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  • "Welcome" de Philippe Lioret, ce soir, à 20H50, sur Canal+

    Ce soir, Canal plus, à 20H50 diffuse "Welcome", le film de Philippe Lioret reparti bredouille des César malgré ses 10 nominations. Ma critique, ci-dessous (publiée lors de la sortie du film en salles):

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    Pour impressionner et reconquérir sa femme Marion (Audrey Dana), Simon (Vincent Lindon), maître nageur à la piscine de Calais (là où des centaines d’immigrés clandestins tentent de traverser pour rejoindre l’Angleterre, au péril de leur vie)  prend le risque d’aider en secret un jeune réfugié kurde, Bilal (Firat Ayverdi) qui tente lui-même de traverser la Manche pour rejoindre la jeune fille dont il est amoureux, Mina (Dira Ayverdi).

     

    Cela faisait un peu plus d’un an que j’attendais la sortie de ce film, depuis que Philippe Lioret l’avait évoqué avec un enthousiasme débordant lors du Salon du Cinéma 2008… Alors ? Alors…

     

    La première demi-heure, intense, âpre, au style documentaire  suit au plus près Bilal ( au plus près de son visage, de ses émotions, de sa douleur, de ses peurs)  et nous embarque d’emblée dans son parcours périlleux. Il nous embarque et il conquiert dès les premières minutes notre empathie, notre révolte aussi contre une situation inhumaine, encore à ce jour insoluble, mais contre laquelle se battent des bénévoles comme Audrey tandis que d’autres préfèrent fermer les yeux comme Simon. La réalité sociale sert ensuite de toile de fond lorsqu’apparaît Simon, et avec son apparition c’est le documentaire qui cède le pas à la fiction.

     

    Jusqu’où iriez-vous par amour ? Tel était le slogan du précèdent film dans lequel jouait Vincent Lindon : « Pour elle ». Tel pourrait aussi être celui de « Welcome ». Ce n’est, au début, pas vraiment par altruisme qu’agit Simon mais plutôt avec l’intention d’impressionner Marion, de lui prouver qu’il n’est pas comme eux, comme ceux qui baissent la tête au lieu d’agir, comme ceux qui font éclater ou  renaître un racisme latent et peu glorieux qui rappelle de tristes heures, et qui rappelle aux étrangers qu’ils sont tout sauf « welcome ».

     

     Peu à peu Bilal,  son double,  va ébranler les certitudes de Simon, Simon qui se réfugiait dans l’indifférence, voire l’hostilité, aux étrangers qu’il croisait pourtant tous les jours. L’un fait face à son destin. L’autre lui a tourné le dos. L’un a été champion de natation, mais n’a pas réalisé ses rêves. L’autre rêve de devenir champion de football. Mais l’un et l’autre sont prêts à tout pour reconquérir ou retrouver la femme qu’ils aiment. L’un et l’autre vont s’enrichir mutuellement: Simon va enseigner  la natation à Bilal, et Bilal va lui à ouvrir les yeux sur ce qui se passe autour de lui.

     

    Le film doit beaucoup à l’interprétation de Vincent Lindon (toujours aussi exceptionnel), tout en violence et sensibilité, en force et fragilité. Il manie et allie les contradictions et les ambiguïtés de son personnage avec un talent époustouflant,  faisant rapidement oublier ces  déstabilisantes minutes de changement de ton et de passage du style documentaire à la fiction (ce parti pris initial de documentaire aurait peut-être été plus intéressant, mais nous aurait  certes privés de l’incroyable prestation de Vincent Lindon et aurait aussi privé le film d’un certain nombre de spectateurs). L’interprétation du jeune Firat Ayverdi  et des   autres acteurs, également non professionnels, est  elle aussi  troublante de justesse et contribue à la force du film.

     

    Philippe Lioret a coécrit le scénario avec Emmanuel Courcol, Olivier Adam (avec lequel il avait déjà coécrit « Je vais bien, ne t’en fais pas »),   un scénario d’ailleurs parfois un peu trop écrit donnant lieu à quelques invraisemblances (en contradiction avec l’aspect engagé du film et la réalité de  sa toile de fond) qui tranche avec l’aspect documentaire du début ( histoire de la bague un peu téléphonée) mais permet aussi de souligner certaines réalités par des détails qu’un documentaire n’aurait pas forcément pu saisir (quoique) comme cette annonce d’une avalanche aux informations et de ses quelques victimes qui semblent alors disproportionnées face à cette autre réalité passée sous silence, comme ce marquage, s'il est réel, absolument insoutenable et intolérable.

     

    La photographie aux teintes grisâtres et la mise en scène appliquée de Philippe Lioret s’efface devant son sujet, devant ses personnages surtout, toujours au centre de l’image, souvent en gros plan, ou du moins en donnant l’impression tant ils existent et accrochent notre regard.

     

    Peut-être aurait-il été encore plus judicieux que cette réalisation  soit empreinte de la même rage et de la même tension que ceux dont elle retrace l’histoire, et peut-être est-ce ce qui manque à ce film aux accents loachiens pour qu’il ait la saveur d'un film de Loach. Peut-être aussi est-ce la raison pour laquelle je suis finalement restée sur la rive.  Sans doute est-ce lié à l’attente suscitée depuis plus d’un an par ce film mais plus certainement encore par le souvenir indélébile, forcément plus viscéral et plus âpre, plus marquant parce que réel,  de centaines de clandestins, dans un autre port, dans un autre pays, mais si semblables, sans doute ce souvenir de la réalité d’une souffrance inouïe soudainement sous mes yeux et si tangible prise en pleine face m’a -t-il réellement et  autrement fait prendre conscience de cette douloureuse et insoutenable réalité: chaque visage (souvent très très jeune) entrevu alors portant sur lui, à la fois si pareillement et si différemment,  la trace d’une longue et inconcevable route, d’une histoire  douloureuse, d’une détermination inébranlable, d’un pays pour lui inhospitalier, inique ou en guerre et à quel point la réalité du pays qu’ils ont quittée devait être violente et insupportable pour qu’ils aient le courage et/ou l’unique issue de prendre tous ces risques et de se confronter à la réalité de pays qui ne souhaitent ou du moins ne savent pas forcément davantage  les accueillir et panser leurs plaies.

     

    Philippe Lioret, par ce film indéniablement engagé, a le mérite de mettre en lumière une part d’ombre de la société française, et plus largement de violentes et flagrantes disparités mondiales. Le film en est à sa cinquième semaine d’exploitation et prouve ainsi que le public ne s’intéresse pas seulement aux comédies formatées que les diffuseurs s’acharnent à lui proposer et que l’âpreté d’un sujet, pourvu qu’il soit traité avec sensibilité et intelligence, pouvait aussi susciter son intérêt et le faire se déplacer en nombre. Alors à quand « Welcome » à 20H30 sur TF1 ? Il n’est pas interdit de rêver…

     

    Sandra.M

  • Les César en direct ...

    césar.jpgLes César en direct ce sera bien sûr d'abord à 21h sur Canal plus et Canalplus.fr .

    Par ailleurs, je suis cette année accréditée pour la salle presse de la cérémonie. Si possible (en espérant que cela capte...), j'espère donc vous la faire vivre depuis les coulisses par twitter et de toute façon vous pourrez lire à mon retour un compte rendu détaillé, avec photos et vidéos à l'appui.

     Je vous invite aussi à commenter les résultats et en attendant à laisser vos pronostics et commentaires à la suite de cette note.

    Retrouvez ci-dessous, en cliquant sur "lire la suite", mon précèdent article avec mes commentaires et pronostics ainsi que mes liens vers mes critiques de la plupart des films nommés.

    Lire la suite

    Lien permanent Imprimer Catégories : CESAR 2010 Pin it! 4 commentaires
  • "Parlez-moi de la pluie" d'Agnès Jaoui, ce soir, sur Canal+

    Ce soir, à 20H50, Canal plus diffuse "Parlez-moi de la pluie" d'Agnès Jaoui, un film faisant partie de ceux vivement recommandés par inthemoodforcinema.com en 2008.

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     Agathe Villanova (Agnès Jaoui), féministe nouvellement engagée en politique, revient pour dix jours dans la maison de son enfance, dans le sud de la France, aider sa sœur Florence (Pascale Arbillot) à ranger les affaires de leur mère, décédée un an auparavant.
    Agathe n'aime pas cette région, elle en est partie dès qu'elle a pu mais les impératifs de la parité l'ont parachutée ici à l'occasion des prochaines échéances électorales.
    Dans cette maison vivent Florence, son mari, et ses enfants mais aussi Mimouna (Mimouna Hadji), que les Villanova ont ramenée avec eux d'Algérie, au moment de l'indépendance et qui a élevé les enfants.
    Le fils de Mimouna, Karim (Jamel Debbouze), et son ami Michel Ronsard  (Jean-Pierre Bacri) entreprennent de tourner un documentaire sur Agathe Villanova, dans le cadre d'une collection sur "les femmes qui ont réussi".
    C'est  un mois d'Août gris et pluvieux : ce n'est pas normal...mais rien ne va se passer normalement.

     « Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps
    Le beau temps me dégoute et m'fait grincer les dents
    Le bel azur me met en rage
    Car le plus grand amour qui m'fut donné sur terr'
    Je l'dois au mauvais temps, je l'dois à Jupiter
    Il me tomba d'un ciel d'orage »

     Voilà les premiers vers de la chanson « L'orage » de Georges Brassens dont le titre du film est tiré. De l'orage surgit la vérité, parfois l'amour mais avant d'en arriver là les personnages de « Parlez-moi de la pluie » auront dû affronter des humiliations ordinaires et non moins blessantes, leurs certitudes parfois erronées ou une injustice lancinante, une condescendance.

     Je revoyais le magnifique et intemporel « César et Rosalie » de Claude Sautet avant-hier, encore, pour la énième fois, avec toujours cette même envie de suivre les personnages, de les connaître même,  et même si Agnès Jaoui récuserait peut-être cette comparaison (n'aime-t-elle pas plutôt, aussi, Kusturica, où par bribes visuelles et musicales, son film m'a aussi fait songer ?), je trouve que leurs films ont cela en commun de donner vie et profondeur à des personnages à tel point qu'on imagine leur passé, leur avenir, une existence réelle, qu'on les découvre différemment à chaque visionnage, dans toute leur touchante ambivalence. Et puis Claude Sautet aussi aimait « parler de la pluie ». Dans chacun de ses films ou presque, elle cristallisait les sentiments, rapprochait les êtres.

     Ce qu'on remarque en premier, c'est donc cela : le sentiment d'être plongés dans l'intériorité des personnages, de les connaître déjà ou de les avoir rencontrés ou d'avoir envie de les rencontrer tant les scénaristes Bacri et Jaoui les humanisent. Karim et Mimouna sont victimes du racisme, d'autant plus terrible qu'insidieux, Agathe du sexisme et des préjugés concernant sa condition de femme politique,  Michel de ne pas exercer pleinement son métier ni d'avoir pleinement la garde de son fils, Florence de ne pas être assez aimée... Chaque personnage est boiteux, que son apparence soit forte ou fragile.

      La caméra d'Agnès Jaoui est plus nerveuse qu'à l'accoutumée comme si les doutes de ses personnages s'emparaient de la forme mais c'est quand elle se pose, reprend le plan séquence qu'elle est la plus poignante et drôle : vivante. Comme dans cette scène où Karim, Michel, Agathe se retrouvent chez un agriculteur qui les a « recueillis » : scène troublante de justesse, ne négligeant aucun personnage, aucun lieu commun pour mieux le désarçonner, en souligner l'absurdité.

     L'écriture de Bacri et Jaoui est toujours nuancée,  la complexité des êtres, leurs faiblesses que leur écriture précise dissèque devient ce qui fait leur force. Les dialogues sont toujours aussi ciselés, peut-être moins percutants et acerbes  que dans le caustique et si touchant  « Un air de famille » de Cédric Klapisch, plus mélancolique aussi. Jaoui et Bacri ont décidément le goût des autres à tel point qu'ils nous font aimer et comprendre leurs imperfections, et forcément nous y reconnaître. Aucun rôle n'est négligé. Le second rôle n'existe pas.  L'écriture de Jaoui et Bacri n'a pas son pareil pour faire s'enlacer pluie et soleil, émotion et rire, force et faiblesse : pour faire danser l'humanité sous nos yeux. Jaoui et Bacri n'ont pas leur pareil pour décrire la météo lunatique des âmes.

     Jamel Debbouze n'a jamais été aussi bien filmé, n'a jamais aussi bien joué : dans la retenue, l'émotion, la conviction. Adulte, enfin.

     Le personnage d'Agathe incarné par Agnès Jaoui est une salutaire réponse au poujadisme toujours régnant qui voudrait qu'ils soient « tous pourris » et rend hommage à l'engagement parfois compliqué que constitue la politique.

     Drôle, poétique, touchant, convaincant : cette pluie vous met du baume au cœur.

    On en ressort l'âme ensoleillée après que se soit dissipée la brume qui pesait sur celles de ses personnages que l'on quitte avec regrets, heureux malgré tout de les voir cheminer vers une nouvelle étape de leur existence qui s'annonce plus radieuse.

     Si comme l'écrivait Kirkegaard cité dans le film, l'angoisse est le possible de la liberté. La pluie sur les âmes sans doute est-elle le possible de son soleil, teinté d'une bienheureuse mélancolie  à l'image de ce film réconfortant, brillamment écrit et réalisé.

  • Demain soir, ne manquez pas "Pigalle la nuit", la nouvelle série sur Canal +

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    C'est dans les locaux de Canal+ que, il y a 15 jours, j'ai découvert en avant-première les deux premiers épisodes la nouvelle série prochainement diffusée sur Canal +, intitulée « Pigalle la nuit ». La projection a été suivie d'un débat avec les auteurs de la série Hervé Hadmar (également réalisateur de la série) et Marc Herpoux, la productrice et trois des comédiens principaux : Armelle Deutsch, Sara Martins, Simon Abkarian.

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    Quand il est question de séries françaises, il est systématique d'établir une comparaison avec les séries américaines, forcément au détriment des premières. Comparaison que je trouve toujours absurde et facile. Les Américains comptent au moins autant que nous des séries aux personnages caricaturaux, aux intrigues totalement  abracadabrantesques, au rythme insupportablement lent, aux dialogues sirupeux, au décor de carton-pâte. Les moyens financiers ne sont pas non plus les mêmes, ni même d'ailleurs les moyens humains mis au service de l'écriture. Et surtout, comme l'ont très bien souligné les auteurs de « Pigalle », la mythologie n'est pas la même. Un super héros sauveur de la planète n'aurait aucune crédibilité dans une série française eu égard à cette mythologie alors que, aux Etats-Unis, cette figure est entrée dans l'imaginaire collectif et parfaitement acceptée et assimilée par les téléspectateurs.

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    C'est là la principale raison qui a conduit les auteurs à choisir Pigalle comme cadre de la série. C'est donc là, dans une boîte de Pigalle, que Thomas (Jalil Lespert), 30 ans, vivant à Londres où il travaille dans la finance depuis quelques années, va par hasard apercevoir sa sœur Emma (Armelle Deutsch) (avec laquelle il était en froid depuis plusieurs années) nue sur scène, en plein striptease. Puis, elle va disparaître tandis que deux clans vont se livrer une véritable bataille pour contrôler le business de la nuit.

    Pigalle donc. Un quartier typiquement français, typiquement parisien, appartenant à notre mythologie. Un quartier singulier et unique. De par sa population bigarrée. De par ses personnages en marge, fracassés par l'existence qui se croisent, se heurtent, s'y perdent aussi. De par ses lumières, ses néons, aveuglant, hypnotisant, qui dissimulent des lieux des plus conviviaux, typiques aux plus sordides.  Avoir choisi la nuit comme cadre temporel principal renforce cette impression de dangerosité mais aussi de sensualité qui émane de ce lieu particulier et atypique.

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     La première idée des auteurs était ainsi  de trouver une « arène » idéale, que ce soit « typiquement français », de « prendre dans la qualité ce qui est proposé aux USA mais pas dans la mythologie. » Comme références ils citent ainsi Melville, Chabrol ou  Simenon. Le but n'était pas pour autant que ce soit un « film anthropologique » mais bel et bien de « raconter une histoire », de « dépasser le phénomène du quartier », de « raconter des humanités ». Pour les auteurs, il ne faut pas non plus « avoir peur des stéréotypes » pour raconter des destins de personnages et des intrigues. Il fallait aussi « écarter la carte postale trop positive ou trop glauque ». Le personnage de Max (que je vous laisse découvrir) était ainsi « là pour apporter onirisme et poésie ». Ses hallucinations permettent aussi la mise en scène d'allégories qui oscillent entre l'inquiétant et le fascinant. Intrigantes en tout cas.

    Et c'est Pigalle donc d'abord le personnage principal du récit. Quartier bouillonnant, effervescent, ses rues étroites, en pente, ses lumières étourdissantes. Pigalle qui ne cesse jamais de vivre, de faire battre le cœur des nuits parisiennes, et des jours. Avoir placé l'intrigue dans ce lieu et en faire un personnage à part entière est déjà une excellente idée. Nous sommes immédiatement plongés dans un proche ailleurs, à l'image de Thomas qui, appartenant au milieu de la finance, loin du sombre Pigalle, déambule, hagard, découvrant un autre univers dans lequel il va plonger... Un monde parallèle et violent avec ses personnages étranges, voire inquiétants (ah l'incroyable personnage de Catherine Mouchet dont la boutique est l'enjeu des deux clans, elle aussi est particulièrement déterminée, même si sa raison semble parfois aussi vacillante, et ses raisons finalement troubles), ses êtres attachants aussi. « Des personnages paumés et heureux de l'être » comme l'a souligné Hervé Hadmar... même si je doute que tout personnage paumé soit heureux de l'être. En tout cas sans doute a-t-il voulu dire que leur marginalité est aussi en quelque sorte le moyen de les identifier, et pour eux de se revendiquer, d'être à part, uniques.

    La seconde bonne idée est d'avoir choisi la série chorale, la multiplicité des points de vue, des personnages plus ou moins fortement caractérisés mais aussi ambigus. Ceux des chefs de clans sont certes typiques de séries mais parviennent à sortir des stéréotypes notamment grâce au jeu tout en nuance d'Eric Ruf d'une réjouissante ambiguïté et noirceur, mais aussi celui plus humain de Thomas, un peu le double du téléspectateur qui a priori découvre lui aussi cet univers. Le choix des acteurs pour les incarner est donc là aussi irréprochable au premier rang desquels (outre ceux déjà évoqués) Jalil Lespert, d'une détermination inébranlable dont le jeu d'une justesse remarquable emporte immédiatement notre empathie puis sympathie; Sara Martins, incroyablement juste en femme libre sans tabous; et Simon Abkarian qui imprime son style à chacun des rôles qu'il interprète aussi crédible en résistant dans « L'Armée du crime » qu'en chef de clan ici.

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    La troisième bonne idée est d'avoir tourné à Pigalle et non dans des décors, au milieu de cette faune incessante, sans jamais l'interrompre et donc de se fondre dans le décor, renforçant ainsi l'impression de réalisme. Le travail a également été documenté puisque les auteurs ont notamment travaillé avec un ancien de la Mondaine et se sont même immergés dans le quartier, y vivant pendant dix mois, et s'inspirant ainsi des personnages croisés dans le quartier.

    « Pigalle la nuit » est donc une série prometteuse qui impose son rythme et son style, qui a su tirer partie de la mythologie française, de tout ce qu'elle recèle de particularités propices à immerger le téléspectateur dans des cadres  singuliers , avec des personnages forts, inquiétants ou attachants, parfois les deux, dans un décor qui nous embarque dans un lieu si loin si proche filmé avec sensualité et réalisme. Et quelques longueurs (notamment dans la boîte de nuit qui certes peuvent se justifier par l'impression d'hypnotisme et d'égarement qui en résulte pour Thomas) ne m'empêcheront pas de vous la recommander ni de regarder la suite !

     http://pigalle.canalplus.fr


    A partir du 23 Novembre, à 20H45 sur CANAL+. La série comprend 8 épisodes de 52 minutes.

    Lien permanent Imprimer Catégories : CHRONIQUES TELEVISUELLES Pin it! 3 commentaires
  • Avant-première- « Pigalle la nuit », la nouvelle série de Canal +

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    C'est dans les locaux de Canal+ que, mardi dernier, j'ai découvert en avant-première les deux premiers épisodes la nouvelle série prochainement diffusée sur Canal +, intitulée « Pigalle la nuit ». La projection a été suivie d'un débat avec les auteurs de la série Hervé Hadmar (également réalisateur de la série) et Marc Herpoux, la productrice et trois des comédiens principaux : Armelle Deutsch, Sara Martins, Simon Abkarian.

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    Quand il est question de séries françaises, il est systématique d'établir une comparaison avec les séries américaines, forcément au détriment des premières. Comparaison que je trouve toujours absurde et facile. Les Américains comptent au moins autant que nous des séries aux personnages caricaturaux, aux intrigues totalement  abracadabrantesques, au rythme insupportablement lent, aux dialogues sirupeux, au décor de carton-pâte. Les moyens financiers ne sont pas non plus les mêmes, ni même d'ailleurs les moyens humains mis au service de l'écriture. Et surtout, comme l'ont très bien souligné les auteurs de « Pigalle », la mythologie n'est pas la même. Un super héros sauveur de la planète n'aurait aucune crédibilité dans une série française eu égard à cette mythologie alors que, aux Etats-Unis, cette figure est entrée dans l'imaginaire collectif et parfaitement acceptée et assimilée par les téléspectateurs.

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    C'est là la principale raison qui a conduit les auteurs à choisir Pigalle comme cadre de la série. C'est donc là, dans une boîte de Pigalle, que Thomas (Jalil Lespert), 30 ans, vivant à Londres où il travaille dans la finance depuis quelques années, va par hasard apercevoir sa sœur Emma (Armelle Deutsch) (avec laquelle il était en froid depuis plusieurs années) nue sur scène, en plein striptease. Puis, elle va disparaître tandis que deux clans vont se livrer une véritable bataille pour contrôler le business de la nuit.

    Pigalle donc. Un quartier typiquement français, typiquement parisien, appartenant à notre mythologie. Un quartier singulier et unique. De par sa population bigarrée. De par ses personnages en marge, fracassés par l'existence qui se croisent, se heurtent, s'y perdent aussi. De par ses lumières, ses néons, aveuglant, hypnotisant, qui dissimulent des lieux des plus conviviaux, typiques aux plus sordides.  Avoir choisi la nuit comme cadre temporel principal renforce cette impression de dangerosité mais aussi de sensualité qui émane de ce lieu particulier et atypique.

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     La première idée des auteurs était ainsi  de trouver une « arène » idéale, que ce soit « typiquement français », de « prendre dans la qualité ce qui est proposé aux USA mais pas dans la mythologie. » Comme références ils citent ainsi Melville, Chabrol ou  Simenon. Le but n'était pas pour autant que ce soit un « film anthropologique » mais bel et bien de « raconter une histoire », de « dépasser le phénomène du quartier », de « raconter des humanités ». Pour les auteurs, il ne faut pas non plus « avoir peur des stéréotypes » pour raconter des destins de personnages et des intrigues. Il fallait aussi « écarter la carte postale trop positive ou trop glauque ». Le personnage de Max (que je vous laisse découvrir) était ainsi « là pour apporter onirisme et poésie ». Ses hallucinations permettent aussi la mise en scène d'allégories qui oscillent entre l'inquiétant et le fascinant. Intrigantes en tout cas.

    Et c'est Pigalle donc d'abord le personnage principal du récit. Quartier bouillonnant, effervescent, ses rues étroites, en pente, ses lumières étourdissantes. Pigalle qui ne cesse jamais de vivre, de faire battre le cœur des nuits parisiennes, et des jours. Avoir placé l'intrigue dans ce lieu et en faire un personnage à part entière est déjà une excellente idée. Nous sommes immédiatement plongés dans un proche ailleurs, à l'image de Thomas qui, appartenant au milieu de la finance, loin du sombre Pigalle, déambule, hagard, découvrant un autre univers dans lequel il va plonger... Un monde parallèle et violent avec ses personnages étranges, voire inquiétants (ah l'incroyable personnage de Catherine Mouchet dont la boutique est l'enjeu des deux clans, elle aussi est particulièrement déterminée, même si sa raison semble parfois aussi vacillante, et ses raisons finalement troubles), ses êtres attachants aussi. « Des personnages paumés et heureux de l'être » comme l'a souligné Hervé Hadmar... même si je doute que tout personnage paumé soit heureux de l'être. En tout cas sans doute a-t-il voulu dire que leur marginalité est aussi en quelque sorte le moyen de les identifier, et pour eux de se revendiquer, d'être à part, uniques.

    La seconde bonne idée est d'avoir choisi la série chorale, la multiplicité des points de vue, des personnages plus ou moins fortement caractérisés mais aussi ambigus. Ceux des chefs de clans sont certes typiques de séries mais parviennent à sortir des stéréotypes notamment grâce au jeu tout en nuance d'Eric Ruf d'une réjouissante ambiguïté et noirceur, mais aussi celui plus humain de Thomas, un peu le double du téléspectateur qui a priori découvre lui aussi cet univers. Le choix des acteurs pour les incarner est donc là aussi irréprochable au premier rang desquels (outre ceux déjà évoqués) Jalil Lespert, d'une détermination inébranlable dont le jeu d'une justesse remarquable emporte immédiatement notre empathie puis sympathie; Sara Martins, incroyablement juste en femme libre sans tabous; et Simon Abkarian qui imprime son style à chacun des rôles qu'il interprète aussi crédible en résistant dans « L'Armée du crime » qu'en chef de clan ici.

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    La troisième bonne idée est d'avoir tourné à Pigalle et non dans des décors, au milieu de cette faune incessante, sans jamais l'interrompre et donc de se fondre dans le décor, renforçant ainsi l'impression de réalisme. Le travail a également été documenté puisque les auteurs ont notamment travaillé avec un ancien de la Mondaine et se sont même immergés dans le quartier, y vivant pendant dix mois, et s'inspirant ainsi des personnages croisés dans le quartier.

    « Pigalle la nuit » est donc une série prometteuse qui impose son rythme et son style, qui a su tirer partie de la mythologie française, de tout ce qu'elle recèle de particularités propices à immerger le téléspectateur dans des cadres  singuliers , avec des personnages forts, inquiétants ou attachants, parfois les deux, dans un décor qui nous embarque dans un lieu si loin si proche filmé avec sensualité et réalisme. Et quelques longueurs (notamment dans la boîte de nuit qui certes peuvent se justifier par l'impression d'hypnotisme et d'égarement qui en résulte pour Thomas) ne m'empêcheront pas de vous la recommander ni de regarder la suite !

     http://pigalle.canalplus.fr


    A partir du 23 Novembre, à 20H45 sur CANAL+. La série comprend 8 épisodes de 52 minutes.

  • "Braquo", la série d'Olivier Marchal, sur Canal plus le 12 octobre

    braquo2.jpgInthemoodforcinema.com vous avait parlé de "Braquo", la  série d'Olivier Marchal, dès avril 2009, à l'occasion d'une passionnante Master Class avec Olivier Marchal, dans les locaux de Canal plus, une série dont vous avez pu suivre les coulisses sur internet sur http://braquo.canalplus.fr .

    A l'occasion de la diffusion, le 12 octobre prochain, à 20H45, sur canal plus, du premier épisode de 52 minutes sur les 8 que compte la série, je vous propose de nouveau, ci-dessous, le compte rendu de cette passionnante Master class qui vous en dira plus sur cette série vivement recommandé par inthemoodforcinema.com .

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    © Tibo & Anouchka / CAPA DRAMA / CANAL +

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    © Tibo & Anouchka / CAPA DRAMA / CANAL +

     

     

    Ci-dessus: début de la Master Class "Braquo", d'Olivier Marchal,  à Canal plus

     

     Dans le cadre du club 300  d’Allociné (dont je vous reparlerai -très- prochainement), et en partenariat avec Canal plus, dans les locaux de la chaine était organisée hier soir une Master Class avec Olivier Marchal, suite à la projection de quelques épisodes de la websérie documentaire « Braquo » (actuellement diffusée sur internet) consacrée à la série coréalisée par Olivier Marchal et Frédéric Schoendoerffer et programmée à la rentrée prochaine sur Canal plus. Le (très) petit nombre de blogueurs présents a contribué à procurer à cette rencontre un caractère très intime et à cet échange un caractère passionnant.

     

    Ce web documentaire consacré à "Braquo" est une manière inédite d’annoncer la programmation d’une série, et de susciter l’intérêt et le désir du téléspectateur pour celle-ci. Ce making of réalisé sous la direction d’Olivier Marchal est constitué de 30 épisodes qui sont et seront diffusés sur internet, permettant ainsi aux internautes de s’immiscer dans les coulisses du tournage pour suivre les étapes de la conception de la série. Cette websérie documentaire imaginée par Canal+ et Capa a été confiée à un jeune réalisateur : Sacha Chelli.  Depuis le 30 mars, un nouvel épisode hebdomadaire raconte donc une étape de la préparation sur le site  http://www.braquo.tv : casting, formation des acteurs, crash, fusillades…

     

    Le montage nerveux et rythmé contribue à l’immersion totale du téléspectateur et reflète parfaitement la tension et la fébrilité que génère un tournage, et celui-ci en particulier. La websérie témoigne ainsi de tout ce qui constitue un tournage : les tensions et les joies mais aussi de l’extrême précision du travail d’Olivier Marchal, de la passionnante, parfois angoissante mais surtout jubilatoire aventure que constitue un tournage comme celui-ci. Il s’y exprime sans langue de bois procurant ainsi à cette websérie le même réalisme, (évidemment me direz-vous puisqu’il s’agit ici de la réalité) qu’à la série elle-même.

     

    Hervé Chabalier s’est déclaré particulièrement fier de « participer aux côtés de Canal à cette production originale pour le web : une websérie avant la série… la réalité précédant la fiction ! ». « Braquo, les coulisses » constitue ainsi un lieu d’expérimentation  d’une nouvelle forme d’expression et d’écriture audiovisuelle. Canalplus.fr réunit en effet plus de 3 millions de visiteurs uniques mensuels et se positionne parmi les leaders de sites médias français.

     

    Cette websérie relève donc de la volonté d’accompagner la sortie de la série « Braquo » très en amont et de tenir les internautes en haleine jusqu’à la diffusion télévisée de la série, l’objectif étant la qualité du contenu plutôt qu’un buzz inepte. Elle témoigne aussi du rôle croissant d’internet dans les stratégies de communication des diffuseurs et producteurs (et distributeurs concernant le cinéma).

     

     Avec beaucoup de franchise, d’humilité aussi, Olivier Marchal a donc répondu aux questions concernant cette série atypique. Son souhait était avant tout de parler du « malaise grandissant », de la « difficulté d’être flic », de « la façon dont ils sont (mal)traités », estimant qu’ils méritent d’être pris en considération, qu’on s’occupe de leur mélancolie (pour ceux que le sujet intéresse, Olivier Marchal a évoqué un « Complément d’enquête » pour lequel il a été interviewé sur ce sujet, diffusé sur France 2 la semaine prochaine). Il souhaite surtout montrer ce que « l’on n’a pas encore trop vu : que de l’humain, que de l’émotion, juste des flics qui essaient de s’en sortir ». Dans cette série, tournée en 35mm (le projet initial était d’ailleurs destiné au cinéma), les enquêtes seront donc relativement anecdotiques.

     

     Olivier Marchal s’est dit fasciné par ces policiers qu’il avait côtoyés de très près qui ont « plongé » du côté  du banditisme sans qu’il s’aperçoive de rien, rien dans leur comportement ne permettant de déceler une quelconque remise en question ou encore moins cette double vie. Pour lui, il était aussi important que ses personnages restent malgré tous positifs, et que ces flics soient malgré eux obligés de commettre des exactions. Pour lui, cela pose un cas de conscience tous « ces voyous qui écrivent des livres et dont on fait des films », tout en précisant avoir écrit la bible du scénario de « Braquo »…avec un ancien braqueur.

     

     Il a également évoqué le casting (Anglade, Duvauchelle, Rocher, Duchaussoy,  Malerba), louant la prestation époustouflante d’Anglade dont la websérie permet d’entrevoir le perfectionnisme en accord avec celui du réalisateur. Des écorchés vifs plutôt que des acteurs « bankable » qui contribuent fortement au sentiment de réalisme de la série.

     

    Olivier  Marchal a aussi déclaré s’être régalé à écrire, étant réellement en empathie avec ses personnages. A une question concernant une éventuelle suite à la série de 8 fois 52 minutes, il a parlé d’une fin « ouverte et surprenante ». 

     

     Par ailleurs, Gaumont, qui a l’excellente idée de projeter actuellement un grand classique du cinéma,  en projection numérique, dans certaines salles Gaumont, (un par mois, en Avril, "Le Cerveau") pour nous le faire redécouvrir pourrait aussi permettre que la série soit projetée au cinéma dans ce cadre-ci. 

     

    Il a aussi évoqué sa coréalisation avec Frédéric Schoendoerffer, salutaire selon lui en raison des journées de 20H de travail pour ce projet. Il est en tout cas très fier de cette série « noire, intense, mais jamais glauque, glamour dans son casting et son décor avec une histoire très romanesque » dont ces quelques extraits de la websérie laissent augurer le meilleur,   dans la lignée des palpitants « Gangsters » ou « 36 quai des Orfèvres » (même si le ton et le cadre de la série seront différents).

     

    Grâce à son expérience (Olivier Marchal a d'abord été policier à la P.J.,  inspecteur de la Brigade criminelle de Versailles et de la section antiterroriste, puis chef d'une brigade de nuit au milieu des années 1980), son cinéma est imprégné d’un réalisme, d’une justesse, d’une tension captivants mais aussi d’une direction d’acteurs précise qui ont renouvelé le polar français en lui apportant un nouveau souffle, et un style encore inédit.

     

    Force est de constater que cette websérie inédite est terriblement efficace, qu’elle en montre suffisamment mais pas trop pour susciter le désir de voir la série qui, si elle se révèle aussi palpitante que ses coulisses,  est promise à un joli succès, en tout cas souhaitons-le lui. A suivre donc à la rentrée prochaine sur Canal + pout la série et dès à présent sur http://www.braquo.tv pour la websérie vivement recommandée par Inthemoodforcinema.com .

     

    Pitch de la série : Flics de terrain au SDPJ 92, Caplan (Jean-Hugues Anglade), Morlighem (Joseph Malerba), Vachewski (Nicolas Duvauchelle) et Roxane (Karole Rocher) interviennent sur tout le département des Hauts-de-Seine, entre Neuilly et Nanterre, quartiers chics et zones de non-droit.  Mais leur vie bascule lorsque Rossi, leur commandant, injustement condamné dans une affaire, décide de se suicider. Dès lors, ils vont se lancer dans une contre-enquête pour laver son honneur et confondre ses accusateurs. Pris dans un engrenage mortel, ils vont être obligés de « monter au BRAQUO » pour sauver leur peau et protéger leurs familles.  Harcelés par leur administration, poursuivis par l’IGS (la police des police), ils vont tourner le dos aux règles établies et à leurs illusions en adoptant un mode de vie régi par l’adrénaline, la prise de risque, le sang et la mort…  BRAQUO suit au plus près la trajectoire de ces hommes ordinaires qui, malgré eux, vont progressivement plonger dans la violence et la paranoïa, tout en exerçant leur métier de flic.

     

    Filmographie sélective d’Olivier Marchal :

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    © Tibo & Anouchka / CAPA DRAMA / CANAL +

     

    En tant qu'acteur

    Cinéma

     

    1988 : Ne réveillez pas un flic qui dort, de José Pinheiro

    1993 : Profil bas, de Claude Zidi

    1998 : La Puce, d'Emmanuelle Bercot

    2004 : 36 Quai des Orfèvres

    2006 : Ne le dis à personne, de Guillaume Canet

    2006 : Un Roman Policier, de Stéphanie Duvivier

    2007 : Truands, de Fréderic Schoendoerffer

    2007 : Scorpion, de Julien Séri

    2008 : Le Bruit des gens autour, de Diastème

    2009 : Quelque chose à te dire, de Cécile Telerman

     

    Télévision

    1996-2001 : Quai n°1

    1999-2002 : Police District

    2002 : Chut ! de Philippe Setbon, avec Sophie Guillemin

    2003 : Les Robinsonnes de Laurent Dussaux

    2005 : Éliane de Caroline Huppert, avec Florence Pernel

    2006 : Les Innocents d'après Simenon

    2006 : Une fille de ferme d'après Maupassant

    En tant que réalisateur

     

    Courts-métrages

     

    2002 : Un bon flic

     

    Longs-métrages

     

    2002 : Gangsters, avec Richard Anconina

    2004 : 36 Quai des Orfèvres, avec Daniel Auteuil et Gérard Depardieu

    2008 : MR 73, avec Daniel Auteuil et Olivia Bonamy

     

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    © Tibo & Anouchka / CAPA DRAMA / CANAL +

     

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  • "Valse avec Bachir" d'Ari Folman: ce soir, 20H45, sur Canal+

    Ce soir, sur Canal+, à 20H45, ne manquez pas "Valse avec Bachir" d'Ari Folman.

    Retrouvez ma critique, ci-dessous, publiée lors de la sortie du film.

    Un documentaire d'animation d'une effroyable beauté

    18947035_w434_h_q80.jpg

     

    Alors qu’il y a quelques jours encore j’évoquais mon peu  d’appétence pour le cinéma d’animation, c’est en toute logique  que je vais vous faire part aujourd’hui de mon enthousiasme et de mon émotion pour…un film d’animation. Un film d’animation d’un genre très particulier néanmoins. En compétition lors du dernier festival de Cannes où il a fait figure de favori, il est reparti sans un prix mais avec un écho médiatique retentissant. C’est donc avec impatience que j’attendais sa sortie en salles l’ayant manqué à Cannes.

    18939633.jpgCela commence par la course d’une meute de chiens face caméra. L’image nous heurte de plein fouet : féroce, effrayante, belle et terrifiante. Une meute de chiens par laquelle, dans ses cauchemars, un ami d’Ari est poursuivi. 26 chiens exactement. Le nombre de chiens qu’il a tués durant la guerre du Liban, au début des années 1980, ce poste lui ayant été attribué parce qu’il était incapable de tuer des humains. Il raconte ce cauchemar récurrent à Ari mais ce dernier avoue n’avoir aucun souvenir de cette période, ne faire aucun cauchemar. Le lendemain, pour la première fois, 20 ans après,  un souvenir de cette période niée par sa mémoire surgit dans la conscience (ou l’inconscient) d’Ari : lui-même alors jeune soldat se baignant devant Beyrouth avec deux autres jeunes soldats sous un ciel lunaire en feu d’une beauté terrifiante. Il lui devient alors vital de connaître ce passé enfoui, ces pages d’Histoire et de son histoire englouties par sa mémoire. A cette fin,  il va aller à la rencontre de ses anciens compagnons d’armes, neuf personnes interrogées au total (dont deux ont refusé d’apparaître à l’écran sous leur véritable identité.) A l’issue de ces témoignages il va reconstituer le fil de son histoire et de l’Histoire et l’effroyable réalité que sa mémoire a préféré gommer…

    Un film d’animation d’un genre très particulier donc. D’abord parce qu’il est autobiographique : cette histoire, le troisième long-métrage du réalisateur (après « Sainte Clara » en 1996 et « Made in Israël » en 2001) est en effet celle du réalisateur israélien Ari Folman pour qui ce film a tenu lieu de thérapie. Ensuite parce que ce sont de vrais témoignages, poignants, et les voix de ces témoins donnent un aspect très documentaire à ce film hybride et atypique : d’abord tourné en vidéo, monté comme un film de 90 minutes, puis un story board en 2300 dessins ensuite animés, c’est un mélange d’animation Flash, d’animation classique et de 3D.  Ce mode filmique si particulier n’est nullement un gadget mais un parti pris artistique au service du propos auquel il apporte sa force et sa portée universelle. Un documentaire d’animation sur la guerre du Liban : oui, il fallait oser. Ari Folman s’affranchit des règles qui séparent  habituellement documentaire et fiction et dans ce sens, et aussi parce que ce film se déroule également au Liban, néanmoins à une autre époque, il m’a fait penser à l’un de mes coups de cœur du Festival de Cannes 2008 : « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige  que je vous recommande d’ores et déjà, sans la moindre réserve. ("Je veux voir" sera projeté au festival Paris Cinéma, le 8 juillet, voir ici)

    Dès ces premiers plans de chiens en furie, nous sommes donc happés, happés par la violence sublime des images, ces couleurs noirs et ocre diaboliquement envoûtantes, oniriques et cauchemardesques,  happés par une bande originale d’une force saisissante (signée Max Richter), happés par l’envie et la crainte de savoir, de comprendre, nous aussi, en empathie avec la quête identitaire d’Ari. C’est d’abord la beauté formelle et la poésie cruelle qui en émane qui accroche notre regard, notre attention. Cette beauté ensorcelante rend supportable l’insupportable, rend visible l’insoutenable, créant à la fois une distance salutaire avec la violence de ces témoignages et événements réels mais nous aidant aussi à nous immerger dans cette histoire. Si la violence est atténuée, l’émotion ne l’est pas. Ari Folman n’a pas non plus voulu rendre la guerre lyrique mais son lyrisme visuel exacerbe encore l’absurdité de cette guerre, de ces hommes égarés que la peur fait tirer, sans savoir sur qui, et sans savoir vraiment pourquoi.

    Peu à peu, au fil des témoignages, les pièces du puzzle de la mémoire disloquée d’Ari vont s’assembler jusqu’à l’atrocité ultime, celle qui a sans doute provoqué ce trou noir, celle volonté inconsciente d’oublier, de faire taire ses souvenirs de ces jours de 1982 : le massacre de Palestiniens par les Phalangistes chrétiens, les alliés d’Israël, suite à l’assassinat du président de la République libanaise Bashir Gemayel, dans les camps de Sabra et Shatila, deux camps de Beyrouth-ouest, dont il a été le témoin impuissant (il ne nie pas pour autant la responsabilité d’Israël, du moins son inaction coupable). Au dénouement de ce poème tragique, Ari Folman a alors choisi de substituer des images réelles aux images d’animation pour rappeler, sans doute, la réalité de la guerre, sa violence, son universelle absurdité, sa brutalité. Des images d’une violence nécessaire. Qui nous glacent le sang après tant de beauté d’une noirceur néanmoins sublime.

    18939624_w434_h_q80.jpg Plus qu’un film d’animation c’est à la fois un documentaire et une fiction sur la mémoire et ses méandres psychanalytiques et labyrinthiques, sur l’ironie tragique et les échos cyniques de l’Histoire, l’amnésie tragique de l’Histoire-collective- et de l’histoire-individuelle- (si Ari a effacé cette période de sa mémoire c’est aussi parce qu’elle est un écho pétrifiant à l’histoire tragique de sa famille, victime des camps nazis, ceux  d’une autre époque, un autre lieu mais avec la même violence et horreur absurdes, presque les mêmes images des décennies après, et horreur ultime : les protagonistes ayant  changé de rôle), sur l’absurdité de la guerre que ce film dénonce avec plus d’efficacité que n’importe quel discours. La poésie au lieu de nier ou d’édulcorer complètement la violence en augmente encore l’atrocité : comme ce chant d’une ironie dévastatrice sur le Liban pendant qu’un char écrase des maisons, des voitures, lentement, presque innocemment. Comme cette couleur rouge qui se mue d’un objet anodin en sang qui coule. Ou comme cette valse avec Bashir, celle d’un tireur qui danse avec les balles qu’il tire devant le portrait de Bashir Gemayel sur fond de Chopin, qui joue avec le feu, qui danse avec la mort  dans une valse d’une sensualité violente: cette scène résume toute la beauté effroyable de ce film magnifique. Tragique et magnifique. Cette valse est aussi à l’image de la forme de ce film : entraînante, captivante comme si une caméra dansante nous immergeait dans les méandres virevoltants de la mémoire d’Ari.

    Une œuvre atypique qui allie intelligemment forme et force du propos, où la forme, sublime, est au service du fond, brutal. Une valse étourdissante d’un esthétisme d’une effroyable beauté. Une valse fascinante, inventive. Entrez dans la danse, sans attendre une seconde. Elle vous entraînera dans cette histoire, dans l’Histoire, avec une force renversante, saisissante, poignante.

    Alors, oui sans doute le grand oublié du palmarès de ce 61ème Festival de Cannes (qui me satisfait néanmoins pleinement), tout simplement peut-être parce que cette œuvre tellement atypique qui invente même un nouveau genre cinématographique (dont elle sera d’ailleurs certainement le prototype et l’unique exemplaire tant une copie lui ferait certainement perdre sa force) ne correspondait à aucune des catégories du palmarès  à moins que le jury n’ait pas osé, n’ait pas eu la même audace que celle dont Ari Folman a fait preuve dans son film, une œuvre qui répondait d’ailleurs aux exigences du président Sean Penn  témoignant de la conscience du monde dans lequel son réalisateur vit, un monde si souvent absurde et amnésique, enfouissant son Histoire dans les tréfonds de sa mémoire tragiquement et criminellement sélective.

    Lien: site officiel du film

    Sandra.M