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IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 212

  • Bilan et palmarès du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2013

     

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    Je ne connais pas d’endroits, ou si peu, dont la beauté soit aussi agréablement versatile, dont les couleurs et la luminosité lui procurent une telle hétérogénéité de visages. Oui, Deauville a mille visages. Loin de l’image de 21ème arrondissement de Paris à laquelle on tendrait à la réduire (qu’elle est aussi, certes), ce qui m’y enchante et ensorcelle se situe ailleurs : dans ce sentiment exaltant que procurent sa mélancolie étrangement éclatante et sa nostalgie paradoxalement joyeuse. Mélange finalement harmonieux de discrétion et de tonitruance. Tant de couleurs, de visages, de sentiments que j’éprouve la sensation de la redécouvrir à chaque fois. Bien sûr, je la préfère très tôt le matin, mystérieuse, presque déserte, qui émerge peu à peu des brumes et de l’obscurité nocturnes, dans une âpre luminosité qui se fait de plus en plus évidente, incontestable et enfin éblouissante. Ou le soir, quand le soleil décline et la teinte de couleurs rougeoyantes, d’un ciel incendiaire d’une beauté insaisissable et improbable et que je m’y laisse aller à des rêveries et des espoirs insensés.

     A l’image des êtres les plus intéressants, Deauville ne se découvre pas forcément au premier regard mais se mérite et se dévoile récompensant le promeneur de sa beauté incendiaire et ravageuse aux heures les plus solitaires, avec des couleurs aux frontières de l’abstraction, tantôt oniriques, tantôt presque inquiétantes. Une journée de Festival du Cinéma Américain de Deauville idéale commence toujours pour moi par une promenade sur les planches, de préférence de bonne heure pour voir le soleil s’y lever, pour admirer la myriade de couleurs que prend alors la mer et dont sont alors auréolées les planches, pour admirer le caractère joliment versatile du paysage. Ces planches, je les ai arpentées des milliers de fois, et il me semble que la vue qui s’y donne à voir n’est jamais la même. L’émotion qu’elles me procurent est en revanche toujours au rendez-vous. Un sentiment de bien-être, une paradoxale mélancolie joyeuse. L’endroit idéal pour forger des rêves impossibles qui, peut-être disparaitront confrontés aux lueurs plus criardes de la réalité, mais naitront à nouveau le lendemain lors d’une nouvelle promenade sur ces mêmes planches à la lumière incroyablement changeante.

     Et puis il y a les cabines qui jalonnent les planches, ornées des noms des acteurs qui ont fréquenté les festivals de Deauville et qui me rappellent aussi tant de souvenirs. Parfois des chevaux galopent sur la plage. Et tout cela semble sorti tout droit d’un doux songe. Quand il ne me semble pas apercevoir la Mustang de Jean-Louis Trintignant immortalisée par Lelouch dans le sublime « Un homme et une femme » ou cette femme avec son chien qui lui a donné l’idée de ce chef d’œuvre qui a reçu tant de récompenses amplement méritées …Douce confusion entre cinéma et réalité.

     Revenue à la réalité, justement, dix jours après cette parenthèse deauvillaise enchantée dont j’ai profité avec un plaisir accru parce que le plaisir d’être dans un festival, et celui-ci en particulier, est inaltéré  parce que entre Deauville et moi, c’est une histoire de coup(s) de foudre, de passions qui n’a fait que se renforcer avec les années. J’espère vous en convaincre en revenant sur ces 12 jours marqués par une météo irréelle, par des films indépendants en compétition d’un niveau remarquable, par des hommages vibrants.

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     Les personnalités du cinéma américain, très diverses, se sont ainsi succédées  sur la scène du CID, les hommages constituant chaque année des temps forts du festival : Nicolas Cage, Michael Douglas, Steven Soderbergh, Larry Clark, Jamie Foxx, Forest Whitaker (particulièrement ému à l’issue de la projection du « Majordome », une émotion partagée par une grande partie de la salle, un grand et beau moment de cette édition qui n’en a pas été avare) de même que des blockbusters là aussi d’une grande diversité parfois (rarement) décevants mais une agréable alternative à un cinéma plus exigeant sans oublier la présence d’un Président de jury (Vincent Lindon) qui, grâce à sa générosité, son enthousiasme, sa passion du cinéma a fortement contribué à faire de ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville une édition exceptionnelle.

    Ce fut pour moi la vingtième édition et me retrouver là, découvrir des pépites, avec toujours le même enthousiasme, et un regard un peu particulier cette année puisque j’ai eu la chance de voir mon roman sur Deauville « Les Orgueilleux » et mon recueil de nouvelles « Ombres parallèles » (dont 2 nouvelles se déroulent à Deauville et avec Deauville pour couverture) publiés, témoignant de ma passion inconditionnelle et je le crains bien, incurable, pour Deauville et son festival.

    Des films en compétition  se dégageait comme chaque année une thématique commune, ceux-ci mettant ainsi souvent en scène un personnage seul, blessé, fou même parfois, épris de vengeance, et des armes à feu omniprésentes comme si l’Amérique cherchait à exorciser ce qui lui inflige des blessures quotidiennes mais dont elle semble toujours ne pas pouvoir se passer.

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     Il y eut bien sûr quelques  films dispensables (« Joe » ou encore « White house down » pour lequel il est fortement recommandé de laisser les neurones et son esprit critique au vestiaire, ce dernier présenté en présence de ses acteurs Jamie Foxx et Channing Tatum qui ont assuré le spectacle sur scène et lors de la conférence de presse), mais surtout des films attendus dont j’ai hâte de vous parler (« Le Majordome » de Lee Daniels, « Blue Jasmine » de Woody Allen dans lequel à nouveau, le cinéaste américain y fait preuve d’une étonnante jeunesse et modernité, il m’a surprise une fois de plus avec une film qui mêle ingénieusement légèreté et cruauté), et des films en compétition d’un très bon niveau, dans des genres particulièrement différents cette année, confirmant que ce festival est désormais avant tout celui du cinéma indépendant américain, du western influencé par Tarantino et les Coen (« Shérif Jackson »)  en passant par le film se déroulant pendant la guerre de Sécession (« The Retrieval ») aux traditionnels films sur l’adolescence en crise. Et le tout toujours (remarquablement) présenté par David Rault.

    Comme chaque année se dégageaient en effet de cette compétition des thématiques communes : des êtres vulnérables frappés par le destin qui, souvent l’affrontent, peut-être le signe d’une Amérique qui, malgré les blessures infligées, se relève et a retrouvé l’espoir. ». Dans tous les cas, des personnages désorientés, souvent au figuré, parfois au propre.

    « J'ai adoré les films. Pas tous, c'est vrai, et certains plus que d'autres », a déclaré le président du jury félicité par le Maire de Deauville pour « son implication, son engagement, sa générosité », il est vrai, exceptionnels. La clôture (dont vous pourrez voir ma vidéo, ci-dessous ainsi que celle de son discours d'ouverture)) fut ainsi la plus drôle et vivante qu’il m’ait été donné de voir en vingt années de Festival du Cinéma Américain de Deauville.

    Avant-premières

     

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     C’est sous un soleil et les paillettes étincelants de « Ma vie avec Liberace » de Steven Soderbergh que s’est ouvert ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. L’un comme l’autre nous ont éblouis et enthousiasmés après une ouverture mémorable grâce, notamment, à l’implication du président du jury Vincent Lindon qui, après les traditionnels discours du Maire de Deauville et de Lionel Chouchan, a tenu à faire un discours (ce qui n’arrive jamais habituellement, les présidents de jury, lors de l’ouverture, restant sagement assis sur leurs sièges) et à évoquer chacun des membres de son jury, ce qu’il a fait avec une rare élégance, avec beaucoup d’humour aussi, présentant chacun d’entre eux et livrant son admiration pour ceux-ci, évoquant également sa passion pour le cinéma américain ( se disant « amoureux du cinéma français et américain »), son bonheur (« fou de joie d’être ici ») de présider le jury, terminant son discours avec autant d’humour qu’il l’avait commencé en évoquant son « homologue » Obama. Pour le plus grand bonheur des festivaliers (et le mien), il a d’ailleurs récidivé le lendemain lors de l’hommage à Cate Blanchett. Il n’en a pas non plus oublié de parler de son admiration pour Michael Douglas et pour Steven Soderbergh, réalisateur du film d’ouverture « que le monde entier devrait voir ».

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    Le ton était donc donné. Cette 39ème édition serait sous le signe des paillettes mais aussi de la cinéphilie, de la bonne humeur, de l’enthousiasme, le tout sous un soleil presque irréel. L’irréalité est d’ailleurs une impression constante dans un festival, en particulier ici mais de cela je vous parle plus longuement et différemment ici et aussi là.

     Après cet enthousiasmant prologue, Michael Douglas et Steven Soderbergh sont ensuite montés sur scène, le premier visiblement encore très ému et « éternellement reconnaissant » que le second ait attendu que son cancer soit guéri pour le faire tourner (ce qu’il a à nouveau répété lors de la conférence de presse). L’enthousiasme était d’ailleurs visiblement contagieux vendredi soir: « Le festival du film américain, c’est le plus beau cadeau que la France a donné aux Etats-Unis après la statue de la Liberté. »a-t-il ainsi déclaré.

     Ma vie avec Liberace » était sans aucun doute le film idéal pour une ouverture de festival. Une sorte de mise en abyme qui, au-delà d’une histoire d’amour, et le portrait d’un artiste exubérant et extravagant, est aussi le reflet de ce qui se passe derrière le candélabre (le titre anglophone « Behind the Candelabra » est d’ailleurs à mon sens beaucoup plus parlant) . Derrière les paillettes. Derrière l’écran. Derrière le masque de « The Artist ».

    Michael Douglas incarne en effet ici Liberace un pianiste virtuose qui se mettait en scène autant sur scène que dans la vie « quotidienne ». Un jour de l’été 1977, le bel et jeune Scott Thorson ( Matt Damon) qui aspirait à devenir vétérinaire, pénétra dans sa loge et, malgré la différence d’âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une liaison secrète qui allait durer cinq ans. « Ma Vie avec Liberace » narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.

    Le film est une adaptation du livre de Scott Thorson, « Behind the Candelabra ». C’est Richard LaGravenese qui a écrit le scénario. Si ce nom ne vous dit rien, sachez qu’il est notamment l’auteur du scénario de « Sur la route de Madison ».

    Le film commence dans un bar. Scott est de dos, face à un miroir. Toute l’intelligence de la mise en scène de Soderbergh réside déjà dans ce premier plan, lui qui sera avant tout un reflet pour le narcissique (et non moins fascinant) Liberace destiné à l’accompagner un peu dans la lumière, mais surtout dans l’ombre.

    Le film, finalement intimiste, va se centrer sur cette relation ambivalente (Scott sera pour Liberace son -énième- « protégé », son amant, mais il a aussi émis le souhait de l’adopter), sur ces deux personnages, à ce que la caméra les étouffe parfois comme cette relation exclusive. Il y a d’ailleurs très peu de scènes en extérieur, si ce n’est dans ou autour de la piscine située dans la propriété de Liberace. Nous voilà dans l’envers du décor qui en est lui-même un d’une scintillante excentricité et que n’aurait oser imaginer le plus fou des décoracteurs hollywoodiens.

    La réalisation de Soderbergh est fluide et éblouissante sans non plus chercher à nous en mettre plein la vue, ce qui aurait d’ailleurs été superflu et redondant puisqu’il met déjà en scène un homme qui se mettait lui-même en scène.

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    Michel Douglas (au regard tristement absent lors de la conférence de presse) incarne magistralement ce personnage atypique, narcissique, cruel (il se déclare ainsi « libre » suite au décès de sa mère), constamment en représentation, mais surtout enfermé dans son image, sa course contre le temps, contre la vérité aussi, jusqu’à faire perdre à Scott son visage, son identité pour satisfaire ceux qu’il s’était forgés. Il n’en est que plus bouleversant au dénouement, le visage et les émotions à nu. Sans masque. Sans paillettes. Sans miroir. Cette fin est d’autant plus bouleversante quand on sait l’épreuve que vient de traverser Michael Douglas mais aussi que Steven Soderbergh a déclaré que ce serait son dernier film. On se demande qui mieux que Michael Douglas aurait pu incarner ce rôle tant il est parfait, n’en faisant jamais trop (ce qui aurait été forcément une faute de goût, le personnage étant déjà lui-même dans l’excès), drôle, cruel, et parfois touchant, quand le masque tombe. 

    Face à lui Matt Damon, pour sa septième collaboration avec Steven Soderberghn, après The Informant !, Contagion, Che, Ocean’s Eleven, Ocean’s Twelve, Ocean’s Thirteen ! a ici un rôle qui, je l’espère, finira par faire taire ceux qui doutaient de son talent. Si son personnage est dans l’ombre, c’est en revanche lui qui, grâce à sa justesse, permet à Michael Douglas, de nous éblouir ainsi. Signalons aussi Rob Lowe est irrésistible dans le rôle du chirurgien esthétique.

    Jugé « trop gay », le film n’a pas trouvé de distributeur aux Etats-Unis, et a donc été diffusé fin mai sur la chaîne HBO qui l’a produit, réalisant une audience record pour une production de la chaîne, avec 2,4 millions de téléspectateurs. « Je voulais faire un film qui (…) montre les progrès de l’espèce humaine, de notre pays, du monde entier, par rapport à cette question. Dans certains endroits, les unions entre personnes du même sexe sont aujourd’hui reconnues et admises. Etre gay n’est plus autant stigmatisé », a déclaré le producteur Jerry Weintraub. « Ma vie avec Liberace » n’est pas non plus un film militant mais avant tout une histoire d’amour, de masques qui tombent, de ce que dissimule le candélabre et ce visage qui cherchent à défier, masquer la vérité et le temps. En vain.

    Eblouissant et mélancolique, cette vie « derrnière le Candelabre » s’achève par un final rêvé par Scott, aussi déchirant de beauté et de tristesse que « La quête » de Brel qui l’accompagne. Poignant et étincelant. The show must go on. Celui du festival aussi.

    « Blue Jasmine » de Woody Allen

     

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    « Blue Jasmine »,de Woody Allen, le film annuel de Woody Allen devrais-je dire qui, pour mon plus grand plaisir, continue à sortir un film par an. « Blue Jasmine » a été projeté dans le cadre du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville précédé d’un hommage à l’actrice principale du film, Cate Blanchett et d’un discours du président du jury Vincent Lindon.

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    Jasmine est mariée avec Hal (Alex Baldwin), un homme d’affaires fortuné avec lequel elle vit dans une somptueuse demeure à New York. Sa vie va brusquement voler en éclats. Elle va alors quitter New York et la vie de luxe pour vivre chez sa sœur Ginger au mode de vie beaucoup plus modeste, celle-ci habitant dans un petit appartement de San Francisco et gagnant sa vie en tant que caissière de supermarché.

     Après Barcelone, Londres, Paris et Rome, Woody Allen est donc de retour aux Etats-Unis. Comme à chaque fois, le lieu  a une importance capitale. Le film commence d’ailleurs par un vol en avion. Jasmine est encore entre deux villes et deux vies. New York et San Francisco. Deux villes qui s’opposent, géographiquement, temporellement et socialement pour Jasmine puisque l’une représente le passé et la richesse, l’autre le présent et la pauvreté. Deux faces de son existence. Le film est d’ailleurs brillamment monté avec ces mêmes allers et retours dans le montage, et une alternance entre le présent et des flashbacks sur la vie passée de Jasmine.  Après l’arrivée de Jasmine dans l’appartement de sa sœur ( « C’est chaleureux » dira-t-elle avec une douce condescendance), nous découvrons en flashback la première visite de Jasmine dans la magnifique propriété de Hal.

    Chaque film de Woody Allen est une véritable leçon de scénario, sur la manière d’exposer une situation, de croquer un personnage, et surtout de traiter les sujets les plus graves avec une apparente légèreté, de passer d’un genre à l’autre. Surtout, ici magistralement, il illustre par la forme du film le fond puisque Jasmine ment constamment, y compris à elle-même, la réalisation mentant au spectateur pour nous donner une apparence de légèreté comme Jasmine cherche à s’en donner une. Toute sa vie est d’ailleurs basée sur un mensonge. Son mari est tombé amoureux de son prénom qui n’est pas vraiment le sien. L’intelligence de l’écriture se retrouve jusque dans le titre du film, finalement aussi un mensonge comme l’est toute la vie de Jasmine.

    Woody Allen manie les paradoxes comme personne et y parvient une nouvelle fois avec une habileté déconcertante. Je ne suis pas forcément d’accord avec ceux pour qui c’est son meilleur film depuis « Match point », film au scénario parfait, audacieux, sombre et sensuel qui mêle et transcende les genres et ne dévoile réellement son jeu qu'à la dernière minute, après une intensité et un suspense rares allant crescendo. Le témoignage d'un regard désabusé et d'une grande acuité sur les travers et les blessures de notre époque. Un vrai chef d’œuvre. Depuis, il m’a enchantée avec chacun de ses films, même si certains furent moins réussis, et « Minuit à Paris » reste pour moi un de ses meilleurs :  une déclaration d’amour à Paris, au pouvoir de l’illusion, de l’imagination,  à la magie de Paris et du cinéma qui permet de croire à tout, même qu’il est possible au passé et au présent de se rencontrer et s’étreindre.

    Mais revenons au don de scénariste de Woody Allen. Dès les premiers plans, nous comprenons que Jasmine ne va pas très bien, qu’elle est aussi volubile que perdue.  Si Woody Allen manie savamment les paradoxes, il manie aussi les contrastes entre Ginger la brune et Jasmine la blonde, deux sœurs adoptées et diamétralement opposées.

    Le vernis de Jasmine et son allure impeccable de blonde hitchcockienne se fissurent progressivement. Sa vie dorée (au propre comme au figuré, prédominance du jaune) va exploser. Le statut social est essentiel pour Jasmine et cette déchéance sociale va la plonger en pleine dépression. Snob, a priori antipathique, elle va finalement susciter notre empathie grâce au talent de Woody Allen qui va nous dresse son portrait et celui de sa vie d’avant en flashbacks.

    Bien sûr, Cate Banchett avec ce rôle sur mesure, doit beaucoup à cette réussite. Elle parvient à nous faire aimer ce personnage horripilant, snob, condescendant, inquiétant même parfois mais surtout très seul, perdu, et finalement touchant. De ces personnes qui se révèlent plus complexes que leur apparente futilité voudrait nous le laisser croire, qui maquillent leurs failles derrière un culte de l’apparence et qu’il nous satisferait de croire seulement exaspérantes. Face à elle, Sally Hawkins est également parfaite.

     Derrière une apparence de légèreté (jusque dans la musique), Woody Allen a finalement réalisé un de ses films les plus sombres, encore une fois d’une étonnante modernité, en phase avec son époque, aussi peu linéaire et aussi sinueux que son montage. Les dialogues sont cinglants, cruels et réjouissants. Le casting est irréprochable et par de discrets plans séquences Woody Allen nous rappelle qu’il n’est pas seulement un grand dialoguiste et scénariste mais aussi un immense metteur en scène qui, tout aussi discrètement, fait coïncider la forme et le fond.

    Un dernier plan, finalement tragique,  lève le voile sur la réalité de Jasmine, et les vraies intentions du cinéaste,  notamment celle de dresser un magnifique portrait de femme, d’une époque aussi. Un film désenchanté, mélancolique, caustique, qui révèle finalement une nouvelle fois le don d’observation du cinéaste et sa capacité, en  à révélant les failles de ses personnages, aussi détestables puissent-ils être parfois a priori, et nous les faire aimer.

     Le prochain film de Woody Allen sera un film romantique tourné dans le Sud de la France et se déroulant dans les années 20. Vivement ! En attendant n’oubliez pas d’aller rencontrer Jasmine, à vos risques et périls.

     « Parkland » de Peter Landesman

     

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     Parkland décrit le jour et les trois jours qui précèdent l’assassinat du Président Kennedy.  Le titre vient du nom de l’hôpital où a été emmené Kennedy juste après l’attaque de Dallas. Le film plaira surtout aux passionnés de l’histoire politique américaine. A la manière de Bobby, le film dépeint une galerie de personnages qui ont tous gravité autour de la mort du Président. Ces personnages sont tous réels et font partie de la petite histoire, éclipsés par la grande. Du journaliste qui a filmé l’assassinat à l’infirmière en passant par le frère de Lee Harvey Oswald, on suit la façon dont ils ont vécu cet événement. Evénement qui a bouleversé la vie de chacun. Le  film est doit beaucoup à son irréprochable casting :  Paul Giamati,  Billy Bob Thorton, Marcia Gay Harden, Zac Efron,, Tom Welling s’en sortent bien. Le film est  instructif même s’il s’égare à vouloir nous donner trop de points de vue sur l’évènement et à finalement nous laisser sur notre faim.

     « Le Majordome » de Lee Daniels

     

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    Le jeune Cecil Gaines, en quête d'un avenir meilleur, fuit, en 1926, le Sud des États-Unis, en proie à la tyrannie ségrégationniste. Tout en devenant un homme, il acquiert les compétences inestimables qui lui permettent d’atteindre une fonction très convoitée : majordome de la Maison-Blanche. C'est là que Cecil devient, durant sept présidences, un témoin privilégié de son temps et des tractations qui ont lieu au sein du Bureau Ovale. À la maison, sa femme, Gloria, élève leurs deux fils, et la famille jouit d'une existence confortable grâce au poste de Cecil. Pourtant, son engagement suscite des tensions dans son couple : Gloria s'éloigne de lui et les disputes avec l'un de ses fils, particulièrement anticonformiste, sont incessantes. À travers le regard de Cecil Gaines, le film retrace l'évolution de la vie politique américaine et des relations entre communautés. De l'assassinat du président Kennedy et de Martin Luther King au mouvement des "Black Panthers", de la guerre du Vietnam au scandale du Watergate, Cecil vit ces événements de l'intérieur, mais aussi en père de famille… Forest Whitaker incarne ce "Le Majordome"  qui déroule trente années de l'Histoire américaine : de l’assassinat du président Kennedy et de Martin Luther King au mouvement des "Black Panthers", de la guerre du Vietnam au scandale du Watergate,  . Cecil Gaines aura ainsi travaillé aux côtés de 8 présidents. En parallèle de  saga familiale, c’est le portrait du combat pour les droits civiques des Afro-Américains que dresse ce film aussi poignant que passionnant, avec plus de retenue que dans les précédents films de Lee Daniels. A travers le portrait de cet homme singulier, le film traite avec beaucoup d’habileté des sujets universels, là aussi aidé par un casting de choix : John Cusack (Richard Nixon), Robin Williams (Dwight D. Eisenhower), Alan Rickman (Ronald Reegan), James Marsden (John F. Kennedy). A cela s’ajoutent les positions politiques différentes du père respectueux des instituions et du fils plus révolutionnaire, métaphore de la division au sein de la population noire des années 50/60. Une leçon d’Histoire passionnante qui ne s’en donne jamais l’air à travers celle d’un homme au parcours symbolique.

    Prix Michel d’Ornano: "Les Garçons et Guillaume, à table!" de Guillaume Gallienne

     

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    Parmi les belles surprises de cette année, celui qui aura suscité le plus d’enthousiasme,  c’est le film de et avant Guillaume Gallienne qui a cette année reçu le prix Michel d’Ornano « Les Garçons et Guillaume, à table ! ».

    Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Guillaume Gallienne, vous pourrez difficilement l’oublier après avoir vu « Les Garçons et Gauillaume, à table ! ».

    « Jet set », « Fanfan la tulipe », « Narco », « Fauteuils d’orchestre »,  « Le concert », « Ensemble, nous allons vivre une très très grande histoire d’amour », « Sagan »,  « Marie-Antoinette » , tels sont quelques-uns des films dans lesquels ce Sociétaire de la Comédie Française a joués jusqu’à présent mais rien de comparable avec « Les garçons et guillaume, à table ! », adaptation du spectacle éponyme de Guillaume Gallienne qui en est le chef d’orchestre…et l’orchestre puisqu’il en signe le scénario, la mise en scène…et deux des rôles principaux (dans son spectacle, il incarnait tous les rôles). Pour son premier film, il ne s’est donc pas facilité la tâche.

    Guillaume Gallienne a déjà reçu de multiples récompenses pour ce film, notamment à la Quinzaine des réalisateurs, où je l’ai vu la première fois, et où il a été acclamé, puis au Festival du Cinéma Américain de Deauville où il a reçu le prix Michel d’Ornano, où je l’ai vu, et avec au moins autant de plaisir, une deuxième fois…et où il a été à nouveau ovationné (cf ma vidéo ci-dessus). Il a également reçu le prix du public au Festival du Film francophone d’Angoulême.

    Ne vous arrêtez donc pas à ce titre de série B qui ne vous semblera plus du tout l’être une fois que vous aurez vu le film, le titre se justifiant alors parfaitement. C’est ainsi que sa mère les appelait, son frère et lui, pour qu’ils viennent dîner : « Les Garçons ET Guillaume, à table ! ». A part déjà. Tout un programme. Très efféminé, il a toujours été considéré par tout le monde comme la fille que sa mère n’a jamais eue, enfin surtout par lui-même, fasciné par cette mère à qui il aurait tant aimé ressembler. Un amour fusionnel (le fond rejoignant alors la forme puisqu’il interprète son rôle) dont il va peu à peu dénouer les fils pour apprendre à savoir qui il est et aime vraiment...  

     Cela débute dans la loge d’un théâtre, celle de Guillaume Gallienne qui se (dé)maquille, enlève son masque de clown (triste ?) avant d’entrer en scène. A nu. La salle retient son souffle. Nous aussi. Dès le début, il happe notre attention et emporte notre empathie, par son autodérision, son écriture précise, cinglante, cruelle et tendre à la fois, ne ressemblant à aucune autre. Puis sa voix, posée et précise comme s’il lisait une partition, nous emporte dans son tourbillon de folie, de dérision, de lucidité tendre et caustique : « Le premier souvenir que j’ai de ma mère c’est quand j’avais quatre ou cinq ans. Elle nous appelle, mes deux frères et moi, pour le dîner en disant : "Les garçons et Guillaume, à table !" et la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone, elle raccroche en me disant: "Je t’embrasse ma chérie"; eh bien disons qu’entre ces deux phrases, il y a quelques malentendus. »

    Et s’il ne s’est pas facilité la tâche, c’est parce que non seulement il interprète le rôle de sa mère, aimante (trop ou mal peut-être), sachant rester élégante tout en étant vulgaire, masquant sa tendresse derrière un air revêche et des paroles (fra)cassantes, mais parce qu’il joue aussi son propre rôle… à tous les âges ! Avec un talent tel qu’on oublie d’ailleurs rapidement et totalement qu’il n’a pas l’âge du personnage. La magie du cinéma. Et le talent d’un grand acteur, à tel point qu’il en devient follement séduisant malgré son allure parfois improbable.

    Gallienne multiplie les mises en abyme  et effets narratifs suscitant ainsi un comique de situation en plus de celui du langage qu’il manie avec une dextérité déconcertante et admirable, et qu’il aime visiblement d’un amour immodéré, comme sa mère, à la folie même, avec pour résultat un rythme effréné, un film sans temps mort, d’une drôlerie ravageuse au moins autant que la tendresse et l’émotion qui nous cueillent aux moments parfois les plus inattendus, à l’image d’un autre clown, à la canne et au chapeau melon, qui savait nous bouleverser autant que nous faire rire.

    Dommage que deux scènes cèdent à la facilité, notamment une avec Diane Krüger,  alors que, auparavant, jamais le film n’essayait d’être consensuel ou de répondre aux codes de la comédie. L’interprétation réjouissante nous les fait néanmoins regarder avec indulgence tant la performance de Gallienne est exceptionnelle, y compris dans cette scène et du début à la fin, avec des scènes d’anthologie, sans parler de rôles secondaires tout aussi réjouissants notamment celui incarné par Françoise Fabian, la grand-mère fantasque et doucement folle.

     Ce film est aussi et avant tout une déclaration d’amour fou  à sa mère (quel personnage !) et aux femmes dont il aime et scrute jusqu’à la respiration, mais aussi aux mots, avec lesquels il jongle admirablement, et au théâtre, qui libère, et même au cinéma avec les codes duquel il s’amuse ici. Même s’il lorgne parfois du côté d’Almodovar, Woody Allen ou de Wilder (avec une réplique finale comme un écho à son « nobody’s perfect »), ce film peut difficilement être plus personnel tout en étant universel et il faut sans aucun doute une tonne de talent et de sensibilité pour transformer son mal être en film burlesque, en ce rafraichissant plaidoyer pour la différence (qui n’est jamais militant), en film aussi atypique, inclassable que celui qui en est l’auteur et l’acteur. Un grand auteur et un très grand acteur. Et une comédie tendre et caustique à voir absolument.

     

    COMPETITION

     

    Difficile d’établir mon propre palmarès face à la diversité (notable et remarquable) des films en compétition de ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville : horreur, western, fait divers etc.

    Les plus remarquables furent pour moi « Short term 12 », « Fruitvale station », «Stand clear of the closing doors » et bien sûr « All is lost » que j’avais découvert à Cannes et que j’ai revu ici avec plaisir.

     Dans tous les cas, comme je vous le disais plus haut : des personnages désorientés, souvent au figuré, parfois au propre. C’est aussi le cas de « Lilly », jeune femme qui se relève d’un cancer, beau portrait de femme blessée et combattive, là aussi désorientée, un film simple et touchant.

     Difficile évidemment de comparer ces films avec « All is lost  qui témoigne une nouvelle fois de la diversité de cette compétition, fable bouleversante d’une beauté crépusculaire, symbole là aussi d’une Amérique soumise à des vents contraires, au fracas de la nature et de la réalité, et qui tente de résister, malgré tout. 

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    C'est lors du dernier Festival de Cannes où il était présenté en sélection officielle mais hors compétition que j'ai eu le plaisir de découvrir "All is lost" de J.C Chandor en présence de Robert Redford dont beaucoup avait regretté l’absence en compétition (le Festival de Deauville a donc eu l’intelligence de parer à cet « oubli »). Cette critique, ci-dessous, est également publiée dans le journal de l'ENA de juillet/août 2013.

    All is lost est le deuxième film du réalisateur J.C Chandor après Margin Call, avec un unique interprète, et non des moindres, Robert Redford. Quel contraste  entre le vacarme, la foule festivalière et le silence, la solitude de All is lost.

    Lors de la conférence de presse cannoise, Robert Redford, avait notamment parlé, avec autodérision et simplicité,  de son amour de la nature et de son inquiétude pour celle-ci, rappelant son engagement en faveur de l'environnement qu’il juge dans une  situation "carrément catastrophique, désastreuse".  "A mon avis, la planète essaie de nous parler", a-t-il ajouté, évoquant "les ouragans, les tremblements de terre et les tornades", deux jours après la tornade dévastatrice de Moore, près d'Oklahoma City. Il a aussi évoqué son envie de continuer  à jouer, de la difficulté de faire des films aujourd’hui. Il a évoqué le défi que représentait ce film pour lui : « C’est un défi qui m’a beaucoup attiré en tant qu’acteur. Je voulais me donner entièrement à un réalisateur ». Il a aussi abordé l’importance du silence « Je crois dans l’intérêt du silence au cinéma. Je crois aussi dans l’intérêt du silence dans la vie car on parle car on parle parfois trop. Si on arrive à faire passer le silence dans une forme artistique, c’est intéressant ». « Ce film est en plein contraste avec la société actuelle. On voit le temps qu’il fait, un bateau et un homme. C’est tout ». « Il y a évidemment des similitudes avec Jeremiah Johnson » a-t-il également répondu.

    Dans Jeremiah Johnson de Sydney Pollack, Robert Redford fuyait ainsi les hommes et la civilisation pour les hauteurs sauvages des montagnes Rocheuses. Ici, dans « All is lost », au cours d’un voyage en solitaire dans l’Océan Indien, au large de Sumatra, à son réveil, il découvre que la coque de son voilier a été heurtée et endommagée par un container flottant à la dérive. Privé de sa radio, il doit affronter seul les éléments mais malgré toute sa force, sa détermination, son intelligence, son ingéniosité, il devra bientôt regarder la mort en face. Ici, aussi, c’est finalement la civilisation (incarnée par ce container rouge au milieu de l’horizon bleutée et qui transportait d’ailleurs des chaussures, incarnation de la société de consommation mondialisée ) qui le rattrape (alors que, peut-être, il voulait la fuir, nous ne le saurons jamais…), contraint à se retrouver ainsi « seul au monde », comme dans le film éponyme de Robert Zemeckis avec Tom Hanks, même si je lui préfère, et de loin, ce film de J.C Chandor.

    Pendant 1H45, il est en effet seul. Seul face à la folle et splendide violence des éléments. Seul face à nous. Seul face à lui-même. Seul face à l’Océan Indien à perte de vue. Seul face à la force des éléments et face à ses propres faiblesses. Seul face à la nature. Cela pourrait être ennuyeux…et c’est passionnant, palpitant, terrifiant, sublime, et parfois tout cela à la fois.

    Le seul «dialogue », est en réalité un monologue en ouverture du film, une sorte de testament qui s’écoute comme le roulement poétique, doux et violent, des vagues, et qui place ce qui va suivre sous le sceau de la fatalité : « Ici, tout est perdu, sauf le corps et l’âme ».

    Progressivement il va se voir dépouillé de ce qui constitue ses souvenirs, de tout ce qui constitue une chance de survie : radio, eau... Son monde va se rétrécir. La caméra va parfois l’enfermer dans son cadre renforçant le sentiment de violence implacable du fracas des éléments. Avec lui, impuissants, nous assistons au spectacle effrayant et fascinant du déchainement de la tempête et de ses tentatives pour y survivre et résister.

    Le choix du magnétique Robert Redford dans ce rôle renforce encore la force de la situation. Avec lui c’est toute une mythologie, cinématographique, américaine, qui est malmenée, bousculée, et qui tente de résister envers et contre tout, de trouver une solution jusqu’à l’ultime seconde. Symbole d’une Amérique soumise à des vents contraires, au fracas de la nature et de la réalité, et qui tente de résister, malgré tout.

    La mise en scène et la photographie sobre, soignée, épurée, le montre (et sans le moindre artifice de mise en scène ou flashback comme dans L’Odyssée de Pi) tantôt comme une sorte de Dieu/mythe dominant la nature (plusieurs plongées où sa silhouette se détache au milieu du ciel), ou comme un élément infime au milieu de l’Océan. La musique signée Alex Ebert (du groupe Edward Sharpe and the Magnetic Zeros) apporte une force supplémentaire à ces images d’une tristesse et d’une beauté mêlées d’une puissance dévastatrice. Inexistante au début du film, elle prend de l’ampleur a fur et à mesure que la tragédie se rapproche et qu’elle devient inéluctable, sans jamais être trop grandiloquente ou omniprésente.

    Certains plans sont d’une beauté à couper le souffle, comme ces requins en contre-plongée qui semblent danser, le défier et l’accompagner ou comme cette fin qui mélange les éléments, l’eau et le feu, le rêve et la réalité ou encore cette lune braquée sur lui comme un projecteur.

    Comme l’a souligné Robert Redford, il s’agit d’un « film presque existentiel qui laisse la place à l’interprétation du spectateur » et cela fait un bien fou de « regarder quelqu’un penser » pour reprendre les termes du producteur même si cette définition pourrait donner une image statique du film qui se suit au contraire comme un thriller.

    En conférence de presse, Robert Redford avait révélé ne pas avoir vu le film et qu’il allait le découvrir le même soir lors de la projection officielle cannoise dans le Grand Théâtre Lumière. On imagine aisément son émotion, à l’issue de cette heure quarante. Face à lui-même. Face à cette fable bouleversante d’une beauté crépusculaire.

    Mon deuxième coup de cœur de ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2013 fut pour le film qui a obtenu le prix du public et le prix de la révélation Cartier : « Fruitvale station ».

     

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    Le 1er janvier 2009 au matin, Oscar Grant, vingt-deux ans, croise des agents de police dans la station de métro Fruitvale près de San Francisco. Cette rencontre va transformer un inconnu en fait divers. Le film raconte les vingt-quatre heures qui ont précédé cet événement.

    "Fruitvale station" ne dérogeait pas à la règle concernant la présence ou plutôt l’omniprésence des armes à feu dans les films en sélection.

     Ce film d'un jeune réalisateur de 27 ans a particulièrement ému les festivaliers...et à juste titre. D'abord, parce qu'il s'agit d'une histoire réelle (le réalisateur a ainsi mêlé quelques images de ce triste fait divers aux images de la fiction). Cela commence par la vidéo, réelle donc, d'une violence inouïe, prise par un témoin de la scène. Des policiers, particulièrement nerveux, interpellent brutalement un groupe de jeunes noirs américains. La scène est à la fois rapide et interminable et, brusquement, dans la cacophonie, l'un des policiers tire sur Oscar Grant alors qu'il est incapable de bouger, maintenu à terre. Le film commence alors pour tenter d'expliquer cette terrible injustice par le biais de la fiction, ouverte et fermée par les scènes de l'horrible réalité, nous scotchant à l'écran dès les premières secondes, commençant le compte à rebours vers le drame inéluctable.

    Sans doute certains reprocheront-ils au film ses bons sentiments, son aspect larmoyant, son manichéisme. Oscar est un "gentil" dealer qui deale parce qu'il est au chômage qui a envie de rentrer dans le droit chemin mais que la malchance placera sans cesse dans des situations périlleuses. Même un chien errant qu'il caresse se fera renverser quelques minutes plus tard. Le destin s'acharne contre lui et le spectateur, en empathie dès l'enclenchement du compte à rebours, sachant pourtant l'inéluctabilité du drame, ne cesse d'espérer qu'il finisse par y échapper.

    Si le personnage principal n'avait pas été aussi attachant, le film aurait certainement gagné en complexité,  mais l'émotion suscitée, l'interprétation et la mise en scène remarquables justifient ce parti pris. La caméra enserre l'essentiel, capte l'urgence, au plus près, lors de ces dernières 24 heures fatidiques. S'il y a du Spike Lee dans le style de ce jeune cinéaste, il y a aussi du cinéma britannique, avec une pincée de Ken Loach et surtout de Mike Leigh.

    "Fruitvale Station" s'achève avec les images réelles de la commémoration du drame, laissant le spectateur chaos après ce film plus parlant, criant, que n'importe quel argumentaire contre ce crime raciste qui justifie alors ce qui pourrait sembler manichéen mais qui n'est là que pour appuyer l'argumentation et en arriver à la dramatique synthèse et conclusion. Le film a alors l'efficacité des meilleurs documentaires notamment grâce à son comédien principal qui vit plus qu'il ne joue ce personnage victime d'un destin inique et de la violence, la brutalité, la bêtise.

     La rumeur voulait que “Fruitvale station” soit couronné du Grand Prix qui revint finalement au thriller écologique  « Night Moves » de Kelly Reichardt. Un sujet universel traité avec beaucoup de sensibilité, un casting irréprochable et l’histoire très actuelle d’un combat écologiste qui se radicalise justifient amplement ce Grand Prix mérité.

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     «Night Moves» raconte l’histoire de trois militants écologistes qui décident de détruire un barrage dans l’Oregon. L’opération se révèle meurtrière. Un campeur perd la vie. Remords, tensions, reproches…l’opération écologique vire au thriller. Jesse Eisenberg  est impeccable dans le rôle de ce jeune homme tiraillé entre ses idées nobles et la violence qu’elles engendrent. C’est à nouveau une autre Amérique, moins flamboyante qui nous est donnée à voir ici, en rébellion contre la société de consommation. Une photographie magnifique suspend le vol du temps et de notre souffle lors de la préparation de l’action particulièrement bien décrite, la caméra étant en osmose avec la nature. Si la seconde partie est un peu plus caricatural sur les principes face à l’épreuve de la réalité, n’en demeure pas moins un film à la réalisation et à l’interprétation particulièrement maîtrisées.

    Je regrette l’absence du sensible « Breathe in » de Drake Doremus au palmarès.

      Synopsis : L’été touche à sa fin. Keith Reynolds, un professeur de musique, songe avec nostalgie à son passé d’artiste en devenir dans les rues de New York. Sa femme Megan et leur fille Lauren sont quant à elles en pleine effervescence à l’approche de la rentrée en terminale de la jeune fille. Keith ne semble pas partager leur enthousiasme, trouvant son seul échappatoire lors des soirées où il joue du violoncelle dans un prestigieux orchestre symphonique de Manhattan. Lorsque Megan décide d’accueillir chez eux Sophie, une lycéenne anglaise, dans le cadre d’un programme d’échange scolaire, Keith voit resurgir un aspect refoulé de sa personnalité au contact de la jeune fille…

    Le réalisation capte avec beaucoup de finesse ces gestes, ces regards, ces instants ineffables qui constituent la naissance d’un amour que va accompagner la musique à l’unisson avec l’âme et le cœur tourmenté des deux amoureux contrariés. Emane du film un charme captivant, ensorcelant avec un Guy Pearce qui rêve d’un ailleurs professionnel et personnel inaccessibles. Face à lui, la troublante et sensuelle Felicity Jones, irrésistible quand elle joue au piano avec virtuosité et réveille les désirs endormis, personnel et professionnel, de son professeur.    Une histoire d’amour indicible, tout en pudeur, délicatesse, sensibilité, troubles qui fait du bien dans un cinéma parfois trop frontal. Avec un dernier plan qui clôt un cercle (vicieux ?) et enferme à jamais dans une triste et paradoxalement lumineuse quotidienneté.

    Avec « Shérif Jackson », Logan Miller   nous embarquait dans les plaines arides du Nouveau-Mexique, Sarah, une ancienne prostituée, découvre le corps sans vie de son mari, sauvagement assassiné par un fanatique religieux. Meurtrie, elle part en croisade vengeresse, mais c’est sans compter sur l’arrivée de l’extravagant shérif Jackson… Un film intelligemment elliptique et saupoudré d’humour noir pour ce « Kill Bill » revisité, western féministe qui ne manque pas de mordant et d’originalité.

     Difficile aussi de rester insensible devant « Stand clear of the clothing doors » de Sam Fleischner dans lequel Ricky est un adolescent autiste (plus exactement atteint du syndrome d’Asperger) qui vit à Far Rockaway, dans le Queens. Alors que sa famille tente de surmonter les effets de la crise économique, Ricky essaye de s’intégrer du mieux qu’il peut dans son école. Le jour où il est réprimandé pour avoir manqué des cours, il s’enfuit dans le métro et entreprend une odyssée souterraine, se mêlant aux habitants disparates de ce lieu tandis que sa mère redouble d’effort pour le retrouver. Pendant ce temps, témoin de ce chassé-croisé, l’ouragan Sandy se rapproche de la ville.

     "Stand clear of the closing doors" est le second long métrage de Sam Fleischner.

     

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    "Stand clear of the closing doors", est la phrase entendue dans le métro de New York (à la veille de l’ouragan Sandy) lors de la fermeture des portes que Ricky entendra maintes et maintes fois pendant sa fugue. En parallèle est filmée l’angoisse de sa famille. Plongée dans la vie du Queens, dans les pensées de Ricky mais aussi dans un New York à la veille d’une catastrophe. Enfermés dans la tête de Ricky comme il l’est sous terre dans les allées du métro. Le regard empathique du réalisateur évite par ailleurs l’écueil du mélodrame larmoyant. Il parvient à faire de ce parcours initiatique  un récit palpitant et émouvant.

    « Short term 12 », un film de Destin Cretton a également beaucoup ému les festivaliers.  Grace, la vingtaine, est surveillante dans un foyer d’accueil pour adolescents en difficulté : le Short Term 12. Tourmentée par un sombre passé, elle n’en reste pas moins passionnée par son travail et s’occupe des jeunes pensionnaires avec le plus grand soin. Lorsque Jayden, une adolescente douée mais très perturbée, est admise dans l’établissement, Grace doit alors affronter ses propres démons…

    Première réalisation de Destin Cretton, Short Term 12 est un film indépendant américain réunissant notamment à l’écran Brie Larson (Don Jon), John Gallagher Jr. (The Newsroom) et Rami Malek (The Master). L’histoire s’intéresse à Grace (interprétée par Brie Larson), une jeune femme sensible et déterminée qui est à la tête d’un foyer californien d’adolescents en difficulté. Dans son équipe de formateurs, tous aussi jeunes qu’elle, tout le monde n’a pas la même expérience mais, face aux problèmes des ados, la solidarité et le bon esprit sont de mise. Jusqu’à l’arrivée soudaine d’une fille tourmentée qui ignore les règles du centre, bouscule le groupe et renvoie Grace à sa propre adolescence… pas si lointaine.

    Ce n’est pas l’originalité qui marque dans ce film mais le naturel et la justesse de l’interprétation, la crédibilité des personnages rendent cette histoire particulièrement juste et vibrante sublimée par une bo d’une belle sobriété.

    Si le festival remettait un prix de la photographie, il serait indéniablement revenu au film de David Lowery, « Les Amants du Texas » (également présenté en séance spéciale à la Semaine de la Critique, à Cannes, récompensé à Sundance pour sa photographie) tant les images crépusculaires bousculent nos sens, tant il capture brillamment la lumière et la mélancolie. Un film plein de délicatesse. Un rythme langoureux. Un western hors du temps qui mêle scènes intimistes et plus violentes.

     La critique a, quant à elle, couronné « The Retrieval » de Chris Eska. À la veille de la guerre de Sécession, un jeune garçon est envoyé au nord du pays par un gang de chasseurs de primes afin de retrouver la trace d’un homme recherché par la justice.

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     The Retrieval raconte l'histoire d'un jeune garçon, Will, enrôlé par des chasseurs de primes, contraint d'agir comme les barbares, et de vivre parmi eux, pour survivre. Sa mission : traverser le pays jusqu'au Nord et ramener un homme du nom de Nate dont la tête est mise à prix.  Ce road-movie historique est servi par une mise en scène et une écriture inspirées qui confronte l’innocence et l’horreur aux apparences de western pour mieux en détourner les codes tant le film est intemporel et évite intelligemment tout manichéisme. Tout le film se joue dans le regard du garçon. Va-t-il sauver celui qu'il commence à aimer ou va-t-il le mener vers le piège mortel pour sauver sa propre vie ?

     PALMARÈS - AWARDS

     

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     Le Jury de la 39e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, présidé par Vincent Lindon, entouré de Lou Doillon, Jean Echenoz, Hélène Fillières, Xavier Giannoli, Famke Janssen, Pierre Lescure, Bruno Nuytten et Rebecca Zlotowski a décerné les prix suivants :  

    GRAND PRIX 

    NIGHT MOVES de Kelly Reichardt 

    PRIX DU JURY ex-aequo

    ALL IS LOST deJ.C. Chandor 

    et 

    STAND CLEAR OF THE CLOSING DOORS de Sam Fleischner 

    Le Jury Révélation Cartier de la 39e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, présidé par Valérie Donzelli, entourée de Laurence Arné, Vincent Lacoste, Géraldine Maillet et Woodkid a décerné son Prix de la Révélation Cartier à: 

    PRIX DE LA RÉVÉLATION CARTIER 

    FRUITVALE STATION  de  Ryan Coogler 

    Le Jury de la Critique Internationale, composé de journalistes internationaux, a décerné le prix suivant : 

    PRIX DE LA CRITIQUE INTERNATIONALE 

    THE RETRIEVAL de Chris Eska 

    Le Prix du Public de la ville de Deauville a été remis au film suivant : 

    PRIX DU PUBLIC DE LA VILLE DE DEAUVILLE - 

    FRUITVALE STATION de/by Ryan Coogler  

    PRIX LITTÉRAIRE LUCIEN BARRIÈRE 

    Richard FORD pour son roman "Canada"/ for his novel "Canada" (Éditions de l’Olivier) 

    PRIX MICHEL D’ORNANO 

    LES GARCONS ET GUILLAUME, À TABLE ! de Guillaume Gallienne

    Et enfin...mon blog et mes romans à l'honneur dans Ouest-France pour ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville:

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    Je vous donne rendez-vous ici le 5 septembre 2014 pour le 40ème Festival du Cinéma Américain de Deauville…qui sera aussi mon 21ème ! Vous pourrez également suivre le festival sur mes sites http://inthemoodlemag.com et http://inthemoodforfilmfestivals.com et bien sûr sur le site officiel du festival http://festival-deauville.com .

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  • En attendant le bilan de ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2013, résumé en images :

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    Il vous faudra patienter un peu avant de lire mon compte-rendu de ces journées festivalières qui m’ont permis de découvrir des films dispensables (« Joe » ou encore « White house down »), des films attendus dont j’ai hâte de vous parler (« Le Majordome » de Lee Daniels, « Blue Jasmine » de Woody Allen), et des films en compétition d’un très bon niveau, dans des genres particulièrement différents cette année, confirmant que ce festival est désormais avant tout celui du cinéma indépendant américain, du western influencé par Tarantino et les Coen (« Shérif Jackson »)  en passant par le film se déroulant pendant la guerre de Sécession (« The Retrieval ») aux traditionnels films sur l’adolescence en crise.

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    Comme chaque année se dégagent en effet de cette compétition des thématiques communes : des êtres vulnérables frappés par le destin qui, souvent l’affrontent, peut-être le signe d’une Amérique qui, malgré les blessures infligées, se relève et a retrouvé l’espoir.

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    Les plus remarquables sont pour l’instant (dans l’ordre de préférence) : « Short term 12 », « Fruitvale station », « Stand clear of the closing doors ». Dans tous les cas, des personnages désorientés, souvent au figuré, parfois au propre. C’est aussi le cas de « Lilly », jeune femme qui se relève d’un cancer, beau portrait de femme blessée et combattive, là aussi désorientée. Le jury pourrait là aussi être sensible à l’espoir qui émane de ce film simple et touchant. 

     Difficile évidemment de comparer ces films avec « All is lost » dont je vous ai parlé longuement ici, hier, qui témoigne une nouvelle fois de la diversité de cette compétition, fable bouleversante d’une beauté crépusculaire, symbole là aussi d’une Amérique soumise à des vents contraires, au fracas de la nature et de la réalité, et qui tente de résister, malgré tout.  

    Quant aux avant-premières, si elles sont d’un niveau inégal, elles apportent un nouveau regard sur les Etats-Unis et leur Histoire, qu’elle soit vue par le prisme d’un Majordome de la Maison Blanche (« Le Majordome ») ou par ceux qui ont vécu la mort de Kennedy (« Parkland »).

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    Les personnalités du cinéma américain, là aussi très diverses, se sont succédées  sur la scène du CID : Nicolas Cage, Michael Douglas, Steven Soderbergh, Larry Clark, Jamie Foxx, Forest Whitaker (particulièrement ému à l’issue de la projection du « Majordome », une émotion partagée par une grande partie de la salle)…

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    Je vous laisse découvrir ces quelques jours passés résumés en images en attendant de vous en livrer un bilan digne de ce nom et quelques critiques en attendant le palmarès samedi soir (je vous annonce d'ailleurs que je serai aux premières loges, et même au dîner de clôture, pour vous livrer un compte-rendu très "in the mood for Deauville).

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  • ALL IS LOST de J.C Chandor, en compétition, aujourd'hui, à Deauville : à ne pas manquer!

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    C'est lors du dernier Festival de Cannes où il était présenté en sélection officielle mais hors compétition que j'ai eu le plaisir de découvrir "All is lost" de J.C Chandor en présence de Robert Redford qui a également donné une conférence de presse dont je vous parle également ci-dessous et dont vous pourrez également retrouver quelques images. C'était un de mes coups de coeur de cette édition cannoise 2013 et il ne serait pas étonnant qu'il remporte les suffrages du jury du Festival du Cinéma Américain de Deauville en septembre. C'est en tout cas une excellente idée que de l'avoir sélectionné en compétition, il sera ainsi projeté cet après-midi à 15H. Je vous propose ci-dessous ma critique en attendant de vous parler de mes autres coups de cœur de la compétition, dans un premier compte-rendu, ce soir. Cette critique, ci-dessous, est également publiée dans le journal de l'ENA de juillet/août 2013 (en bas de cet article, pour une meilleure lisibilité de l'article, cliquez ici).

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    All is lost est le deuxième film du réalisateur J.C Chandor après Margin Call, avec un unique interprète, et non des moindres, Robert Redford, dont la mythique présence a cette année illuminé la Croisette. Quel contraste  entre le vacarme, la foule cannois et le silence, la solitude de All is lost.

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     Lors de la conférence de presse cannoise, Robert Redford, a notamment parlé, avec autodérision et simplicité,  de son amour de la nature et de son inquiétude pour celle-ci, rappelant son engagement en faveur de l'environnement qu’il juge dans une  situation "carrément catastrophique, désastreuse".  "A mon avis, la planète essaie de nous parler", a-t-il ajouté, évoquant "les ouragans, les tremblements de terre et les tornades", deux jours après la tornade dévastatrice de Moore, près d'Oklahoma City. Il a aussi évoqué son envie de continuer  à jouer, de la difficulté de faire des films aujourd’hui. Il a évoqué le défi que représentait ce film pour lui : « C’est un défi qui m’a beaucoup attiré en tant qu’acteur. Je voulais me donner entièrement à un réalisateur ». Il a aussi abordé l’importance du silence « Je crois dans l’intérêt du silence au cinéma. Je crois aussi dans l’intérêt du silence dans la vie car on parle car on parle parfois trop. Si on arrive à faire passer le silence dans une forme artistique, c’est intéressant ». « Ce film est en plein contraste avec la société actuelle. On voit le temps qu’il fait, un bateau et un homme. C’est tout ». « Il y a évidemment des similitudes avec Jeremiah Johnson » a-t-il également répondu.

     

    Dans Jeremiah Johnson de Sydney Pollack, Robert Redford fuyait ainsi les hommes et la civilisation pour les hauteurs sauvages des montagnes Rocheuses. Ici, dans All is lost, au cours d’un voyage en solitaire dans l’Océan Indien, au large de Sumatra, à son réveil, il découvre que la coque de son voilier a été heurtée et endommagée par un container flottant à la dérive. Privé de sa radio, il doit affronter seul les éléments mais malgré toute sa force, sa détermination, son intelligence, son ingéniosité, il devra bientôt regarder la mort en face. Ici, aussi, c’est finalement la civilisation (incarnée par ce container rouge au milieu de l’horizon bleutée et qui transportait d’ailleurs des chaussures, incarnation de la société de consommation mondialisée ) qui le rattrape (alors que, peut-être, il voulait la fuir, nous ne le saurons jamais…), contraint à se retrouver ainsi « seul au monde », comme dans le film éponyme de Robert Zemeckis avec Tom Hanks, même si je lui préfère, et de loin, ce film de J.C Chandor.

    Pendant 1H45, il est en effet seul. Seul face à la folle et splendide violence des éléments. Seul face à nous. Seul face à lui-même. Seul face à l’Océan Indien à perte de vue. Seul face à la force des éléments et face à ses propres faiblesses. Seul face à la nature. Cela pourrait être ennuyeux…et c’est passionnant, palpitant, terrifiant, sublime, et parfois tout cela à la fois.

    Le seul «dialogue », est en réalité un monologue en ouverture du film, une sorte de testament qui s’écoute comme le roulement poétique, doux et violent, des vagues, et qui place ce qui va suivre sous le sceau de la fatalité : « Ici, tout est perdu, sauf le corps et l’âme ».

     

     Progressivement il va se voir dépouillé de ce qui constitue ses souvenirs, de tout ce qui constitue une chance de survie : radio, eau... Son monde va se rétrécir. La caméra va parfois l’enfermer dans son cadre renforçant le sentiment de violence implacable du fracas des éléments. Avec lui, impuissants, nous assistons au spectacle effrayant et fascinant du déchainement de la tempête et de ses tentatives pour y survivre et résister.

     

    Le choix du magnétique Robert Redford dans ce rôle renforce encore la force de la situation. Avec lui c’est toute une mythologie, cinématographique, américaine, qui est malmenée, bousculée, et qui tente de résister envers et contre tout, de trouver une solution jusqu’à l’ultime seconde. Symbole d’une Amérique soumise à des vents contraires, au fracas de la nature et de la réalité, et qui tente de résister, malgré tout.

     

     La mise en scène et la photographie sobre, soignée, épurée, le montre (et sans le moindre artifice de mise en scène ou flashback comme dans L’Odyssée de Pi) tantôt comme une sorte de Dieu/mythe dominant la nature (plusieurs plongées où sa silhouette se détache au milieu du ciel), ou comme un élément infime au milieu de l’Océan. La musique signée Alex Ebert (du groupe Edward Sharpe and the Magnetic Zeros) apporte une force supplémentaire à ces images d’une tristesse et d’une beauté mêlées d’une puissance dévastatrice. Inexistante au début du film, elle prend de l’ampleur a fur et à mesure que la tragédie se rapproche et qu’elle devient inéluctable, sans jamais être trop grandiloquente ou omniprésente.

     

    Certains plans sont d’une beauté à couper le souffle, comme ces requins en contre-plongée qui semblent danser, le défier et l’accompagner ou comme cette fin qui mélange les éléments, l’eau et le feu, le rêve et la réalité ou encore cette lune braquée sur lui comme un projecteur.

     

     Comme l’a souligné Robert Redford, il s’agit d’un « film presque existentiel qui laisse la place à l’interprétation du spectateur » et cela fait un bien fou de « regarder quelqu’un penser » pour reprendre les termes du producteur même si cette définition pourrait donner une image statique du film qui se suit au contraire comme un thriller.

     

    En conférence de presse, Robert Redford avait révélé ne pas avoir vu le film et qu’il allait le découvrir le même soir lors de la projection officielle cannoise dans le Grand Théâtre Lumière. On imagine aisément son émotion, à l’issue de cette heure quarante. Face à lui-même. Face à cette fable bouleversante d’une beauté crépusculaire

     

     All is lost a été présenté hors compétition du 66ème Festival de Cannes. Il aurait indéniablement eu sa place en compétition et peut-être même tout en haut du palmarès

     

     

                                                           

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  • "Ma vie avec Liberace", Michael Douglas et Steven Soderbergh en ouverture du 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

     

     

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    Avec un peu de retard, voici quelques mots sur le film d'ouverture "Ma vie avec Liberace" de Steven Soderbergh (je vous en reparlerai évidemment) et le récit de l'ouverture du festival alors que, depuis, les évènements se sont enchaînés (je ne manquerai pas, bien entendu, de vous les raconter prochainement):

     

    -les films en compétition, déjà 4 desquels se dégage une thématique commune, un personnage seul, blessé, fou même parfois, épris de vengeance, et des armes à feu omniprésentes

     

    - l'avant-première du dernier film de Woody Allen "Blue Jasmine" à l'occasion de l'hommage à Cate Blanchett (à nouveau, le cinéaste américain y fait preuve d'une étonnante jeunesse et modernité, et m'a surprise une fois de plus avec une film qui mêle ingénieusement légèreté et cruauté)

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    - l'avant-première du dernier blockbuster ("White house down" de Roland Emmerich) pour lequel il est fortement recommandé de laisser les neurones et son esprit critique au vestiaire sous peine de colère incontrôlable et constante, en présence de ses acteurs Jamie Foxx et Channing Tatum qui ont assuré le spectacle sur scène et lors de la conférence de presse

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    - mais encore l'avant-première du très réussi "Le Majordome" de Lee Daniels avec une salle, un acteur principal (Forest Whitaker, l'invité surprise de ce festival) et un réalisateur particulièrement émus.

     

    En attendant de vous raconter tout cela donc, et plus encore, retour sur l'ouverture de ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville.

     

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    C'est sous un soleil et les paillettes étincelants de "Ma vie avec Liberace" de Steven Soderbergh que s'est ouvert ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. L'un comme l'autre nous ont éblouis et enthousiasmés après une ouverture mémorable grâce, notamment, à l'implication du président du jury Vincent Lindon qui, après les traditionnels discours du Maire de Deauville et de Lionel Chouchan, a tenu à faire un discours (ce qui n'arrive jamais habituellement, les présidents de jury, lors de l'ouverture, restant sagement assis sur leurs sièges) et à évoquer chacun des membres de son jury, ce qu'il a fait avec une rare élégance, avec beaucoup d'humour aussi, présentant chacun d'entre eux et livrant son admiration pour ceux-ci, évoquant également sa passion pour le cinéma américain ( se disant "amoureux du cinéma français et américain"), son bonheur ("fou de joie d'être ici") de présider le jury, terminant son discours avec autant d'humour qu'il l'avait commencé en évoquant son "homologue" Obama. Pour le plus grand bonheur des festivaliers (et le mien), il a d'ailleurs récidivé le lendemain lors de l'hommage à Cate Blanchett. Il n'en a pas non plus oublié de parler de son admiration pour Michael Douglas et pour Steven Soderbergh, réalisateur du film d'ouverture "que le monde entier devrait voir".

     

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    Le ton était donc donné. Cette 39ème édition sera sous le signe des paillettes mais aussi de la cinéphilie, de la bonne humeur, de l'enthousiasme, le tout sous un soleil presque irréel. L'irréalité est d'ailleurs une impression constante dans un festival, en particulier ici mais de cela je vous parle plus longuement et différemment ici et aussi là.


    Michael Douglas et Steven Soderbergh sont ensuite montés sur scène, le premier visiblement encore très ému et "éternellement reconnaissant" que le second ait attendu que son cancer soit guéri pour le faire tourner (ce qu'il a à nouveau répèté lors de la conférence de presse). L'enthousiasme était d'ailleurs visiblement contagieux vendredi soir: « Le festival du film américain, c’est le plus beau cadeau que la France a donné aux Etats-Unis après la statue de la Liberté. »

    "Ma vie avec Liberace" était sans aucun doute le film idéal pour une ouverture de festival. Une sorte de mise en abyme qui, au-delà d'une histoire d'amour, et le portrait d'un artiste exubérant et extravagant, est aussi le reflet de ce qui se passe derrière le candelabre (le titre anglophone "Behind the Candelabra" est d'ailleurs à mon sens beaucoup plus parlant) . Derrière les paillettes. Derrière l'écran. Derrière le masque de "The Artist".

    Michael Douglas incarne en effet ici Liberace un pianiste virtuose qui se mettait en scène autant sur scène que dans la vie "quotidienne". Un jour de l'été 1977, le bel et jeune Scott Thorson ( Matt Damon) qui aspirait à devenir vétérinaire, pénétra dans sa loge et, malgré la différence d'âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une liaison secrète qui allait durer cinq ans. "Ma Vie avec Liberace" narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.

    Le film est une adaptation du livre de Scott Thorson, "Behind the Candelabra". C'est Richard LaGravenese qui a écrit le scénario. Si ce nom ne vous dit rien, sachez qu'il est notmment l'auteur du scénario de "Sur la route de Madison".

    Le film commence dans un bar. Scott est de dos, face à un miroir. Toute l'intelligence de la mise en scène de Soderbergh réside déjà dans ce premier plan, lui qui sera avant tout un reflet pour le narcissique (et non moins fascinant) Liberace destiné à l'accompagner un peu dans la lumière, mais surtout dans l'ombre.


    Le film, finalement intimiste, va se centrer sur cette relation ambivalente (Scott sera pour Liberace son -énième- "protégé", son amant, mais il a aussi émis le souhait de l'adopter), sur ces deux personnages, à ce que la caméra les étouffe parfois comme cette relation exclusive. Il y a d'ailleurs très peu de scènes en extérieur, si ce n'est dans ou autour de la piscine située dans la propriété de Liberace. Nous voilà dans l'envers du décor qui en est lui-même un d'une scintillante excentricité et que n'aurait oser imaginer le plus fou des décoracteurs hollywoodiens.


    La réalisation de Soderbergh est fluide et éblouissante sans non plus chercher à nous en mettre plein la vue, ce qui aurait d'ailleurs été superflu et redondant puisqu'il met déjà en scène un homme qui se mettait lui-même en scène.

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    Michel Douglas (au regard tristement absent lors de la conférence de presse) incarne magistralement ce personnage atypique, narcissique, cruel (il se déclare ainsi "libre" suite au décès de sa mère), constamment en représentation, mais surtout enfermé dans son image, sa course contre le temps, contre la vérité aussi, jusqu'à faire perdre à Scott son visage, son identité pour satisfaire ceux qu'il s'était forgés. Il n'en est que plus bouleversant au dénouement, le visage et les émotions à nu. Sans masque. Sans paillettes. Sans miroir. Cette fin est d'autant plus bouleversante quand on sait l'épreuve que vient de traverser Michael Douglas mais aussi que Steven Soderbergh a déclaré que ce serait son dernier film. On se demande qui mieux que Michael Douglas aurait pu incarner ce rôle tant il est parfait, n'en faisant jamais trop (ce qui aurait été forcément une faute de goût, le personnage étant déjà lui-même dans l'excès), drôle, cruel, et parfois touchant, quand le masque tombe.

    Face à lui Matt Damon, pour sa septième collaboration avec Steven Soderberghn, après The Informant !, Contagion, Che, Ocean's Eleven, Ocean's Twelve, Ocean's Thirteen ! a ici un rôle qui, je l'espère, finira par faire taire ceux qui doutaient de son talent. Si son personnage est dans l'ombre, c'est en revanche lui qui, grâce à sa justesse, permet à Michael Douglas, de nous éblouir ainsi. Signalons aussi Rob Lowe est irrésistible dans le rôle du chirurgien esthétique

    Jugé "trop gay", le film n'a pas trouvé de distributeur aux Etats-Unis, et a donc été diffusé fin mai sur la chaîne HBO qui l'a produit, réalisant une audience record pour une production de la chaîne, avec 2,4 millions de téléspectateurs. "Je voulais faire un film qui (...) montre les progrès de l'espèce humaine, de notre pays, du monde entier, par rapport à cette question. Dans certains endroits, les unions entre personnes du même sexe sont aujourd'hui reconnues et admises. Etre gay n'est plus autant stigmatisé", a déclaré le producteur Jerry Weintraub. "Ma vie avec Liberace" n'est pas non plus un film militant mais avant tout une histoire d'amour, de masques qui tombent, de ce que dissimule le candelabre et ce visage qui cherchent à défier, masquer la vérité et le temps. En vain.


    Eblouissant et mélancolique, cette vie "derrnière le Candelabre" s'achève par un final rêvé par Scott, aussi déchirant de beauté et de tristesse que "La quête" de Brel qui l'accompagne. Poignant et étincelant. The show must go on. Celui du festival aussi.


    Je vous laisse pour d'autres découvertes cinématographiques, pour peut-être découvrir d'autres verités derrière la lumière éblouissante du soleil deauvillais et du "candelabre" festivalier avant de vous parler des évènements de ces derniers jours.

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  • L'étincelante et éblouissante ouverture du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2013

    Promis, ce soir, je vous dirai tout de cette étincelante et éblouissante ouverture du 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville (et aussi pourquoi elle le fut!), ainsi que du film d'ouverture "Ma vie avec Liberace", ce qui nécessite plus que les quelques minutes qu'il me reste avant de partir pour la conférence de presse de Michael Douglas et Steven Soderbergh que je vous narrerai également ce soir.

     Pour vous faire patienter, voici quelques images de cette enthousiasmante première journée de festival et de l'ouverture qui a eu lieu hier soir dans un CID bondé. A ce soir...

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  • Critique de GRAND CENTRAL de Rebecca Zlotowski

    Ce mercredi, ne manquez pas la sortie de "Grand Central" de Rebecca Zlotowski que j'ai découvert dans le cadre de la section Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes.

    Retrouvez ma critique, ci-dessous.

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     "Grand Central" sera projeté dans le cadre du Champs-Elysées Film Festival dont vous pouvez retrouver le programme, ici.

    Dans ce nouveau film de Rebecca Zlotowski, Tahar Rahim incarne Gary, un jeune homme agile, frondeur, qui apprend vite, embauché dans une centrale nucléaire, au plus près des réacteurs, où les doses radioactives sont les plus fortes et dangereuses. Là, où le danger est constant. Il va y trouver ce qu’il cherchait, de l’argent, une équipe à défaut d’une famille (on ne verra de sa vraie famille qu’une sœur dont le conjoint le rejette visiblement, et une grand-mère dont la porte restera impitoyablement fermée) même si elle le devient presque, mais aussi Karole ( Léa Seydoux), la femme de son collègue Toni (Denis Menochet). Tandis que les radiations le contaminent progressivement, une autre forme de chimie (ou d’alchimie), l’irradie, puisqu’il tombe amoureux de Karole. Chaque jour, la menace, de la mort et de la découverte de cette liaison, planent.

    La première bonne idée du film est de nous faire découvrir cet univers dans lequel des hommes côtoient le danger et la mort chaque jour, dans des conditions terrifiantes que Rebecca Zlotowski parvient parfaitement à transcrire notamment par un habile travail sur le son, des bruits métalliques, assourdissants qui nous font presque ressentir les vibrations du danger. A l’image d’un cœur qui battrait trop fort comme celui  de Gary pour Karole.  J’ignore ce qui est réel dans sa retranscription des conditions de vie des employés de la centrale nucléaire tant elles paraissent iniques et inhumaines mais j’imagine qu’elles sont tristement réelles puisque  Claude Dubout, un ouvrier qui avait écrit un récit autobiographique, « Je suis décontamineur dans le nucléaire », a été le conseiller technique du  film. Le film a par ailleurs été tourné dans une centrale nucléaire jamais utilisée, en Autriche, ce qui renforce l’impression de réalisme.

    Ne vous y trompez pas, « Grand Central » n’est néanmoins pas un documentaire sur les centrales nucléaires. C’est aussi et avant tout une histoire d’amour, de désirs dont la force est renforcée par la proximité d’un double danger. C’est un film sensuel, presque animal qui pratique une économie de dialogues et qui repose sur de beaux parallèles et contrastes. Parallèle entre l’amour de Gary pour Karole  qui se laisse irradier par elle et pour rester auprès d’elle. Parallèle entre le sentiment amoureux, presque violent, impérieux, qui envahit lentement et irrémédiablement celui qui l’éprouve comme la centrale qui contamine. Parallèle entre les effets du désir amoureux et les effets de la centrale : cette dose qui provoque « la peur, l’inquiétude », les jambes « qui tremblent », la « vue brouillée » comme le souligne Karole. Parallèle entre ces deux dangers que Gary défie, finalement malgré lui. Contraste entre cette centrale clinique, carcérale, bruyante et la nature dans laquelle s’aiment Gary et Karole et que Rebecca Zlotowski filme comme une sorte d’Eden, ou comme dans « Une partie de campagne » de Renoir, même si elle n’élude rien des difficiles conditions de vie des ces ouvriers/héros qui habitent dans des mobile-homes près des centrales, telle une Ken Loach française.

    Rebecca Zlotowski dresse le portrait de beaux personnages incarnés par d’excellents comédiens ici tout en force et sensualité au premier rang desquels Tahar Rahim, encore une fois d’une justesse irréprochable, Denis Menochet, bourru, clairvoyant et attendrissant, un beau personnage qui échappe au manichéisme auquel sa position dans le film aurait pu le réduire, ou encore Olivier Gourmet ou Johan Libéreau (trop rare).

    Encore un film dont je vous reparlerai qui à la fois nous emporte par la beauté de ses personnages, leur rudesse tendre, la radieuse force des sentiments (amitié, amour) qui les unit … et qui nous glace d’effroi en nous montrant les conditions de travail de ceux qui risquent chaque jour leur vie dans l’une de ces 19 centrales françaises.

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  • Critique de J'AIME REGARDER LES FILLES de Frédéric Louf avec Pierre Niney, Audrey Bastien, Lou de Laâge ..., à 20H45, sur Ciné plus Emotion

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    L’été est désormais l’occasion pour les majors de sortir certaines de leurs grosses productions …mais c’est aussi et  heureusement l’occasion pour des films aux budgets et à la promotion moins conséquents d’émerger. Ce fut le cas pour « Le premier jour du reste de ta vie » de Rémi Bezançon en 2008 et j’aurais vraiment aimé que ce fut le cas l'été 2011 pour « J’aime regarder les filles », premier long-métrage de Frédéric Louf, un film que j’avais découvert dans le cadre du  Festival du Film de Cabourg où il était présenté, dans la section Panorama. Mon coup de cœur du festival. Un coup de foudre même. Une belle évidence. Pas de budget ni de promotion pharaoniques mais un film écrit et réalisé avec sincérité, et brillamment interprété.  Et indéniablement le film le plus romantique de ce festival : celui qui évoquait le mieux les tourments de l’âme et du cœur, et qui fait preuve  de sensibilité (agréablement) exacerbée. Et vous faire découvrir et partager mon enthousiasme pour des films comme celui-ci est sans doute la plus belle raison d’être de ce blog.

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    L’action du film  débute la veille du 10 mai 1981, en plein bouillonnement électoral. C’est ce jour-là que Primo (Pierre Niney) et Gabrielle (Lou de Laâge) se rencontrent, suite à la belle audace et inconscience de Primo qui s’immisce dans une fête à laquelle il n’était pas invité. Ils ont 18 ans. L’âge de tous les possibles. Tous les excès. Toutes les audaces. Primo va bientôt passer le bac. Gabrielle fait partie de la bourgeoisie parisienne. Lui est fils de petits commerçants de province. Primo est ébloui par le charme de Gabrielle. Il va s’inventer une vie qui n’est pas la sienne… Et puis, dans l’ombre, il y a Delphine, amie de Gabrielle (Audrey Bastien)…

    Frédéric Louf arrive à transcrire la fébrilité et la fougue de la jeunesse, cet âge où tout est possible, à la fois infiniment grave et profondément léger, où tout peut basculer d’un instant à l’autre dans un bonheur ou un malheur pareillement excessifs, où les sentiments peuvent éclore, évoluer ou mourir d’un instant à l’autre, où tout est brûlant et incandescent. De son film et de ses interprètes se dégagent toute la candeur, la fraîcheur mais aussi parfois la violence et l’intransigeance de cet âge décisif.

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    La littérature cristallise magnifiquement les sentiments avec notamment les références à une des œuvres les plus marquantes du romantisme « On ne badine pas avec l’amour » de Musset, judicieux parallèle pour cette histoire qui , dans une certaine mesure, peut rappeler celle de Camille et Perdican, mais aussi pour la présence de la violence sociale, présente dans l’œuvre de Musset et ici également en arrière-plan avec l’éveil de Primo à la politique grâce au personnage de Malik (là encore un choix judicieux : Ali Marhyar). C’est donc l’histoire (avant tout) d’une « éducation sentimentale » mais aussi d’une éducation politique, l’un et l’autre symbolisant un bel et fol espoir. Celui du 10 mai 1981. Et celui de cet amour naissant.

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    Au sommet de la distribution, Pierre Niney (que vous avez pu notamment voir dans « les Emotifs anonymes » de Jean-Pierre Améris et « L’autre monde » de Gilles Marchand, plus jeune pensionnaire de la comédie française mais pas seulement, cf interview ci-dessous) qui incarne Pierre, personnage éminemment romantique capable notamment de se jeter par la fenêtre, d’une touchante maladresse et d’une maladroite élégance, à la fois léger et grave, immature et obstiné, autodestructeur et volontaire, audacieux et inconscient…mais aussi Audrey Bastien (que vous avez déjà pu voir dans « Simon Werner a disparu ») qui incarne une Delphine à la fois forte et fragile, mystérieuse et déterminée.

     A eux deux, ils incarnent toutes les nuances, les excès, les passions, la vulnérabilité et la force de la jeunesse avec un naturel confondant et avec ce petit quelque chose en plus, si rare et précieux, qui se nomme la grâce. N’oublions pas non plus Lou de Lâage,  dont le personnage, à l’image de ceux précités, évite intelligemment l’écueil du manichéisme.  Michel Vuillermoz, Johan Libéreau, Ali Maryhar notamment complètent cette épatante distribution !

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    Le caractère de Primo (inconscient, follement romantique, maladroit, déterminé) rappelle Antoine Doinel et en particulier le Doinel de « Baisers volés ». La vitalité qui se dégage du film, les références à la littérature, cette apparente légèreté doublée d’une réelle profondeur procurent à ce film un bel air truffaldien.

    Le tout est  servi par des dialogues particulièrement bien écrits. Agnès Jaoui qui a écrit ce qui est à mon sens un des films avec les meilleurs dialogues qui soient (« Le goût des autres », chef d’œuvre du genre à voir absolument si ce n’est déjà fait) ne s’y est pas trompé: elle est la marraine du film.  Le film a par ailleurs reçu le label « Cinéaste de demain » décerné par Canal +, UGC et un collectif de cinéastes.

    Un film simple, touchant, drôle (je ne l’ai pas assez dit, mais oui, vraiment aussi drôle) qui a la grâce des 18 ans de ses personnages, à la fois fragiles et résolus, audacieux, d’une émouvante maladresse, insouciants et tourmentés et qui incarnent à merveille les héros romantiques intemporels même si le film est volontairement très ancré dans les années 80 à l’image du tube de Patrick Coutin « J’aime regarder les filles » qui a donné son titre au film.

    Un film au romantisme assumé, imprégné de littérature, avec un arrière-plan politique, avec un air truffaldien, voilà qui avait tout pour me plaire, sans oublier ce petit plus indicible, le charme peut-être, la sincérité sans doute, et le talent évidemment, ingrédients d’un coup de foudre cinématographique comme celui-ci.

    Je crois que vous l’aurez compris : c’est LE film de cet été à ne pas manquer… Et quand ses jeunes interprètes seront nommés comme meilleurs jeunes espoirs aux prochains César et/ou le film comme meilleur premier film (je ne vois pas comment il pourrait en être autrement) vous ne pourrez pas dire que je ne vous avais pas prévenus!

    Et juste pour le plaisir de la beauté et clairvoyance redoutables des mots de Musset :

    « Adieu Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu'on te fera de ces récits hideux qui t'on empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de ces deux êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelques fois : mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. » On ne badine pas avec l'amour (acte 2 scène V)- Alfred de Musset (1810-1857)

    INTERVIEWS DE PIERRE NINEY ET FREDERIC LOUF

     

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    Ci-dessus: Audrey Bastien, Pierre Niney et Frédéric Louf lors de la présentation du film en avant-première, au Festival du Film de Cabourg.

     Pour achever de vous convaincre, je vous propose ci-dessous de retrouver mes interviews du réalisateur Frédéric Louf et de l’acteur principal Pierre Niney. Je les remercie encore une fois  d’avoir pris le temps de me donner ces réponses précises et enthousiastes, qui, je pense, devront vous donner une idée du ton du film, à leur image…

    martineden.jpgUne petite parenthèse à propos de la référence à « Martin Eden » de Jack London (que vous pourrez lire dans l’interview de Pierre Niney), un chef d’œuvre parfois méconnu, un des trois romans que je relis le plus souvent et que je vous conseille vraiment de découvrir . Dès l’instant où mes yeux se sont posés sur ce roman, le ténébreux « Martin Eden », je n’ai pu les en détacher, le dévorant littéralement jusqu’à la dernière ligne. Pour ne pas en gâcher le plaisir de la découverte, je ne vous en résumerai pas l’histoire. C’est à la fois une brillante histoire romanesque et une peinture de la société, de son hypocrisie, de la superficialité de la réussite, des bas-fonds de San Francisco aux salons de la bourgeoisie. C’est l’itinéraire d’un être passionné et idéaliste qui sombrera dans le désappointement. C’est un roman d’un romantisme désenchanté empreint de passion puis de désillusions. C’est aussi et avant tout un roman sur la fièvre créatrice et amoureuse qui emprisonnent, aveuglent et libèrent à la fois. Le roman le plus autobiographique de Jack London publié en 1909 et réédité aux Editions Phébus (collection Libretto). Je vous le recommande vivement.

     

     

    INTERVIEW DE PIERRE NINEY (Primo dans le film)

    niney3.jpgBiographie (source : Wikipédia et Allociné et interview/photo ci-contre: extraite du film "J'aime regarder les filles") Pierre Niney a débuté le théâtre à l'âge de onze ans en suivant  une formation avec la Compagnie Pandora et travaille sur des mises en scène avec Brigitte Jaques-Wajeman et François Regnault. Admis aux auditions de la Classe Libre des Cours Florent où il y étudie pendant deux ans, puis au Conservatoire National d'Art Dramatique (CNSAD). Il est engagé dans la troupe de la Comédie-Française en octobre 2010.

    Au théâtre : il joue sous la direction de Julie Brochen à la Cartoucherie de Vincennes, Vladimir Pankov au Théâtre Meyerhold à Moscou, et Emmanuel Demarcy-Mota. Après avoir travaillé pour des téléfilms et courts-métrages diffusés à la télévision (Nicolas Klotz...) il décroche plusieurs rôles au cinéma, il joue dans le long-métrage "LOL" de Lisa Azuelos et il tourne entre autres, dans l’excellent film de Robert Guédiguian intitulé "L'Armée du Crime", sélectionné au Festival de Cannes 2009 mais également dans « L’Autre monde » de Gilles Marchand (ma critique, ici) (sélectionné au Festival de Cannes 2010) puis dans "Les Émotifs anonymes" (ma critique, ici) avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré. Ces trois derniers films témoignent du caractère judicieux de ses choix.

    Pierre Niney rejoint la troupe de la Comédie-Française le 16 octobre 2010 en devenant le plus jeune pensionnaire actuel du lieu. Il créé actuellement un festival de court-métrage à Vanves pour 2012/2013 (je vous en reparlerai). Il jouera, début juin 2012, au théâtre de Vanves, une pièce qu’il a écrite et mise en scène « Si près de Ceuta ». Vous le retrouverez dans « Les neiges du Kilimandjaro » de Robert Guédiguian qui sort en salles le 16 novembre prochain. Et cet été, il tournera un long-métrage intitulé "Comme Des Frères" réalisé par Hugo Gélin avec également Nicolas Duvauchelle, Francois-Xavier Demaison et Mélanie Thierry dans la distribution.

     1. Inthemoodforcinema.com : « J’aime regarder les filles » a été présenté en avant-première au Festival du Film de Cabourg, dédié au cinéma romantique. Pour moi, c’était  le film de cette sélection correspondant le plus à la définition de cinéma romantique (synonyme d’une grande sensibilité et des tourments de l’âme et du cœur). En quoi votre personnage, pour vous, l’est-il ? Cette caractéristique de votre personnage a-t-elle beaucoup orientée votre manière de l’interpréter ?

     Pierre Niney: Primo est un grand romantique. Mais pas dans sa forme la plus classique. C'est ce qui m'a beaucoup séduit dans le scénario de Fréderic Louf. Il aime de tout son cœur et il est capable de beaucoup quand il est dans cet état. Une porte fermée ne l'arrêtera pas tant qu'il pourra escalader la face de l'immeuble, peu importe l'étage.

    Il est aussi profondément sensible à la littérature et capable de retenir des vers entier d'Alfred de Musset qui parlent d'amour, cependant c'est aussi un personnage capable d'une vraie violence dans ses rapports aux autres, et d'un réel égoïsme, qu'il parvient a combattre au fur et a mesure du film et des différentes rencontres qu'il fait. Evidemment tout cela a influencé ma manière de jouer Primo car ces aspects du personnage le définissent en grande partie.

    2. Inthemoodforcinema.com: Même si votre jeu est très différent de celui de Jean-Pierre Léaud, j’ai beaucoup songé au cinéma de Truffaut de par le caractère de votre personnage, la présence de la littérature, la vitalité qui se dégage du film. Est-ce une référence pour vous en général et en était-ce une à la lecture du scénario ?

    Pierre Niney: Le lien entre l'univers de Truffaut et le film de Fréderic Louf me plait bien (évidemment!) et me parait justifié à certains niveaux.  Le ton de "J'aime Regarder Les Filles" ainsi que le personnage de Primo peut,  je pense, faire penser aux aventures du très "vivant" Antoine Doinel.

    L'image d'un Jean Pierre Léaud fougueux et maladroit m'a traversé l'esprit plus d'une fois à la lecture du scénario. Primo, le personnage que j'incarne dans le film, partage certains traits de caractère avec lui. Une certaine naïveté mêlée à une réelle détermination capable de surprendre le public mais aussi le personnage lui même, voilà ce qui pour moi faisait un écho possible entre les deux univers et les deux "héros" que sont Primo et Antoine Doinel.

    Au delà de ça, une fois sur le plateau je me suis beaucoup éloigné de cette référence (et des autres) et je n'ai jamais eu en tête les films de Truffaut quand il s'agissait de jouer les scènes. Le plus évident sur le tournage et dans le travail avec Frederic, était de se lancer dans les scènes avec pour seul but de réagir au présent, en lien direct avec la situation et les différents caractères des personnages. Rester vif et toujours dans une optique d'extrême, d'absolu qui est propre à la jeunesse.

    3. Inthemoodforcinema.com:  Votre personnage est assez complexe, à la fois léger et grave, immature et obstiné, autodestructeur et volontaire. On a l’impression que votre jeu est très « fluide », évident. Quelles difficultés, s’il y en a eu, cela présentait-il ? Y a-t-il une manière de se préparer à un rôle comme celui-ci ?

    Pierre Niney: Primo ne m'est pas totalement inconnu. Son énergie, son goût pour " l'escalade d'immeubles en plein Paris", son obstination à obtenir quelque chose qui lui parait important, son indécision aussi parfois, sont autant d’aspects du personnage que je partage avec lui . Et ce fut la bonne surprise du scénario. Pour toutes les scènes qui faisaient appel à ces traits du personnage, je me suis donc rapidement amusé, dès les répétitions, à jouer avec, à les exagérer ou les cacher aux autres personnages.

    Lee Strasberg écrit une phrase que j'aime bien (au risque de me la péter un peu) :  "Il faut partir de soi...mais il faut partir." De cette même façon, mon travail s'est ensuite porté sur ce qui m'était plus étranger chez Primo (et ce qui est souvent captivant pour un acteur). J'ai posé des questions à Fréderic sur sa façon de voir la maladresse de Primo, je lui demandais "comment est ce qu'il pourrait marcher?", "Est ce qu'à table il est du genre à tripoter ses couverts ou sa serviette?" et nous avons avancé de cette manière, parfois à travers ce genre de détails qui nous plaisaient à tout les deux et capables de raconter le mal-être de Primo ou son réel romantisme...

    4. Inthemoodforcinema.com : J’ai été très impressionnée par la justesse de l’interprétation de toute la distribution, paradoxalement par la maturité nécessaire pour incarner des personnages parfois immatures mais qui reflètent aussi la fougue, la fébrilité, l’exaltation, les excès et les passions de la jeunesse. Au-delà du talent de chacun, la direction de Frédéric Louf n’y est sans doute pas étrangère. En quoi est-elle particulière ? Vous laissait-il improviser ? Ou tout était-il au contraire très écrit ?

    Pierre Niney: Fréderic a souhaité travailler de nombreuses scènes avec nous avant le début du tournage. Ce qui a permis de créer une réelle atmosphère de travail et de bienveillance entre Lou, Audrey, Ali, Victor et moi, avant même d'arriver le jour J sur le plateau du film.

    Cela a été une très bonne idée et nous avons pu explorer différentes pistes sur les scènes les plus riches du scénario et choisir ce qui plaisait le plus a Fred.

    Sur le plateau, au moment du tournage, Fred laisse une grande liberté de jeu car c'est un grand fan de comédie et un fin observateur d'acteurs en général. L'instant présent du jeu, de la situation et de l'échange entre les comédiens est très précieux pour lui. Il nous laissait donc parfois poursuivre la scène en impro, voir jusqu'ou nous pouvions amener la séquence : ainsi la scène de la bouteille à "1800 francs" est une prise où Ali et moi improvisons toute la fin de la scène : la dégustation du vin…etc.

    Fred a toujours une idée précise de ce qu'il veut raconter avec telle scène ou tel plan du film, il sait ce qu'il veut raconter mais il laisse l'instrument de l'acteur lui proposer des notes auxquelles il n'aurait pas forcément pensé, et c'est aussi là sa grande force. Il est réellement ouvert aux propositions tout en sachant où il veut aller.

    5. Inthemoodforcinema.com : La littérature est très présente, surtout Musset qui est une sorte de catalyseur ou d’élément cristallisateur notamment dans une scène entre Audrey Bastien et vous, pour moi une des plus belles du film. Frédéric Louf se référait-il à la littérature dans sa direction d’acteurs, en amont ou peut-être dans la façon de diriger votre jeu sur le tournage ? Et vous, cela a-t-il influé sur votre jeu d’une manière ou d’une autre? Aviez-vous des références littéraires en tête en incarnant votre personnage ?

    Pierre Niney: Le rapport de Fréderic à la littérature m'a beaucoup touché. Dès la lecture du scénario j'ai trouvé que c'était un point fort du film et de son personnage principal : Primo. Je suis un fan inconditionnel de Musset et de cette tirade, d'une lucidité et d'une beauté absolument parfaite, qui apparait dans le film : "Tout les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches..."

    Fred a évoqué le personnage de Martin Eden tiré du roman autobiographique de Jack London, a plusieurs reprises. Dans une première version du scénario je devais d'ailleurs offrir ce livre à la fin du film lorsque Primo reviens chez Delphine pour leur scène finale.

    Les personnages de "J'aime Regarder Les Filles" flirtent avec quelque chose d'éternel, d'intemporel grâce a cet aspect du scénario et, par exemple, à ce rapprochement avec un couple romantique comme celui de Camille et Perdican dans "On ne badine pas avec l'amour" de Alfred de Musset.

    6. Inthemoodforcinema.com : Le film débute la veille du 10 mai 1981 et est à la fois très ancré dans cette époque et, d’une certaine manière, intemporel. Est- ce que cet ancrage temporel changeait quelque chose pour vous, dans votre manière d’interpréter Primo ?

    Pierre Niney: A vrai dire, pas vraiment. Bien que "J'aime Regarder Les Filles" soit un film dont la trame de fond est politique et où certaines scènes ancrent très bien l'histoire dans l'ambiance et dans le renouveau politique que représente cette période, il s'agit d'un film entre jeunes gens, qui parle de leurs désirs (souvent contradictoires). En cela les enjeux sont accessibles pour un acteur sans prendre particulièrement en compte l'époque. Apres je me suis évidemment replongé dans Cindy Lauper, Jean Jacques Goldman, les vrais-faux meetings politiques de Coluche et les expressions des jeunes acteurs de La Boum pour me nourrir à fond de ces " vibes eighties! "

    7. Jean-Pierre Améris et Robert Guédiguian : vous avez notamment, tourné avec deux autres excellents directeurs d’acteurs (en plus d’être aussi de grands cinéastes). J’imagine que chacun d’entre eux vous a apporté quelque chose ? Que vous ont-ils appris, peut-être plus ou moins inconsciemment ? Et que vous a apporté cette expérience avec Frédéric Louf et en quoi changera-t-elle (peut-être) votre manière de jouer ou d’envisager les rôles à l’avenir ?

    Tourner avec Robert Guédiguian est toujours un réel plaisir et la sensation certaine de faire partie de quelque chose de "grand". Il y a sur son plateau l'idée d'une solidarité entre tout le monde, d'une famille presque, et souvent l'envie de défendre un scénario, une histoire entière et non pas une partition isolée.

    Dans "Les Emotifs Anonymes" avec Benoit Poelvoorde et Isabelle Carré, je pense avoir appris sur la façon de diriger un plateau de cinéma quand on est réalisateur. Jean-Pierre Améris est quelqu'un de relativement timide (d'où son film!) or il gérait son équipe avec une main de maître, et arrivait toujours à donner la dynamique qu'il voulait sur le plateau par le biais de l'humour ou autre…

    Je suis content d'avoir pu observer cela car j'aimerais vraiment passer à la réalisation dès que j'aurais un peu plus de temps pour m'occuper de mes projets sérieusement. Et je suis justement entrain de créer un Festival de court-métrage au Théâtre/Cinéma de Vanves pour 2012-2013, où je compte bien passer derrière la caméra, accompagné d'autres invités à moi : Guillaume Gouix, Grégoire Leprince Ringuet, Melvil Poupaud…(suite du "casting" a venir)…

    Sans changer foncièrement ma façon d'aborder un rôle et ma méthode de travail je peux dire que le tournage de "J'aime regarder les filles" m'a définitivement décidé à faire ce métier toute ma vie. Avec Fréderic je me suis senti dans une relation de confiance totale et donc dans le seul souci de raconter au mieux l'histoire de Primo. J'ai aussi réaliser qu' un rôle principal est un réel luxe pour un acteur : travailler son personnage dans le détail, gagner la confiance d'une équipe de tournage, d'un réalisateur…et c'est pourquoi je respecte encore plus qu'avant les performances des seconds rôles dans les films, qui est un défi toujours très délicat et superbe à voir quand il est réussi.

    8. Inthemoodforcinema.com :   Les émotifs anonymes, L’autre monde, L’armée du crime, nos 18 ans, LOL etc . Vous avez déjà tourné dans des films aux styles très divers et avez incarné des personnages très différents. Y a-t-il un type de rôle que vous reverriez d’incarner ou un cinéaste (ou plusieurs) avec qui vous rêveriez de tourner ?

    Pierre Niney: J'aime bien faire le caméléon et participer a un maximum de projets artistiques, tant qu'ils me plaisent et cela peut être pour des raisons très diverses.

    Pas de type de rôle particulier, mais des réalisateurs, oulaaa!…Beaucoup : Audiard, Inarritu (21 grammes est un pur chef d'oeuvre), Terry Gilliam, Michel Gondry (dans sa période "Eternal Sunshine"), et j'ai très envie de me frotter un jour a un gros projet type blockbuster américain! Voir l'ampleur de la machine et la place d'un acteur la dedans, ca doit être assez intéressant.

    9. Inthemoodforcinema.com : J’ai lu que vous aviez  écrit et mis en scène la pièce « Si près de Ceuta » que vous jouerez au Théâtre de Vanves en 2012. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet ?

    Pierre Niney: "Si près De Ceuta" est une pièce que j'ai écrite il y a 3 ans et que je continue d'écrire, d'agrémenter et que je veux encore construire quand je vais travailler avec les acteurs sur le plateau. Je la jouerai en effet début juin 2012 au Théâtre de Vanves. La pièce raconte la nuit de deux soldats qui surveillent une frontière et son mur de barbelés. Et de deux hommes qui vont tenter à tout prix de passer cette frontière.

     10. Inthemoodforcinema.com : Vous avez déjà eu pas mal de rôles au cinéma  et encore plus au théâtre. Vous êtes ainsi pensionnaire de la Comédie Française. Pourriez-vous envisager d’abandonner le théâtre pour vous consacrer uniquement au cinéma, ou inversement, ou les deux vous sont-ils aussi nécessaires ?

    Pierre Niney: Pour moi, le théâtre et le cinéma sont totalement complémentaires. Le rapport au travail, les valeurs et la technique demandée au théâtre sont des bonnes choses à apporter sur un plateau de cinéma je pense. Il faudrait, comme en Angleterre, que ces deux mondes soient moins hermétiques. Ian McKellen joue un jour du Beckett dans un petit théâtre et le lendemain Gandalf dans « Le seigneur des anneaux »…ça me parait être une bonne philosophie.

    11.Inthemoodforcinema.com :  Quels sont vos projets cinématographiques ?

    Pierre Niney: Je tourne cet été un long-métrage qui s'appelle "Comme Des Frères" réalisé par Hugo Gélin.  C'est un projet très excitant. Nicolas Duvauchelle, Francois-Xavier Demaison et moi jouons trois amis qui se lancent dans un road trip après le décès de leur meilleure amie commune (Mélanie Thierry). Le film raconte l'histoire de ses trois potes et la raison de cette amitié improbable entre un étudiant de 20 ans, un scénariste télé de 30, et un businessman de 40.

    Et la sortie du prochain film de Robert Guédiguian "Les Neiges Du Kilimandjaro" le 16 novembre prochain. dans lequel il m'a confié une très jolie séquence avec Ariane Ascaride.

    12. Inthemoodforcinema.com :  Le film sort en salles le 20 juillet, une période difficile pour les sorties mais à mon avis propice pour ce genre de film (je songe au succès inattendu du  « Premier jour du reste de ta vie » de Rémi Bezançon à la même période), que diriez-vous pour donner aux spectateurs envie d’aller voir le film ?

    Pierre Niney: Que c'est un film très original car il a à la fois la poésie d'un film d'auteur, le rythme d'un vrai divertissement, l'humour d'une bonne comédie qui séduit aussi par le détail, de vrais dialogues bien écrits (Agnès Jaoui, experte en la matière, qui est marraine du film ne s'y est donc pas trompée!) et l'occasion de voir de jeunes et nouveaux acteurs du cinéma français, le tout en écoutant cette chanson de fou "J'aime regarder les filles" tube des années 80' ! (ca va , c'est suffisant…?)

    13. Inthemoodforcinema.com : Comme « J’aime regarder les filles » était projeté dans le cadre du Festival du Film de Cabourg, je ne peux pas m’empêcher de vous demander quels sont vos films de prédilection en matière de cinéma romantique ?

    Pierre Niney: "Sailor et Lula" de David Lynch et "Eternal Sunshine of a Spotless Mind", qui pour moi est profondément romantique.

    INTERVIEW DE FREDERIC LOUF (réalisateur de « J’aime regarder les filles »)

     Biographie: (Source: programme du Festival du Film de Cabourg 2011) Frédéric Louf a été chroniqueur cinéma au Matin de Paris en 1986, après des études de droit et de commerce. En 1992, il commence à écrire pour la télévision. En 2000, il réalise son premier court-métrage « Les petits oiseaux » présenté en 2001 dans de nombreux festivals y compris le Festival de Cannes. En 2003, Didier Brunner lui confie l’écriture puis la réalisation des 26 épisodes de « GIFT », une série d’animation 3D pour France 2.  « J’aime regarder les filles » est son premier long-métrage dont il a commencé l’écriture en 2006 et qu’il a réalisé durant l’été 2010.

    1. Inthemoodforcinema.com : Votre premier long-métrage « J’aime regarder les filles » était présenté en avant-première au Festival du Film de Cabourg, un festival dédié au cinéma romantique. Selon moi, c’était le film de cette sélection correspondant le plus à la définition de film romantique (synonyme souvent d’une grande sensibilité et mettant en scène les tourments de l’âme et du cœur). Etait-ce un parti pris délibéré dès le début d’écrire un film romantique ? Et si oui, dans quelle mesure vouliez-vous que ce film soit romantique ?

     Frédéric Louf: Je voulais parler dʼimmaturité. Lʼimmaturité est romantique en ce qu’elle pousse à idéaliser, à radicaliser, et à exagérer les sentiments… Lʼamour inconditionnel que Primo porte à Gabrielle est donc fondamentalement romantique et immature. Je ne pouvais donc éviter de faire un film romantique comme je ne pouvais éviter de citer Musset!

    2. Inthemoodforcinema.com : Aucun des personnages n’est manichéen. Delphine est à la fois forte et fragile, Primo grave et léger etc. Comment avez-vous dirigé les acteurs pour parvenir à cette complexité particulièrement crédible ?

    Frédéric Louf: Je ne les ai pas dirigés: je les ai choisis. Sans rire. Lʼexemple le plus clair est Victor Bessière qui joue Paul. Il a la stature de Paul, il en a lʼélégance et la carrure, mais dans la vie il nʼa rien à voir avec un fils à papa: La composition quʼil donne est donc un mélange volontairement bancal entre son physique aristocratique que nous avons évidemment appuyé, et ce quʼil est fondamentalement. Et je crois que cʼest grâce à cela quʼil parvient à être touchant et intéressant malgré la partition un peu rude quʼil a à jouer.

    3. Inthemoodforcinema.com :  L’action du film débute la veille du 10 mai 1981. Le film est à la fois très ancré dans cette époque et, d’une certaine manière, intemporel. Cette époque s’est-elle imposée dès le début et pourquoi ? Avez-vous songé à placer l’intrigue en 2011 ?

    Frédéric Louf : Oui lʼépoque était importante pour moi car elle étaye la conscience politique naissante de Primo: il me fallait pour cela un événement fort et lʼélection de François Mitterrand est évidemment lʼévénement politique français le plus fort de ces 50 dernières années. Choisir 2011 nʼaurait pas eu le même sens et jʼaurais dû faire un film tout à fait différent, notamment en ce qui concerne lʼapproche sensuelle. Je crois en effet quʼon ne se pense pas sexuellement de la même façon en 2011 quʼen 1981, tout simplement parce quʼon nʼa pas les mêmes images en tête. En 2011, mon Primo nʼaurait pas pu être celui dont je rêvais. Ou alors il nʼaurait pas été aussi vrai…

    4. Inthemoodforcinema.com : La littérature est aussi très présente, notamment Musset qui joue un rôle essentiel ? Etait-ce uniquement un procédé scénaristique parce que nous pouvons voir un lien entre l’histoire de votre film et « On ne badine pas avec l’amour » ou cette oeuvre avait-elle une réelle importance, peut-être plus personnelle, pour vous ? L’idée de la littérature, très présente, et qui joue un rôle essentiel et même un rôle de cristallisation, dans une des plus belles scènes du film, entre Delphine et Primo, s’est-elle imposée dès le début de l’écriture ?

     Frédéric Louf: Le texte de Musset est tellement génial que, quand on lʼa lu une fois, on ne peut lʼoublier. Ça a été mon cas, et oui il a une réelle importance sentimentale pour moi. La scène en elle même mʼa causé du souci car je la trouvais «too much» et elle a fait pas mal dʼallers retours avant que je ne lʼassume complètement. Mais je ne pouvais continuer à montrer lʼimportance que Primo attache aux livres (qui sont son principal facteur dʼémancipation), sans faire jouer un vrai rôle dynamique à un de ces livres!

    5. Inthemoodforcinema.com : Comme dans l’œuvre de Musset, la violence sociale est présente dans votre film, mais seulement en arrière-plan, avez-vous songé à en faire un film politique ? Ou aimeriez-vous écrire un film politique ? Peut-être votre prochain projet, s’il est déjà en cours ? Avez-vous commencé l’écriture de votre prochain projet ? Pouvez-vous nous en parler ?

    Frédéric Louf : Jʼadorerais faire un film politique à la Elio Petri, mais je ne pouvais risquer de mettre toutes mes envies dans le même projet… Simplement je ne peux me résoudre à écrire des sujets univoques: il me faut de la complexité, des pistes, et des digressions. Je crois que ça permet aux films en général de continuer leur route dans la tête des gens; dʼavoir des «demi vies» plus longues!

    6. Inthemoodforcinema.com : Notamment en raison de la présence de la littérature mais aussi du caractère du personnage de Primo et de la vitalité qui se dégage de votre film, il m’a parfois fait penser au cinéma de Truffaut, est-ce une de vos références ?

    Frédéric Louf: Il y a une élégance dans le cinéma de Truffaut que jʼenvie beaucoup. Une façon de ne pas acheter le spectateur avec de la verroterie, mais de lui donner lʼimpression quʼil a tout compris par lui même. Cʼest un ciména généreux et respectueux…

    7. Inthemoodforcinema.com : Aviez-vous d'ailleurs des références littéraires (outre Musset) et/ou cinématographiques en tête en mettant le film en scène. Et pour votre direction d'acteurs, leur avez-vous donné des références littéraires ou cinématographiques particulières?

    Frédéric Louf : Aux comédiens, jʼai surtout expliqué le contexte politique du film qui nʼétait pas évident pour des gens aussi jeunes. Bien sûr jʼai suggéré certains films à voir, notamment à Lou et à Audrey… Mais des références précises, cʼest compliqué à dire: la culture, cʼest du sédiment, de la vase: ce qui y pousse provient dʼun tout… Et puis citer des gens, cʼest prendre le risque dʼavoir à supporter la comparaison!

    8. Inthemoodforcinema.com : J’ai été réellement impressionnée par la qualité de la jeune distribution, que ce soit par Pierre Niney, Audrey Bastien, Lou de Laâge, Ali Marhyar, Victor Bessière. Il me semble qu’il faut beaucoup de maturité pour exprimer ainsi la fougue, la fébrilité, l'exaltation, les excès et les passions de la jeunesse mais aussi paradoxalement l’immaturité de ces personnages. Comment avez-vous procédé pour les choisir ? Par casting ? Ou les avezvous choisis à partir de leurs précédents rôles ?

     Frééric Louf : A part Pierre, aucun dʼentre eux nʼavait joué au cinéma quand je les ai rencontrés. Et Pierre nʼavait eu que de petits rôles. Découvrir des gens talentueux fait partie du plaisir et pour moi cʼétait inhérent au projet; cʼest comme ouvrir un livre sans rien en savoir à lʼavance. Peu importe comment la rencontre se fait, il faut savoir regarder…

    9. Inthemoodforcinema.com : Le titre fait référence au tube de l’année 1981 de Patrick Coutin « J’aime regarder les filles ». Pourquoi ce choix ?

     Frédéric Louf :  «Pour faire parler les bavards» aurait dit ma grand mère. Et surtout parce que pour moi cʼest la chanson hyper romantique dʼun type qui attend la femme de sa vie en hurlant de désespoir sur la plage!

    10. Inthemoodforcinema.com :  Le scénario est très construit mais en même temps se dégage du film une certaine liberté, une fraîcheur, une certaine naïveté mais dans le bon sens du terme. Tout était-il très écrit ou avez-vous laissé une part à l’improvisation ?

    Frédéric Louf : Les deux. Tout était très écrit, mais quand on a affaire à des comédiens comme Pierre Niney et Ali Marhyar, il faut être gravement psychorigide pour ne pas les laisser sʼexprimer!

    11.  Inthemoodforcinema.com : C’est votre premier long-métrage. Comment s’est passée la production ? Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

    Frédéric Louf : Hélas les difficultés que jʼai rencontrées ne sont pas particulières! Mais jʼai peut-être poussé le bouchon un peu loin en ayant la prétention de faire un film sans stars alors que je suis moi même inconnu. Il y a des gens pour qui on sent bien que découvrir de nouveaux talents nʼest pas une priorité!

    12. Inthemoodforcinema.com :  Le film a reçu un excellent accueil au Festival de Cabourg. Sera-t-il projeté dans d’autres festivals prochainement ?

    Frédéric Louf: Je ne suis pas dans la confidence.

    13. Inthemoodforcinema.com :  Le film sort en salles le 20 juillet, une période difficile pour les sorties mais à mon avis propice pour ce genre de film (je songe au succès inattendu du « Premier jour du reste de ta vie » de Rémi Bezançon à la même période), que diriez-vous pour donner envie aux spectateurs d’aller voir le film ?

     Frédéric Louf: Quʼils vont y voir des comédiens inconnus et fabuleux et quʼils en auront pour leur argent parce que lʼhistoire leur trottera encore dans la tête le lendemain! (on ne pense pas assez à lʼamortissement de son ticket, au cinéma!).

    14. Inthemoodforcinema.com :  Comme « J’aime regarder les filles » était projeté dans le cadre du Festival du Film de Cabourg, je ne peux pas m’empêcher de vous demander quels sont vos films de prédilection en matière de cinéma romantique ?

     Frédéric Louf : «The Ghost and Mrs Muir», de J. L. Mankievicz, est un chef d’œuvre du genre.