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  • Conférence de presse du Champs-Elysées Film Festival 2014

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    Après Cannes, il y a 10 jours, c'est au tour du Champs-Elysées Film Festival de révéler sa programmation mardi prochain, à 11H. Un festival que j'affectionne tout particulièrement et auquel je suis fidèle depuis sa première édition, il y a 3 ans, et qui s'installe peu à peu comme un rendez-vous incontournable pour les amoureux du cinéma et de Paris avec une programmation éclectique et riche avec toujours au programme: master class, compétition de films indépendants américains, avant-premières françaises et américaines etc.

    En attendant de me suivre, mardi prochain, en direct de la conférence de presse sur mes comptes twitter ( @moodforcinema ) et instagram (inthemoodforcinema)  ou de suivre la conférence sur le compte twitter officiel du festival (@CEfilmfestival #CEFF2014 ), découvrez son magnifique nouveau visuel et son nouveau site internet http://www.champselyseesfilmfestival.com/ .

    Je serai cette année plus que jamais au cœur du festival pour vous le faire vivre en direct sur http://inthemoodforfilmfestivals.com. Je vous en dirai plus mardi... Réservez d'ores et déjà vos dates: l'édition 2014 aura lieu du 11 au 17 juin 2014 dans les cinémas des Champs-Elysées.

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  • Programme et jury du Festival du Film de Cabourg 2014 - 28èmes journées romantiques

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    Le Festival du Film de Cabourg (qui célèbrera cette années ses 28èmes journées romantiques) est un évènement que j'affectionne tout particulièrement, en raison de sa riche et belle programmation, mais aussi parce que j'avais eu le plaisir de faire partie de son jury des courts-métrages présidé par Marie Trintignant, en 2002. Tant de souvenirs, une atmosphère tellement cinématographique que j'ai d'ailleurs consacré une nouvelle de mon recueil de 13 nouvelles romantiques et cruelles "Ombres parallèles" à ce festival, un recueil disponible dans toutes les librairies numériques (fnac ici, Amazon ici, Cultura, Relay, Orange, Kobo etc) ou directement chez mon éditeur Numeriklivres.

    Le Festival du Film de Cabourg se déroulera cette année du 11 au 15 juin 2014. Comme chaque année, il vous proposera des projections en salles et en plein air de films ayant pour thème central, l’amour. Lieu mythique depuis que Marcel Proust y rédigea ses feuillets sur "À la Recherche du temps perdu", Cabourg reçoit tous les ans les plus grands noms du cinéma européen et international en révélant de nombreux talents notamment grâce aux compétitions courts et longs métrages qui offrent l’opportunité de découvrir des films venus de tous horizons en avant-première (l’an dernier, Rebecca Zlotowski repartait avec le grand prix pour le magnifique  "Grand Central"). Par ailleurs, le Panorama des films inédits de l’été, en présence des équipes des films venant rencontrer le public et débattre avec lui, est aussi un moment fort du festival. La section Premiers rendez-vous met quant à elle en lumière les jeunes acteurs et actrices français dans leur première apparition à l’écran.

    Le Jury

    Cette année le Grand Jury 2014 du Festival sera co-présidé par la réalisatrice et scénariste Catherine Corsini et le réalisateur et auteur Martin Provost. Ils seront entourés de la comédienne Pauline Etienne, des comédiens Eric Elmosnino et Gilbert Melki, de l’auteur/compositeur/interprète Raphaël, du metteur en scène Jean-Louis Martinelli, du directeur de la photographie Guillaume Schiffman, et de la productrice Anne-Dominique Toussaint.

    Zhang Ziyi : Hommage au Cinéma Romantique Chinois

    Dans le cadre des commémorations du 50ème anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoise, le Festival du Film de Cabourg proposera un hommage au cinéma romantique chinois en présence de la célèbre actrice Zhang Ziyi.

    L’Affiche Officielle 2014

    Le visuel de l'affiche officielle 2014 est issu d'une scène du film Après Mai d'Olivier Assayas.

    (Le principe de l'affiche est de choisir un visuel tiré d'un film présenté l'année précédente au festival)

    La programmation, les jurys longs et courts métrages complets et les invités seront prochainement annoncés.

    Suivez l’actu du Festival sur : www.festival-cabourg.com et www.facebook.com/Festival.du.Film.de.Cabourg & #festivalcabourg

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique) Pin it! 0 commentaire
  • Critique de 24 JOURS, LA VERITE SUR L’AFFAIRE ILAN HALIMI d’Alexandre Arcady

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    Ilan Halimi. Un nom qui était resté gravé dans ma mémoire indissociable de son calvaire effroyable qui semblait surgi d’une époque que nous croyions bienheureusement révolue. Pour que ce nom ne soit pas oublié, pour qu’il reste gravé dans LES mémoires, deux films se penchent sur ce terrible fait de société : Richard Berry avec « Tout, tout de suite », adaptation du roman éponyme de Morgan Sportès (prix Interallié 2011) et « 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi » d’Alexandre Arcady adapté du roman éponyme de la mère du jeune homme, Ruth Halimi, aidée dans l’écriture par Emilie Frèche. La mémoire. La vérité. C’est en tout cas le parti pris du premier film dont l’objectif est avant tout de relater la vérité pour opérer le travail de mémoire que définit ainsi son réalisateur : "J'ai fait 24 jours pour laisser une trace et dire la vérité, pour que cette tragédie ne tombe pas dans l'oubli. Aujourd'hui, quand vous parlez d’Ilan Halimi, peu de gens se souviennent de son nom. En revanche, quand vous évoquez le "gang des barbares", quelque chose résonne. C'est paradoxal de penser qu’en France les bourreaux sont plus connus que les victimes."

    Ilan (Syrus Shahidi) travaille dans une boutique de téléphone mobile sur le boulevard Voltaire. Une jeune femme fait semblant de s’intéresser aux nouveaux portables, puis obtient son numéro et s’en va. Elle le rappelle dès le lendemain, lui dit qu’elle veut le revoir. Ilan ne s’est pas méfié. Ilan a vingt-trois ans, la vie devant lui… Il ne pouvait pas  se douter que, ce vendredi 20 janvier 2006,  rejoignant cette jolie fille dans un café de la porte d’Orléans, il avait rendez-vous avec l’horreur. Avec la mort.

    Qui aurait pu croire qu’en France, en 2006, un jeune homme pouvait être enlevé, séquestré et torturé pendant trois semaines avant d’être jeté dans un bois par ses bourreaux...simplement parce qu’il est juif ?

    24 jours. 24 jours, telle est la durée de son cauchemar. 24 jours d’angoisses aussi pour sa famille. D’appels incessants (plus de 600 !). D’insultes. De photos de son corps supplicié. De silence de toute une famille pour laisser la police criminelle travailler.

     24 jours à travers le regard de la mère d’Ilan Hamili, Ruth, qui nous raconte comment sa vie a brusquement basculé. C’est d’ailleurs face à son regard que le film débute.

    Alexandre Arcady n’a pas voulu réaliser un film sur le gang des barbares mais témoigner sur le martyr d’Ilan Halimi. Raconter la vérité. L’insoutenable vérité. Celle du premier juif tué en France à ce « titre » depuis la Shoah. Pour que ne soit pas oubliée la victime de ce terrible et ineffable fait de société. Pour une famille, certes. Pour un pays aussi qui croyait bien en avoir fini avec les démons du passé. Pour « donner l’alerte ».

    Les films d’Arcady ont toujours eu pour cadre un contexte  historique ou en résonance avec l’actualité, du « Coup de Sirocco (sur les rapatriés d’Afrique du Nord), à « Pour Sacha » (sur la guerre des six jours) ou « K » (sur le parcours d’un criminel nazi et la résurgence de l’extrême droite en Europe), le dédouanant ainsi d’avance de toute accusation d’opportunisme. Le deuxième écueil à éviter était celui du pathos. Pour éviter l’un et l’autre, il s’est basé sur les faits avec un constant souci de vérité, d’authenticité, de véracité même.

    Pour cela, tout d’abord, il a tourné au 36 Quai des Orfèvres. Un tournage était ainsi pour la première fois autorisé au 36 Quai des Orfèvres car contrairement à ce qu’on pourrait croire même les films éponymes de Marchal et Clouzot n’y ont pas été tournés. Il a également tourné dans tous les lieux de « l’affaire » afin de tenter de nous faire appréhender l’incompréhensible : comment, en 2006, en France, un jeune homme a-t-il pu mourir d’antisémitisme ? Comment son calvaire a-t-il pu durer 24 jours sans que la police ne parvienne à interpeller ses ravisseurs ? Comment ( et c’est ce qui ajoute encore à l’indicible horreur) est-il possible que tant de personnes aient su, aient été complices, ou aient eu des soupçons, sans rien dire, sans jamais passer le coup de fil qui aurait pu suffire à le sauver ? A l’époque des faits, j’avais été heurtée par ces chiffres inconcevables. 29 interpellations. Un immeuble de 500 personnes. Autant de personnes qui, soit savaient, soit avaient pu avoir des doutes. Pas une seule n’avait parlé. Pas une seule n’avait passé ce coup de fil salutaire. Je voulais comprendre. Mais peut-être comprendre l’incompréhensible ? L’inconcevable. L’intolérable.

    Le film rappelle ainsi le contexte dans lequel se déroulent les faits : six mois après l’affaire de « la fille du RER » qui avait d’ailleurs inspiré un film à André Téchiné (le vendredi 9 juillet 2004, une jeune fille déclarait à la police avoir été victime d’une agression à caractère antisémite sur la ligne D du RER. Dès le lendemain, son témoignage provoquait une vague d’indignation et était particulièrement médiatisé mais trois jours plus tard elle reconnaissait avoir tout inventé) mais aussi les erreurs d’appréciation de la police qui a toujours cru ou voulu croire à un crime crapuleux, refusant d’admettre l’hypothèse du crime antisémite comme des emails le laissaient pourtant entendre, notamment celui envoyé par les ravisseurs à un rabbin qui disait « un juif a été kidnappé ». Et puis, si on se souvient de l’enlèvement du Baron Empain en 1978 (qui avait inspiré l’excellent film « Rapt » de Lucas Belvaux), c’est aussi parce que les enlèvements sont peu fréquents en France. La police n’est donc pas forcément habituée à gérer ces situations de crise.

    Si ce film n’apporte pas vraiment de réponses sur la criminelle inconscience et le coupable silence des uns ou la barbare violence des autres, il pose en revanche de nombreuses questions, d’une part, sur la résurgence de violences qu’on croyait à jamais annihilées, rendues impossibles par les tragiques leçons de l’Histoire, d’autre part, sur la difficulté de traiter cinématographiquement un fait réel qui se doit de faire consensus au contraire de l’objet filmique, sujet à débats. Au passage,  il parait d’ailleurs incroyable qu’Arcady ait eu beaucoup de mal à produire ce film, sans l’aide des télévisions, frileuses, pour qui le consensus semblait donc ne pas être d’une telle évidence.

    « Oui, il fallait porter témoignage. Je me suis replongé dans ces 24 jours en préservant ce qui me paraissait indispensable : la vérité. La vérité tout le temps. La vérité des faits. La vérité des insultes de Fofana, puisque tout ce qu'il profère dans ce film est l'exacte réalité. Et la vérité du martyr subi par Ilan. On l'a laissé mourir comme un chien alors qu'il avait le même âge, la même nationalité et les mêmes rêves que les garçons et les filles qui l'ont enlevé. Aucun d'entre eux, à ce jour, n'a eu le moindre geste de compassion. Aucun n'a même demandé pardon. C'est ce qu'il y a de plus effarant. »  Le parti pris du cinéaste répond en partie à mes questionnements ci-dessus, celui de vouloir faire acte mémoriel. Avec toute la pudeur qui sied au sujet, le film d’Arcady remplit pleinement ce rôle.  En quelques plans, sans insister, il nous montre comment cet enlèvement était un acte anodin pour les complices des ravisseurs en une scène elle aussi a priori anodine dans un magasin mais finalement glaçante et comment ce jeune homme était déshumanisé, traité comme un objet, sans âme, parce que juif.

    Zabou Breitman interprète avec justesse le rôle de cette mère digne plongée dans l’horreur,  reprenant le rôle qu’aurait dû interpréter Valérie Benguigui décédée le 2 septembre 2013 des suites d'un cancer, le premier jour de tournage du film. Si l’interprétation des seconds rôles est inégale,  Sylvie Testud est en revanche parfaite dans le rôle de cette psychologue qui ne doute pas de sa méthode, aveugle à la détresse humaine et aveuglée par sa méthodologie qu’elle applique comme une science froide et exacte. Jacques Gamblin est une nouvelle fois d’une impeccable sobriété dans ce rôle du Commandant Delcour. Peut-être aurait-il été plus judicieux néanmoins de recourir à des acteurs inconnus pour renforcer ce souci de vérité, c’est d’ailleurs le choix qu’a fait Richard Berry, seul acteur connu de son film dans lequel il interprètera le père d’Ilan Halimi.

    Le montage procure au film une intensité haletante sans non plus jouer avec un faux suspense qui aurait été indélicat, impudique, vulgaire. On sent le souci constant de respecter la vérité, le drame, les victimes. La vérité a créé un carcan pour Arcady dont il s’évertue à ne pas sortir des limites. Ce qui par certains sera jugé comme un handicap, une paralysie à faire œuvre de cinéma est avant tout une marque  de judicieuse retenue. Parce que oui, le cinéma peut avoir d’autres buts que de divertir ou que d’aspirer à devenir une œuvre d’art, il peut aussi faire œuvre de mémoire et de pédagogie. Et n’avoir d’autre objectif que celui-là. Parce que le cinéma peut être une arme pacifiste. Une arme contre le silence. Un silence criminel. Une arme contre l’indifférence. Contre l’ignorance. Alors si le film ne sera pas forcément montré en exemple dans les écoles de cinéma, et n’avait d’ailleurs pas cet objectif, il doit être montré dans les écoles. Pour ne jamais oublier. Pour surtout ne jamais recommencer. Ne jamais plus être témoin et ne rien dire. Ou pire :  participer à l’ignominie.

    Le film nous laisse bouleversés, m’a bouleversée comme je l’avais été en apprenant ce drame qui m’avait semblé d’un autre temps. Avec, indélébiles,  les souvenirs d’un regard, de chiffres, d’un nom. Le regard d’une mère, brisée et digne. Les chiffres implacables : 24 jours. 29 suspects. Le nom d’Ilan Halimi.  Et surtout l’envie que plus jamais cette histoire vraie « bien trop vraie. » ne se reproduise. Que plus jamais, en France, on ne meurt de torture, d’épuisement et de froid. Que plus jamais quelqu’un soit tué à cause de sa religion, son identité, sa couleur de peau, quelles qu’elles soient.  Qu’on prenne conscience que l’ignorance, la bêtise, l’appât du gain, et leurs conséquences, violences racistes,  antisémites, peuvent tuer. Même en France. Même aujourd’hui. Que plus jamais un pseudo-comique ne joue avec le feu, propageant insidieusement un criminel incendie, au nom d’une liberté d’expression soudain bien opportune, oubliant les fondements de liberté, d’égalité et de fraternité de notre société selon lesquels « la liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres ». Y compris celle d’expression. Parce que la liberté de chacun consiste aussi à ne pas subir des propos haineux à cause de son identité, même lorsqu'ils prennent le masque fallacieux de l'humour. Un film poignant, terrifiant, glaçant. Ô combien nécessaire. Qui a finalement opté pour la seule option possible, la vérité et la sobriété. Qui nous laisse malgré tout avec une note d’espoir. Celle d'un square au  nom d'Ilan. D’un arbre qui pousse pour rendre hommage à celui qui n’aura pas cette chance, leur chance : grandir. Un arbre qui, en hébreu, se dit : Ilan.

    critique,film,cinéma,ilan halimi,alexandre arcady,zabou breitman

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  • Cycle Claude Sautet sur Arte - Critiques de "Un coeur en hiver" et "César et Rosalie"

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    Arte consacre actuellement un cycle à un des (nombreux) cinéastes auxquels je dois ma passion pour le cinéma. Du 20 avril au 4 mai, Arte propose en effet un hommage à Claude Sautet en six films : Les Choses de la vie, Vincent, François, Paul et les autres, Mado, Quelques Jours avec moi, Un cœur en hiver, Nelly et Monsieur Arnaud.

     

    - Dimanche 20 avril à 20h45 : Les choses de la vie

    - Dimanche 20 avril à 22h15 : Mado

    - Dimanche 20 avril à 00h30 : Romy Schneider, un portrait en trois notes de Frederick Baker (2008)

    - Mercredi 23 avril à 20h50 : Vincent, François, Paul et les autres

    - Dimanche 27 avril à 20h45 : Un cœur en hiver

    - Dimanche 27 avril à 22h25 : Quelques jours avec moi

    - Dimanche 4 mai à 20h45 : Nelly et Monsieur Arnaud

    - Dimanche 20 avril à 13h30 dans l'émission "Blow Up" : C'est quoi Michel Piccoli ?

    CRITIQUE de UN COEUR EN HIVER de Claude Sautet

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     Lorsqu’on me demande mon film culte,  je cite le plus souvent soit « Le Guépard » de Luchino Visconti, soit « Un cœur en hiver » de Claude Sautet, suscitant régulièrement la perplexité chez mes interlocuteurs concernant le second, et la mienne en retour de constater que beaucoup ne connaissent pas ce film.  Après un certain nombre de visionnages, il me bouleverse, me fascine et m’intrigue toujours autant. Si vous ne l’avez pas encore vu, ou si vous l’avez vu mais n’en gardez qu’un souvenir mitigé je vais essayer de vous convaincre de (re)voir ce film que je considère comme un chef d’œuvre. « Un cœur en hiver » est une adaptation de Lermontov  mais également inspiré de la vie de Maurice Ravel.

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    Maxime (André Dussolier) et Stéphane (Daniel Auteuil) sont (apparemment) amis et travaillent ensemble dans l'atmosphère feutrée d'un atelier de lutherie. Les violons sont toute la vie de Stéphane, contrairement à Maxime qui vient de tomber amoureux d’une jeune violoniste, Camille (Emmanuelle Béart), rapidement intriguée puis attirée par la retenue singulière de Stéphane. Pour Stéphane, véritable « cœur en hiver », ce n’est qu’un jeu dont il conte l’évolution à son amie Hélène (Elisabeth Bourgine). Stéphane semble n’aimer qu’une seule personne au monde : son maître de violon, Lachaume (Maurice Garrel).

     Sur la tombe de Claude Sautet au cimetière Montparnasse, il est écrit : « Garder le calme devant la dissonance », voilà probablement la phrase qui définirait aussi le mieux son cinéma et peut-être même le mieux « Un cœur en hiver » : d'abord parce que son cinéma est un cinéma de la dissonance, de l'imprévu, de la note inattendue dans la quotidienneté (ici, l'arrivée de Camille dans la vie de Maxime et par conséquent dans celle de Stéphane comme c’est le cas de l’arrivée de David dans « César et Rosalie » ou de Nelly dans « Nelly et Monsieur Arnaud ») et ensuite parce que cette épitaphe fait référence à la passion de Claude Sautet pour la musique, une passion qui s’exprime pleinement ici puisque la musique est un personnage à part entière. Le tempo des films de Sautet est ainsi réglé comme une partition musicale, impeccablement rythmée, une partition dont on a l'impression qu'en changer une note ébranlerait l'ensemble de la composition.

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    C’est par elle, la musique, que Camille s’exprime (d’ailleurs Maxime le dira, elle ne se livre que lorsqu’elle joue) : tantôt sa mélancolie, sa violence (ainsi cette scène où elle enregistre en studio et qu’elle manie l’archet comme une lame tranchante), son désarroi, ses espoirs. C’est aussi à travers elle que Stéphane ressent et exprime ses (rares) émotions notamment lorsqu’un « c’est beau » lui échappe après avoir écouté Camille jouer. La musique ici, aussi sublime soit-elle (celle des  sonates et trio de Ravel) n’est pas forcément mélodieuse mais exprime la dissonance que connaissent les personnages. C’est un élément d’expression d’une force rare, bien plus que n’importe quel dialogue.

    La passion est donc celle pour la musique mais aussi celle qui s’exprime à travers elle, l’autre : la passion amoureuse. Celle qui s’empare de Camille pour cet homme hermétique au regard brillant, transperçant qui la fascine, l’intrigue, la désempare.  Le trouble s’empare d’elle dès sa première répétition à laquelle Stéphane assiste. Elle ne parvient pas à jouer, dit qu’elle reprendra un autre jour et puis quand Stéphane quitte la pièce, elle reprend comme si de rien n’était. Ensuite, venue rejoindre Maxime dans l’atelier de lutherie, ce dernier occupé, elle l’attend en compagnie de Stéphane et lui confie ce qu’elle n’avait jamais dit à personne, lui parlant de ses rapports compliqués avec son agent et amie Régine (Brigitte Catillon). Enfin, troisième rencontre déterminante : Stéphane vient la voir jouer, seul, sans Maxime pour la première fois. Ils s’évadent un instant de la répétition pour aller boire un café après avoir traversé la rue sous la pluie. Leurs mains s’effleurent presque subrepticement, négligemment. Stéphane la protège de la pluie avec sa veste. Puis, il l’écoute assis au café, avec son regard scrutateur. Puis, c’est l’absence et le silence de Stéphane mais c’est trop tard : Camille est déjà bouleversée, amoureuse. A priori, racontées ainsi rien d’extraordinaire dans ces trois scènes, pourtant le scénario et la mise en scène de Sautet et surtout ses personnages sont d’une telle richesse que chacune d’elle est plus haletante qu’une scène d’un palpitant thriller. Aucun plan n’est inutile. Comme dans un thriller, chaque plan a une implication sur la résolution.

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     Tous les films de Sautet se caractérisent d'ailleurs aussi par le suspense (il était fasciné par Ford et Hawks ) : le suspense sentimental avant tout, concourant à créer des films toujours haletants et fascinants.  Claude Sautet citait ainsi souvent la phrase de Tristan Bernard : « il faut surprendre avec ce que l'on attend ». On ne peut certainement pas reprocher au cinéma de Claude Sautet d'être démesurément explicatif, c'est au contraire un cinéma de l'implicite, des silences et du non-dit. Pascal Jardin disait  de Claude Sautet qu'il « reste une fenêtre ouverte sur l'inconscient ».

    Le souffle du spectateur est suspendu à chaque regard (le regard tellement transperçant de Stéphane, ou de plus en plus troublé de Camille) à chaque note, à chaque geste d’une précision rare. Je n’ai encore jamais trouvé au cinéma de personnages aussi « travaillés » que Stéphane, ambigu, complexe qui me semble avoir une existence propre, presque exister en dehors de l’écran. Là encore comme un thriller énigmatique, à chaque fois je l’interprète différemment, un peu aussi comme une sublime musique ou œuvre d’art qui à chaque fois me ferait ressentir des émotions différentes. Stéphane est-il vraiment indifférent ? Joue-t-il un jeu ? Ne vit-il qu’à travers la musique ? « La musique c’est du rêve » dit-il. Ou, selon cette citation de La Rochefoucauld que cite Sautet  fait-il partie de ceux qui pensent que« Peu de gens seraient amoureux si on ne leur avait jamais parlé d’amour » ? A-t-il peur d’aimer ? Ou n’y croit-il simplement pas ? Est-il sincère quand il dit avec une froide tranquillité que Maxime n’est pas un ami, juste « un partenaire ».

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    Le film commence ainsi de nuit dans l’atelier et se termine de jour dans un café et entre ces deux moments, Stéphane passera de l’ombre à la lumière, d’une personnalité ombrageuse à (peut-être, là aussi, l’interprétation varie à chaque visionnage) un homme capable d’aimer. Un personnage assez proche du personnage de Martial dans « Quelques jours avec moi » (un autre film de Sautet méconnu que je vous recommande, où son regard se fait encore plus ironique et acéré, un film irrésistiblement drôle et non dénué de –douce-cruauté).  « Les films de Claude Sautet touchent tous ceux qui privilégient les personnages par rapport aux situations, tous ceux qui pensent que les hommes sont plus importants que ce qu'ils font (..). Claude Sautet c'est la vitalité. » disait ainsi Truffaut.

    Et puis certaines scènes font pour moi partie des plus belles et cruelles du cinéma. Cette scène où dans une voiture, Camille lui avoue l’amour qu’il lui inspire et se livre à lui, ce à quoi Stéphane répond avec tranquillité, jubilation peut-être, froidement en tout cas : « je ne vous aime pas ». Cette scène me glace le sang à chaque fois. Et puis la scène où Camille veut l’humilier à son tour. Elle se maquille outrageusement, le rejoint au café où il a ses habitudes où il dîne avec son amie Hélène. Camille lui crie sa rancœur, sa passion, cherche à l’humilier. La scène est tranchante, violente et sublime comme la musique de Ravel jouée par Camille.

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    Et puis comment ne pas parler de la distribution, absolument parfaite, à commencer par Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart, sans aucun doute leurs meilleurs rôles auxquels ils semblent se livrer (ou se cacher) corps et âme, d’autant plus ambigus puisqu’ils vivaient alors ensemble. Emmanuelle Béart est à la fois mystérieuse, sensuelle, forte, fragile, fière, brisée, passionnée et talentueuse (elle apprit ainsi le violon pendant un an). Daniel Auteuil donne vie à ce Stéphane énigmatique, opaque, cinglant, glacial, austère qui se définit lui-même comme sournois, parfois révoltant, parfois touchant avec ce regard perçant, tantôt terriblement là ou terriblement absent. L’un comme l’autre, dans leurs regards, expriment une multitude d’émotions ou de mystères. Mais il ne faudrait pas non plus oublier les seconds rôles : André Dussolier, personnage digne qui échappe au cliché de l’amant trompé et qui obtint d’ailleurs le César du meilleur second rôle. Jean-Luc Bideau qui dans une scène courte mais intense aligne les clichés sur la culture et l’élitisme (magnifique scène de dialogue où là aussi Stéphane dévoile une trouble (et pour Camille troublante) facette de sa personnalité. Myriam Boyer, Brigitte Catillon, Elisabeth Bourgine (les femmes de l’ombre avec, chacune à leur manière, une présence forte et déterminante).

     « Un cœur en hiver »  obtint le lion d’argent à Venise. Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart passèrent à côté des César de meilleurs acteurs (que leur ravirent Claude Rich pour « Le souper » et Catherine Deneuve, pour « Indochine »). Claude Sautet obtint néanmoins le césar du meilleur réalisateur (le seul avec celui de Dussolier malgré sept nominations) et celui du meilleur film fut cette année-là attribué à Cyril Collard pour « Les nuits fauves ». Tous les postes du film auraient mérités d’être récompensés : le scénario, l’image d’Yves Angelo, le travail sur la musique de Philippe Sarde, le scénario  de Jacques Fieschi et Claude Sautet…

    On retrouve là encore ce qui caractérise les films de Claude Sautet : les scènes de groupe (dont « Vincent, François, Paul et les autres est le film emblématique) et la solitude dans et malgré le groupe, l'implicite dans ce qui n'est pas- les ellipses- comme dans ce qui est-les regards- (Ah le regard tranchant de Daniel Auteuil! Ah, ce dernier plan !), des scènes de café ( « A chaque film, avouait Sautet, je me dis toujours : non, cette fois tu n'y tournes pas. Et puis, je ne peux pas m'en empêcher. Les cafés, c'est comme Paris, c'est vraiment mon univers. C'est à travers eux que je vois la vie. Des instants de solitude et de rêvasseries. ») les personnages filmés à travers les vitres de ces mêmes cafés, des scènes de pluie qui sont souvent un élément déclencheur, des scènes de colère (peut-être inspirées par les scènes de colère incontournables dans les films de Jean Gabin, Sautet ayant ainsi revu « Le jour se lève » ...17 fois en un mois!), des femmes combatives souvent incarnées par Romy Schneider puis par Emmanuelle Béart, des fins souvent ouvertes et avant tout un cinéma de personnages : César, Rosalie, Nelly, Arnaud, Vincent, François, Paul, Max, Mado, ...et les autres, des personnages égarés affectivement et/ou socialement, des personnages énigmatiques et ambivalents.

     On a souvent dit de Claude Sautet était le peintre de la société des années 70 mais en réalité la complexité des sentiments de ses personnages disséquée avec une rare acuité est intemporelle.  S'il est vrai que la plupart de ses films sont des tableaux de la société contemporaine, notamment de la société d'après 1968, et de la société pompidolienne, puis giscardienne, et enfin mitterrandienne,  ses personnages et les situations dans lesquelles il les implique sont avant tout universels, un peu comme « La Comédie Humaine » peut s'appliquer aussi bien à notre époque qu'à celle de Balzac.

    Le personnage de Stéphane ne cessera jamais de m’intriguer, intrigant le spectateur comme il intrigue Camille, exprimant tant d’ambiguïté dans son regard brillant ou éteint. Hors de la vie, hors du temps. Je vous le garantis, vous ne pourrez pas oublier ce crescendo émotionnel jusqu’à ce plan fixe final polysémique qui vous laisse ko et qui n’est pas sans rappeler celui de Romy Schneider à la fin de « Max et les ferrailleurs » ou de Michel Serrault (regard absent à l’aéroport) dans « Nelly et Monsieur Arnaud » ou de Montand/Frey/Schneider dans « César et Rosalie ». Le cinéma de Claude Sautet est finalement affaire de regards, qu’il avait d’une acuité incroyable, saisissante sur la complexité des êtres, et jamais égalée. Alors que le cinéma est de plus en plus univoque, explicatif, c’est plus que salutaire.

     Une histoire d’amour, de passion(s), cruelle, intense, poétique, sublime, dissonante, mélodieuse, contradictoire, trouble et troublante, parfaitement écrite, jouée, interprétée, mise en lumière, en musique et en images.

    Un peu comme l'ours en peluche du « Jour se lève » qui a un œil qui rit et un autre qui pleure, nous ressortons des films de Sautet et de celui-là en particulier, entre rires et larmes, bouleversés, avec l'envie de vivre plus intensément encore car là était le véritable objectif de Claude Sautet : nous « faire aimer la vie »...et il y est parvenu, magistralement. Personne après lui n'a su nous raconter des « histoires simples » aux personnages complexes qui nous parlent aussi bien de « choses de la vie ».

    Claude Sautet, en 14 films, a su imposer un style, des films inoubliables, un cinéma du désenchantement enchanteur, d'une savoureuse mélancolie, de l'ambivalence et de la dissonance jubilatoires, une symphonie magistrale dont chaque film est un morceau unique indissociable de l'ensemble, et celui-ci pour moi le plus beau et bouleversant.

    CRITIQUE DE "CESAR ET ROSALIE" de Claude Sautet

     

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    Il y a les cinéastes qui vous font aimer le cinéma, ceux qui vous donnent envie d’en faire, ceux qui vous font appréhender la vie différemment, voire l’aimer davantage encore. Claude Sautet, pour moi, réunit toutes ces qualités.

     

    Certains films sont ainsi comme des rencontres, qui vous portent, vous enrichissent, vous influencent ou vous transforment même parfois. Les films de Claude Sautet, pour moi, font partie de cette rare catégorie et de celle, tout aussi parcimonieuse, des films dont le plaisir à les revoir, même pour la dixième fois, est toujours accru par rapport à la première projection. J’ai beau connaître les répliques par cœur, à chaque fois César et Rosalie m’emportent dans leur tourbillon de vie joyeusement désordonné, exalté et exaltant.

     

    Claude Beylie parlait de « drame gai » à propos de César et Rosalie, terme en général adopté pour la Règle du jeu de Renoir, qui lui sied également parfaitement. Derrière l’exubérance et la truculence de César, on ressent en effet la mélancolie sous-jacente. César donc c’est Yves Montand, un ferrailleur qui a réussi, vivant avec Rosalie (Romy Schneider) divorcée d’Antoine (Umberto Orsini), et qui aime toujours David (Sami Frey), un dessinateur de bandes dessinées, sans cesser d’aimer César. Ce dernier se fâche puis réfléchit et abandonne Rosalie à David. Des liens de complicité et même d’amitié se tissent entre les deux hommes si bien que Rosalie, qui veut être aimée séparément par l’un et par l’autre, va tenter de s’interposer entre eux, puis va partir…

     

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    Dans ce film de 1972, qui fut souvent comparé à Jules et Jim de Truffaut, on retrouve ce qui caractérise les films de Claude Sautet : les scènes de café, de groupe et la solitude dans le groupe, la fugacité du bonheur immortalisée, l’implicite dans ce qui n’est pas- les ellipses- comme dans ce qui est-les regards- (Ah, ces derniers regards entre les trois personnages principaux! Ah, le regard de David lorsque l’enfant passe des bras de Rosalie à ceux de César, scène triangulaire parfaitement construite!).

     

    Sur la tombe de Claude Sautet au cimetière Montparnasse, il est écrit : « Garder le calme devant la dissonance », voilà probablement la phrase qui définirait aussi le mieux son cinéma : d’abord parce que son cinéma est un cinéma de la dissonance, de l’imprévu, de la note inattendue dans la quotidienneté (ici, l’arrivée de David) et ensuite parce que cette épitaphe fait référence à la passion de Claude Sautet pour la musique. Claude Sautet a ainsi été critique musical au journal « Combat », un journal de la Résistance, il avait ainsi une vraie passion pour le jazz et pour Bach, notamment. Il a par ailleurs consacré un film entier à la musique, « Un cœur en hiver », (d’après un recueil de nouvelles de Lermontov : « Un héros de notre temps ») le meilleur selon moi tant les personnages y sont ambivalents, complexes, bref humains, et tout particulièrement le personnage de Stéphane interprété par Daniel Auteuil, le « cœur en hiver », pouvant donner lieu à une interprétation différente à chaque vision du film. Le tempo de ses films est ainsi réglé comme une partition musicale, impeccablement rythmée, une partition dont on a l’impression qu’en changer une note ébranlerait l’ensemble de la composition. C’est évidemment aussi le cas dans « César et Rosalie ».

     

    « L’unité dans la diversité ». Pour qualifier le cinéma de Claude Sautet et l’unité qui le caractérise malgré une diversité apparente, nous pourrions ainsi paraphraser cette devise de l’Union européenne. Certes a priori, « L’arme à gauche » est un film très différent de « Vincent, François, Paul et les autres », pourtant si son premier film « Classe tous risques » est un polar avec Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo (« Bonjour sourire », une comédie, a été renié par Claude Sautet qui n’en avait assuré que la direction artistique), nous pouvons déjà y trouver ce fond de mélancolie qui caractérise tous ses films. Tous ses films se caractérisent d’ailleurs aussi par le suspense (il était fasciné par Ford et Hawks ) : le suspense sentimental avant tout, concourant à créer des films toujours haletants et fascinants. Claude Sautet citait ainsi souvent la phrase de Tristan Bernard : « il faut surprendre avec ce que l’on attend ». On ne peut certainement pas reprocher au cinéma de Claude Sautet d’être démesurément explicatif, c’est au contraire un cinéma de l’implicite, des silences et du non-dit. Pascal Jardin disait de Claude Sautet qu’il « reste une fenêtre ouverte sur l’inconscient ».

     

    Dans « Nelly et M. Arnaud » se noue ainsi une relation ambiguë entre un magistrat à la retraite, misanthrope et solitaire, et une jeune femme au chômage qui vient de quitter son mari. Au-delà de l’autoportrait ( Serrault y ressemble étrangement à Sautet ), c’est l’implicite d’un amour magnifiquement et pudiquement esquissé, composé jusque dans la disparition progressive des livres d’Arnaud, dénudant ainsi sa bibliothèque et faisant référence à sa propre mise à nu. La scène pendant laquelle Arnaud regarde Nelly dormir, est certainement une des plus belles scènes d’amour du cinéma: silencieuse, implicite, bouleversante. Le spectateur retient son souffle, le suspense, presque hitchcockien y est à son comble. Sautet a atteint la perfection dans son genre, celui qu’il a initié: le thriller des sentiments.

     

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    Les films de Sautet ont tous des points communs : le groupe, (dont « Vincent, François, Paul et les autres » est le film emblématique), des personnages face à leurs solitudes malgré ce groupe, des scènes de café,( « A chaque film, avouait Sautet, je me dis toujours : non, cette fois tu n’y tournes pas. Et puis, je ne peux pas m’en empêcher. Les cafés, c’est comme Paris, c’est vraiment mon univers. C’est à travers eux que je vois la vie. Des instants de solitude et de rêvasseries. ») les personnages filmés à travers les vitres de ces mêmes cafés, des scènes de pluie qui sont souvent un élément déclencheur, des scènes de colère (peut-être inspirées par les scènes de colère incontournables dans les films de Jean Gabin, Sautet ayant ainsi revu « Le jour se lève » …17 fois en un mois!), des femmes combatives souvent incarnées par Romy Schneider puis par Emmanuelle Béart, des fins souvent ouvertes et avant tout un cinéma de personnages : César, Rosalie, Nelly, Arnaud, Vincent, François, Paul, Max, Mado, …et les autres, des personnages égarés affectivement et/ou socialement, des personnages énigmatiques et ambivalents.

     

    Claude Sautet, en 14 films, a imposer un style, des films inoubliables, un cinéma du désenchantement enchanteur, d’une savoureuse mélancolie, de l’ambivalence et de la dissonance jubilatoires, une symphonie magistrale dont chaque film est un morceau unique indissociable de l’ensemble. Il a signé aussi bien des « drames gais » avec « César et Rosalie », ou encore le trop méconnu, fantasque et extravagant « Quelques jours avec moi », un film irrésistible, parfois aux frontières de l’absurde, mais aussi des films plus politiques notamment le très sombre « Mado » dans lequel il dénonce l’affairisme et la corruption…

     

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    « Les films de Claude Sautet touchent tous ceux qui privilégient les personnages par rapport aux situations, tous ceux qui pensent que les hommes sont plus importants que ce qu’ils font (..). Claude Sautet c’est la vitalité. », disait Truffaut. Ainsi, personne mieux que Claude Sautet ne savait et n’a su dépeindre des personnages attachants, fragiles mais si vivants (à l’exception de Stephan interprété par Daniel Auteuil dans Un cœur en hiver, personnage aux émotions anesthésiées quoique…) comme le sont César et Rosalie.

     

    Ici au contraire ce n’est pas « un cœur en hiver », mais un cœur qui bat la chamade et qui hésite, celui de Rosalie, qui virevolte avec sincérité, et qui emporte le spectateur dans ses battements effrénés. Et effectivement on retrouve cette vitalité, celle de la mise en scène qui épouse le rythme trépidant de César face au taciturne David. César qui pourrait agacer ( flambeur, gouailleur, lâche parfois) face à la fragilité et la discrétion de l’artiste David. Deux hommes si différents, voire opposés, dans leur caractérisation comme dans leur relation à Rosalie que Sautet dépeint avec tendresse, parfois plutôt une tendre cruauté concernant César.

     

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    Là se trouve la fantaisie, dans ce personnage interprété magistralement par Yves Montand, ou dans la relation singulière des trois personnages, si moderne. Un film qui n’est pas conventionnel jusque dans sa magnifique fin, ambiguë à souhait. Sans effets spéciaux. Simplement par la caractérisation ciselée de personnages avec leurs fêlures et leur déraison si humaines.

     

    On a souvent dit de Claude Sautet était le peintre de la société des années 70 mais en réalité la complexité des sentiments de ses personnages disséquée avec une rare acuité est intemporelle. S’il est vrai que la plupart de ses films sont des tableaux de la société contemporaine, notamment de la société d’après 1968, et de la société pompidolienne, puis giscardienne, et enfin mitterrandienne, ses personnages et les situations dans lesquelles il les implique sont avant tout universels, un peu comme « La Comédie Humaine » peut s’appliquer aussi bien à notre époque qu’à celle de Balzac.

     

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    « César et Rosalie » est un film à l’image de son personnage principal qui insuffle ce rythme précis et exalté : truculent et émouvant, mélancolique et joyeux, exubérant et secret. Un film intemporel et libre, qui oscille entre le rire et les larmes, dans lequel tout est grave et rien n’est sérieux (devise crétoise, un peu la mienne aussi). Un film délicieusement amoral que vous devez absolument voir ou revoir ne serait-ce que pour y voir deux monstres sacrés (Romy Schneider et Yves Montand, l’une parfaite et resplendissante dans ce rôle de femme riche de contradictions moderne, amoureuse, indépendante, enjouée, et triste, incarnant à elle seule les paradoxes de ce « drame gai » ; l’autre hâbleur, passionné, cabotin, bavard, touchant face à Samy Frey silencieux, posé, mystérieux, séduisant mais tous finalement vulnérables, et les regards traversés de voiles soudains de mélancolie ) au sommet de leur art et pour entendre des dialogues aussi incisifs, précis que savoureux (comme pour le scénario également cosigné par Jean-Loup Dabadie)…

     

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    Claude Sautet disait lui-même que ses films n’étaient pas réalistes mais des fables. Son univers nous envoûte en tout cas, et en retranscrivant la vie à sa « fabuleuse » manière, il l’a indéniablement magnifiée. Certains lui ont reproché son classicisme, pour le manque de réflexivité de son cinéma, comme on le reprocha aussi à Carné dont Sautet admirait tant « Le jour se lève. » On lui a aussi reproché de toujours filmer le même milieu social (bourgeoisie quinquagénaire et citadine). Qu’importe ! Un peu comme l’ours en peluche du « Jour se lève » qui a un œil qui rit et un autre qui pleure, nous ressortons de ses films, entre rires et larmes, bouleversés, avec l’envie de vivre plus intensément encore car là était le véritable objectif de Claude Sautet : nous « faire aimer la vie »…et il y est parvenu, magistralement. Personne après lui n’a su nous raconter des « histoires simples » aux personnages complexes qui nous parlent aussi bien de « choses de la vie ».

     

     

     

    FILMOGRAPHIE DE CLAUDE SAUTET

     

    Né à Montrouge (près de Paris) en 1924, Claude Sautet est mort à Paris le samedi 22 juillet 2000 à l’âge de soixante-seize ans…

     

    Longs-métrages réalisés par Claude Sautet

     

    Bonjour sourire (1955)

     

    Classe tous risques (1960)

     

    L’Arme à gauche (1965)

     

    Les Choses de la vie (1970)

     

    Max et les Ferrailleurs (1970)

     

    César et Rosalie (1972)

     

    Vincent, François, Paul et les autres (1974)

     

    Mado (1976)

     

    Une histoire simple (1978)

     

    Un mauvais fils (1980)

     

    Garçon ! (1983)

     

    Quelques jours avec moi (1988)

     

    Un cœur en hiver (1991)

     

    Nelly et Monsieur Arnaud (1995)

     

    A voir : le documentaire de N.T.Binh « Claude Sautet ou la magie invisible »

     

    A noter: Claude Sautet a également travailler comme ressemeleur de scénarii pour de nombreux cinéastes et notamment sur (parmi de nombreux autres films ) « Borsalino » de Jacques Deray.

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