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IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 208

  • Critique - LES LYONNAIS d'Olivier Marchal, ce soir, sur Ciné plus premier, à 20H45, le 30.10.2013

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    Avec ce quatrième long-métrage après « Gangsters », « 36 Quai des Orfèvres » et « MR 73 », Olivier Marchal continue d’ausculter le milieu qu’il connaît le mieux, celui des « flics et voyous ». Si le cinéma policier a donné la majorité de ses plus grands films dans les années 1970, (« Le Cercle rouge » de Jean-Pierre Melville, « Max et les ferrailleurs » de Claude Sautet, « Police Python 357 » d’Alain Corneau…), c’est aussi la décennie symbolique des gangs comme celui des Lyonnais dont Olivier Marchal retrace le parcours, suite à la lecture d’ « Une poignée de cerises », l’autobiographie d’Edmond Vidal, un des fondateurs du « Gang des Lyonnais » et suite à sa rencontre avec ce dernier, même s’il s’en est inspiré de manière très libre puisque le livre s’arrête en 1977 alors que le film se poursuit de nos jours. En pleine affaire Neyret (le commissaire qui a même inspiré un des personnages du film), le film d’Olivier Marchal est rattrapé par l’actualité…

    Edmond Vidal, dit Momon,  fondateur du Gang des Lyonnais, c’est ici Gérard Lanvin qui, à l’approche de la soixantaine, s’est retiré des « affaires » pour s’occuper de sa femme Janou (Valeria Cavalli) qui a beaucoup souffert desdites affaires et a même fait de la prison pour lui, et pour s’occuper de ses petits enfants. Au contraire de ce dernier, Serge Suttel (Tchéky Karyo), l’ami d’enfance, avec qui il avait fait ses premiers mois de prison (pour le vol d’une caisse de cerises) et fondé le Gang des Lyonnais qui, lui, est en cavale depuis plusieurs années, et qui se fait enfin arrêter. Edmond Vidal va devoir choisir entre la promesse faîte à sa femme de ne plus reprendre « les affaires » et la loyauté envers son ami…avec qui il s’était fait connaître pour leurs braquages dans les années 1970, une série de braquages qui avait pris fin en 1974 lors d’une arrestation spectaculaire. Mais pour Momon, l’amitié prime sur tout…et surtout en vertu fameux code de l’honneur…qui veut qu’on ne laisse pas un ami en prison…

    Olivier Marchal a deux principaux atouts : bien connaître le milieu dont il parle (ce qui n’est par ailleurs guère rassurant quand on voit le portrait de la police qu’il fait ici ou dans ses autres films) et dans lequel il nous plonge et dont il nous montre une nouvelle facette à chaque  nouveau long-métrage, et savoir habilement manier les codes du récit et du polar. En commençant par la fin et nous laissant entendre que Vidal se fera tuer, il crée d’emblée un suspense qui fera un peu défaut au reste du long-métrage mais là semble ne pas avoir été l’objectif principal de Marchal qui ici cherche plutôt à retracer un parcours et une époque : le parcours d’un homme face à ses principes et ses illusions perdues et  une époque qu’il regarde avec une étrange nostalgie. Nostalgie d’un temps où un policier pouvait interroger un voyou venant d’être arrêté au restaurant avec la promesse de ce dernier de ne pas s’enfuir selon le fameux code d’honneur. « Etrange » nostalgie car Marchal semble avoir plus de fascination pour les voyous que les flics auxquels il appartenait et dont il montre ici les méthodes pour le moins douteuses. Nostalgie parce que si Le Gang des Lyonnais s’était aussi fait connaître pour réaliser des braquages sans jamais verser de sang, cette époque est belle et bien révolue. Le choix de Marchal du flashback avec le parallèle entre la jeunesse de Vidal (style sépia à l’appui) et le présent, permet aussi de mettre l’accent sur ce décalage. Désormais on n’hésite plus à tuer à bout portant, hommes et femmes, ni à égorger hommes et animaux.

    Le personnage de Vidal, le Gitan victime d’ostracisme qui devient chef de gang, dont les « principes » sont tellement contradictoires avec le mode de vie pour lequel, encore une fois, Marchal semble éprouver une vraie fascination, est sans doute le véritable intérêt du film, seulement Gérard Lanvin, s’il ne joue pas mal, semble ne pas totalement convenir au rôle, écrit au départ pour Alain Delon dont l’ombre semble planer sur tout le film. Voix, gestuelle, coiffure même, Lanvin semble être ici l’ombre un peu terne de Delon qui aurait en effet été impeccable dans ce rôle (et qui officiellement l’a laissé pour un différend concernant l’écriture du scénario et des raisons d’emploi du temps). On peut aisément comprendre qu’il ait été tenté par ce rôle de Parrain en voie de rédemption rattrapé par le passé, lequel Parrain semble avoir d’ailleurs beaucoup inspiré Marchal, de la scène d’anniversaire qui rappelle celle du mariage au début du film de Coppola à certaines méthodes qui rappellent celles des Corleone (Depardieu était déjà filmé en « Parrain » dans « 36 quai des orfèvres »). Mais on peut aussi comprendre ce qui a pu le rebuter et ce qui ne figurait jamais dans les films de Melville qu’il a contribué à immortaliser : une violence parfois excessive (le film est interdit aux moins de 12 ans).  Dans un souci peut-être de réalisme, et sans doute influencé par le cinéma américain, Marchal use et abuse des scènes de fusillades ou tortures qui pour moi au lieu de faire avancer l’histoire la freinent. C’est aussi ce qui m’avait dérangée dans le « Mesrine » de Richet dans lequel ce dernier était présenté comme un héros.

    « Le Gang des Lyonnais » c’est aussi la radiographie d’une époque, avec notamment les liens troubles entre le SAC et le gang.  Marchal est aussi l’auteur de la série « Braquo », dans « Le Gang des Lyonnais » figurent ainsi tous les éléments pour une série, et peut-être le format du long-métrage était-il trop étroit pour retracer tant d’évènements (les braquages sont ainsi à peine montrés).

    D’un point de vue purement cinématographique, « Le Gang des Lyonnais » est néanmoins une réussite : des acteurs talentueux (mais quelle idée d’avoir choisi Dimitri Storoge pour interpréter Lanvin jeune, il ne lui ressemble vraiment pas du tout) avec de vrais gueules de truands que Marchal semble avoir beaucoup de plaisir à filmer (Daniel Duval, Lionnel Astier, François Levantal…), une construction scénaristique habile et maîtrisée (ce qui n’exclut pas l’ennui et quelques baisses de rythme), une réalisation qui ne manque pas d’ampleur,  et un dénouement, désenchanté et mélancolique, réussi.

    De films en films, Olivier Marchal impose son style bien à lui, un singulier mélange d’âpreté, de réalisme désabusé et de sentimentalité exacerbée avec des hommes qui perdent leurs illusions, dessinant une frontière très floue entre les flics et les voyous, loin de tout manichéisme, avec le souci de montrer une nouvelle facette du banditisme ou de la police, mais aussi toujours avec une musique omniprésente, des acteurs charismatiques, de vraies « gueules » (Demongeot, Anconina, Depardieu hier)  pour renouer avec la grande époque des polars, et un dénouement toujours réussi qui laisse une empreinte forte au spectateur. Olivier Marchal a l’avantage d’être aujourd’hui le seul dans ce genre de film et film de (ce) genre en France (« A bout portant » de Fred Cavayé n’ayant pas tenu les belles promesses de « Pour elle »), même si j’avais largement préféré « Gangsters » et « 36 quai des Orfèvres » que je vous recommande de (re)voir (avec une préférence pour le premier).

     

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  • Critique de BEGINNERS de Mike Mills, à 20H40, sur OCS City, le 29.10.2013

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    « Beginners » est le second long-métrage de Mike Mills qui a surtout réalisé de nombreux clips. Il a travaillé notamment avec Moby, Yoko Ono et le groupe Air. C’est surtout une des bonnes surprises de cette année.

     Oliver (Ewan McGregor), illustrateur a Los Angeles, collectionne les ex et les déceptions amoureuses. Quand son père, Hal (Christopher Plummer), tire sa révérence après avoir fait son coming-out a 75 ans et rejoint avec entrain la communauté homosexuelle, Oliver se penche sur ses relations familiales et ses échecs sentimentaux. Et il hérite d’un chien philosophe et bavard. La dépression guette. Jusqu’au jour où il rencontre Anna (Mélanie Laurent)…

    Voilà un film qui, contrairement à ce que pourrait laisser supposer son sujet, fait beaucoup de bien. Parce qu’il n’est pas dans la surenchère, pas dans l’esbroufe, pas même dans le suspense mais parce qu’il nous parle de l’essentiel avec douceur et fantaisie. Nous savons d’emblée qu’Hal a perdu son père et nous suivons son chemin pour accepter son deuil (par des flashbacks, il revit les derniers jours de ce dernier tandis qu’évolue son histoire avec Anna), pour se délester du poids du passé sans pourtant le (re)nier (ainsi Oliver ne se sépare jamais du chien de Hal, élément à la fois de comédie puisque ce chien «lui  parle » mais aussi constante réminiscence du père et de son absence si présente).

     Alors que cela aurait facilement pu donner un film plombant sur le poids du père et du passé, sur l’acceptation du deuil, Mike Mills parvient à y instiller de la poésie et de la légèreté et c’est là la marque d’un grand talent que de, nous aussi, nous confronter aux drames de l’existence et peu à peu nous embarquer vers la lumière.

     Le père c’est donc celui d’Oliver, Hal (fantastique Christopher Plummer), un père décédé mais si présent et celui d’Anna qui n’est qu’une présence encombrante, que rappelle une sonnerie de téléphone. Hal, condamné et qui vit dans l’instant, et celui d’Anna bien vivant et qui ne songe qu’à mourir. Tous les deux vont devoir affronter ce passé, ces pères très différemment omniprésents, et se délester du poids du père pour aller vers l’avenir. Leur rencontre est déjà tout un programme et à l’image du film, en apparence burlesque mais finalement très profonde, mélancolique et poétique : lui déguisé en Freud et elle en sorte de Charlot, personnage burlesque muet lui posant des questions  par écrit et devinant sa tristesse qui affleure, parce que, sans doute, faisant écho à la sienne.

    Le caractère personnel de l’histoire  (Inspiré de faits réels, le père de Mike Mills a ainsi annoncé son homosexualité à 75 ans, 5 ans avant sa mort) fait sans doute qu’il a trouvé ce ton juste, touchant, drôle, tendre, lucide et surtout jamais larmoyant. C'est aussi le portrait d’une génération qui, certes n’a pas vécu les drames de l’Histoire, mais doit faire avec les blessures des parents qui les ont affrontés ou au contraire en ont refoulé le douloureux souvenir, des blessures (re)léguées,  une génération qui a hérité de la mélancolie, et la difficulté de vivre sa propre histoire.

    La véritable alchimie entre Ewan McGregor et Mélanie Laurent contribue à ce que jamais l’attention (et la tension) ne se relâche  et surtout Mélanie Laurent ne cesse de s’améliorer et est parfaite dans ce personnage en apparence si solaire étreint par la mélancolie.  Un rôle qui lui va à merveille, de même que celui qu’elle incarne dans « Et soudain tout le monde le manque ». Réalisatrice, chanteuse, actrice et accessoirement maîtresse de cérémonie du 64ème Festival de Cannes, quoiqu’en disent ses détracteurs, elle mène sa carrière avec courage, détermination, déjà une belle forme de talent. En tout cas une artiste à part entière. Ce « petit » film est un concentré de pudeur, de tendresse, de fantaisie, de burlesque et surtout un grand et bel hymne à la vie…

    Un film à l’image de la vie et qui donne surtout envie de la croquer à pleine dents, de se dire qu’aujourd’hui n’est que le premier jour du reste de notre vie. A voir.

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  • Critique de LA STRADA de Fellini, à voir, ce soir, à 20H50 sur Arte, le 28.10.2013

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    C’est dans le cadre du Ciné-club de l’Arlequin, en plein cœur de Saint Germain des Prés, animé par Claude-Jean Philippe, le dimanche matin, dans l’enceinte du mythique cinéma de la rue de Rennes, que j'ai revu ce cehf d'œuvre la dernière fois. Petit compte-rendu de la projection et du débat de dimanche dernier consacrés à la Strada de Federico Fellini (1954).

     

    Avec Giuletta Masina (Gelsomina), Anthony Quinn (Zampano), Richard Basehart (le fou), Aldo Silvani (Giraffa), Marcella Rovere(la veuve)

    Scénario : F.Fellini-Ennio Flaiano-Tullio Pinelli

    Photo : Otello Martelli

    Décor : Mario Ravasco

     Musique : Nino Rota

    Montage : Leo Cattozzo

     Producteur : Dino De Laurentiis, Carlo Ponti

    Oscar du meilleur film étranger  et Lion d’argent au festival de Venise

     

    I.L’intrigue

     

     Zampano est un colosse qui gagne sa vie en parcourant l’Italie à bord d’un side-car transformé en roulotte, passant de cirques en foires avec un même numéro : une pseudo démonstration de force physique dans laquelle il brise une chaîne. Zampano a besoin d’une assistante, il en achète une : Gelsomina, créature étrange aussi simple que lumineuse. Le couple sillonne ensuite les routes d’Italie. Zampano est brutal, parfois cruel avec Gelsomina. Gelsomina s’enfuit. Zampano la rattrape. Ils rencontrent un autre forain « le Fou », funambule, personnage lunaire et fantasque que Gelsomina admire et écoute attentivement. Le Fou travaille pour le même cirque que Zampano. Il nargue constamment Zampano, raillant le ridicule de son numéro immuable. Zampano se retrouve en prison après avoir tenté d’agresser le Fou qui avait demandé à Gelsomina de l’assister. Pendant que Zampano est en prison le Fou parle à Gelsomina de son existence et lui donne des conseils. Le cirque propose à Gelsomina de l’emmener, loin de l’emprise de Zampano. Gelsomina refuse finalement et attend Zampano à sa sortie de prison. Un jour, sur la route, Zampano et Gelsomina croisent le chemin du Fou. Zampano l’agresse. Il en meurt. Gelsomina est témoin de la scène, sa raison fragile chavire. Zampano l’abandonne sur la route avec sa trompette pour seule compagnie. Des années plus tard, il apprendra par une femme qui l’avait recueillie que Gelsomina était morte peu après. Il va errer sur la plage et pleure. Enfin.

     

    II. Un éloignement en douceur du néoréalisme

     

    Après avoir collaboré à l’hebdomadaire Marc’Aurelio, en y effectuant des travaux rédactionnels et des caricatures, après avoir participé à l’écriture de nombreux scénarios dès 1942, dont de nombreux scénarios du nouveau cinéma italien dont, après guerre, trois films de Roberto Rossellini: Rome ville ouverte, en 1945, Paisa en 1947 et Europe 51 en 1951, Fellini rédige ensuite des scénarios pour Alberto Lattuada avec qui il réalise Les Feux du music-hall en 1951. Puis, il prend déjà quelque peu ses distances avec le néoréalisme en tournant Courrier du cœur en 1952, puis Les Vitelloni en 1953. Contrairement à ce qu’imaginaient les producteurs, Dino de Laurentiis et Carlo Ponti, non seulement La Strada ne fut pas un échec commercial mais en plus le public et la critique à l’unisson firent un triomphe au film. Jusqu’alors le cinéma italien triomphait en effet selon les critères néoréalistes : absence de décor, absence de sophistication formelle, dramaturgie fondée sur une représentation de l’instant, sobriété, approche sociale réaliste. Si certes l’intrigue met en scène des gens simples, cela ne relève nullement du documentaire et ne recherche pas la sobriété mais au contraire une poésie surprenante. La Strada ne s’inscrit néanmoins pas réellement dans une rupture avec le néoréalisme, elle y ajoute plutôt un élément : une touche de poésie très personnelle. Jean de Baroncelli affirmait ainsi que "La Strada est comme une transfiguration du néo-réalisme. Tout y est quotidien, familier, parfaitement plausible. Cette histoire de saltimbanque a l'apparence d'un fait divers, pourtant nous sommes aux confins de l'étrange, sinon du fantastique."

     

     III. Une œuvre singulière, novatrice et poétique

     

     Ce qui frappe d’emblée le spectateur, et ce sur quoi le débat a essentiellement porté, c’est en effet la poésie si singulière qui se dégage du film. Longtemps après la projection le spectateur est encore porté par le sourire mélancolique de Giuletta Masina et par la musique inoubliable de Nino Rota, personnage à part entière du film (le motif musical de Nino Rota emprunte d’ailleurs au premier mouvement de la symphonie Titan de Gustav Mahler). Cette poésie est d’ailleurs présente dans le fond comme dans la forme. Dans le fond, lorsque Gelsomina mime l’arbre, lorsque le cheval travers la rue, lorsqu’elle passe du sourire aux larmes à une vitesse fulgurante, véritable « Charlot féminin ». C’est d’ailleurs à travers son regard naïf que le spectacle fascinant, le film mis en scène par Fellini, se déroule sous nos yeux. Dans la forme aussi, car la caméra elle-même comme le souligne Claude-Jean Philippe a acquis une « virtuosité, une musicalité ». Fellini recrée un monde qui s’apparente presque à une fable, certes parfois cruelle, avec sa morale portée par le Fou, s’adressant à Gelsomina : « Dans l’univers tout sert à quelque chose. Même ce petit caillou ». Claude-Jean Philippe a également insisté sur la « légèreté d’écriture du film ». On ressent également déjà l’admiration de Fellini (une admiration qui portera nombre de ses films suivants) pour le spectacle du plus rudimentaire au plus raffiné. C’est certainement un des films les plus insolites de l’histoire du cinéma, qui exprime un monde baroque et le monde intérieur exubérant de Fellini porté par le clown blanc lunaire interprété par Giuletta Masina, personnage duquel émane une Grâce désenchantée. On retrouve à la fois l’influence du cirque, la passion d’enfance de Fellini, mais aussi l’influence de la bande dessinée qu’il pratiqua au début de sa carrière. La grâce et la légèreté qui en émanent contrastent avec le propos tragique et cette douloureuse histoire d’amour entre celui qui ne « sait pas parler mais aboie » et le visage innocent de la femme-enfant Gelsomina. Face à elle, Zampano incarne « la pesanteur ».

    C’est ainsi avec ce film que Fellini s’est fait connaître en France alors qu’aucun distributeur n’en voulait au début, l’œuvre étant jugée bien trop originale et trop éloignée des conventions dramatiques traditionnelles. C’est pourtant l’originalité indéniable de la Strada qui a en grande partie contribué à son succès.

     

     IV. Des thèmes inspirés du christianisme

     

    Le troisième point sur lequel le débat a mis l’accent c’est l’influence du franciscanisme et du christianisme par lesquels Rossellini et Fellini étaient tous deux imprégnés, Fellini faisant aussi de La Strada un véritable drame métaphysique. Fellini avait en effet découvert la simplicité des moines franciscains sur Paisa, le film de Rossellini. La simplicité de Gelsomina fait ainsi écho à celle des Franciscains. La religion est d’ailleurs omniprésente dans le film. Gelsomina croise ainsi une procession, Zampano et elle seront hébergés dans un couvent etc. Par ailleurs, le Fou énonce tout un discours sur l’utilité des choses, notamment par la parabole du caillou, lorsqu’il laisse entendre à Gelsomina qu’elle est essentielle à la création après lui avoir tenu ce discours terrible sur sa laideur la comparant à une « tête d’artichaut ». Les éléments ont d’ailleurs un rôle essentiel, ne serait-ce que le titre qui lui-même en désigne un. Pour Geneviève Agel (dans Les chemins de Fellini), quatre scènes (la procession, la découverte de l'enfant malade, l'hébergement au couvent et la mort du Fou) sont les quatre jalons qui marquent "la procession spirituelle de la jeune femme". Claude-Jean Philippe a également insisté sur l’opposition entre les Chrétiens et les Marxistes encore très forte à l’époque où le film a été tourné, ces derniers s’en étant d’ailleurs pris avec virulence à La Strada.

     

    La fin magnifique nous interroge lorsque Zampano va errer sur une plage et pleure: est-ce sa conscience morale qui surgit ? Est-il envahi par la douleur du deuil et par la culpabilité ? Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard si dans cette dernière scène il regarde le ciel et la voûte céleste comme si quelque chose de sacré s’emparait de lui.

     

    Même si, dans la Strada, Fellini n’a pas encore adopté totalement le style onirique qui sera le sien par la suite, cette rencontre improbable de deux êtres aussi improbables de laquelle émane une poésie sublime laisse au spectateur un souvenir aussi indélébile que la musique de Nino Rota…

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  • Critique de WELCOME de Philippe Lioret, à 20H45, sur France 2

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    Pour impressionner et reconquérir sa femme Marion (Audrey Dana), Simon (Vincent Lindon), maître nageur à la piscine de Calais (là où des centaines d’immigrés clandestins tentent de traverser pour rejoindre l’Angleterre, au péril de leur vie)  prend le risque d’aider en secret un jeune réfugié kurde, Bilal (Firat Ayverdi) qui tente lui-même de traverser la Manche pour rejoindre la jeune fille dont il est amoureux, Mina (Dira Ayverdi).

     

    Cela faisait un peu plus d’un an que j’attendais la sortie de ce film, depuis que Philippe Lioret l’avait évoqué avec un enthousiasme débordant lors du Salon du Cinéma 2008… Alors ? Alors…

     

    La première demi-heure, intense, âpre, au style documentaire  suit au plus près Bilal ( au plus près de son visage, de ses émotions, de sa douleur, de ses peurs)  et nous embarque d’emblée dans son parcours périlleux. Il nous embarque et il conquiert dès les premières minutes notre empathie, notre révolte aussi contre une situation inhumaine, encore à ce jour insoluble, mais contre laquelle se battent des bénévoles comme Audrey tandis que d’autres préfèrent fermer les yeux comme Simon. La réalité sociale sert ensuite de toile de fond lorsqu’apparaît Simon, et avec son apparition c’est le documentaire qui cède le pas à la fiction.

     

    Jusqu’où iriez-vous par amour ? Tel était le slogan du précèdent film dans lequel jouait Vincent Lindon : « Pour elle ». Tel pourrait aussi être celui de « Welcome ». Ce n’est, au début, pas vraiment par altruisme qu’agit Simon mais plutôt avec l’intention d’impressionner Marion, de lui prouver qu’il n’est pas comme eux, comme ceux qui baissent la tête au lieu d’agir, comme ceux qui font éclater ou  renaître un racisme latent et peu glorieux qui rappelle de tristes heures, et qui rappelle aux étrangers qu’ils sont tout sauf « welcome ».

     

     Peu à peu Bilal,  son double,  va ébranler les certitudes de Simon, Simon qui se réfugiait dans l’indifférence, voire l’hostilité, aux étrangers qu’il croisait pourtant tous les jours. L’un fait face à son destin. L’autre lui a tourné le dos. L’un a été champion de natation, mais n’a pas réalisé ses rêves. L’autre rêve de devenir champion de football. Mais l’un et l’autre sont prêts à tout pour reconquérir ou retrouver la femme qu’ils aiment. L’un et l’autre vont s’enrichir mutuellement: Simon va enseigner  la natation à Bilal, et Bilal va lui à ouvrir les yeux sur ce qui se passe autour de lui.

     

    Le film doit beaucoup à l’interprétation de Vincent Lindon (toujours aussi exceptionnel), tout en violence et sensibilité, en force et fragilité. Il manie et allie les contradictions et les ambiguïtés de son personnage avec un talent époustouflant,  faisant rapidement oublier ces  déstabilisantes minutes de changement de ton et de passage du style documentaire à la fiction (ce parti pris initial de documentaire aurait peut-être été plus intéressant, mais nous aurait  certes privés de l’incroyable prestation de Vincent Lindon et aurait aussi privé le film d’un certain nombre de spectateurs). L’interprétation du jeune Firat Ayverdi  et des   autres acteurs, également non professionnels, est  elle aussi  troublante de justesse et contribue à la force du film.

     

    Philippe Lioret a coécrit le scénario avec Emmanuel Courcol, Olivier Adam (avec lequel il avait déjà coécrit « Je vais bien, ne t’en fais pas »),   un scénario d’ailleurs parfois un peu trop écrit donnant lieu à quelques invraisemblances (en contradiction avec l’aspect engagé du film et la réalité de  sa toile de fond) qui tranche avec l’aspect documentaire du début ( histoire de la bague un peu téléphonée) mais permet aussi de souligner certaines réalités par des détails qu’un documentaire n’aurait pas forcément pu saisir (quoique) comme cette annonce d’une avalanche aux informations et de ses quelques victimes qui semblent alors disproportionnées face à cette autre réalité passée sous silence, comme ce marquage, s'il est réel, absolument insoutenable et intolérable.

     

    La photographie aux teintes grisâtres et la mise en scène appliquée de Philippe Lioret s’efface devant son sujet, devant ses personnages surtout, toujours au centre de l’image, souvent en gros plan, ou du moins en donnant l’impression tant ils existent et accrochent notre regard.

     

    Peut-être aurait-il été encore plus judicieux que cette réalisation  soit empreinte de la même rage et de la même tension que ceux dont elle retrace l’histoire, et peut-être est-ce ce qui manque à ce film aux accents loachiens pour qu’il ait la saveur d'un film de Loach. Peut-être aussi est-ce la raison pour laquelle je suis finalement restée sur la rive.  Sans doute est-ce lié à l’attente suscitée depuis plus d’un an par ce film mais plus certainement encore par le souvenir indélébile, forcément plus viscéral et plus âpre, plus marquant parce que réel,  de centaines de clandestins, dans un autre port, dans un autre pays, mais si semblables, sans doute ce souvenir de la réalité d’une souffrance inouïe soudainement sous mes yeux et si tangible prise en pleine face m’a -t-il réellement et  autrement fait prendre conscience de cette douloureuse et insoutenable réalité: chaque visage (souvent très très jeune) entrevu alors portant sur lui, à la fois si pareillement et si différemment,  la trace d’une longue et inconcevable route, d’une histoire  douloureuse, d’une détermination inébranlable, d’un pays pour lui inhospitalier, inique ou en guerre et à quel point la réalité du pays qu’ils ont quittée devait être violente et insupportable pour qu’ils aient le courage et/ou l’unique issue de prendre tous ces risques et de se confronter à la réalité de pays qui ne souhaitent ou du moins ne savent pas forcément davantage  les accueillir et panser leurs plaies.

     

    Philippe Lioret, par ce film indéniablement engagé, a le mérite de mettre en lumière une part d’ombre de la société française, et plus largement de violentes et flagrantes disparités mondiales. Le succès connu par le filmprouve ainsi que le public ne s’intéresse pas seulement aux comédies formatées que les diffuseurs s’acharnent à lui proposer et que l’âpreté d’un sujet, pourvu qu’il soit traité avec sensibilité et intelligence, pouvait aussi susciter son intérêt et le faire se déplacer en nombre.

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  • Dates du Festival de Cannes 2014

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    Comme chaque année, vous pourrez bien entendu suivre le Festival de Cannes 2014 en direct ici ainsi que sur mes sites http://inthemoodforfilmfestivals.com et http://inthemoodlemag.com et bien sûr sur mon blog entièrement consacré au Festival de Cannes http://inthemoodforcannes.com .

     Vous souhaitez une couverture du festival pour votre média? Vous souhaitez établir un partenariat avec ce site ou mes autres sites, pour ce 67ème Festival de Cannes? N'hésitez pas à me contacter dès maintenant à inthemoodforcinema@gmail.com .

    Le Festival de Cannes 2014 aura lieu du 14 au 25 Mai 2014.

    En attendant vous pouvez toujours lire mon recueil de nouvelles "Ombres parallèles" dont plusieurs se déroulent dans le cadre du Festival de Cannes.

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  • Dates du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2014

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    Comme chaque année, en 2014, vous pourrez suivre ici le Festival du Cinéma Américain de Deauville en direct qui se déroulera l'an prochain du 5 au 14 septembre.

    Pour le 40ème anniversaire, je serai bien entendu au rendez-vous puisqu'il s'agira alors de mon...21ème Festival du Cinéma Américain de Deauville par ailleurs le cadre de mon roman "Les Orgueilleux" et de plusieurs des nouvelles de mon recueil "Ombres parallèles".

     Je vous le ferai suivre ici et sur mes sites http://inthemoodfordeauville.com (entièrement consacré au Festival du Cinéma Américain et au Festival du Film Asiatique de Deauville) et http://inthemoodforfilmfestivals.com .

    Ci-dessus, "Les Orgueilleux" sur le tapis rouge du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2013.

    Ci-dessus, "Les Orgueilleux", dans le hall de l'hôtel Normandy, en septembre 2013, lieu où se passe une partie du roman.

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  • L'affiche du film LE GEANT EGOÏSTE de Clio Barnard, chistera du meilleur film à Saint-Jean-de-Luz et Hitchcock d'or du Festival de Dinard

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    « The selfish giant » de Clio Barnard (le Géant égoïste) sortira en salles le 18 décembre. Je l'ai vu à quelques jours d'écart au Festival du Film Britannique de Dinard où il a reçu le Hitchcock d'or et au Festival International des Jeunes Réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz où il a reçu le Chistera du meilleur film. Je vous laisse découvrir l'affiche, ci-dessus, qui vient d'être dévoilé.

    C'est l’histoire âpre et poignante de deux adolescents, Arbor et Swifty renvoyés de l’école et qui collectent des métaux usagés pour un ferrailleur local, le « Géant égoïste », au péril de leur amitié…et de leur vie. A l’image du premier plan, obscur et étrangement poétique, surgissent des lueurs d’humanité au milieu d’un environnement hostile et grisâtre, des éclairs tendres et presque poétiques (« Le géant égoïste » est une libre adaptation d’un conte d’Oscar Wilde). L’environnement et l’image sont nimbés de teintes grisâtres desquelles émerge une rare lueur (au propre comme au figuré) qui n’en est que plus émouvante. La force de l’amitié des jeunes garçons et  la beauté de la nature, en particulier des chevaux auxquels se raccroche le jeune Swifty contrastent avec l’univers glacial, presque carcéral, dans lequel ils évoluent : usines, lignes à haute tension, amas de ferrailles comme autant d’ombres menaçantes (autres géants) qui planent sur eux. Un mélange de violence et de naïveté à l’image de Swifty et Arbor. La vivacité du montage, de la réalisation, des deux jeunes protagonistes (époustouflants) donnent la sensation qu’ils sont constamment sur le fil, que le drame est inéluctable. Il révèlera pourtant une part d’humanité inattendue et d’autant plus bouleversante. Des prix entièrement justifiés.

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