festival du Film Britannique de Dinard 2009

    -mon compte-rendu du Festival du Film Britannique de Dinard 2007

    -mon compte-rendu du Festival du Film Britannique de Dinard 2005

    Site officiel du Festival: http://www.festivaldufilm-dinard.com/

    Le Festival de Dinard sur Facebook: https://www.facebook.com/#!/pages/Festival-du-Film-Britan…

    Le Festival de Dinard sur twitter: @Festivaldinard

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : FESTIVAL DU FILM BRITANNIQUE DE DINARD 2013 Pin it! 0 commentaire
  • Critique - LES EMOTIFS ANONYMES de Jean-Pierre-Améris, ce soir, sur France 3, à 20H45

    Ce soir, sur France 3, à 20H45, je vous recommande "Les Emotifs anonymes" de Jean-Pierre Améris, l'occasion aussi de vous inciter à (re)voir le dernier film du cinéaste, "L'homme qui rit" dont vous pourrez également retrouver ma critique, ci-dessous.

    Critique - "Les émotifs anonymes" de Jean-Pierre Améris

    emotifs.jpg

     

    La comédie française se porte bien : après le réjouissant « Tout ce qui brille », le pétillant « De vrais mensonges », le romantique « L’Arnacoeur », le décalé « La reine des pommes », le sucré acide « Potiche » cette année 2010 s’achève par une comédie qui n’est pas la plus clinquante ni la plus formatée mais sans aucun doute la plus attachante à des années lumière d’une « comédie » désolante, démagogique et opportuniste comme « Fatal ».

    Le gérant d’une chocolaterie au prénom aussi improbable que ses costumes démodés est un grand émotif. Jean-René (Benoît Poelvoorde) donc, puisque tel est ce fameux prénom suranné, cherche à employer une nouvelle commerciale. Angélique (Isabelle Carré) est la première à se présenter. Chocolatière de talent, elle est au moins aussi émotive que Jean-René, participant même à des séances des «Emotifs anonymes ». Entre eux le charme opère immédiatement, malgré leurs maladresses, leurs hésitations, leurs regards fuyants. Seulement leur timidité maladive tend à les éloigner…

    Quant la mode est aux cyniques célèbres, un film qui s’intitule « Les Emotifs anonymes » est déjà en soi rafraîchissant et j’avoue avoir d’emblée beaucoup plus de tendresse pour les seconds. Cela tombe bien : de la tendresse, le film de Jean-Pierre Améris en regorge. Pas de la tendresse mièvre, non. Celle qui, comme l’humour qu’il a préféré judicieusement employer ici, est la politesse du désespoir. Jean-Pierre Améris connaît bien son sujet puisqu’il est lui-même hyper émotif. J’en connais aussi un rayon en émotivité et évidemment à l’entendre je comprends pourquoi son film (me) touche en plein cœur et pourquoi il est un petit bijou de délicatesse.

    La première grande idée est d’avoir choisi pour couple de cinéma Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré déjà réunis dans « Entre ses mains », le très beau film d’Anne Fontaine. Poelvoorde donne ici brillamment corps (mal à l’aise, transpirant, maladroit), vie (prévoyante et tétanisée par l’imprévu) et âme (torturée et tendre) à cet émotif avec le mélange de rudesse involontaire et de personnalité à fleur de peau caractéristiques des émotifs et Isabelle Carré, elle aussi à la fois drôle et touchante, sait aussi nous faire rire sans que jamais cela soit aux dépends de son personnage. L’un et l’autre sont pour moi parmi les plus grands acteurs actuels, capables de tout jouer et de nous émouvoir autant que de nous faire rire. Ici ils font les deux, parfois en même temps. Poelvoorde en devient même beau à force d’être touchant et bouleversant, notamment lorsqu’il chante, dans une scène magnifique que je vous laisse découvrir. Le film de Jean-Pierre Améris est ainsi à l’image de l’entreprise de chocolaterie vacillante de son personnage principal : artisanal mais soigné, à taille humaine, et terriblement touchant.

    La (première) scène du restaurant est un exemple de comédie et symptomatique du ton du film, de ce savant mélange de sucreries, douces et amères, de drôlerie et de tendresse. Cette scène doit (aussi) beaucoup au jeu des acteurs. Leur maladresse dans leurs gestes et leurs paroles (leurs silences aussi), leurs mots hésitants, leurs phrases inachevées, leurs regards craintifs nous font ressentir leur angoisse, l’étirement du temps autant que cela nous enchante, nous amuse et nous séduit.

    Le deuxième est le caractère joliment désuet, intemporel du film qui ne cherche pas à faire à la mode mais qui emprunte ses références à Demy ou à des pépites de la comédie comme « The shop around the Corner » de Lubitsch avec ses personnages simples en apparence, plus compliqués, complexes et intéressants qu’il n’y paraît sans doute à ceux qui préfèrent les cyniques célèbres précités.

    Avec son univers tendrement burlesque, avec ses couleurs rouges et vertes, Jean-Pierre Améris nous embarque dans ce conte de noël qui se déguste comme un bon chocolat à l’apparence démodée mais qui se révèle joliment intemporel. Un film tout simplement délicieux, craquant à l’extérieur et doux et fondant à l’intérieur qui vous reste en mémoire...comme un bon chocolat à la saveur inimitable.

    Jean-Pierre Améris m’avait déjà bouleversée avec « C’est la vie » et « Poids léger », maintenant en plus il nous fait rire. Vivement le prochain film du cinéaste et vivement le prochain film avec Isabelle Carré ET Benoît Poelvoorde ! Si vous n’avez pas encore vu ce film allez-y de préférence le 25 décembre, vous ferez en plus une bonne action. Un film qui fait du bien comme celui-ci, c'est vraiment l'idéal un jour de noël et vous auriez tort de vous en priver.

    En bonus, regardez le clip de "Big jet lane" d'Angus et Julia Stone, très belle bo qui prolonge le film.

     

     

    Critique de "L'homme qui rit" de Jean-Pierre Améris

    cinéma, film, avant-première, Gérard Depardieu, livre, Victor Hugo, L'homme qui rit, marc-André Grondin, Gwynplaine, Christa Théret, Emmanuelle Seigner

    Comme étais-je passée à côté de ce roman de Victor Hugo ? Mystère… La sortie du film a pour moi été l’occasion de cette magnifique découverte, d’un texte ardu mais passionnant, riche de multiples digressions, d’une langue admirable (évidemment), et surtout d’un personnage monstrueusement séduisant auquel tous ceux qui se sont un jour sentis différents pourront s’identifier : Gwynplaine sur lequel Jean-Pierre Améris a eu la bonne idée de centrer son film.

    Alors que la tempête de neige fait rage, Ursus (Gérard Depardieu), le forain  en apparence revêche mais généreux, recueille deux orphelins dans sa roulotte. Le premier de ces deux orphelins, c’est Gwynplaine, un jeune garçon dont une cicatrice qui ressemble à un rire insolemment triste barre le visage, l’œuvre des Comprachicos (un mot qui est une invention de Victor Hugo provenant de l'espagnol comprar -qui signifie acheter- et chicos -qui signifie enfant- signifiant donc «acheteurs d’enfants»), spécialisés dans le commerce d'enfants, qu'ils achètent ou volent et revendent après les avoir mutilés. L’autre enfant, c’est Déa une petite fille aveugle que ce dernier a trouvée sur son chemin. Quelques années plus tard, ils sillonnent toujours les routes et présentent un spectacle dont Gwynplaine (Marc-André Grondin) alors adulte, est devenu la vedette, accompagné de Déa (Christa Théret), également sur scène. Partout, on souhaite voir « L’homme qui rit » celui qui fait rire et émeut les foules mais un autre théâtre, bien plus redoutable, celui de l’aristocratie, va l’éloigner de ceux qu’il aime et qui l’aiment…

    Hugo a écrit « L’homme qui rit » entre 1866 et 1869 durant son exil politique dans les îles Anglo-Normandes. Adapter les 750 pages de ce roman était un véritable défi tant le roman est foisonnant, allégorique aussi, et tant l’auteur digresse sur la politique, la philosophie et même l’architecture. Jean-Pierre Améris et Guillaume Laurant (notamment scénariste de films de Jean-Pierre Jeunet dont « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ») ont réalisé un incroyable travail d’adaptation et ont eu l’excellente idée de transposer le roman qui se déroule dans l’Angleterre du XVIIème sicèle dans un lieu et une époque imprécis (le film a été tourné en studios à Prague) et surtout d’en faire un conte sombre, et ainsi fascinant. Pour rendre l’histoire plus moderne et accessible, Jean-Pierre Améris a volontairement utilisé des éléments plus contemporains, pour les dialogues mais aussi pour les costumes, comme l'avaient fait Baz Luhrmann pour "Roméo et Juliette" ou Sofia Coppola pour "Marie-Antoinette".

    Dès les premiers plans dans la neige et la tempête, la poésie lugubre et la féérie sombre des images captivent. Du roman baroque d’Hugo Jean-Pierre Améris a fait une fable intemporelle d’une beauté triste mais ensorcelante. C’est un magnifique roman (et film) sur la différence, la dualité, entre blancheur et noirceur, entre beauté et laideur, entre théâtre et réalité, entre aveuglement et clairvoyance, des contrastes que l’esthétique du film souligne magnifiquement et dont elle souligne aussi les paradoxes. « Qu’est-ce que ça veut dire être laid ? Laid c’est faire le mal ! Toi tu me fais du bien », résume si bien l’aveugle et sensible Déa. 

    La vie est à la fois sublimée et plus réelle sur les planches comme elle peut l’être dans « Le Carrosse d’or », « Les enfants du paradis », « Le dernier métro » et c’est là que l’amour impossible de Déa (la jeune aveugle qui voit la beauté de l’âme, allégorie simple et tellement magnifique) et Gwynplaine est le plus éclatant. La monstruosité, le théâtre, la noirceur se situent finalement dans la réalité et du côté de l’aristocratie comme dans le « Ridicule » de Patrice Leconte. « Ne quitte jamais les planches. Ici les gens t’aimeront, mais dans la vie réelle, ils te feront souffrir » le prévient pourtant Ursus mais pour son plus grand malheur, Gwynplaine ne l’écoutera pas…

    Jean-Pierre Améris (dont j’ai découvert le cinéma avec « C’est la vie » et « Poids léger » que je vous recommande vivement et dont le dernier film « Les Emotifs anonymes » était une comédie très réussie), pour son 12ème film, est une nouvelle fois attiré par une histoire de marginaux qu’il sait si bien comprendre et pour lesquels il sait si bien susciter de l’empathie. Il a ainsi fait de Gwynplaine un personnage éminemment séduisant : innocent, révolté, libre, d’une laideur attrayante.  Gwynplaine est moins connu que Quasimodo et pourtant sa belle monstruosité a énormément inspiré les artistes, à commencer par Tim Burton pour « Edward aux mains d’argent ». Le film de Jean-Pierre Améris, sans jamais le singer, m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à l’univers du cinéaste américain par sa beauté baroque, entre rêve et cauchemar, par ses personnages d’une beauté étrange et fascinante (très felliniens, aussi), par sa mise en scène inspirée. Tim Burton n’était d’ailleurs pas le seul à avoir été inspiré par Gwynplaine. Les dessinateurs Jerry Robinson et Bob Kane reconnaissaient ainsi volontiers s’être inspirés de Gwynplaine pour le personnage du Joker, dans les comics Batman. Et le roman d’Hugo est longuement évoqué dans  « Le Dahlia noir » de James Ellroy, présent également dans l'adaptation cinématographique de Brian De Palma.

    C’est aussi un très bel hymne à la différence,  et à ceux qui se battent pour les autres (Hugo était un écrivain engagé, Jean-Pierre Améris, l’est aussi à sa manière dans chacun de ses films ou même teléfilms comme « Maman est folle »). Magnifique scène de la tirade au Parlement ! Il s’agit d’un discours exalté dans lequel Marc-André Grondin met beaucoup d’éloquence et de conviction : « Ce qu’on fait à ma bouche, c’est ce qu’on fait au peuple. On le mutile » dit-il notamment (le texte, magnifique, est là repris de Hugo). Marc-André Grondin apporte toute sa beauté, sa fraîcheur à ce homme bouleversant caché derrière ce masque tragiquement rieur, se mettant ainsi à nu, dévoilant son visage mais surtout sa belle âme, face à la vraie monstruosité.

     Le film bénéficie aussi d’un casting impeccable : outre Marc-André Grondin, Gérard Depardieu impose sa force tranquille et sa générosité (au passage, que les pseudo-politiquement corrects laissent tranquille cet homme terriblement libre, vivant, cet immense artiste, plutôt que d’utiliser sa vie personnelle pour, probablement, exprimer une certaine rancœur, voire jalousie, et qu’ils s’engagent et mettent leur énergie vindicative au service de causes qui en sont vraiment). J’espère que cela permettra aussi à certains de découvrir Swann Arlaud que j’avais découvert au Festival de Cabourg dans le court-métrage   « Alexis Ivanovich vous êtes mon héros » de Guillaume Gouix dans lequel il incarne admirablement un personnage radieux et joyeusement désinvolte qui, en une fraction seconde, blessé dans son orgueil, va tout remettre en question, découvrant ne pas être le héros qu’il aurait aimé être aux yeux de son amoureuse.  Emmanuelle Seigner est une incarnation sublime de la tentation diabolique et finalement, malgré tout, touchante (comme chez Hugo, même ou car monstrueux, ses personnages restent humains),  et comme elle le dit elle-même, le visage de Gwynplaine est le reflet de son âme sombre. Enfin, Christa Théret dont le visage est si expressif (à voir aussi absolument dans « Renoir », dans un rôle très différent dans lequel elle excelle également) est la tentation angélique, incarnation du mélange de force et de fragilité, d’aveuglement et de clairvoyance.

    Mon seul reproche concerne le montage, et la durée, l’impression que la fin est un peu brusque…et que sans digresser autant que le fait Hugo dans son livre, le film aurait encore gagné en densité en gagnant un peu en longueur.

    Ce film est néanmoins vraiment un enchantement, un enchantement mélancolique, la forme reflétant ainsi le fond et toutes les sublimes dualités que l’histoire recèle. C’est aussi un opéra moderne ( la musique a été enregistrée à Londres avec un orchestre de 65 musiciens et elle apporte une force lyrique au film) . C’est également une histoire d’amour absolu, idéalisée, intemporelle (elles sont trop rares au cinéma pour s’en priver). C’est enfin un film universel au dénouement bouleversant. N’ayez pas peur de l’humour grinçant, la noirceur, la tragédie, ils sont sublimés par un personnage émouvant qui à la fois nous ressemble si peu et tellement (pour peu que nous nous sentions un tout petit peu différents) et un univers fascinant, poignant : celui d’un conte funèbre et envoûtant. La très belle surprise de cette fin d’année.

    Quelques citations extraites du livre « L’homme qui rit » de Victor Hugo, pour terminer :

    « Les aristocrates ont pour orgueil ce que les femmes ont pour humiliation, vieillir. »
    « De telles innocences dans de telles ténèbres, une telle pureté dans un tel embrassement, ces anticipations sur le ciel ne sont possibles qu'à l'enfance, et aucune immensité n'approche de cette grandeur des petits. »
    « Ca doit se fourrer dans des trous, le bonheur. Faites-vous encore plus petits que vous n'êtes, si vous pouvez. Dieu mesure la grandeur du bonheur à la petitesse des heureux. Les gens contents doivent se cacher comme des malfaiteurs. »
    « Deux coeurs qui s'aiment, n'allez pas chercher plus loin la poésie; et deux baisers qui dialoguent, n'allez pas chercher plus loin la musique. »

    L’homme qui rit a été présenté en clôture de la 69ème Mostra de Venise.

    Lien permanent Imprimer Catégories : A VOIR A LA TELEVISION : CRITIQUES DE FILMS Pin it! 0 commentaire
  • Critique de GRAND CENTRAL de Rebecca Zlotowski

    Ce mercredi, ne manquez pas la sortie de "Grand Central" de Rebecca Zlotowski que j'ai découvert dans le cadre de la section Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes.

    Retrouvez ma critique, ci-dessous.

    grancentral.jpg

     "Grand Central" sera projeté dans le cadre du Champs-Elysées Film Festival dont vous pouvez retrouver le programme, ici.

    Dans ce nouveau film de Rebecca Zlotowski, Tahar Rahim incarne Gary, un jeune homme agile, frondeur, qui apprend vite, embauché dans une centrale nucléaire, au plus près des réacteurs, où les doses radioactives sont les plus fortes et dangereuses. Là, où le danger est constant. Il va y trouver ce qu’il cherchait, de l’argent, une équipe à défaut d’une famille (on ne verra de sa vraie famille qu’une sœur dont le conjoint le rejette visiblement, et une grand-mère dont la porte restera impitoyablement fermée) même si elle le devient presque, mais aussi Karole ( Léa Seydoux), la femme de son collègue Toni (Denis Menochet). Tandis que les radiations le contaminent progressivement, une autre forme de chimie (ou d’alchimie), l’irradie, puisqu’il tombe amoureux de Karole. Chaque jour, la menace, de la mort et de la découverte de cette liaison, planent.

    La première bonne idée du film est de nous faire découvrir cet univers dans lequel des hommes côtoient le danger et la mort chaque jour, dans des conditions terrifiantes que Rebecca Zlotowski parvient parfaitement à transcrire notamment par un habile travail sur le son, des bruits métalliques, assourdissants qui nous font presque ressentir les vibrations du danger. A l’image d’un cœur qui battrait trop fort comme celui  de Gary pour Karole.  J’ignore ce qui est réel dans sa retranscription des conditions de vie des employés de la centrale nucléaire tant elles paraissent iniques et inhumaines mais j’imagine qu’elles sont tristement réelles puisque  Claude Dubout, un ouvrier qui avait écrit un récit autobiographique, « Je suis décontamineur dans le nucléaire », a été le conseiller technique du  film. Le film a par ailleurs été tourné dans une centrale nucléaire jamais utilisée, en Autriche, ce qui renforce l’impression de réalisme.

    Ne vous y trompez pas, « Grand Central » n’est néanmoins pas un documentaire sur les centrales nucléaires. C’est aussi et avant tout une histoire d’amour, de désirs dont la force est renforcée par la proximité d’un double danger. C’est un film sensuel, presque animal qui pratique une économie de dialogues et qui repose sur de beaux parallèles et contrastes. Parallèle entre l’amour de Gary pour Karole  qui se laisse irradier par elle et pour rester auprès d’elle. Parallèle entre le sentiment amoureux, presque violent, impérieux, qui envahit lentement et irrémédiablement celui qui l’éprouve comme la centrale qui contamine. Parallèle entre les effets du désir amoureux et les effets de la centrale : cette dose qui provoque « la peur, l’inquiétude », les jambes « qui tremblent », la « vue brouillée » comme le souligne Karole. Parallèle entre ces deux dangers que Gary défie, finalement malgré lui. Contraste entre cette centrale clinique, carcérale, bruyante et la nature dans laquelle s’aiment Gary et Karole et que Rebecca Zlotowski filme comme une sorte d’Eden, ou comme dans « Une partie de campagne » de Renoir, même si elle n’élude rien des difficiles conditions de vie des ces ouvriers/héros qui habitent dans des mobile-homes près des centrales, telle une Ken Loach française.

    Rebecca Zlotowski dresse le portrait de beaux personnages incarnés par d’excellents comédiens ici tout en force et sensualité au premier rang desquels Tahar Rahim, encore une fois d’une justesse irréprochable, Denis Menochet, bourru, clairvoyant et attendrissant, un beau personnage qui échappe au manichéisme auquel sa position dans le film aurait pu le réduire, ou encore Olivier Gourmet ou Johan Libéreau (trop rare).

    Encore un film dont je vous reparlerai qui à la fois nous emporte par la beauté de ses personnages, leur rudesse tendre, la radieuse force des sentiments (amitié, amour) qui les unit … et qui nous glace d’effroi en nous montrant les conditions de travail de ceux qui risquent chaque jour leur vie dans l’une de ces 19 centrales françaises.

    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2013 Pin it! 1 commentaire
  • Critique de J'AIME REGARDER LES FILLES de Frédéric Louf avec Pierre Niney, Audrey Bastien, Lou de Laâge ..., à 20H45, sur Ciné plus Emotion

    regarder.jpg

    L’été est désormais l’occasion pour les majors de sortir certaines de leurs grosses productions …mais c’est aussi et  heureusement l’occasion pour des films aux budgets et à la promotion moins conséquents d’émerger. Ce fut le cas pour « Le premier jour du reste de ta vie » de Rémi Bezançon en 2008 et j’aurais vraiment aimé que ce fut le cas l'été 2011 pour « J’aime regarder les filles », premier long-métrage de Frédéric Louf, un film que j’avais découvert dans le cadre du  Festival du Film de Cabourg où il était présenté, dans la section Panorama. Mon coup de cœur du festival. Un coup de foudre même. Une belle évidence. Pas de budget ni de promotion pharaoniques mais un film écrit et réalisé avec sincérité, et brillamment interprété.  Et indéniablement le film le plus romantique de ce festival : celui qui évoquait le mieux les tourments de l’âme et du cœur, et qui fait preuve  de sensibilité (agréablement) exacerbée. Et vous faire découvrir et partager mon enthousiasme pour des films comme celui-ci est sans doute la plus belle raison d’être de ce blog.

    regarder4.jpg

    L’action du film  débute la veille du 10 mai 1981, en plein bouillonnement électoral. C’est ce jour-là que Primo (Pierre Niney) et Gabrielle (Lou de Laâge) se rencontrent, suite à la belle audace et inconscience de Primo qui s’immisce dans une fête à laquelle il n’était pas invité. Ils ont 18 ans. L’âge de tous les possibles. Tous les excès. Toutes les audaces. Primo va bientôt passer le bac. Gabrielle fait partie de la bourgeoisie parisienne. Lui est fils de petits commerçants de province. Primo est ébloui par le charme de Gabrielle. Il va s’inventer une vie qui n’est pas la sienne… Et puis, dans l’ombre, il y a Delphine, amie de Gabrielle (Audrey Bastien)…

    Frédéric Louf arrive à transcrire la fébrilité et la fougue de la jeunesse, cet âge où tout est possible, à la fois infiniment grave et profondément léger, où tout peut basculer d’un instant à l’autre dans un bonheur ou un malheur pareillement excessifs, où les sentiments peuvent éclore, évoluer ou mourir d’un instant à l’autre, où tout est brûlant et incandescent. De son film et de ses interprètes se dégagent toute la candeur, la fraîcheur mais aussi parfois la violence et l’intransigeance de cet âge décisif.

    regarder3.jpg

    La littérature cristallise magnifiquement les sentiments avec notamment les références à une des œuvres les plus marquantes du romantisme « On ne badine pas avec l’amour » de Musset, judicieux parallèle pour cette histoire qui , dans une certaine mesure, peut rappeler celle de Camille et Perdican, mais aussi pour la présence de la violence sociale, présente dans l’œuvre de Musset et ici également en arrière-plan avec l’éveil de Primo à la politique grâce au personnage de Malik (là encore un choix judicieux : Ali Marhyar). C’est donc l’histoire (avant tout) d’une « éducation sentimentale » mais aussi d’une éducation politique, l’un et l’autre symbolisant un bel et fol espoir. Celui du 10 mai 1981. Et celui de cet amour naissant.

    regarder5.jpg

    Au sommet de la distribution, Pierre Niney (que vous avez pu notamment voir dans « les Emotifs anonymes » de Jean-Pierre Améris et « L’autre monde » de Gilles Marchand, plus jeune pensionnaire de la comédie française mais pas seulement, cf interview ci-dessous) qui incarne Pierre, personnage éminemment romantique capable notamment de se jeter par la fenêtre, d’une touchante maladresse et d’une maladroite élégance, à la fois léger et grave, immature et obstiné, autodestructeur et volontaire, audacieux et inconscient…mais aussi Audrey Bastien (que vous avez déjà pu voir dans « Simon Werner a disparu ») qui incarne une Delphine à la fois forte et fragile, mystérieuse et déterminée.

     A eux deux, ils incarnent toutes les nuances, les excès, les passions, la vulnérabilité et la force de la jeunesse avec un naturel confondant et avec ce petit quelque chose en plus, si rare et précieux, qui se nomme la grâce. N’oublions pas non plus Lou de Lâage,  dont le personnage, à l’image de ceux précités, évite intelligemment l’écueil du manichéisme.  Michel Vuillermoz, Johan Libéreau, Ali Maryhar notamment complètent cette épatante distribution !

    regarder6.jpg

    Le caractère de Primo (inconscient, follement romantique, maladroit, déterminé) rappelle Antoine Doinel et en particulier le Doinel de « Baisers volés ». La vitalité qui se dégage du film, les références à la littérature, cette apparente légèreté doublée d’une réelle profondeur procurent à ce film un bel air truffaldien.

    Le tout est  servi par des dialogues particulièrement bien écrits. Agnès Jaoui qui a écrit ce qui est à mon sens un des films avec les meilleurs dialogues qui soient (« Le goût des autres », chef d’œuvre du genre à voir absolument si ce n’est déjà fait) ne s’y est pas trompé: elle est la marraine du film.  Le film a par ailleurs reçu le label « Cinéaste de demain » décerné par Canal +, UGC et un collectif de cinéastes.

    Un film simple, touchant, drôle (je ne l’ai pas assez dit, mais oui, vraiment aussi drôle) qui a la grâce des 18 ans de ses personnages, à la fois fragiles et résolus, audacieux, d’une émouvante maladresse, insouciants et tourmentés et qui incarnent à merveille les héros romantiques intemporels même si le film est volontairement très ancré dans les années 80 à l’image du tube de Patrick Coutin « J’aime regarder les filles » qui a donné son titre au film.

    Un film au romantisme assumé, imprégné de littérature, avec un arrière-plan politique, avec un air truffaldien, voilà qui avait tout pour me plaire, sans oublier ce petit plus indicible, le charme peut-être, la sincérité sans doute, et le talent évidemment, ingrédients d’un coup de foudre cinématographique comme celui-ci.

    Je crois que vous l’aurez compris : c’est LE film de cet été à ne pas manquer… Et quand ses jeunes interprètes seront nommés comme meilleurs jeunes espoirs aux prochains César et/ou le film comme meilleur premier film (je ne vois pas comment il pourrait en être autrement) vous ne pourrez pas dire que je ne vous avais pas prévenus!

    Et juste pour le plaisir de la beauté et clairvoyance redoutables des mots de Musset :

    « Adieu Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu'on te fera de ces récits hideux qui t'on empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de ces deux êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelques fois : mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. » On ne badine pas avec l'amour (acte 2 scène V)- Alfred de Musset (1810-1857)

    INTERVIEWS DE PIERRE NINEY ET FREDERIC LOUF

     

    nineylouf.jpg

    Ci-dessus: Audrey Bastien, Pierre Niney et Frédéric Louf lors de la présentation du film en avant-première, au Festival du Film de Cabourg.

     Pour achever de vous convaincre, je vous propose ci-dessous de retrouver mes interviews du réalisateur Frédéric Louf et de l’acteur principal Pierre Niney. Je les remercie encore une fois  d’avoir pris le temps de me donner ces réponses précises et enthousiastes, qui, je pense, devront vous donner une idée du ton du film, à leur image…

    martineden.jpgUne petite parenthèse à propos de la référence à « Martin Eden » de Jack London (que vous pourrez lire dans l’interview de Pierre Niney), un chef d’œuvre parfois méconnu, un des trois romans que je relis le plus souvent et que je vous conseille vraiment de découvrir . Dès l’instant où mes yeux se sont posés sur ce roman, le ténébreux « Martin Eden », je n’ai pu les en détacher, le dévorant littéralement jusqu’à la dernière ligne. Pour ne pas en gâcher le plaisir de la découverte, je ne vous en résumerai pas l’histoire. C’est à la fois une brillante histoire romanesque et une peinture de la société, de son hypocrisie, de la superficialité de la réussite, des bas-fonds de San Francisco aux salons de la bourgeoisie. C’est l’itinéraire d’un être passionné et idéaliste qui sombrera dans le désappointement. C’est un roman d’un romantisme désenchanté empreint de passion puis de désillusions. C’est aussi et avant tout un roman sur la fièvre créatrice et amoureuse qui emprisonnent, aveuglent et libèrent à la fois. Le roman le plus autobiographique de Jack London publié en 1909 et réédité aux Editions Phébus (collection Libretto). Je vous le recommande vivement.

     

     

    INTERVIEW DE PIERRE NINEY (Primo dans le film)

    niney3.jpgBiographie (source : Wikipédia et Allociné et interview/photo ci-contre: extraite du film "J'aime regarder les filles") Pierre Niney a débuté le théâtre à l'âge de onze ans en suivant  une formation avec la Compagnie Pandora et travaille sur des mises en scène avec Brigitte Jaques-Wajeman et François Regnault. Admis aux auditions de la Classe Libre des Cours Florent où il y étudie pendant deux ans, puis au Conservatoire National d'Art Dramatique (CNSAD). Il est engagé dans la troupe de la Comédie-Française en octobre 2010.

    Au théâtre : il joue sous la direction de Julie Brochen à la Cartoucherie de Vincennes, Vladimir Pankov au Théâtre Meyerhold à Moscou, et Emmanuel Demarcy-Mota. Après avoir travaillé pour des téléfilms et courts-métrages diffusés à la télévision (Nicolas Klotz...) il décroche plusieurs rôles au cinéma, il joue dans le long-métrage "LOL" de Lisa Azuelos et il tourne entre autres, dans l’excellent film de Robert Guédiguian intitulé "L'Armée du Crime", sélectionné au Festival de Cannes 2009 mais également dans « L’Autre monde » de Gilles Marchand (ma critique, ici) (sélectionné au Festival de Cannes 2010) puis dans "Les Émotifs anonymes" (ma critique, ici) avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré. Ces trois derniers films témoignent du caractère judicieux de ses choix.

    Pierre Niney rejoint la troupe de la Comédie-Française le 16 octobre 2010 en devenant le plus jeune pensionnaire actuel du lieu. Il créé actuellement un festival de court-métrage à Vanves pour 2012/2013 (je vous en reparlerai). Il jouera, début juin 2012, au théâtre de Vanves, une pièce qu’il a écrite et mise en scène « Si près de Ceuta ». Vous le retrouverez dans « Les neiges du Kilimandjaro » de Robert Guédiguian qui sort en salles le 16 novembre prochain. Et cet été, il tournera un long-métrage intitulé "Comme Des Frères" réalisé par Hugo Gélin avec également Nicolas Duvauchelle, Francois-Xavier Demaison et Mélanie Thierry dans la distribution.

     1. Inthemoodforcinema.com : « J’aime regarder les filles » a été présenté en avant-première au Festival du Film de Cabourg, dédié au cinéma romantique. Pour moi, c’était  le film de cette sélection correspondant le plus à la définition de cinéma romantique (synonyme d’une grande sensibilité et des tourments de l’âme et du cœur). En quoi votre personnage, pour vous, l’est-il ? Cette caractéristique de votre personnage a-t-elle beaucoup orientée votre manière de l’interpréter ?

     Pierre Niney: Primo est un grand romantique. Mais pas dans sa forme la plus classique. C'est ce qui m'a beaucoup séduit dans le scénario de Fréderic Louf. Il aime de tout son cœur et il est capable de beaucoup quand il est dans cet état. Une porte fermée ne l'arrêtera pas tant qu'il pourra escalader la face de l'immeuble, peu importe l'étage.

    Il est aussi profondément sensible à la littérature et capable de retenir des vers entier d'Alfred de Musset qui parlent d'amour, cependant c'est aussi un personnage capable d'une vraie violence dans ses rapports aux autres, et d'un réel égoïsme, qu'il parvient a combattre au fur et a mesure du film et des différentes rencontres qu'il fait. Evidemment tout cela a influencé ma manière de jouer Primo car ces aspects du personnage le définissent en grande partie.

    2. Inthemoodforcinema.com: Même si votre jeu est très différent de celui de Jean-Pierre Léaud, j’ai beaucoup songé au cinéma de Truffaut de par le caractère de votre personnage, la présence de la littérature, la vitalité qui se dégage du film. Est-ce une référence pour vous en général et en était-ce une à la lecture du scénario ?

    Pierre Niney: Le lien entre l'univers de Truffaut et le film de Fréderic Louf me plait bien (évidemment!) et me parait justifié à certains niveaux.  Le ton de "J'aime Regarder Les Filles" ainsi que le personnage de Primo peut,  je pense, faire penser aux aventures du très "vivant" Antoine Doinel.

    L'image d'un Jean Pierre Léaud fougueux et maladroit m'a traversé l'esprit plus d'une fois à la lecture du scénario. Primo, le personnage que j'incarne dans le film, partage certains traits de caractère avec lui. Une certaine naïveté mêlée à une réelle détermination capable de surprendre le public mais aussi le personnage lui même, voilà ce qui pour moi faisait un écho possible entre les deux univers et les deux "héros" que sont Primo et Antoine Doinel.

    Au delà de ça, une fois sur le plateau je me suis beaucoup éloigné de cette référence (et des autres) et je n'ai jamais eu en tête les films de Truffaut quand il s'agissait de jouer les scènes. Le plus évident sur le tournage et dans le travail avec Frederic, était de se lancer dans les scènes avec pour seul but de réagir au présent, en lien direct avec la situation et les différents caractères des personnages. Rester vif et toujours dans une optique d'extrême, d'absolu qui est propre à la jeunesse.

    3. Inthemoodforcinema.com:  Votre personnage est assez complexe, à la fois léger et grave, immature et obstiné, autodestructeur et volontaire. On a l’impression que votre jeu est très « fluide », évident. Quelles difficultés, s’il y en a eu, cela présentait-il ? Y a-t-il une manière de se préparer à un rôle comme celui-ci ?

    Pierre Niney: Primo ne m'est pas totalement inconnu. Son énergie, son goût pour " l'escalade d'immeubles en plein Paris", son obstination à obtenir quelque chose qui lui parait important, son indécision aussi parfois, sont autant d’aspects du personnage que je partage avec lui . Et ce fut la bonne surprise du scénario. Pour toutes les scènes qui faisaient appel à ces traits du personnage, je me suis donc rapidement amusé, dès les répétitions, à jouer avec, à les exagérer ou les cacher aux autres personnages.

    Lee Strasberg écrit une phrase que j'aime bien (au risque de me la péter un peu) :  "Il faut partir de soi...mais il faut partir." De cette même façon, mon travail s'est ensuite porté sur ce qui m'était plus étranger chez Primo (et ce qui est souvent captivant pour un acteur). J'ai posé des questions à Fréderic sur sa façon de voir la maladresse de Primo, je lui demandais "comment est ce qu'il pourrait marcher?", "Est ce qu'à table il est du genre à tripoter ses couverts ou sa serviette?" et nous avons avancé de cette manière, parfois à travers ce genre de détails qui nous plaisaient à tout les deux et capables de raconter le mal-être de Primo ou son réel romantisme...

    4. Inthemoodforcinema.com : J’ai été très impressionnée par la justesse de l’interprétation de toute la distribution, paradoxalement par la maturité nécessaire pour incarner des personnages parfois immatures mais qui reflètent aussi la fougue, la fébrilité, l’exaltation, les excès et les passions de la jeunesse. Au-delà du talent de chacun, la direction de Frédéric Louf n’y est sans doute pas étrangère. En quoi est-elle particulière ? Vous laissait-il improviser ? Ou tout était-il au contraire très écrit ?

    Pierre Niney: Fréderic a souhaité travailler de nombreuses scènes avec nous avant le début du tournage. Ce qui a permis de créer une réelle atmosphère de travail et de bienveillance entre Lou, Audrey, Ali, Victor et moi, avant même d'arriver le jour J sur le plateau du film.

    Cela a été une très bonne idée et nous avons pu explorer différentes pistes sur les scènes les plus riches du scénario et choisir ce qui plaisait le plus a Fred.

    Sur le plateau, au moment du tournage, Fred laisse une grande liberté de jeu car c'est un grand fan de comédie et un fin observateur d'acteurs en général. L'instant présent du jeu, de la situation et de l'échange entre les comédiens est très précieux pour lui. Il nous laissait donc parfois poursuivre la scène en impro, voir jusqu'ou nous pouvions amener la séquence : ainsi la scène de la bouteille à "1800 francs" est une prise où Ali et moi improvisons toute la fin de la scène : la dégustation du vin…etc.

    Fred a toujours une idée précise de ce qu'il veut raconter avec telle scène ou tel plan du film, il sait ce qu'il veut raconter mais il laisse l'instrument de l'acteur lui proposer des notes auxquelles il n'aurait pas forcément pensé, et c'est aussi là sa grande force. Il est réellement ouvert aux propositions tout en sachant où il veut aller.

    5. Inthemoodforcinema.com : La littérature est très présente, surtout Musset qui est une sorte de catalyseur ou d’élément cristallisateur notamment dans une scène entre Audrey Bastien et vous, pour moi une des plus belles du film. Frédéric Louf se référait-il à la littérature dans sa direction d’acteurs, en amont ou peut-être dans la façon de diriger votre jeu sur le tournage ? Et vous, cela a-t-il influé sur votre jeu d’une manière ou d’une autre? Aviez-vous des références littéraires en tête en incarnant votre personnage ?

    Pierre Niney: Le rapport de Fréderic à la littérature m'a beaucoup touché. Dès la lecture du scénario j'ai trouvé que c'était un point fort du film et de son personnage principal : Primo. Je suis un fan inconditionnel de Musset et de cette tirade, d'une lucidité et d'une beauté absolument parfaite, qui apparait dans le film : "Tout les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches..."

    Fred a évoqué le personnage de Martin Eden tiré du roman autobiographique de Jack London, a plusieurs reprises. Dans une première version du scénario je devais d'ailleurs offrir ce livre à la fin du film lorsque Primo reviens chez Delphine pour leur scène finale.

    Les personnages de "J'aime Regarder Les Filles" flirtent avec quelque chose d'éternel, d'intemporel grâce a cet aspect du scénario et, par exemple, à ce rapprochement avec un couple romantique comme celui de Camille et Perdican dans "On ne badine pas avec l'amour" de Alfred de Musset.

    6. Inthemoodforcinema.com : Le film débute la veille du 10 mai 1981 et est à la fois très ancré dans cette époque et, d’une certaine manière, intemporel. Est- ce que cet ancrage temporel changeait quelque chose pour vous, dans votre manière d’interpréter Primo ?

    Pierre Niney: A vrai dire, pas vraiment. Bien que "J'aime Regarder Les Filles" soit un film dont la trame de fond est politique et où certaines scènes ancrent très bien l'histoire dans l'ambiance et dans le renouveau politique que représente cette période, il s'agit d'un film entre jeunes gens, qui parle de leurs désirs (souvent contradictoires). En cela les enjeux sont accessibles pour un acteur sans prendre particulièrement en compte l'époque. Apres je me suis évidemment replongé dans Cindy Lauper, Jean Jacques Goldman, les vrais-faux meetings politiques de Coluche et les expressions des jeunes acteurs de La Boum pour me nourrir à fond de ces " vibes eighties! "

    7. Jean-Pierre Améris et Robert Guédiguian : vous avez notamment, tourné avec deux autres excellents directeurs d’acteurs (en plus d’être aussi de grands cinéastes). J’imagine que chacun d’entre eux vous a apporté quelque chose ? Que vous ont-ils appris, peut-être plus ou moins inconsciemment ? Et que vous a apporté cette expérience avec Frédéric Louf et en quoi changera-t-elle (peut-être) votre manière de jouer ou d’envisager les rôles à l’avenir ?

    Tourner avec Robert Guédiguian est toujours un réel plaisir et la sensation certaine de faire partie de quelque chose de "grand". Il y a sur son plateau l'idée d'une solidarité entre tout le monde, d'une famille presque, et souvent l'envie de défendre un scénario, une histoire entière et non pas une partition isolée.

    Dans "Les Emotifs Anonymes" avec Benoit Poelvoorde et Isabelle Carré, je pense avoir appris sur la façon de diriger un plateau de cinéma quand on est réalisateur. Jean-Pierre Améris est quelqu'un de relativement timide (d'où son film!) or il gérait son équipe avec une main de maître, et arrivait toujours à donner la dynamique qu'il voulait sur le plateau par le biais de l'humour ou autre…

    Je suis content d'avoir pu observer cela car j'aimerais vraiment passer à la réalisation dès que j'aurais un peu plus de temps pour m'occuper de mes projets sérieusement. Et je suis justement entrain de créer un Festival de court-métrage au Théâtre/Cinéma de Vanves pour 2012-2013, où je compte bien passer derrière la caméra, accompagné d'autres invités à moi : Guillaume Gouix, Grégoire Leprince Ringuet, Melvil Poupaud…(suite du "casting" a venir)…

    Sans changer foncièrement ma façon d'aborder un rôle et ma méthode de travail je peux dire que le tournage de "J'aime regarder les filles" m'a définitivement décidé à faire ce métier toute ma vie. Avec Fréderic je me suis senti dans une relation de confiance totale et donc dans le seul souci de raconter au mieux l'histoire de Primo. J'ai aussi réaliser qu' un rôle principal est un réel luxe pour un acteur : travailler son personnage dans le détail, gagner la confiance d'une équipe de tournage, d'un réalisateur…et c'est pourquoi je respecte encore plus qu'avant les performances des seconds rôles dans les films, qui est un défi toujours très délicat et superbe à voir quand il est réussi.

    8. Inthemoodforcinema.com :   Les émotifs anonymes, L’autre monde, L’armée du crime, nos 18 ans, LOL etc . Vous avez déjà tourné dans des films aux styles très divers et avez incarné des personnages très différents. Y a-t-il un type de rôle que vous reverriez d’incarner ou un cinéaste (ou plusieurs) avec qui vous rêveriez de tourner ?

    Pierre Niney: J'aime bien faire le caméléon et participer a un maximum de projets artistiques, tant qu'ils me plaisent et cela peut être pour des raisons très diverses.

    Pas de type de rôle particulier, mais des réalisateurs, oulaaa!…Beaucoup : Audiard, Inarritu (21 grammes est un pur chef d'oeuvre), Terry Gilliam, Michel Gondry (dans sa période "Eternal Sunshine"), et j'ai très envie de me frotter un jour a un gros projet type blockbuster américain! Voir l'ampleur de la machine et la place d'un acteur la dedans, ca doit être assez intéressant.

    9. Inthemoodforcinema.com : J’ai lu que vous aviez  écrit et mis en scène la pièce « Si près de Ceuta » que vous jouerez au Théâtre de Vanves en 2012. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet ?

    Pierre Niney: "Si près De Ceuta" est une pièce que j'ai écrite il y a 3 ans et que je continue d'écrire, d'agrémenter et que je veux encore construire quand je vais travailler avec les acteurs sur le plateau. Je la jouerai en effet début juin 2012 au Théâtre de Vanves. La pièce raconte la nuit de deux soldats qui surveillent une frontière et son mur de barbelés. Et de deux hommes qui vont tenter à tout prix de passer cette frontière.

     10. Inthemoodforcinema.com : Vous avez déjà eu pas mal de rôles au cinéma  et encore plus au théâtre. Vous êtes ainsi pensionnaire de la Comédie Française. Pourriez-vous envisager d’abandonner le théâtre pour vous consacrer uniquement au cinéma, ou inversement, ou les deux vous sont-ils aussi nécessaires ?

    Pierre Niney: Pour moi, le théâtre et le cinéma sont totalement complémentaires. Le rapport au travail, les valeurs et la technique demandée au théâtre sont des bonnes choses à apporter sur un plateau de cinéma je pense. Il faudrait, comme en Angleterre, que ces deux mondes soient moins hermétiques. Ian McKellen joue un jour du Beckett dans un petit théâtre et le lendemain Gandalf dans « Le seigneur des anneaux »…ça me parait être une bonne philosophie.

    11.Inthemoodforcinema.com :  Quels sont vos projets cinématographiques ?

    Pierre Niney: Je tourne cet été un long-métrage qui s'appelle "Comme Des Frères" réalisé par Hugo Gélin.  C'est un projet très excitant. Nicolas Duvauchelle, Francois-Xavier Demaison et moi jouons trois amis qui se lancent dans un road trip après le décès de leur meilleure amie commune (Mélanie Thierry). Le film raconte l'histoire de ses trois potes et la raison de cette amitié improbable entre un étudiant de 20 ans, un scénariste télé de 30, et un businessman de 40.

    Et la sortie du prochain film de Robert Guédiguian "Les Neiges Du Kilimandjaro" le 16 novembre prochain. dans lequel il m'a confié une très jolie séquence avec Ariane Ascaride.

    12. Inthemoodforcinema.com :  Le film sort en salles le 20 juillet, une période difficile pour les sorties mais à mon avis propice pour ce genre de film (je songe au succès inattendu du  « Premier jour du reste de ta vie » de Rémi Bezançon à la même période), que diriez-vous pour donner aux spectateurs envie d’aller voir le film ?

    Pierre Niney: Que c'est un film très original car il a à la fois la poésie d'un film d'auteur, le rythme d'un vrai divertissement, l'humour d'une bonne comédie qui séduit aussi par le détail, de vrais dialogues bien écrits (Agnès Jaoui, experte en la matière, qui est marraine du film ne s'y est donc pas trompée!) et l'occasion de voir de jeunes et nouveaux acteurs du cinéma français, le tout en écoutant cette chanson de fou "J'aime regarder les filles" tube des années 80' ! (ca va , c'est suffisant…?)

    13. Inthemoodforcinema.com : Comme « J’aime regarder les filles » était projeté dans le cadre du Festival du Film de Cabourg, je ne peux pas m’empêcher de vous demander quels sont vos films de prédilection en matière de cinéma romantique ?

    Pierre Niney: "Sailor et Lula" de David Lynch et "Eternal Sunshine of a Spotless Mind", qui pour moi est profondément romantique.

    INTERVIEW DE FREDERIC LOUF (réalisateur de « J’aime regarder les filles »)

     Biographie: (Source: programme du Festival du Film de Cabourg 2011) Frédéric Louf a été chroniqueur cinéma au Matin de Paris en 1986, après des études de droit et de commerce. En 1992, il commence à écrire pour la télévision. En 2000, il réalise son premier court-métrage « Les petits oiseaux » présenté en 2001 dans de nombreux festivals y compris le Festival de Cannes. En 2003, Didier Brunner lui confie l’écriture puis la réalisation des 26 épisodes de « GIFT », une série d’animation 3D pour France 2.  « J’aime regarder les filles » est son premier long-métrage dont il a commencé l’écriture en 2006 et qu’il a réalisé durant l’été 2010.

    1. Inthemoodforcinema.com : Votre premier long-métrage « J’aime regarder les filles » était présenté en avant-première au Festival du Film de Cabourg, un festival dédié au cinéma romantique. Selon moi, c’était le film de cette sélection correspondant le plus à la définition de film romantique (synonyme souvent d’une grande sensibilité et mettant en scène les tourments de l’âme et du cœur). Etait-ce un parti pris délibéré dès le début d’écrire un film romantique ? Et si oui, dans quelle mesure vouliez-vous que ce film soit romantique ?

     Frédéric Louf: Je voulais parler dʼimmaturité. Lʼimmaturité est romantique en ce qu’elle pousse à idéaliser, à radicaliser, et à exagérer les sentiments… Lʼamour inconditionnel que Primo porte à Gabrielle est donc fondamentalement romantique et immature. Je ne pouvais donc éviter de faire un film romantique comme je ne pouvais éviter de citer Musset!

    2. Inthemoodforcinema.com : Aucun des personnages n’est manichéen. Delphine est à la fois forte et fragile, Primo grave et léger etc. Comment avez-vous dirigé les acteurs pour parvenir à cette complexité particulièrement crédible ?

    Frédéric Louf: Je ne les ai pas dirigés: je les ai choisis. Sans rire. Lʼexemple le plus clair est Victor Bessière qui joue Paul. Il a la stature de Paul, il en a lʼélégance et la carrure, mais dans la vie il nʼa rien à voir avec un fils à papa: La composition quʼil donne est donc un mélange volontairement bancal entre son physique aristocratique que nous avons évidemment appuyé, et ce quʼil est fondamentalement. Et je crois que cʼest grâce à cela quʼil parvient à être touchant et intéressant malgré la partition un peu rude quʼil a à jouer.

    3. Inthemoodforcinema.com :  L’action du film débute la veille du 10 mai 1981. Le film est à la fois très ancré dans cette époque et, d’une certaine manière, intemporel. Cette époque s’est-elle imposée dès le début et pourquoi ? Avez-vous songé à placer l’intrigue en 2011 ?

    Frédéric Louf : Oui lʼépoque était importante pour moi car elle étaye la conscience politique naissante de Primo: il me fallait pour cela un événement fort et lʼélection de François Mitterrand est évidemment lʼévénement politique français le plus fort de ces 50 dernières années. Choisir 2011 nʼaurait pas eu le même sens et jʼaurais dû faire un film tout à fait différent, notamment en ce qui concerne lʼapproche sensuelle. Je crois en effet quʼon ne se pense pas sexuellement de la même façon en 2011 quʼen 1981, tout simplement parce quʼon nʼa pas les mêmes images en tête. En 2011, mon Primo nʼaurait pas pu être celui dont je rêvais. Ou alors il nʼaurait pas été aussi vrai…

    4. Inthemoodforcinema.com : La littérature est aussi très présente, notamment Musset qui joue un rôle essentiel ? Etait-ce uniquement un procédé scénaristique parce que nous pouvons voir un lien entre l’histoire de votre film et « On ne badine pas avec l’amour » ou cette oeuvre avait-elle une réelle importance, peut-être plus personnelle, pour vous ? L’idée de la littérature, très présente, et qui joue un rôle essentiel et même un rôle de cristallisation, dans une des plus belles scènes du film, entre Delphine et Primo, s’est-elle imposée dès le début de l’écriture ?

     Frédéric Louf: Le texte de Musset est tellement génial que, quand on lʼa lu une fois, on ne peut lʼoublier. Ça a été mon cas, et oui il a une réelle importance sentimentale pour moi. La scène en elle même mʼa causé du souci car je la trouvais «too much» et elle a fait pas mal dʼallers retours avant que je ne lʼassume complètement. Mais je ne pouvais continuer à montrer lʼimportance que Primo attache aux livres (qui sont son principal facteur dʼémancipation), sans faire jouer un vrai rôle dynamique à un de ces livres!

    5. Inthemoodforcinema.com : Comme dans l’œuvre de Musset, la violence sociale est présente dans votre film, mais seulement en arrière-plan, avez-vous songé à en faire un film politique ? Ou aimeriez-vous écrire un film politique ? Peut-être votre prochain projet, s’il est déjà en cours ? Avez-vous commencé l’écriture de votre prochain projet ? Pouvez-vous nous en parler ?

    Frédéric Louf : Jʼadorerais faire un film politique à la Elio Petri, mais je ne pouvais risquer de mettre toutes mes envies dans le même projet… Simplement je ne peux me résoudre à écrire des sujets univoques: il me faut de la complexité, des pistes, et des digressions. Je crois que ça permet aux films en général de continuer leur route dans la tête des gens; dʼavoir des «demi vies» plus longues!

    6. Inthemoodforcinema.com : Notamment en raison de la présence de la littérature mais aussi du caractère du personnage de Primo et de la vitalité qui se dégage de votre film, il m’a parfois fait penser au cinéma de Truffaut, est-ce une de vos références ?

    Frédéric Louf: Il y a une élégance dans le cinéma de Truffaut que jʼenvie beaucoup. Une façon de ne pas acheter le spectateur avec de la verroterie, mais de lui donner lʼimpression quʼil a tout compris par lui même. Cʼest un ciména généreux et respectueux…

    7. Inthemoodforcinema.com : Aviez-vous d'ailleurs des références littéraires (outre Musset) et/ou cinématographiques en tête en mettant le film en scène. Et pour votre direction d'acteurs, leur avez-vous donné des références littéraires ou cinématographiques particulières?

    Frédéric Louf : Aux comédiens, jʼai surtout expliqué le contexte politique du film qui nʼétait pas évident pour des gens aussi jeunes. Bien sûr jʼai suggéré certains films à voir, notamment à Lou et à Audrey… Mais des références précises, cʼest compliqué à dire: la culture, cʼest du sédiment, de la vase: ce qui y pousse provient dʼun tout… Et puis citer des gens, cʼest prendre le risque dʼavoir à supporter la comparaison!

    8. Inthemoodforcinema.com : J’ai été réellement impressionnée par la qualité de la jeune distribution, que ce soit par Pierre Niney, Audrey Bastien, Lou de Laâge, Ali Marhyar, Victor Bessière. Il me semble qu’il faut beaucoup de maturité pour exprimer ainsi la fougue, la fébrilité, l'exaltation, les excès et les passions de la jeunesse mais aussi paradoxalement l’immaturité de ces personnages. Comment avez-vous procédé pour les choisir ? Par casting ? Ou les avezvous choisis à partir de leurs précédents rôles ?

     Frééric Louf : A part Pierre, aucun dʼentre eux nʼavait joué au cinéma quand je les ai rencontrés. Et Pierre nʼavait eu que de petits rôles. Découvrir des gens talentueux fait partie du plaisir et pour moi cʼétait inhérent au projet; cʼest comme ouvrir un livre sans rien en savoir à lʼavance. Peu importe comment la rencontre se fait, il faut savoir regarder…

    9. Inthemoodforcinema.com : Le titre fait référence au tube de l’année 1981 de Patrick Coutin « J’aime regarder les filles ». Pourquoi ce choix ?

     Frédéric Louf :  «Pour faire parler les bavards» aurait dit ma grand mère. Et surtout parce que pour moi cʼest la chanson hyper romantique dʼun type qui attend la femme de sa vie en hurlant de désespoir sur la plage!

    10. Inthemoodforcinema.com :  Le scénario est très construit mais en même temps se dégage du film une certaine liberté, une fraîcheur, une certaine naïveté mais dans le bon sens du terme. Tout était-il très écrit ou avez-vous laissé une part à l’improvisation ?

    Frédéric Louf : Les deux. Tout était très écrit, mais quand on a affaire à des comédiens comme Pierre Niney et Ali Marhyar, il faut être gravement psychorigide pour ne pas les laisser sʼexprimer!

    11.  Inthemoodforcinema.com : C’est votre premier long-métrage. Comment s’est passée la production ? Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

    Frédéric Louf : Hélas les difficultés que jʼai rencontrées ne sont pas particulières! Mais jʼai peut-être poussé le bouchon un peu loin en ayant la prétention de faire un film sans stars alors que je suis moi même inconnu. Il y a des gens pour qui on sent bien que découvrir de nouveaux talents nʼest pas une priorité!

    12. Inthemoodforcinema.com :  Le film a reçu un excellent accueil au Festival de Cabourg. Sera-t-il projeté dans d’autres festivals prochainement ?

    Frédéric Louf: Je ne suis pas dans la confidence.

    13. Inthemoodforcinema.com :  Le film sort en salles le 20 juillet, une période difficile pour les sorties mais à mon avis propice pour ce genre de film (je songe au succès inattendu du « Premier jour du reste de ta vie » de Rémi Bezançon à la même période), que diriez-vous pour donner envie aux spectateurs d’aller voir le film ?

     Frédéric Louf: Quʼils vont y voir des comédiens inconnus et fabuleux et quʼils en auront pour leur argent parce que lʼhistoire leur trottera encore dans la tête le lendemain! (on ne pense pas assez à lʼamortissement de son ticket, au cinéma!).

    14. Inthemoodforcinema.com :  Comme « J’aime regarder les filles » était projeté dans le cadre du Festival du Film de Cabourg, je ne peux pas m’empêcher de vous demander quels sont vos films de prédilection en matière de cinéma romantique ?

     Frédéric Louf : «The Ghost and Mrs Muir», de J. L. Mankievicz, est un chef d’œuvre du genre.

     

  • "The Look : Charlotte Rampling" d'Angelina Morricone, à 22H15, sur Arte, ce soir

    r

    Après le pseudo-documentaire de Casey Affleck "I'm still here" qui mettait à « l’honneur » Joaquin Phoenix, le festival Paris Cinéma 2011 avait présenté un documentaire consacré à Charlotte Rampling, signé Angelina Maccarone et intitulé « The look, un autoportrait à travers les autres » où, d’ailleurs, la comédienne joue également beaucoup avec son image et construit là aussi, d’une certaine manière (certes très différente), son personnage.  Un documentaire également présenté dans le cadre de la section Cannes Classics du Festival de Cannes. A ne surtout pas manquer, ce soir, sur Arte.

    look.jpg

     Entre Paris, Londres et New York se dessine ainsi un portrait de la comédienne à travers ses discussions et ses rencontres avec des artistes et des proches comme Paul Auster, Peter Lindbergh ou Juergen Teller qui en révèlent d’ailleurs peut-être plus sur ceux avec qui elle converse que sur elle-même comme lors de cette rencontre avec Peter Lindbergh où les rôles s’inversent, le modèle devenant photographe.  Le film débute sur son regard, ce célèbre regard qui peut-être mélancolique, perçant, malicieux, mystérieux,  redoutablement beau, envoûtant, dur même parfois. Il  est divisé en huit thématiques (mise à nu, démons, la mort, le désir, l’âge…) qu’elle aborde à chaque fois avec une personne différente et qui dévoile une facette de sa personnalité tout autant que cela épaissit le mystère.  Les conversations sont entrecoupées d’extraits de films (de Visconti, Allen, Chéreau, Ozon etc) témoignant de l’audace de ses choix cinématographiques, extraits judicieusement choisis, par exemple « Max mon amour », quand il est question de tabous, « Sous le sable » quand il est question de la mort etc.

    Au fil du documentaire, Charlotte Rampling apparait comme une femme libre que le cinéma de divertissement n’intéresse pas, qui préfère être « un monstre » plutôt qu’une actrice « sympa » (encore une manière, sans doute, de se draper dans un mystère finalement plus tranquillisant), iconoclaste, exigeante, mystérieuse donc…plus que jamais, et c’est tant mieux car si ce documentaire révèle quelque chose c’est finalement son profond mystère mais aussi sa lucidité et l’intelligence de ses choix.

    Une actrice éclatante dont le si célèbre et ensorcelant regard s’obscurcit certes parfois mais qui parait néanmoins loin de l’image figée dans laquelle on l’enferme ou derrière laquelle elle se dissimule et une passionnante réflexion sur le cinéma et sur la vie.

    Lien permanent Imprimer Catégories : A VOIR A LA TELEVISION : CRITIQUES DE FILMS, DOCUMENTAIRES Pin it! 1 commentaire