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IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 15

  • Critique de MAESTRO(S) de Bruno Chiche

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    La scène d’ouverture présente Denis Dumar (Yvan Attal), chef d’orchestre, recevant une Victoire de la Musique Classique, et remerciant son entourage : son ex-femme et agent Jeanne (Pascale Arbillot), son fils Mathieu (Nils Othenin-Girard), sa mère Hélène (Miou-Miou), sa compagne Virginie (Caroline Anglade) - dont quelques plans nous suffisent à comprendre le rôle qu’elle joue dans sa vie - et son père, François (Pierre Arditi), également chef d’orchestre, absent, qui ne daignera même pas lui adresser un message de félicitations, préférant rester chez lui à écouter une musique mélancolique entouré de ses souvenirs. Cette scène initiale présente avec habileté Denis Dumar (qui demande à être sifflé plutôt qu'applaudi, ce qui n’est pas anodin sur ce que cela dit de l’image qu’il a de lui-même même s’il s’agit d’une boutade) et son entourage. Voilà le décor planté et les personnages caractérisés.

    Quand le père de Denis, François Dumar, apprend qu’il a été choisi pour diriger la Scala, son rêve ultime, il est fou de joie, transfiguré. Il revit et demande sa femme (avec qui il vit depuis 50 ans) en mariage. Heureux pour son père, et en même temps envieux, Denis déchante vite lorsqu’il découvre qu’il y a méprise et que c’est en réalité lui qui est attendu à Milan…

    Maestro(s) est une libre adaptation du film de Joseph Cedar, Footnote, sorti en 2011, dans lequel le père et le fils n’étaient pas chefs d’orchestre mais deux chercheurs universitaires travaillant sur la Torah. Bruno Chiche a eu la bonne idée (aidée au scénario de Yaël Langmann et Clément Peny) de transposer cette histoire dans le domaine de la musique classique.

    Si, comme moi, vous aimez la musique classique, alors ce film devrait vous enchanter. Et dans le cas contraire, il devrait vous donner envie dès la salle quittée d’écouter Antonín Dvorák, la 9ème de Beethoven, Laudate dominum de Mozart, la Sérénade de Schubert mais aussi Brahms et Rachmaninov qui parcourent le film tout en contribuant à faire évoluer l’intrigue. Les morceaux épousent les humeurs des personnages, reflétant par exemple tour à tour la mélancolie et la colère lorsqu’il s’agit de François. A cela s’ajoute une BO originale avec des notes beaucoup plus contemporaines signées Florencia Di Concilio. Le film fut ainsi présenté en avant-première dans le cadre du dernier Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule.

    L’autre atout de ce long-métrage, c’est sa distribution parfaite, en particulier son duo principal Arditi/Attal dont le face à face, lors duquel le premier est aussi bavard, volubile, remuant et vindicatif que le second est muet, statique et estomaqué, est particulièrement intense et justifie aussi le déplacement pour ce film avec lequel une certaine critique a été injustement sévère. Mais il faut aussi compter sur Miou-Miou, Caroline Anglade, et Pascale Arbillot dont je trouve qu’elle est encore trop rare dans des premiers rôles pour l’étendue de son talent. A noter aussi la découverte Nils Othenin-Girard, qui interprète le fils rêveur de Denis avec beaucoup de naturel. Comment trouver sa place (a fortiori dans la lumière) sans rester dans l’ombre des proches qui nous entourent ? Finalement, chacun des personnages devra répondre à cette question. Au dilemme et à l’interprétation plus intériorisée de Denis font face l’exubérance et la faconde de François. Un combat avec soi-même que chacun des deux devra affronter pour trouver sa mélodie du bonheur. Ce fut une excellente idée que d’avoir réunis Attal et Arditi pour  interpréter ce duo père/fils alors que le premier avait dirigé le second dans le mésestimé et pourtant palpitant film Les choses humaines, instantané brillant et nuancé de notre société qui en dresse un tableau passionnant mais effrayant, celui de mondes qui se côtoient sans se comprendre.

    Les plans séquences et la caméra particulièrement mobile du chef-opérateur Denis Rouden permettent d’éviter l’écueil du classicisme de cette histoire d’amour filial (et pas que) finalement plus tendre que cruelle portée par une pléiade de comédiens talentueux, un scénario sensible et surtout une musique qui suffisent (mais c'est déjà beaucoup) à provoquer l’émotion.

    « La musique souvent me prend comme une mer » écrivait Baudelaire. Alors laissez-vous emporter, bercer, et embarquer dans ce voyage mélodieux. Cette inestimable émotion-là vaut bien le déplacement, non ?

  • Critique de CORSAGE de Marie Kreutzer – Prix de la meilleure création sonore du Festival de Cannes 2022

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    Dans le cadre du 75ème Festival de Cannes, Corsage de Marie Kreutzer a reçu le prix de la meilleure création sonore. Ce prix est décerné parmi les films de la sélection Un Certain Regard. En 2017, en accord avec le Festival de Cannes, l’association La Semaine du Son a ainsi créé le Prix de la meilleure création sonore. L’association La Semaine du Son, fondé en 1998 par son président Christian Hugonnet, acousticien et expert près de la Cour d’appel de Paris, a « pour but d’amener chaque être humain à prendre conscience que le sonore est un élément d’équilibre personnel fondamental dans sa relation aux autres et au monde. »  Lancé avec le soutien de Costa-Gavras, ce prix récompense un réalisateur pour l’excellence sonore de son film « parce qu’elle sublime la perception artistique, sémantique et narrative du spectateur ». Le jury 2022 était présidé par le cinéaste Christophe Barratier, entouré de la comédienne Anne Parillaud, du compositeur Greco Casadesus, ainsi que de la cheffe opératrice Marie Massiani, et de Janine Langlois-Glandier et Christian Hugonnet, fondateurs du prix.

    Le jury, par la voix de son président, a ainsi explicité son prix décerné au film de Marie Kreutzer, attribué à l’unanimité : « En considération des vertus narratives, esthétiques, sémantiques de la dimension sonore d’une œuvre cinématographique, le jury de la Meilleure Création Sonore 2022, dans le cadre de la sélection Un Certain Regard, décerne son prix au film Corsage de Mary Kreutzer, distinguant ainsi une approche sonore d’un rare équilibre, restituant qualités des timbres de voix, atmosphères d’époques, degré des respirations et silences tout autant que les compositions musicales ».

    Noël 1877, Élisabeth d’Autriche (Sissi), fête son 40e anniversaire. Première dame d’Autriche, femme de l’Empereur François-Joseph Ier, elle n’a pas le droit de s’exprimer et doit rester à jamais la belle et jeune impératrice. Pour satisfaire ces attentes, elle se plie à un régime rigoureux de jeûne, d’exercices, de coiffure et de mesure quotidienne de sa taille. Etouffée par ces conventions, avide de savoir et de vie, Élisabeth se rebelle de plus en plus contre cette image.

    Corsage se focalise ainsi sur six mois de la vie d’Élisabeth d’Autriche, du Noël 1887, où on célèbre son 40ème anniversaire, dont elle semble absente déjà, à l’été suivant. 

    Cela commence d’emblée par un son, avant l’image. Celui du clapotis de l’eau. Sous le regard de deux dames de compagnie, Elisabeth apparaît alors, sous l’eau, dans sa baignoire, en apnée, s’entraînant à ne pas respirer. En apnée, elle le sera tout au long du film qui est avant tout cela : une quête de respiration dans un univers corseté. Oubliez les Sissi avec Romy Schneider, aussi charmants soient-ils, avec les décors kitschs et scénarii acidulés. Si dans les films de Ernst Marischka, Romy Schneider incarnait une Sissi douce et espiègle, 67 ans plus tard, Vicky Krieps interprète une Sissi tourmentée, révoltée, incandescente, obstinée qui veut à tout prix échapper à l’enfermement qu’elle subit et qui se rebelle contre le protocole. Quant aux décors, leurs murs sont souvent nus, délabrés, craquelés comme si ces intérieurs reflétaient l’intériorité des êtres. Les couleurs, souvent froides (magnifique photographie de Judith Kaufmann), reflètent aussi ces âmes glacées par les contraintes extérieures.

     « Ton rôle consiste à représenter. C’est pour cela que je t’ai choisie. C’est pour cela que tu es là » lui dit ainsi son empereur d’époux. « L’important est de laisser une belle image » dit également Elisabeth en passant devant un portrait de sa fille aînée décédée d’une maladie infantile.  « Je t’interdis de te noyer dans mon lac » lui déclare quant à lui son cousin. Voilà, tout est dit. Elisabeth doit constamment faire semblant, être en représentation, n’être qu’un corps qui laisse une belle image, tandis que les tourments de l’âme doivent être tus et étouffés.

    De nombreuses scènes la montrent se faisant habiller, le corset toujours plus serré, entravant sa respiration. On lui rappelle sans cesse son âge, et qu’elle n’est plus celle qu’elle était, dont la beauté fascinait tant. Elle impose des souffrances à ce corps qu’il faut maitriser, notamment par des régimes drastiques, ou par cette pesante coiffure. Elle aime particulièrement aller voir les fous dans les asiles, ceux qui sont enfermés, qui crient leur douleur qu’on veut claquemurer, ceux en lesquels elle se reconnaît. La folie semble aussi être là, toute proche, comme une forme paradoxale d’échappatoire. Alors, elle tape du point sur la table, fume, fait un doigt d’honneur, tire la langue, se coupe les cheveux, essaie à tout prix, même celui de la raison, de s’émanciper jusqu'à ce plan final, parfait contrepoint du début. Elle a besoin qu’on cesse de la regarder comme une image mais qu’on la voit telle qu’elle est. « J’aime te regarder me regarder» dit-elle ainsi.

    En contraste, les scènes où elle se sent enfin libre n’en sont que plus belles et poignantes. Lorsqu’elle s'évade sur son cheval au galop. Lorsqu’elle se baigne dans un lac au cœur de la nuit noire. Le corps échappe alors aux contraintes et aux regards.  La musique et la voix de Camille accompagnent ces moments d’évasion et insufflent une puissance émotionnelle supplémentaire à ces scènes. Ces envolées lyriques sonores font alors écho à celles de l’impératrice. Elles ressemblent tantôt à un cri de douleur, tantôt à un cri de liberté et marquent profondément le film de leur empreinte.

    Elisabeth a besoin de sortir du carcan dans lequel on veut la cadenasser, comme de réveiller sa fille en pleine nuit pour faire du cheval, pour agir et décider de ses mouvements. C’est d’ailleurs pour cela que l’image animée la réjouit autant et qu’elle accepte d’être filmée par un inventeur incarné par Finnegan Oldfield. Dans ces séquences muettes, elle est libre de crier, bouger, d’être. Le cinéma : espace de liberté, comme l’est ce film qui se départit des convenances.

    Vicky Krieps, productrice exécutive, est exceptionnelle et on comprend qu’elle ait à tout prix voulu être cette Sissi frondeuse. Elle est à la fois sombre et excentrique, enfermée et avide de liberté.  Elle a obtenu le prix de la meilleure performance de la sélection Un Certain Regard, pour un rôle très différent de celui qu'elle incarne dans Plus que jamais de Emily Atef qu’elle présentait également à Cannes cette année.

    Corsage n’est donc pas véritablement un biopic mais une réflexion et métaphore astucieuse des règles auxquelles doivent se plier les femmes, d’où l’intemporalité de ce film qui justifie les judicieux anachronismes. C’est le portrait d’une révoltée.  La forme épouse ainsi brillamment le fond. Marie Kreutzer (également scénariste de son film), elle aussi s’échappe : des contraintes formelles et des règles, et même de la vérité. Elle apporte de la modernité dans cette œuvre à l’image de l’impératrice qu’elle dépeint : irrévérencieuse.

    Il y eut le Marie-Antoinette de Sofia Coppola qui se jouait aussi des codes et des conventions, sans s'émanciper du glamour, indissociable du film d'époque en costumes, alors que Marie Kreutzer envoie tout valser pour aboutir à cette brillante allégorie de notre époque dans laquelle les apparences enserrent et emprisonnent  les femmes dans un corset plus insidieux que celui d’Elisabeth mais parfois non moins destructeur. Une œuvre  à l’image de sa création sonore, innovante, à juste titre récompensée, et de sa musique : intense, vibrante, marquante, engagée, puissante.

    Corsage de Marie Kreutzer à voir absolument au cinéma, le 14/12/2022.

  • Critique - LA LISTE DE SCHINDLER de Steven Spielberg

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    Long et fastidieux aura été le parcours pour aboutir à ce chef-d'oeuvre. Un premier projet avait ainsi tout d’abord échoué. C’est Poldek Pfefferberg, un des 1100 Juifs sauvés par Oskar Schindler, qui devait raconter la vie de ce dernier. Un film sur Schindler basé sur ce récit devait même être tourné avec la Metro Goldwyn Mayer en 1963. Presque 20 ans plus tard, en 1982, l’écrivain Thomas Keneally écrivit le livre La Liste de Schindler après avoir rencontré Pfefferberg.  C’est ce livre qui servira de base au film éponyme de Spielberg. Universal Pictures en acheta les droits. Spielberg rencontra Pfefferberg et voulut d’abord confier la réalisation du film à Roman Polanski qui refusa puis à Scorsese qui refusa à son tour. C’est ainsi que Spielberg décida de le réaliser  en raison, notamment, du génocide en Bosnie : « La principale raison pour laquelle j’ai tenu à réaliser ce film sans plus tarder, c’est que la purification ethnique qui sévit en Bosnie me persuade de plus en plus de la ressemblance terrifiante de notre époque avec celle où se déroula la Shoah. Je n’avais jamais, dans aucun de mes films, décrit la réalité. Je consacrais toute mon énergie à créer des mondes imaginaires. Je crois que si j’avais inversé mon plan de travail et tourné en premier La Liste de Schindler, je n’aurais jamais éprouvé le moindre désir de réaliser, ensuite, un film sur les dinosaures. » Spielberg ne demanda pas de salaire pour ce film, ce  qui aurait été pour lui « l’argent du sang ».

    Suite au succès remporté par le film, Spielberg créa la Fondation de l’Histoire Visuelle des Survivants de la Shoah, une organisation à but non lucratif  qui rassemble des archives de témoignages filmés des survivants de l’Holocauste. L’argent récolté lui a également permis de produire des documentaires sur la Shoah pour la télévision comme Anne Franck remembered (1995), The lost children of Berlin (1996) The Last days (1998).

    Le film a été tourné entre mars et mai 1993, en soixante-douze jours, essentiellement dans le quartier de Kazimierz à Cracovie.

    C’est le 30 novembre 1993 que La liste de Schindler sortit en salles, soit trente ans après le premier projet de film sur Oskar Schindler. Cela valait la peine d’attendre. Un sujet comme celui-ci nécessitait talent, maturité, sensibilité, sobriété et travail de documentation. A chaque film sur l’Holocauste revient la même question : peut-on et doit-on faire une fiction d’une atroce réalité qui la dépasse ? Doit-on, pour transmettre l’Histoire, tenter de raconter l’indicible, forcément intransmissible ? Spielberg est-il parvenu à lever toutes les réticences ? Claude Lanzmann écrivit ainsi : « L’Holocauste est d’abord unique en ceci qu’il édifie autour de lui, en un cercle de flammes, la limite à ne pas franchir parce qu’un certain absolu de l’horreur est intransmissible : prétendre pourtant le faire, c’est se rendre coupable de la transgression la plus grave. »

    Synopsis : Oskar Schindler (Liam Neeson) est un industriel allemand, membre du parti nazi. Bon vivant, profiteur, époux infidèle, il ne semble avoir qu’une obsession : faire du profit, et faire retentir son nom. Tandis que les Juifs sont regroupés et enfermés dans des ghettos, il réussit à obtenir les capitaux nécessaires (provenant de la communauté juive) pour racheter une fabrique de casseroles. Il emploie une main d’œuvre juive bon marché dans son usine,  afin de la faire prospérer, apparemment indifférent à l’horreur qui se déroule en dehors de son usine. Il faudra la liquidation du Ghetto de Cracovie, en mars 1943, sous les ordres du commandant SS Amon Göth (Ralph Fiennes) pour qu’il prenne conscience de l’ineffable horreur nazie…

    La première scène nous montre Schindler s’habillant méthodiquement, soigneusement, choisissant cravate, boutons de manchette, et épinglant sa croix gammée. Le tout avec la dextérité d’un magicien. Nous n’avons pas encore découvert son visage. De dos, nous le voyons entrer dans une boite de nuit où se trouvent des officiers nazis et des femmes festoyant allègrement. Il est filmé en légère contre-plongée, puis derrière les barreaux d’une fenêtre, puis souriant à des femmes, puis observant des officiers nazis avec un regard mi-carnassier, mi-amusé, ou peut-être condescendant. Assis seul à sa table, il semble juger, jauger, dominer la situation. Sa main tend un billet avec une désinvolte arrogance. Son ordre est immédiatement exécuté. Son regard est incisif et nous ignorons s’il approuve ou condamne. Il n’hésite pas à inviter les officiers nazis à sa table, mais visiblement dans le seul but de charmer la femme à la table de l’un d’entre eux. Cette longue scène d’introduction sur la musique terriblement joyeuse (Por una cabeza de Gardel), d’autant plus horrible et indécente mise en parallèle avec les images suivantes montrant et exacerbant même l’horreur qui se joue à l’extérieur, révèle tout le génie de conteur de Spielberg. En une scène, il dévoile tous les paradoxes du personnage, toute l’horreur de la situation. L’ambigüité du personnage est posée, sa frivolité aussi, son tour de passe-passe annoncé.

    Un peu plus tard, Schindler n’hésitera pas à vivre dans l’appartement dont les occupants ont dû rejoindre le Ghetto. Il faudra que de son piédestal -des hauteurs du Ghetto, parti en promenade à cheval avec une de ses maîtresses- il observe, impuissant, le massacre du Ghetto de Cracovie. Il faudra que son regard soit happé par le manteau rouge d’une petite fille (Spielberg recourt à la couleur comme il le fera à cinq autres occasions dans le film) perdue, tentant d’échapper au massacre (vainement, comme nous le découvrirons plus tard) pour qu’il prenne conscience de son identité, de l’individualité de ces juifs qui n’étaient alors pour lui qu’une main d’œuvre bon marché. Créer cette liste sera aussi une manière de reconnaître cette individualité, de reconnaître qu’à chaque nom correspond une vie sauvée. Sans doute la démarche d’une jeune femme qui lui demande plus tard de faire venir ses parents détenus à Plaszow parce qu’elle a eu écho de sa bonté, qu’il renvoie menaçant de la livrer à la Gestapo tout en lui donnant gain de cause, l’aura-t-elle incité à devenir celui pour qui on le prenait déjà, cet « homme bon », à faire retentir son nom, mais d’une autre manière (là encore, le paradoxe d’Oskar Schindler, il ne recevra pas la jeune femme la première fois, non maquillée et pauvrement vêtue mais seulement lorsqu’elle reviendra maquillée et avec d’autres vêtements). A partir de ce moment, il tentera alors avec son comptable Itzhak Stern (Ben Kingsley), de sauver le plus de vies possibles.

    La scène précitée du massacre qu’observe Schindler est aussi nécessaire qu’insoutenable (une quinzaine de minutes) entre les exécutions, les médecins et infirmières obligés d’empoisonner les malades dans les hôpitaux pour leur éviter d’être exécutés, les enfants qui fuient et se cachent dans des endroits tristement improbables, l’impression d’horreur absolue, innommable, de piège inextricable, suffocant. La scène est filmée caméra à l’épaule (comme 40% du film) comme si un reporter parcourait ce dédale de l’horreur et, comme dans tout le film, Spielberg n’en rajoute pas, filme avec sobriété cette réalité reconstituée qui dépasse les scénarii imaginaires les plus effroyables. Des valises qui jonchent le sol, un amas de dents, de vêtements, une fumée qui s’échappe et des cendres qui retombent suffisent à nous faire appréhender l’incompréhensible ignominie.  Les échanges, implicites, entre Schindler et le comptable Stern  sont aussi particulièrement subtils, d’un homme qui domine l’autre , au début, à la scène deux hommes qui trinquent sans que jamais l’horrible réalité ne soit formulée.

    Le scénario sans concessions au pathos de Steven Zaillian, la photographie entre expressionnisme et néoréalisme de Janusz Kaminski (splendides plans de Schindler partiellement dans la pénombre qui reflètent les paradoxes du personnage), l’interprétation de Liam Neeson, passionnant personnage, paradoxal, ambigu et humain à souhait, et face à lui, la folie de celui de Ralph Fiennes, la virtuosité et la précision de la mise en scène (qui ne cherche néanmoins jamais à éblouir mais dont la sobriété et la simplicité suffisent à retranscrire l’horrible réalité), la musique poignante de John Williams par laquelle il est absolument impossible de ne pas être ravagé d'émotions à chaque écoute (musique solennelle et austère qui sied au sujet -les 18 premières minutes sont d’ailleurs dénuées de musique- avec ce violon qui larmoie, voix de ceux à qui on l’a ôtée, par le talent du violoniste israélien Itzhak Perlman, qui devient alors, aussi, le messager de l’espoir), et le message d’espérance malgré toute l’horreur en font un film bouleversant et magistral.

    La liste de Schindler a d’ailleurs reçu douze nominations aux Oscars en 1994 et en a remporté sept dont ceux du meilleur film, meilleur scénario adapté, meilleure direction artistique, meilleur réalisateur, meilleur montage, meilleure photographie et meilleure musique. Liam Neeson et Ralph Fiennes ont évidemment été tous deux nommés pour l’Oscar du meilleur acteur, pour le premier, et celui du meilleur second rôle masculin, pour le second, mais  ce sont Tom Hanks, pour Philadelphia, et Tommy Lee Jones, pour Le Fugitif qui les ont obtenus.

    Alors, pour répondre à la question initiale, oui, il faut et il fallait faire un film sur ce sujet car certes « un certain absolu de l’horreur est intransmissible », forcément, mais cela n’empêche pas d’essayer de raconter, de transmettre pour que justement cet absolu de l’horreur ne se reproduise plus. Ce film permet à ceux qui ont regardé avec des yeux d’enfants éblouis les autres films de Spielberg, d’appréhender une horreur que leurs yeux n’auraient peut-être pas rencontrée autrement, trop imperméables à des films comme Nuit et brouillard ou Shoah.

    Comme l’avait fait Benigni avec La vie est belle  là aussi fortement contesté (retrouvez ma critique de « La vie est belle » en cliquant ici et celle de Monsieur Klein  de Losey en cliquant là, deux films indispensables), Spielberg a choisi la fiction, mais n’a surtout pas occulté la réalité, il l’a simplement rendue visible sans pour autant la rendre acceptable.  Une scène en particulier a pourtant suscité une relative controverse, celle lors de laquelle des femmes sont envoyées dans une « douche » à Auschwitz-Birkenau, ignorant si en sortira un gaz mortel. Quand la lumière s’éteint, c’est aussi la certitude du spectateur avant que l’eau ne jaillisse. Scène terrible et par laquelle Spielberg n’a en aucun cas voulu faire preuve d’un suspense malsain mais a brillamment montré quel pitoyable pouvoir sur les vies  (parallèle avec le passionnant dialogue sur le pouvoir entre Schindler et Göth) détenait les tortionnaires des camps qui, d’un geste à la fois simple et effroyable, pouvaient les épargner ou les condamner.

    La liste de Schindler est un film nécessaire et même indispensable. Par le prisme du regard d’un homme avec tout ce que cela implique de contradictions (au sujet duquel le film a l’intelligence de ne jamais lever tout à fait le mystère) qui, d’indifférent devint un « Juste » et sauva 1100 juifs, il nous fait brillamment appréhender l’indicible horreur et montre aussi que des pires atrocités de l’humanité peuvent naitre l’espoir. Quand un sondage sidérant, à l’occasion de la commémoration des 70 ans de la Rafle du Vel d’Hiv, révélait que 57% des 25-34 ans, 67% des 15-17 ans,  ignorent tout de la Rafle du Vel d’Hiv (42% tous âges confondus !), des films comme celui-ci continueront d’avoir leur raison d’être. C’est aussi un film sur le pouvoir, celui, pathétique et exécrable, de ceux qui en abusent ou de celui qui le détourne à bon escient, celui du cinéma, instrument du devoir de mémoire.

    Un film dont vous ressortirez abattus, en colère, bouleversés mais aussi avec le sentiment que le pire peut transformer un homme et faire naitre l’espoir en l’être humain malgré les ignominies dont il peut se rendre capable ; et avec des images, nombreuses, à jamais gravées dans vos mémoires parmi lesquelles celle d’un manteau rouge, lueur tragique et innocente au milieu de l’horreur ou celle de la fin, ces pierres posées sur une tombe par  des rescapés et acteurs pour remercier un homme pour toutes les vies qu’il aura sauvés et pour celles qui, grâce à sa liste, à ces noms et identités écrits et affirmés, auront pu voir le jour.

    Cliquez ici pour retrouver mes autres critiques de films de Spielberg et notamment de » Lincoln ».

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  • Critique de JERRY SCHATZBERG, PORTRAIT PAYSAGE de Pierre Filmon (avant-première au cinéma Silencio des Prés)

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    Pour ses dix ans, le cinéma Le Silencio des Prés (22 rue Guillaume Apollinaire, 75006, Paris), sous la houlette de Sam Bobino (notamment cofondateur du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, et fondateur des Paris Film Critics Awards) et de Geoffrey Gervais, propose une programmation exceptionnelle d’avant-premières (le plus souvent accompagnées de débats des protagonistes) parmi lesquelles, hier, celle du documentaire de Pierre Filmon : Jerry Schatzberg, portrait paysage, suivie d’une passionnante rencontre entre Pierre Filmon et Michel Ciment.

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    Je vous avais déjà parlé de Pierre Filmon, l’an passé, à l’occasion de la sortie de Entre deux trains (Long Time No See), son deuxième long-métrage et son premier long-métrage de fiction pour lequel j’avais eu un énorme coup de cœur. Je vous le recommande à nouveau vivement. Il est désormais disponible en DVD chez Tamasa éditions. Il a d’ailleurs reçu de nombreux prix dans le monde. Il a ainsi parcouru 35 festivals internationaux et 17 pays. Pierre Rochefort a obtenu le prix du meilleur acteur en Espagne. Au Chili, le film a obtenu le prix du Best fiction film. En Inde, au Rajasthan IFF, Pierre Filmon a obtenu deux prix : honorary Award et best directeur. Au Kosovo, le film a obtenu le prix du meilleur film… Et si cela ne suffisait pas pour vous convaincre de le découvrir, vous trouverez à nouveau ma critique ci-dessous.

    Pierre Filmon a réalisé plusieurs courts-métrages et son premier long-métrage, Close encounters with Vilmos Zsigmond, était en Sélection officielle au Festival de Cannes 2016 dans le cadre de Cannes Classics. Ce documentaire est consacré à Vilmos Zsigmond, formidable directeur de la photographie qui a travaillé avec les plus grands réalisateurs : Robert Altman, John Boorman, Steven Spielberg, Brian de Palma, Peter Fonda et… Jerry Schatzberg.

    C’est justement à ce dernier que Pierre Filmon a donc consacré ce dernier documentaire : Jerry Schatzberg, portrait paysage, qui se focalise sur « l’univers photographique de Jerry Schatzberg, jeune homme de 95 ans, le dernier des Mohicans du Nouvel Hollywood, photographe et cinéaste qui a réalisé des films avec Al Pacino, Gene Hackman, Meryl Streep, Faye Dunaway et Morgan Freeman et a obtenu une Palme d’Or en 1973 pour L’épouvantail». Le film a été présenté en Première Mondiale à la 79ème Mostra, en septembre dernier.

    Entre deux trains transpirait déjà la passion du cinéma, avec de nombreuses influences, d’Agnès Varda à David Lean. Et c’est cette même passion de l’art du passionné Pierre Filmon que l’on retrouve dans ce documentaire qui s’intéresse au travaille de photographe de Jerry Schatzberg. Même si vous ne connaissiez pas son travail, vous aviez forcément vu une de ses plus célèbres photos, celle, sublimissime, de Faye Dunaway, auréolée de noir, qui avait été mise à l’honneur sur l’affiche du Festival de Cannes 2011, modèle de grâce, d’épure, de sobriété, de sophistication, de mystère, de classe, de glamour, et même pourvue d’une certaine langueur… Cette photo avait été prise par Jerry Schatzberg en 1970.

    Le documentaire de Pierre Filmon qui est le plus beau des hommages au travail remarquable et fascinant de Jerry Schatzberg est un dialogue de ce dernier avec le critique Michel Ciment au gré d’une exposition lors de laquelle il croise des portraits (dont, d’ailleurs, le sien), l’occasion de revenir sur ces fabuleuses rencontres qui ont donné lieu à ces photos singulières et marquantes. Ce plan-séquence permet de découvrir la richesse, la profondeur, la diversité du travail de l’artiste né dans le Bronx en 1927 (un an avec Kubrick au même endroit !) découvert par Pierre Ricient qui s’est battu pour que son premier film sorte en France. Rien ne prédestinait à la photographie et au cinéma celui qui travailla d’abord comme fourreur, comme son père, (ce qu’il détesta) avant de commencer comme assistant photographe pour le New York Times jusqu’ à devenir ce photographe immensément talentueux qui parvient toujours à capter quelque chose de la vérité des êtres (que ce soit de la toute jeune Catherine Deneuve, Aretha Franklin ou un enfant inconnu ou même des photos de nus) même dans des photos plus sophistiquées.

    Michel Ciment a rappelé quel découvreur de talents il a aussi été, ayant notamment à son actif les découvertes d’Al Pacino ou Guillaume Canet qu’il avait fait tourner dès 2001 dans The day the ponies come back. « Ce qui le caractérisé, c'est de faire du mouvement, du presque cinéma dans un décor naturel réaliste» a expliqué hier Michel Ciment. Ce fut «le contraire pour Bob Dylan»  avec des photos en studio dans lesquelles Schatzberg a « capté sa sensibilité, son intelligence et son charisme » a souligné Michel Ciment. Par ailleurs, pour ce dernier, « pas un seul metteur en scène américain n’a fait à la suite trois films aussi extraordinaires ».

    Ce travail en petite équipe, 4 personnes avec Olivier Chambon qui avait déjà été le filmeur de la séquence sur Jerry Schatzberg dans le film de Pierre Filmon sur Vilmos Zsigmond, procure tout son caractère intimiste, sincère et naturel à ce documentaire.

    Michel Ciment a conclu en disant que « le rapport émotionnel avec le sujet est très important » et que Jerry Schatzberg est un « esthète, grand metteur en scène formel mais qui s'intéresse aussi aux émotions, aux rapports humains comme c'est le cas de tous les grands metteurs en scène. Le public vient au cinéma pour ressentir des émotions. C'est ce travail formel qui lui permet d’accéder aux émotions. » C’est sans aucun doute aussi le cas du cinéma de Pierre Filmon qui cherche toujours à saisir l’émotion, par la fiction ou le documentaire.

    Il se pourrait qu’il y ait une suite. Espérons-le tant ce documentaire nous donne envie d’en savoir plus sur Jerry Schatzberg mais aussi de retrouver le regard aiguisé, passionné et enthousiaste de Pierre Filmon sur celui-ci et sur le cinéma en général.

    Pour en savoir plus : http://pierrefilmon.com.

    Et pour le Silencio des Prés : https://lesilencio.com/  

    Critique de ENTRE DEUX TRAINS de Pierre Filmon

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    Un mardi soir aux airs de « chanson d'automne » lors duquel pour paraphraser celle de Verlaine, des « sanglots longs des violons blessent mon cœur d’une langueur monotone », direction l'indéfectible abri de la réalité (le mien, en tout cas) : le cinéma ! En l'occurrence, Le Cinéma Le Grand Action. Cela tombe bien : le film que je souhaitais y voir, le premier long métrage de fiction de Pierre Filmon (réalisateur de quatre courts métrages et d’un long métrage documentaire en sélection officielle au 69ème Festival de Cannes Close Encounters with Vilmos Zsigmond), est une douce parenthèse qui nous rappelle justement que le réel aussi peut contenir ses évasions poétiques, une parenthèse ouverte et close par les rails de la voie ferrée qui défilent et nous emmènent avec eux, témoins indiscrets de la rencontre entre Marion (Laëtitia Eïdo) et Grégoire (Pierre Rochefort) qui se croisent par hasard sur le quai de la Gare d'Austerlitz. Entre deux trains… 

    Neuf ans plus tôt, ils ont vécu une brève histoire d’amour. Il arrive à Paris, de retour d’Orléans où, violoniste, il était en concert. Elle doit en repartir 80 minutes plus tard. Il feint de ne pas la reconnaître ou ne la reconnaît vraiment pas, incrédule face à la matérialisation du rêve (revoir Marion) en réalité. 

    Il y a presque trois films en un. Celui qui se déroule sous nos yeux. Le passé que nous apprenons par bribes par leurs échanges. Et ce que nous devinons de leurs réalité, vérité, avenir : notre propre film.

    Entièrement filmé en plans séquences en cinq jours, ce film est loin d'être seulement une prouesse technique. C'est une ode aux possibles de l'existence. À la magie de ses hasards. De ces interstices presque irréels volés au prosaïsme du quotidien qui soudain éclairent le présent comme ce rayon de soleil qui balaie et illumine le visage de Marion. Une ode aux rêves (qui ont aidé Grégoire à vivre) et à l'imaginaire (celui du spectateur qui se fait son propre cinéma).

    Et puis, un film qui nous dit que « aimer, c'est voir l'enfant en l'autre », qui cite Prévert et Les Enfants du paradis (« Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment d’un aussi grand amour »), qui fait notamment résonner Schubert et Beethoven (la musique originale est de David Hadjadj), qui nous rappelle Agnès Varda (Cléo de 5 à 7) et David Lean (Brève rencontre), pour tout cela, déjà, vaut la peine qu'on aille à sa rencontre. De ces films qui, comme ce à quoi aspirait Claude Sautet (oui, je cite encore Claude Sautet…), vous font « aimer la vie », encore plus, vous dire que même des jours monotones peuvent surgir des éclats inattendus de bonheur ou des airs de violon mais qui, ceux-là, ne blessent pas mais au contraire apaisent et entraînent dans un tourbillon de joie. Entre deux trains m’a fait penser à ces films de mon panthéon cinématographique où la rencontre de quelques heures illumine une vie que ce soit à Paris et Casablanca (dans le film éponyme de Michael Curtiz, « nous aurons toujours Paris ») ou Tokyo dans Lost in translation de Sofia Coppola. 

    Le court laps de temps imparti à Marion et Grégoire intensifie les émotions, les exacerbe et sublime. Alors, partez avec Marion et Grégoire pour cette déambulation mélancolique et réjouissante, du Jardin des Plantes (ses squelettes du Muséum d’Histoire naturelle qui nous rappellent qu'il faut déguster chaque seconde et que ce moment qu'ils partagent est de la vie pure et précieuse) au café Maure de la Grande Mosquée de Paris.

    Laëtitia Eïdo et Pierre Rochefort transmettent au film leur justesse, grâce et élégance intemporelles. Et réciproquement ! La déambulation poétique de ces deux cœurs égarés n’est ainsi jamais cynique, jamais mièvre non plus. Simplement juste. Ronald Guttman interprète avec talent un beau-père imbuvable à souhait dont chaque réplique est savoureusement insupportable. Estéban fait une apparition remarquée. 

    Une variation sur les hasards et coïncidences et les possibles de l’existence, empreinte de la beauté cinglante de la nostalgie. Un petit bijou fragile et délicat, aérien et profond dont vous sortirez avec l’envie de savourer chaque précieuse seconde, et de croire, plus que jamais, comme l’écrivait Victor Hugo qu’« il y a le possible, cette fenêtre du rêve, ouverte sur le réel ».

  • Spectacle symphonique "Claude Lelouch, d'un film à l'autre" : l'inoubliable hymne à la vie de Claude Lelouch pour ses 85 ans !

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    Éperdument vivants. Ainsi sont presque toujours les personnages dans les films de Claude Lelouch. Ainsi nous donnent-ils encore plus envie d’être. Dans Un homme et une femme, Jean-Louis Duroc (Trintignant) demande à Anne Gauthier (Anouk Aimée), citant Giacometti « Qu'est-ce que vous choisiriez : l'art ou la vie ? ». Lelouch n'a certainement pas choisi, ayant réussi a insufflé de l'art dans la vie de ses personnages et de la vie dans son art. Son cinéma, c'est de l'art qui transpire la vie. Et, hier soir, chaque seconde transpirait la vie.
     
    C’est par son fameux court-métrage, sa trépidante traversée de Paris de huit minutes, C’était un rendez-vous, qu’a débuté cette soirée unique. Hier soir, au Palais des Congrès, c’était effectivement un sacré rendez-vous. Un rendez-vous avec mes premiers émois de cinéma. Un rendez-vous avec certains des films qui me l’ont fait aimer, comme on devrait toujours aimer : la vie, les êtres chers, le septième art. Passionnément. Inconditionnellement. Par ce concert exceptionnel au Palais des Congrès, avec les 80 musiciens de l’orchestre philarmonique de Prague, Claude Lelouch a célébré ses 85 ans....enfin pardon ses...8+5=13 ans ! Une soirée qui, comme chacun de ses films, aspirait à nous faire « aimer un peu plus la vie » qui est « le plus grand cinéaste du monde », cette vie qu'il fait tournoyer sous sa caméra, et qu’il rend ainsi si vibrante et intense. Dans chacun de ses films, la vie est un jeu. Dénué de tiédeur. Sublime et dangereux. Grave et léger. Un jeu de hasards et coïncidences. Le cinéma, son cinéma, l’est aussi.
     
    « C’est l’irrationnel qui invente notre vie. La musique est ce qui parle le mieux à notre irrationnel » a coutume de dire Claude Lelouch. Alors, hier soir, l’irrationnel a déployé toute sa puissance pour nous embarquer dans un tourbillon d’émotions transcendé par la musique (surtout) de Francis Lai.
     
    Cette soirée aurait pu être une scène d’un film de Lelouch, là où la frontière entre le cinéma et la réalité est si ténue. L’ouvreuse vend le programme sur l’air de « qui me dira » et déjà le cinéma empiète sur la réalité, lui procure une aura romanesque.
     
    La vie de Lelouch a d’ailleurs débuté sous le signe du cinéma. C’est dans un cinéma qu’il se réfugia pendant la guerre. Et ses parents s’y sont rencontrés, pendant un film de Fred Astaire et Ginger Rogers, lesquels, des années plus tard, lui remettront son Oscar. Comme dans une scène d'un film de Lelouch glorifiant les hasards et coïncidences ! Il n’y a pas plus bel endroit pour s’abriter de la réalité qu’un cinéma après tout, non ?
     
    Claude Lelouch n’a eu de cesse de sublimer la vie et les acteurs avec sa fougue communicative, sa réjouissante candeur, son regard enthousiaste, sa curiosité malicieuse. Bien que les critiques ne l’aient pas épargné, il est toujours resté fidèle à sa manière, singulière, de faire du cinéma, avec passion et sincérité, et fidélité : à la musique de Francis Lai (toujours enregistrée avant le tournage et diffusée sur le plateau), aux fragments de vérité, aux histoires d’amour éblouissantes, à sa vision romanesque de l’existence, à ses aphorismes, aux sentiments grandiloquents et à la beauté (parfois terrible) des hasards et coïncidences.
     
    Quel plaisir de revoir tous ces moments inoubliables de cinéma portés par la musique (essentiellement de Francis Lai qui a composé les musiques de 35 de ses 50 films) magistralement interprétée par l’orchestre philarmonique de Prague, de cet inénarrable Dabada mondialement célèbre repris par Nicole Croisille à la musique de son prochain film composée par Ibrahim Maalouf et jouée en exclusivité hier.
     
    Que d’images et musiques inoubliables revues et réentendues hier ! La foule d’émotions qui passent sur le visage de Girardot à la fin d’Un homme qui me plaît jusqu’à son regard final, poignant, sur le magnifique Concerto pour la fin d’un amour. L’incroyable musique de western de ce film aussi. Ou encore ce couple magique et improbable interprété par Françoise Fabian et Lino Ventura dans le jubilatoire La bonne année (le film préféré de Kubrick, tandis qu’hier soir dans les messages enregistrés, Travolta déclarait que Un homme et une femme était son «film préféré de tous les temps» et Woody Allen que Lelouch était pour lui une source d’inspiration). Ce crescendo étourdissant et magistral du Boléro de Ravel plus bouleversant que jamais grâce à l’orchestre philarmonique et au montage des images des films de Lelouch. Ou encore la musique épique, flamboyante et lyrique de Itinéraire d’un enfant gâté qui, rappelez-vous, dans le film, accompagne d’abord les premières années de Sam Lion et les numéros de cirque étourdissants qui défilent (sans dialogues, juste avec la musique pour faire le lien) jusqu’à l’accident fatidique. Puis, les flashbacks qui alternent avec les vagues sur lesquelles flotte le navire de Sam Lion, des vagues qui balaient le passé. Rappelez-vous ces premières minutes bouleversantes, captivantes, montées et filmées sur un rythme effréné, celui sur lequel Sam Lion (ainsi appelé parce qu’il a été élevé dans un cirque) va vivre sa vie jusqu’à ce qu’il décide de disparaître.
     
    Rappelez-vous aussi le « Montmartre 1540 » de Trintignant dans Un homme et une femme (c’est déjà un peu de la musique quand il le prononce, non ?). Ou des années plus tard dans  Les plus belles années d’une vie quand soudain il s'illumine par la force des souvenirs de son grand amour, comme transfiguré, jeune, si jeune soudain. Et la majesté d'Anouk Aimée, sa grâce quand elle remet sa mèche de cheveux. Que d'intensité poétique et poignante lorsqu'ils se retrouvent et qu’ils sont l’un avec l’autre dans ce film des décennies après Un homme et une femme comme si le cinéma (et/ou l'amour) abolissai(en)t les frontières du temps et de la mémoire.
     
    « Les plus belles années d’une vie sont celles qu’on n’a pas encore vécues ». Cette citation de Victor Hugo reprise dans le film précité résume au fond ce que nous racontent tous les films de Claude Lelouch. Et ce qu’a raconté cette soirée. Et ce sont cette liberté et cette naïveté presque irrévérencieuses qui me ravissent, n’en déplaise aux sinistres cyniques. Comme chacun des films de Lelouch, cette soirée était une déclaration d’amour avec ses touchantes maladresses et ses élans passionnés. Une déclaration au cinéma. Aux acteurs. À l’amour. Aux hasards et coïncidences. Un hymne à la vie. Au présent. À l’émerveillement. À la musique.
     
    « Je ne suis pas un metteur en scène. Je suis un metteur en vie. Le plus grand scénariste, le meilleur dialoguiste, c’est la vie », « J’ai toujours privilégié l’émotion à la technique. L’émotion, c’est la vérité » répète régulièrement Claude Lelouch. « La musique c’est ce qui parle le mieux à notre instinct, qui interpelle notre cœur » dit-il aussi. Alors, hier, le mien était chamboulé.
     
    « Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte ». Cette citation d’Albert Cohen ouvre Itinéraire d’un enfant gâté et place le film sous le sceau du pessimisme et de la solitude, impression que renforce la chanson interprétée par Nicole Croisille qui ouvre le film. « Qui me dira, les mots d’amour qui font si bien, du mal ? Qui me tiendra, quand tu iras décrocher toutes les étoiles ? Qui me voudra, avec le nez rouge, et le cœur en larmes ? Qui m’aimera, quand je n’serai plus que la moitié d’une femme ? » tandis qu’un petit garçon seul sur un manège attend désespérément sa mère. Un homme s’occupe de lui, découvre le carton qu’il a autour du cou et qui indique que sa mère l’a abandonné.
     
    Rares sont les films qui émeuvent ainsi, dès les premiers plans et qui parviennent à maintenir cette note jusqu’au dénouement. Pour y parvenir, il fallait la subtile et improbable alliance d’ une musique fascinante comme un spectacle de cirque, d’acteurs phénoménaux au sommet de leur art, de dialogues réjouissants magistralement interprétés, un scénario ciselé, des paysages d’une beauté à couper le souffle, des histoires d’amour (celles qui ont jalonné la vie de Sam Lion, avec les femmes de sa vie, son grand amour décédé très jeune, sa seconde femme, sa fille Victoria pour qui il est un héros et un modèle et qui l’aime inconditionnellement, mais aussi celles d’Albert avec Victoria), jouer avec nos peurs (l’abandon, la disparition des êtres chers, le besoin de reconnaissance), nos fantasmes (disparaître pour un nouveau départ, le dépaysement) et les rêves impossibles (le retour des êtres chers disparus). Mais je digresse...
     
    Hier soir, au contraire, nous n’étions plus sur l’île déserte. La musique est effectivement le meilleur des médicaments comme l’a dit hier soir Claude Lelouch. Un baume universel sur les âmes meurtries et les cœurs blessés. Bref, ce fut un grand moment. De musique. D’émotions. De cinéma. Sur scène, Calogero, Nicole Croisille, Barbara Pravi, Ibrahim Maalouf, Patrick Bruel, Thomas Dutronc, ont rejoint l'orchestre philarmonique pour interpréter les chansons extraites des BO des films de Claude Lelouch tandis que Didier Barbelivien lui a composé et interprété une chanson inédite et que Francis Huster lui a lu deux déclarations d'amour, l'une de la compagne de Claude Lelouch, la talentueuse écrivaine Valérie Perrin, et l'autre des acteurs qui ont tourné avec lui, nombreux dans la salle venus souhaiter un joyeux anniversaire à celui dont on espère qu'il continuera le plus longtemps possible à nous faire aimer la vie, ainsi, passionnément.
     
    A l'issue du concert, Claude Lelouch est monté sur scène et, la voix étranglée par l'émotion, a déclaré : «A la fin de Guerre et Paix, Tolstoï disait, le plus difficile dans la vie, c'est d'aimer la vie. C'est ce que j'ai essayé de faire et à travers ces 50 films, d'essayer de vous faire partager cet amour que j'ai de la vie. Profitez-en. Vous ne pouvez pas savoir. Vous savez, je crois qu'on ne saura d'où l'on vient et où l'on va. Vous êtes arrivés dans un film qui avait commencé bien avant vous et vous serez obligés de vous barrer avant la fin du film. Alors profitez d'une seule chose, c'est le présent.» «La musique est la chose la plus importante de ma vie. C'est le meilleur des médicaments. Dès que j'ai un coup de blues, c'est à elle que je pense.»
     
    Selon Platon « La musique donne une âme à nos cœurs, des ailes à notre pensée et un essor à l’imagination. » En sortant du Palais des Congrès hier, la pensée et l’imagination s’envolaient en effet vers un joyeux ailleurs. Comme dans un film de Lelouch… Qui me dira…♪♪♪... Merci et joyeux anniversaire Monsieur Lelouch !
  • Critique de FALCON LAKE de Charlotte Le Bon

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    Une histoire d'amour et de fantômes. Ainsi le pitch officiel présente-t-il ce premier long-métrage de Charlotte Le Bon projeté à la Quinzaine des Réalisateurs 2022, et au dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville dans le cadre duquel il a reçu le prix d’Ornano-Valenti, toujours un gage de qualité à l’exemple des deux derniers films lauréats de ce prix, le brillant Slalom de Charlène Favier et Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona ( un film qui vous donne envie d’empoigner, célébrer et danser la vie, l’avenir et la liberté, je vous le recommande aussi au passage).…Ce film ne déroge pas à la règle. Pour son premier long-métrage, Charlotte Le Bon a choisi de porter à l’écran le roman graphique de Bastien Vivès, Une sœur. Cette adaptation très libre le transpose de la Bretagne à un lac des Laurentides, situé au Québec, au Nord-Ouest de Montréal.

    C’est là, pendant l’été, qu’un jeune Français, Bastien (Joseph Engel), ses parents et son petit frère viennent passer quelques jours, dans un chalet situé au bord d’un lac où sa mère québécoise (Mona Chokri) venait déjà avec son amie d’enfance. Il est décidé que Bastien dormira dans la même chambre que Chloé (Sara Montpetit), de trois ans son ainée. Une adolescente frondeuse, étrange et un peu fantasque. Chloé, qui passe d’habitude son temps avec des garçons plus âgés qu’elle, est d’abord contrariée par l’arrivée de celui qu’elle considère comme un enfant. Bastien qui a 13 ans « bientôt 14 » n’en est pourtant plus tout à fait un. Il éprouve immédiatement de la fascination pour Chloé. Cette dernière en joue. Mais n’est-ce véritablement qu’un jeu entre celui qui se cherche et celle qui pense n’avoir sa place nulle part ? Les deux adolescents se rapprochent peu à peu…

    Cela commence comme un conte funèbre. Un plan sur un lac sur lequel on distingue ensuite comme un corps mort qui flotte à la surface.  Puis le corps prend vie. Ensuite, une voiture s’engouffre dans une forêt dense et mystérieuse, à la fois admirable et presque menaçante. Dans la voiture qui s’enfonce dans cette forêt, Bastien touche son petit frère qui ne s’en rend pas compte, comme s’il était une présence fantomatique. La famille entre ensuite dans un chalet plongé dans l’obscurité. Toute la puissance énigmatique et ensorcelante du film est déjà là, dans ces premiers plans.

    En effet, dès le début, dans ce chalet isolé au milieu de cette nature aussi captivante qu’inquiétante, une indicible menace plane. Ce mélange de lumière et d’obscurité, de candeur et de gravité, instaure d’emblée une atmosphère singulière. Cet été flamboyant contraste avec la rudesse de l’hiver à venir, et rend chaque minute plus urgente, faussement légère et presque brusque. Comme une allégorie de l’adolescence…

    Baignade dans la nuit, ombres sur les murs...: Charlotte Le Bon s’amuse avec les codes du film de genre. Quand Chloé apparaît la première fois, c’est de dos, comme un fantôme. Ces fantômes dont l’adolescente ne cesse de parler. La mort est là qui rode constamment. Bastien raconte qu’il a peur de l’eau, ayant failli se noyer petit. Chloé s’amuse à disparaître dans l’eau. Elle joue à la morte et dit « j’ai pas l’air assez morte ». Elle s’approche de Bastien pour lui faire peur, déguisée en fantôme. Ils jouent à se mordre jusqu’au sang. Bastien trouve un animal mort. Il s’adonne à une danse endiablée avec un masque fantomatique sur le visage etc.

    Tout cela ressemble-t-il encore à des jeux d’enfant ? Pour aller à une soirée, Chloé habille Bastien comme elle le ferait avec une poupée ou un enfant et pour désamorcer une éventuelle ambiguïté lui dit que « Les petites filles vont devenir folles ». Chloé et Bastien aiment jouer à se faire peur, à se draper d’un voile blanc pour jouer aux fantômes, à feindre la mort. Chloé photographie ainsi Bastien recouvert d’un voile blanc près d’un arbre mort. Et Chloé est surtout obsédée par la présence d’un fantôme suite à une mort accidentelle dans la partie sauvage du lac, une mort dont elle semble la seule à avoir entendu parler.

    Ce récit initiatique est envoûtant du premier au dernier plan. Chloé et Bastien sont à une période charnière où tout est urgent, où les émotions sont à fleur de peau. D’un instant à l’autre, dans ce décor de fable, tout semble pouvoir basculer dans le drame.

    La réalisation particulièrement inspirée de Charlotte Le Bon, entre plans de natures mortes et images entre ombre et lumière (sublime photographie de Kristof Brandl), avec son judicieux mode de filmage (pellicule 16mm), plonge le film dans une sorte de halo de rêve nostalgique, comme un souvenir entêtant. Le format carré en 4/3 semble être un hommage au film A ghost story. Dans ce long-métrage de David Lowery qui fut également projeté il y a quelques années dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville, un homme décède et son esprit, recouvert d'un drap blanc, revient hanter le pavillon de banlieue de son épouse éplorée, afin de tenter de la consoler. Mais il se rend vite compte qu’il n’a plus aucune emprise sur le monde qui l’entoure, qu’il ne peut être désormais que le témoin passif du temps qui passe, comme passe la vie de celle qu’il a tant aimée. Fantôme errant confronté aux questions profondes et ineffables du sens de la vie, il entreprend alors un voyage cosmique à travers la mémoire et à travers l’histoire. Dans ce conte poétique et philosophique sur le deuil, l’absence, l’éphémère et l’éternel, l’impression d’étirement du temps est renforcée par le format 4/3, un film inclassable qui remuera les entrailles de quiconque aura été hanté par un deuil et la violence indicible de l’absence. Cette référence n’est certainement pas un hasard tant le scénario de Charlotte Le Bon et François Choquet est d’une précision remarquable. D'une précision (et d'une justesse) remarquable, les deux jeunes comédiens qui insufflent tant de véracité à cette histoire aux frontières du fantastique le sont aussi.

    Le travail sur le son est également admirable, qu’il s’agisse des sons de la nature mais aussi des sons du monde des adultes comme un bruit de fond étouffé, lointain, appartenant à une autre réalité ou tout simplement même à la réalité. La musique de Shida Shahabi à l’aura fantastique et mélancolique, est aussi un acteur à part entière. Elle vient apporter du mystère et de l’angoisse dans des moments plus légers. Elle ne force jamais l’émotion mais la suscite et nous intrigue comme lorsque quelques notes plus tristes viennent se poser sur des moments joyeux pour nous signifier qu’ils appartiennent peut-être déjà au passé.

    « Certains fantômes ne réalisent pas qu'ils sont morts. Souvent c'est des gens qui n'étaient pas près de mourir, ils vivent avec nous sans pouvoir communiquer avec personne » dit ainsi Bastien à un moment du film. Une phrase qui résonnera d’autant plus fort après cette fin, ce plan de Chloé face au lac, avec sa mèche blonde, qui se tourne à demi quand Bastien l’appelle. Une fin entêtante, magnifique, énigmatique qui fait confiance au spectateur et au pouvoir de l’imaginaire. Une fin comme ce film, magnétique, dont le fantôme ne cessera ensuite de nous accompagner…Une histoire d’amour et de fantômes, certes, mais surtout une exceptionnelle et sublime histoire d’amour et de fantômes  qui vous hantera délicieusement très longtemps.

    Au cinéma le 7 décembre 2022.

  • A quand le retour des Jedi et de leur indissociable sabre laser ?

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    Cette périphrase en titre est, vous l’aurez compris, destinée à vous parler des sorties prochaines de Star Wars et autres dérivés. L’univers de science-fiction créé par George Lucas n’est pas sur le point de s’éteindre et les inconditionnels demeurent à l’affût pour retrouver leur "galaxie lointaine, très lointaine". Depuis l’achat (en 2012) des droits d’auteur par la Walt Disney Company; le succès commercial continue d’être (la plupart du temps comme nous allons le voir) au rendez-vous et d’obéir à une logique implacable, plus implacable encore que le célèbre sabre laser, indissociable de Star Wars. Les films dérivés ont été initiés par Disney et Lucasfilm à partir de 2016.

    En mai 2019, de nouveaux films détachés de la saga de la famille Skywalker ont été annoncés mais leur développement a cependant été interrompu après la tiédeur de l’accueil des opus précédents pour s’orienter vers le lancement de la série The Mandalorian en novembre 2019. Preuve que même Star Wars n’échappe pas à la dure loi du marché !

    Depuis le 21 septembre 2022, les abonnés au SVOD de Disney peuvent ainsi découvrir Andor. Si des séries Star Wars et des séries animées (comme Tales of the Jedi récemment) sont au programme comme l'annoncent les sites de fans bien informés, c’est le cinéma qui nous intéresse ici. En mai, Disney a ainsi annoncé que Taika Waititi serait prochainement aux commandes d’un long-métrage Star Wars avec, à ses côtés, la scénariste écossaise Krysty Wilson-Cairns.

    Dans le contexte actuel dans lequel les spectateurs désertent de plus en plus les salles de cinéma…et à mon grand désarroi les films européens (je ne vous ferai pas l’affront de vous citer tous les grands films sortis cette année mais tous ceux que je vous recommande figurent dans ma rubrique consacrée aux critiques de films sortis en 2022), sans nul doute un nouveau Star Wars en salles viendrait-il doper les entrées à l’image d’un James Bond, Harry Potter ou d’un Mission impossible.

    En résumé, on compte aujourd’hui : la trilogie originale, la prélogie, la troisième trilogie, les films dérivés et à venir : Star Wars : Rogue Squadron de Patty Jenkins (sans date annoncée) et la nouvelle trilogie annoncée par Disney en juillet 2020 dont on sait que le premier film devrait sortir le 22 décembre 2023, avec deux suites le 19 décembre 2025 et le 17 décembre 2027. To be continued…

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