Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 60

  • 4 critiques de films de SAM MENDES en attendant 1917

    1917.jpg

    En attendant la sortie de 1917 demain, je vous propose 4 critiques de films réalisés par SAM MENDES

    Critique - LES NOCES REBELLES

    noces.jpg

    Lorsqu’ils se rencontrent, April (Kate Winslet) et Frank Wheeler (Leonardo Di Caprio) en sont persuadés : ils sont différents, exceptionnels même. Certes ils ont emménagé sur Revolutionary road,  dans une banlieue tranquille comme il y en a tant d’autres, où les conventions sociales et la vie routinière règnent mais ils en sont certains : ils ne se laisseront pas piéger. Oui, ils sont différents et le prouveront.

    Actrice sans talent, April consacre  pourtant bientôt tout son temps à sa maison et ses enfants, en rêvant d’une vie trépidante loin de Revolutionary road.  Frank, quant à lui, fait un travail sans intérêt dans un bureau dans la même entreprise que celle où son père travaillait, et finit par tromper sa femme avec une secrétaire terriblement insignifiante et stupide.

    Un jour, celui-là même ou Frank commence à la tromper, en fouillant dans sa boîte à souvenirs, April trouve une photo de Frank à Paris et se souvient de leurs aspirations.  Elle reprend brusquement goût à la vie, surtout espoir en la vie et en l’avenir. C’est décidé : leur avenir est à Paris, elle convainc Franck de partir y vivre quelques mois plus tard. Ils l’annoncent alors à leurs proches avec l’insolence du bonheur.

    L’intrigue se déroule dans le Connecticut, dans les années 50 mais ce n’est finalement qu’un détail… tant ce film a une portée intemporelle et universelle.

    Si ces « Noces rebelles » font l’effet d’un coup de poignard dont il faudra un temps certain pour se remettre, c’est autant pour son dénouement terriblement fort et magnifiquement cruel que pour les questionnements que ce film suscite et auxquels chacun a forcément été confronté, un jour ou l’autre. Le schisme potentiel entre ce que l’on est, ce que l’on voudrait devenir ou ce que l’on a rêvé de devenir. Les idéaux de jeunesse face à la réalité de la vie familiale. Le courage d’échapper à une vie médiocre, confortable et conformiste ou la  facilité, la lâcheté même, de s’y conformer. La facilité de suivre une existence tracée ou le courage de se rebeller contre celle-ci.

    Revolutionary Road, le nom de leur rue : voilà bien tout ce que leur vie a finalement de révolutionnaire tant ils vont se faire enfermer par cette vie si éloignée pourtant de celle à laquelle ils aspiraient, tant ils vont devenir semblables aux autres, malgré tout, tant ils vont être happés par ce « vide désespérant » de l’existence qu’ils méprisent par-dessus tout.

     Avec son costume et son chapeau grisâtres, chaque matin, sur le quai de la gare Frank est anonyme et perdu dans une foule indifférenciée d’hommes vêtus de la même manière, sinistrement semblables. Son bureau est carré, gris, terne comme la cellule d’une prison. Et chaque matin April le regarde partir derrière une vitre aux lignes carcérales. Cette prison d’uniformité, de médiocrité va bientôt se refermer sur eux … jusqu’au point de non retour.

    La rencontre n’occupe qu’une très petite partie du film : le pré-générique au cours duquel April jette son dévolu sur Frank, parce qu’il porte en lui toutes les espérances d’une vie exceptionnelle, parce qu’il a l’arrogance et la beauté prometteuses, prometteuses d’un futur différent de celui des autres, d’une vie où on « ressent » les choses et où on ne les subit pas. Puis, on les retrouve mariés, se disputant suite à une représentation théâtrale dans laquelle jouait April et où son manque de talent a éclaté. Générique. Le temps du bonheur est terminé. Le reste n’en sera que le vain  espoir.

    La suite est à la fois d’une déchirante cruauté mais aussi d’une déchirante beauté : la beauté du regard aiguisé d’un cinéaste au service de ses acteurs, au service du scénario, au service de cet enfermement progressif. La justesse des dialogues, ciselés et incisifs, auxquels notre attention est suspendue. La beauté de certains plans, de certaines scènes, brefs moments de bonheur qui portent déjà en eux son impossibilité et qui les rend d’autant plus éblouissants : April lumineuse, irréelle et déjà évanescente, dans l’embrasure d’une porte  ou une danse sensuelle exprimant autant la vie que la douleur de son renoncement… Et cette scène qui succède à une dispute où tout semble devenu irrévocable et irrémédiable. Cette scène (que je ne vous décrirai pas pour vous la laisser découvrir) à la fois d’une atroce banalité et d’une rare intensité où le contraste avec la précédente et où les enjeux sont tels que notre souffle est suspendu comme lors du plus palpitant des thrillers. Quel(s) talent(s) faut-il avoir pour faire passer dans une scène en apparence aussi insignifiante autant de complexité, de possibles, d’espoir, d’horreur ? Cette scène est magistrale.

    Alors, non…la route ne les mènera nulle part. Si : en enfer peut-être.  Au grand soulagement des voisins qui raillaient hypocritement leur départ, qui redoutaient en réalité qu’ils échappent à cette vie qu’ils se sont condamnés à accepter et à suivre sans rechigner.  Le piège va se refermer sur eux. La rébellion sera étouffée. La médiocrité remportera la bataille contre la vie rêvée et idéalisée.

    La musique de Thomas Newman est parfois douloureusement douce et ne fait qu’exacerber ce sentiment de regret, de bonheur à jamais insaisissable, de même que la photographie qui, tantôt (plus rarement) d’une lumière éclatante, tantôt d’une obscurité presque inquiétante épouse les espoirs et les déchirements, les désillusions du couple.

    Onze ans après « Titanic » le couple Di Caprio / Winslet se reforme (de nouveau accompagnés de Kathy Bates) donc pour ce film qui en est l’antithèse, une adaptation du roman « Revolutionnary Road » (La Fenêtre panoramique) de Richard Yates publié en 1961. Ce choix de casting est judicieux  et très malin, non seulement parce qu’ils auraient pu choisir un blockbuster beaucoup plus « facile » et qu’avec ce sujet ce n’était pas gagné d’avance (au contraire des protagonistes du film, ils ont donc  fait preuve d’audace) mais aussi parce qu’ils représentaient alors le couple romantique par excellence, les voir ainsi se déchirer n’en est d’ailleurs que plus fort. Kate Winslet, par son jeu trouble et troublant, n’a ainsi pas son pareil pour faire passer la complexité et la douleur de ses tourments, l’ambivalence de cette femme que le conformisme étouffe progressivement et pour que chacune de ses expressions contienne une infinitude de possibles, contribuant à ce suspense et cette sensation de suffocation intolérable.  On étouffe, subit, souffre avec elle. C’est à la fois jubilatoire et insoutenable. Avec son air d’éternel adolescent maladroit, ne sachant prendre sa vie en mains, Leonardo Di Caprio, quant à lui, trouve là un de ses meilleurs rôles et prouve une nouvelle fois l’étendue de son jeu.

     Le film leur doit beaucoup tant ils rendent ce couple à la fois unique et universel et extrêmement crédible. Dommage qu'aux Oscars ( même si Kate Winslet a obtenu le Golden Globe pour ce rôle ) seul ait été nommé Michael Shannon comme meilleur acteur dans un second rôle (qui le mérite néanmoins, qui interprète un fou de la bouche duquel sortira pourtant la vérité, rassurant finalement les voisins hypocrites qui préfèrent ne pas entendre-au sens propre comme au sens figuré, cf le mari de Kathy Bates au dénouement- qui refusent de l’admettre puisque n’étant pas sain d’esprit il aurait donc tort et eux auraient raison d’avoir choisi, plutôt suivi cette vie. C’est aussi le seul à être d’accord et à comprendre réellement les Wheeler). Le film fut également nommé pour le meilleur costume et pour le meilleur décor (Kristi Zea, la chef décoratrice dit s’être inspirée des œuvres du peintre Edward Hopper donc ce film porte la beauté laconique et mélancolique).

     Un film intemporel et universel, d’une force et d’une cruauté aussi redoutables qu’admirables, servi par deux comédiens exceptionnels et une réalisation virtuose. Un film palpitant qui est aussi une réflexion sur le mensonge, l’espoir, les idéaux de jeunesse, la cruauté de la réalité, la médiocrité, l’hypocrisie et le conformisme de la société. Les vingt dernières minutes sont d’une intensité rare et font atteindre des sommets de perspicacité, de complexité à ce film dont on ressort touchés en plein cœur avec cette envie aussi de le faire battre encore plus vite et plus fort. Le pouvoir des grands films dont « Les Noces rebelles » fait indéniablement partie. Je vous invite vivement à faire un tour sur cette « revolutionary road », autre "sentier de la perdition". Vous n’en reviendrez pas indemnes… et je vous le garantis : cette rue-là vous bousculera, vous portera et vous hantera bien après l’avoir quittée. 

    Critique - AWAY WE GO

    away we go.jpg

    Quel film peut-on bien réaliser après le chef d'œuvre "Les Noces Rebelles" ? Plutôt que de réaliser un film semblable qui aurait forcément souffert de la comparaison,  Sam Mendes a eu la bonne idée de réaliser un film qui est quasiment le contrepied du précèdent...

     Certes, Verona (Maya Rudolph) et Burt (John Krasinski), cherchent ici aussi un ailleurs, pas pour échapper à leur vie de couple étouffante, mais pour trouver l'endroit parfait pour fonder une famille. Ils viennent en effet d'apprendre qu'ils vont devenir parents et la seule raison pour laquelle ils vivaient dans la ville de province dans laquelle ils habitaient était la présence des parents de Burt qui ont brusquement décidé de déménager. Ils vont donc partir rendre visite à leurs familles et amis  pour trouver le bon endroit. Le bon modèle.

    Aux antipodes du glamour hollywoodien, Sam Mendes a choisi deux acteurs non auréolés de tout le mythe qui entourait ceux de son précèdent film (Kate Winslet et Leonardo Di Caprio), un couple ordinaire  auquel chacun est censé pouvoir s'identifier. Une autre histoire de couple. Un couple d'amoureux qui se suffisent l'un à l'autre et pour qui trouver le bon endroit est le moyen de se retrouver et non d'échapper à son alter ego. D'ailleurs, la protagoniste féminine du couple s'appelle Verona. La ville des amoureux immortalisée par Shakespeare. Tout un symbole... même si ici pas de Capulet et Montaigu pour mettre à mal leur amour. Simplement des questionnements, un cheminement vers l'âge adulte. A travers les rencontres qu'ils vont effectuer, les lieux qu'ils vont visiter, ils vont grandir, prendre la mesure de la responsabilité qui va bientôt leur incomber.

    Leur parcours est divisé en saynètes sur un schéma assez semblable. Ces saynètes sont séparées par des panneaux indiquant le nom de l'endroit où ils arrivent et la vérité (du couple qui les accueille et de leur attitude avec leurs enfants) apparaît le plus souvent lors de scènes de repas, là aussi propices à créer l'identification, aussi excentriques soient les réalités auxquelles ils sont alors confrontés : du couple qui se moque de ses propres enfants au couple hippie aux principes éducatifs improbables où l'enfant trône comme un roi en bout de table mais est finalement nié. Ils vont alors être confrontés à tous les modèles pour trouver le leur : de la mère qui s'en va à celle qui adopte parce qu'elle ne peut pas avoir d'enfants.

    Mais ne vous y trompez pas, il s'agit aussi et avant tout d'une comédie. Parfois décalée, et surtout rafraîchissante comme peut l'être un premier film qui ne démériterait pas dans la compétition des films indépendants du Festival du Cinéma Américain de Deauville. Les deux acteurs principaux, à la fois ordinaires et originaux et surtout talentueux, y sont aussi pour beaucoup. Ce long-métrage qui est le cinquième de Sam Mendes  a pourtant la fraîcheur d'un premier film !

    Derrière ce road movie rafraîchissant, plus grave qu'il n'y paraît, Sam Mendes débusque à nouveau les faux-semblants et met de nouveau en scène ses thèmes de prédilection : l'hypocrisie sociale du couple et ce qu'il dissimule derrière une apparence de respectabilité (et cela commence avec les parents de Burt, dans une scène irrésistible dans laquelle ils témoignent de leur redoutable égoïsme), la sensation d'étouffement (à l'intérieur du couple ou d'un lieu, ici) et l'envie d'y échapper.

    A l'image du film, ses personnages principaux sont attachants par leur simplicité, fauchés mais amoureux et heureux. Ce road movie va être leur parcours initiatique.

    Sam Mendes filme  au plus près des visages pour aller au-delà des apparences.  La musique d'Alexi Murdoch baigne l'ensemble dans une mélodie envoûtante et le scénario original de Dave Eggers et Vendela Vida, s'il ne nous époustoufle pas, nous charme incontestablement, par sa tendresse et son humour.

    Ailleurs nous irons, signifie le titre. Ailleurs Sam Mendes nous a emmenés. Tout en nous rappelant que le bonheur c'est souvent non pas d'échapper à son destin mais de s'y confronter. Et que, le  plus souvent, il ne se situe pas ailleurs, mais bel et bien là, juste à côté de nous.

     Je ne vous surprendrai pas en vous disant que j'ai, et de loin, préféré la complexité, la noirceur, la subtilité, la beauté cruelle des « Noces Rebelles » mais je vous recommande également ce « Away we go » qui, en vous emmenant ailleurs avec un mélange d'apparente et séduisante légèreté et de touchante gravité, vous parlera sans doute aussi, d'ici et de vous. 

    Critique - SKYFALL

    skyfall

    « Skyfall » est le 23ème James Bond, le troisième James Bond incarné par Daniel Craig après « Casino Royale » en 2006 et « Quantum of Solace » en 2008 qui nous a habitués à ce nouveau James Bond plus tourmenté, plus sombre, plus viril, plus glacial, plus humain, s’écartant du personnage du svelte dandy au sourire ravageur et carnassier aussi collectionneur de gadgets que de James Bond girls. Sixième acteur à incarner le célèbre héros de Ian Flemming, Daniel Craig est aussi à mon avis le meilleur (après Pierce Brosnan, Sean Connery, Roger Moore, Timothy Dalton, George Lazenby), en tout cas celui qui a apporté le plus d’épaisseur, de séduction brute, et de complexité au personnage. J’en attendais donc beaucoup de ce troisième Bond avec Daniel Craig, d’autant que c’est pour la première fois Sam Mendes qui se charge de la réalisation, réalisateur notamment du chef d’œuvre (et j’emploie toujours ce terme avec parcimonie) « Les Noces rebelles ».

    Premier plan : la silhouette de Bond apparaît, obscure, dans l’ombre. Tout est dit. Sam Mendes abusera d’ailleurs un peu de cette image.

     Cette fois, tout commence par la mort de Bond (Daniel Craig), tué par Eve (Naomie Harris), un autre agent. Une liste d’agents infiltrés se retrouve entre de mauvaises mains, et ces derniers sont dangereusement exposés. Pour couronner le tout, le MI6 est attaqué et M (Judi Dench) doit faire déménager l’Agence. Son autorité est remise en cause par Mallory (Ralph Fiennes), le nouveau président de l’ISC, le comité chargé du renseignement et de la sécurité. C’est donc une nouvelle fois vers Bond (dont vous vous doutez bien qu’il ne peut mourir, a fortiori au début) que M va se tourner. Ce dernier va devoir agir dans l’ombre pour retrouver et mettre hors d’état de nuire le mystérieux Sylva (Javier Bardem), à l’origine de cette double menace, intérieure et extérieure, dont est victime le MI6…

    Cela commence comme toujours ou presque par une poursuite spectaculaire, époustouflante, haletante et captivante, cette fois à Istanbul, mais qui, pour une fois, au lieu de laisser un Bond triomphant le laisse pour mort, tué par une de ses consoeurs. C’est donc vivant (évidemment, comme « demain ne meurt jamais », Bond non plus) mais affaibli que nous le retrouvons. Il doit même repasser les tests validant ses qualités d’agent auxquels il échoue d’ailleurs. Bond, comme c’était déjà amorcé dans « Casino Royale », et plus que jamais, n’est donc plus le héros invincible et insensible, flegmatique, des premières adaptations néanmoins, s’il meurt ici, c’est pour mieux renaitre.

    L’histoire de ce nouveau Bond est en effet celle d’un retour aux sources puisque, pour la première fois, est évoquée son enfance. Bond n’est donc pas une sorte de machine de guerre mais un être de chair et de sang, construit par une blessure d’enfance. Après un périple qui le mènera d’Istanbul à Shanghai en passant par Londres, c’est donc dans sa terre natale écossaise que nous le retrouverons, dans un paysage abandonné d’une tristesse d’une beauté étrangement envoûtante.

    La sublime photographie est signée Roger Deakins et donne au film cet aspect mélancolique, dans la lande écossaise mais aussi à Shanghai ou Macao avec les reflets des néons et des lumières phosphorescentes ( avec des plans remarquables entre Wong Kar Wai et Hitchcock dans « Fenêtre sur cour ») dans une tour de verre  ou encore dans un temple transformé en casino et somptueusement illuminé.

    skyfall4.jpg

    Terminée aussi la guerre froide, Bond s’adapte désormais au monde moderne qui l’entoure et après le Chiffre (Mads Mikkelsen) et le Français Mathieu Amalric, il se retrouve confronté à un hacker redoutablement ironique et sans pitié incarné par un Javier Bardem décoloré car tout James Bond qui se respecte a évidemment son méchant qui n’est néanmoins plus un monstre sanguinaire qui veut dominer le monde interprété par un acteur au physique patibulaire et au jeu grandiloquent mais ici, comme James Bond d’ailleurs dans « Quantum of Solace », un homme assoiffé de vengeance. Cela donnera d’ailleurs lieu à un face à face savoureux…et à une révélation qui le sera tout autant.

    Si les 2H40 passent allègrement, si c’est du divertissement de haute voltige qui ravira autant les inconditionnels de Bond que les amateurs, si Craig demeure le meilleur Bond, ce « Skyfall » souffre néanmoins d’un scénario (John Logan ici à la rescousse du tandem Neal Purvis-Robert Wade ) parfois trop léger. L’intrigue tient en une ligne et est moins sophistiquée que celle de « Quantum of Solace » et surtout de « Casino Royale » et la psychologie des personnages féminins (la française Bérénice Marlohe a néanmoins une belle scène mêlant peur et arrogance) n’atteint pas celle de Vesper dans « Casino Royale ».  D’ailleurs, la vraie dame de cœur, et finalement la vraie James Bond girl est ici M. écartelée entre sa loyauté envers Bond et celle envers sa mission qui prime comme toujours sur tout le reste et la rend souvent intraitable.

    Ce James Bond marque aussi le retour de l’Aston Martin B25 et  le retour de Q (sous les traits du jeune Ben Whishaw).  Plutôt que de recourir à des gadgets sans cesse plus sophistiqués et à une surenchère, s’inspirant de « Dans la mort aux trousses » qui avait renouvelé la course poursuite (auparavant toujours dans des lieux étroits et sombres), c’est dans l’immensité d’un paysage désert, armé d’un seul fusil et de son imagination débordante, que s’achève ce Bond.

    skyfall2.jpg

    « Skyfall » est avant tout un hommage à James Bond, celui qui meurt, et même fait table rase du passé, pour mieux renaitre. Ce James Bond austère est porté par la musique ensorcelante d’Adèle (quel générique hypnotique et admirable) mais aussi par une photographie mélancolique, crépusculaire et somptueuse, l’interprétation mêlant élégance et dureté de Daniel Craig, l’humour de retour par petites touches, qui en font un divertissement remarquable malgré  les dialogues parfois assez pauvres ( on se souvient avec regret de la joute verbale entre Bond et Vesper dans « Casino Royale » et de leur duel sensuel) et malgré un scénario perfectible (certaines scènes manquent d’émotion alors qu’elles auraient pu s’y prêter, Mendes se concentrant davantage sur l’action et alors que « Casino royale », décidément le meilleur Bond, alternait intelligemment les scènes d’action pure, de suspense -aussi bien dans les scènes d’action que celles de poker, véritable combat intellectuel-, et de romance).

    Vous l’aurez compris : ce « Skyfall », malgré ces quelques réserves, vaut néanmoins le voyage et sait, comme toujours, nous faire attendre avec plus d’impatience encore le prochain, après ce Bond qui passe de l’ombre à la lumière, tue le mythe pour mieux le faire renaitre.

    Critique - OO7 SPECTRE

    spectre.jpg

    Spectre. 24ème James Bond. Le quatrième James Bond incarné par Daniel Craig après « Casino Royale » en 2006, « Quantum of solace » en 2008, « Skyfall » en 2012 en attendant le cinquième puisque Daniel Craig a déjà annoncé avoir signé pour le prochain. A nouveau, pour la deuxième fois après "Skyfall", c'est le réalisateur (notamment) du chef d'œuvre "Les Noces rebelles", Sam Mendes, qui est à la réalisation. Avec un budget estimé à 300 millions de dollars, Spectre est le James Bond le plus cher, ce qui devrait être rapidement rentabilisé au regard de son succès en salles (le meilleur démarrage en France avec ses 900 000 entrées comptabilisées le jour de sa sortie en France) et cela malgré de nombreuses critiques mitigées qui me laissent perplexe au regard de la réussite de ce « Spectre » dont je n’ai réalisé qu’une fois sortie de la salle qu’il durait 2H30 tant le temps a passé vite… Sans doute ces critiques s’expliquent-elles par une exigence de surenchères et rebondissements scénaristiques (que contenait le meilleur scénario de la franchise, « Casino Royale »), une lacune relative pourtant largement compensée par tout ce que contient ce 24ème Bond. Il ne faut pas oublier non plus que les producteurs du film ont été forcés de faire réécrire le script après le piratage de Sony, ce qui a radicalement changé le déroulement de l’intrigue, la transformant en une judicieuse mise en abyme puisque la surveillance mondialisée se trouve au centre de ce Bond palpitant et ombrageux aux ramifications arachnéennes.

    Comme toujours haletant, le pré-générique se déroule en plan-séquence et sur les chapeaux de roue, dans une contrée lointaine, cette fois le Mexique lors de la fête des morts. Bond au bras d’une sublime créature se faufile à toute allure dans les rues grouillantes et animées de Mexico, affublé d’un masque de squelette, environné de simulacres de morts. D’emblée, le ton de ce nouveau Bond est donné. Sombre et sensuel. Sur lequel plane l’ombre de la mort. De spectres menaçants. (pléonasme?)

    A Mexico, Bond tue un célèbre criminel, le mari de Lucia Sciarra (Monica Bellucci) avant d’infiltrer une réunion secrète révélant une redoutable organisation qui répond au doux nom de Spectre pour les intimes (signifiant "Service Pour l'Espionnage, le Contre-espionnage, le Terrorisme, la Rétorsion et l'Extorsion", en VO :"Special Executive for Counter-intelligence, Terrorism, Revenge and Extortion") après avoir été démis de ses fonctions. Pendant ce temps, à Londres, Max Denbigh, le nouveau directeur du Centre pour la Sécurité Nationale, remet en cause les actions de Bond et l’existence même du MI6, dirigé par M (Ralph Fiennes).

    Bond persuade alors Moneypenny (Naomie Harris) et Q (Ben Whishaw) de l’aider secrètement à localiser Madeleine Swann (Léa Seydoux), la fille de son vieil ennemi, Mr White, qui pourrait détenir le moyen de détruire Spectre. Fille de tueur et solitaire, Madeleine comprend Bond mieux que personne… Sa Madeleine (de Proust ?) qui lui rappelle ses propres blessures.

    Depuis qu’il est incarné par Daniel Craig, James Bond est plus tourmenté, plus sombre, plus viril, plus glacial. Paradoxalement, plus humain, aussi. Le personnage a gagné en épaisseur en délaissant les stéréotypes du svelte dandy au sourire ravageur et carnassier aussi collectionneur de gadgets que de James Bond girls. Sixième acteur à incarner le célèbre héros de Ian Flemming, Daniel Craig est aussi à mon avis le meilleur, celui qui a apporté le plus d’épaisseur, de séduction brute, et de complexité au personnage. C’est ici dans cette complexité et non dans un scénario acadabrantesque que réside l’intérêt de ce nouveau James Bond. Un homme seul, un orphelin (doublement puisqu’il a aussi perdu M dans « Skyfall ») hanté par les démons du passé, par les morts et les ennemis qui ont jalonné sa route.

    La mort, la solitude, la noirceur président ainsi à ce nouveau James Bond, plus tourmenté et ombrageux que jamais. Cela n’en est pas moins un flamboyant divertissement. Bond est ici « un cerf volant qui danse dans un ouragan ». L’accent est en effet plus que jamais mis sur sa solitude, soulignée par la réalisation inspirée de Sam Mendes. Bond traversant une place vide et grisâtre. Bond pour la première fois dans son appartement où sur le sol gisent des tableaux qu’il n’a pas pris le temps d’accrocher. Bond au milieu de grandes étendues désertiques. Bond passant sous des arbres décharnés. Bond qui traverse constamment des décors qui font écho à ses démons et sa solitude.

    « Spectre » s’inscrit ainsi dans la continuité de « Skyfall », le retour aux sources qui, pour la première fois, évoquait l’enfance de Bond qui alors n’était plus une sorte de machine de guerre mais qui apparaissait pour la première fois comme un être de chair et de sang, construit par une blessure d’enfance. A nouveau, comme dans "Skyfall", il se retrouve confronté à un homme assoiffé de vengeance incarné par Christoph Waltz, manichéen comme tout méchant de Bond qui se respecte.

    L’élégance de la réalisation, la pénombre et les ombres du passé qui planent constamment (a fortiori celles de M et Vesper) rendent ce « Spectre » particulièrement nostalgique et mélancolique. Dès le prégénérique, nous étions prévenus, « les morts sont vivants ». Cette mélancolie annoncée est corroborée par un générique tentaculaire étourdissant de noirceur et sensualité mêlées avec la voix déchirée et déchirante de Sam Smith qui interprète "Writing's on the Wall". Danse funèbre enivrante qui m’a immédiatement transportée dans l’univers sombrement envoûtant de ce nouveau  Bond.

    Les destinations plus ou moins exotiques qui caractérisent les James Bond n’ont pas été oubliées et nous passons en un rien de temps du Mexique à Londres, de Londres à Rome, de Rome à l’Autriche, de l’Autriche au Maroc…avant de revenir à Londres. La psychologie des personnages féminins n’atteint pas celle de Vesper dans « Casino Royale » mais Bond pour la première fois depuis Vesper se laisse attendrir. L’amour face à un monde qui se meurt. Les scènes avec Léa Seydoux (7ème française à incarner une James Bond girl) n’égalent ainsi pas la joute verbale entre Bond et Vesper dans « Casino Royale » et  leur duel sensuel inoubliable mais apportent une touche d’émotion et de glamour. De même pour la scène d’amour avec Belluci dans la pénombre  délicieusement inquiétante d’un palais romain, baigné d’opéra et de mort.

    Ce Bond est aussi l’histoire d’une confrontation au passé. Le passé de son organisation. Le passé de Bond et ses fantômes qui ressurgissent. Son avenir n'est guère plus réjouissant, annoncé par son nom écrit en lettres rouges sang sur un mur, ajouté à une liste de morts.

    Comme toujours l’interprétation de Daniel Craig mêle élégance et dureté, avec une pointe d'humour, même si la carapace se fissure doucement. Glamour, sombre, spectaculaire, sensuel, nostalgique, mélancolique, dominé par un personnage plus torturé, élégant, ténébreux et donc séduisant que jamais et par la réalisation particulièrement brillante de Sam Mendes, ce James Bond est un divertissement de qualité en plus d’un hommage aux anciens James Bond. Laissez-vous enserrer par cette pieuvre spectrale qui vous embarquera dans un périple sombrement fascinant et divertissant, une grisant tourbillon d'amour et de morts.

    Lien permanent Imprimer Pin it! 0 commentaire
  • Critique de SWALLOW de Carlo Mirabella-Davis (en salles demain, prix spécial du 45ème Festival du Cinéma Américain de Deauville)

    swallow 3.jpg


    Le jury du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville (dont vous pouvez retrouver mon bilan complet, ici) présidé par Catherine Deneuve avait décerné un Prix spécial du 45ème anniversaire du Festival à « Swallow » (qui signifie « avale »), de Carlo Mirabella-Davis qui sort demain en salles.

    Le film raconte l’histoire d’Hunter qui mène une vie parfaite (en apparence, seulement en apparence) aux côtés de son mari qui vient de reprendre l’entreprise familiale. Mais dès lors qu’elle tombe enceinte, elle développe un trouble compulsif du comportement alimentaire, le Pica, caractérisé par l’ingestion d’objets dangereux. Son époux et sa belle-famille décident alors de contrôler ses moindres faits et gestes pour éviter le pire : qu’elle ne porte atteinte à la lignée des Conrad… Mais cette inquiétante et incontrôlable obsession ne cacherait-elle pas un secret plus terrible encore ?

    "Swallow", c’est le portrait d’une femme enfermée dans ses douleurs enfouies, dans son carcan social, dans son mariage illusoirement parfait et sa maison même, sorte de prison de verre aseptisée tout autour de laquelle la nature semble l'épier, comme un musée dont elle serait une pièce, condamnée à n'être qu'un objet que l'on admire mais à qui on refuse le droit de penser.

    La mise en scène épouse judicieusement les états d'âme de cette femme qui peu à peu s'émancipe et se découvre. Pour garder le contrôle sur cette vie qu'elle ne maîtrise pas et qui l'étouffe, elle va s'enfermer dans des troubles compulsifs alimentaires qui lui procurent la trompeuse sensation de maitriser son existence. Un moyen de se réapproprier son corps aussi, ce à quoi la réduit son mari, lui niant toute capacité à penser.

    Swallow 1.jpg

    « Je vois vraiment ce film comme un film féministe. Le film a été inspiré de la vie de ma grand-mère qui a vécu dans les années 50, alors femme au foyer. Pour essayer de s'accrocher, elle avait des rituels comme se laver les mains de manière compulsive. Elle a été internée et a perdu le sens du goût et de l'odorat. Elle a été punie car elle ne rentrait pas dans le carcan des femmes au foyer dans les années 50 », a ainsi déclaré le réalisateur lors de la conférence de presse du film au Festival du Cinéma Américain de Deauville. Il s'est également dit « fasciné par Malick et la manière dont il nous introduit dans l'esprit des personnages par le paysage ». « J'aime beaucoup ses films et je les ai tous vus de nombreuses fois. Son travail sur la nature est fascinant. J'ai essayé d'approcher cela dans le film notamment par la relation presque mystique entre Hunter et les objets » a-t-il ajouté.

    Swallow 2.jpg

    En tentant d'organiser son monde chaotique, d'enfouir en elle ces objets comme son traumatisme l'est, le monde d’Hunter va peu à peu s'ébranler et le visage de chacun se révéler. Son monde parfait va se fissurer. Les couleurs chatoyantes de ses tenues vont se ternir pour se fondre dans le décor et elle va presque être absorbée par celui-ci. Le monde réel, la vie même, vont peu à peu reprendre leurs droits.

    Le cinéaste peut revendiquer sans rougir ses références citées en conférence de presse : Chantal Akerman, Todd Haynes, Douglas Sirk et Alfred Hitchcock pour ce film passionnant du premier du dernier plan, brillamment pensé, mis en scène et interprété (par une actrice magnétique, Haley Bennett). Un beau portrait de femme qui s'émancipe. Intemporel et universel.

    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2020 Pin it! 0 commentaire
  • Des nouvelles de mes nouvelles : ma nouvelle pour Octobre rose et l'Institut Curie avec Short Edition

    prose en rose.jpg

    Alors que le recueil de nouvelles des Editions J'ai Lu, Sur un malentendu, tout devient possible (comprenant les 11 nouvelles des 11 lauréats du concours Nouveaux Talents lancé par les Editions J'ai Lu pour les 60 ans de la maison d'édition) est à l'honneur dans les librairies pour Noël, c'est d'une autre nouvelle dont je viens vous parler aujourd'hui (ci-dessous la photo avec les autres lauréats).

    jailu_editions_20191130224527.png

    20191221_132050.jpg

     

    Je vous parle ainsi souvent du site Short Edition (site de littérature courte qui propose souvent des concours de nouvelles et édite aussi désormais des recueils, vous pouvez d'ailleurs trouver deux de mes nouvelles lauréates dans deux de leurs recueils comme celui ci-dessous).
     

    papier-caillou-ciseaux.jpg

     
    Récemment, un appel à textes a été lancé par Short Edition en partenariat avec l'Institut Curie dans le cadre d'Octobre rose. L'Institut à Saint-Cloud a ainsi mis à disposition des malades du cancer un Distributeur d'Histoires Courtes de Short Édition et, sur son site de Saint-Cloud, avec le soutien institutionnel de Roche et en partenariat avec Short Édition, a choisi d’organiser un appel à textes afin d’alimenter le Distributeur d’Histoires Courtes avec des histoires écrites par toutes les personnes touchées par le cancer (malades, soignants, proches).

    short edition.jpg

     
    Si je vous en parle aujourd'hui, c'est parce que ma nouvelle "La voleuse de rêves" fait partie des nouvelles et poèmes sélectionnés par le jury qui ont été lus à l'Institut Curie par un comédien et imprimés sur papyrus via le Distributeur d'Histoires Courtes de l'Institut Curie. Short Édition m'a également contactée pour me dire que mon texte sera diffusé à plus large échelle dans leurs autres Distributeurs d'Histoires courtes. Puisse cette nouvelle changer ne serait-ce qu'un regard sur ce que vivent les accompagnants et bien sûr les malades...et éviter certaines maladresses parfois douloureuses.
     
    Ce choix du jury m'émeut évidemment car évoquer ce sujet me tenait particulièrement à cœur, même si je l'ai déjà fait ailleurs dans mon roman "L'amor dans l'âme". Je tenais à parler à nouveau du ressenti des proches comme je le fus de 2011 à 2013.
     
    Il s'agissait d'écrire un texte de 8000 signes espaces compris sur ce thème du cancer et s'inspirant de cette citation : « La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. » 
     
    Ma nouvelle intitulée "La voleuse de rêves" ici :
     
     

    oct-novembre-en-rose-blog-2019-11-07-09-43-49.jpg

     
    Vous pouvez retrouver les distributeurs de Short Édition un peu partout en France et à l'étranger (entreprises, gares etc) et même dans le café de  Coppola à San Francisco ("parrain" américain de Short Édition à sa demande). 
    Lien permanent Imprimer Catégories : ACTUALITE D'AUTEURE Pin it! 0 commentaire
  • Critique de UN COEUR EN HIVER de Claude Sautet (à voir ce soir sur Ciné + club)

    Un coeur en hiver de Claude Sautet.jpg

    A voir absolument ce soir sur Ciné + club, à 20H50, "Un coeur en hiver" de Claude Sautet, un film dont je vous parle dans mon roman "L'amor dans l'âme". Je vous explique pourquoi ce film est un de mes films préférés et pour moi un chef-d'œuvre. Lorsqu’on me demande mon film culte, je cite le plus souvent soit « Le Guépard » de Luchino Visconti, soit « Un cœur en hiver » de Claude Sautet, suscitant régulièrement la perplexité chez mes interlocuteurs concernant le second, et la mienne en retour de constater que beaucoup ne connaissent pas ce film. Après un certain nombre de visionnages, il me bouleverse, me fascine et m’intrigue toujours autant. Si vous ne l’avez pas encore vu, ou si vous l’avez vu mais n’en gardez qu’un souvenir mitigé je vais essayer de vous convaincre de (re)voir ce film que je considère comme un chef-d’œuvre. « Un cœur en hiver » est une adaptation d'un roman de Lermontov mais est également inspiré de la vie de Maurice Ravel.
    Maxime (André Dussolier) et Stéphane (Daniel Auteuil) sont (apparemment) amis et travaillent ensemble dans l’atmosphère feutrée d’un atelier de lutherie. Les violons sont toute la vie de Stéphane, contrairement à Maxime qui vient de tomber amoureux d’une jeune violoniste, Camille (Emmanuelle Béart), rapidement intriguée puis attirée par la retenue singulière de Stéphane. Pour Stéphane, véritable « cœur en hiver », ce n’est qu’un jeu dont il conte l’évolution à son amie Hélène (Elisabeth Bourgine). Stéphane semble n’aimer qu’une seule personne au monde : son maître de violon, Lachaume (Maurice Garrel).
    Sur la tombe de Claude Sautet au cimetière Montparnasse, il est écrit : « Garder le calme devant la dissonance », voilà probablement la phrase qui définirait aussi le mieux son cinéma et peut-être même le mieux « Un cœur en hiver » : d’abord parce que son cinéma est un cinéma de la dissonance, de l’imprévu, de la note inattendue dans la quotidienneté (ici, l’arrivée de Camille dans la vie de Maxime et par conséquent dans celle de Stéphane comme c’est le cas de l’arrivée de David dans « César et Rosalie » ou de Nelly dans « Nelly et Monsieur Arnaud ») et ensuite parce que cette épitaphe fait référence à la passion de Claude Sautet pour la musique, une passion qui s’exprime pleinement ici puisque la musique est un personnage à part entière. Le tempo des films de Sautet est ainsi réglé comme une partition musicale, impeccablement rythmée, une partition dont on a l’impression qu’en changer une note ébranlerait l’ensemble de la composition.
    C’est par elle, la musique, que Camille s’exprime (d’ailleurs Maxime le dira, elle ne se livre que lorsqu’elle joue) : tantôt sa mélancolie, sa violence (ainsi cette scène où elle enregistre en studio et qu’elle manie l’archet comme une lame tranchante), son désarroi, ses espoirs. C’est aussi à travers elle que Stéphane ressent et exprime ses (rares) émotions notamment lorsqu’un « c’est beau » lui échappe après avoir écouté Camille jouer. La musique ici, aussi sublime soit-elle (celle des sonates et trio de Ravel) n’est pas forcément mélodieuse mais exprime la dissonance que connaissent les personnages. C’est un élément d’expression d’une force rare, bien plus que n’importe quel dialogue.
    La passion est donc celle pour la musique mais aussi celle qui s’exprime à travers elle, l’autre : la passion amoureuse. Celle qui s’empare de Camille pour cet homme hermétique au regard brillant, transperçant qui la fascine, l’intrigue, la désempare. Le trouble s’empare d’elle dès sa première répétition à laquelle Stéphane assiste. Elle ne parvient pas à jouer, dit qu’elle reprendra un autre jour et puis quand Stéphane quitte la pièce, elle reprend comme si de rien n’était. Ensuite, venue rejoindre Maxime dans l’atelier de lutherie, ce dernier occupé, elle l’attend en compagnie de Stéphane et lui confie ce qu’elle n’avait jamais dit à personne, lui parlant de ses rapports compliqués avec son agent et amie Régine (Brigitte Catillon). Enfin, troisième rencontre déterminante : Stéphane vient la voir jouer, seul, sans Maxime pour la première fois. Ils s’évadent un instant de la répétition pour aller boire un café après avoir traversé la rue sous la pluie. Leurs mains s’effleurent presque subrepticement, négligemment. Stéphane la protège de la pluie avec sa veste. Puis, il l’écoute assis au café, avec son regard scrutateur. Puis, c’est l’absence et le silence de Stéphane mais c’est trop tard : Camille est déjà bouleversée, amoureuse. A priori, racontées ainsi rien d’extraordinaire dans ces trois scènes, pourtant le scénario et la mise en scène de Sautet et surtout ses personnages sont d’une telle richesse que chacune d’elle est plus haletante qu’une scène d’un palpitant thriller. Aucun plan n’est inutile. Comme dans un thriller, chaque plan a une implication sur la résolution.
    Tous les films de Sautet se caractérisent d’ailleurs aussi par le suspense (il était fasciné par Ford et Hawks ) : le suspense sentimental avant tout, concourant à créer des films toujours haletants et fascinants. Claude Sautet citait ainsi souvent la phrase de Tristan Bernard : « il faut surprendre avec ce que l’on attend ». On ne peut certainement pas reprocher au cinéma de Claude Sautet d’être démesurément explicatif, c’est au contraire un cinéma de l’implicite, des silences et du non-dit. Pascal Jardin disait de Claude Sautet qu’il « reste une fenêtre ouverte sur l’inconscient ».
    Le souffle du spectateur est suspendu à chaque regard (le regard tellement transperçant de Stéphane, ou de plus en plus troublé de Camille) à chaque note, à chaque geste d’une précision rare. Je n’ai encore jamais trouvé au cinéma de personnages aussi « travaillés » que Stéphane, ambigu, complexe qui me semble avoir une existence propre, presque exister en dehors de l’écran. Là encore comme un thriller énigmatique, à chaque fois je l’interprète différemment, un peu aussi comme une sublime musique ou œuvre d’art qui à chaque fois me ferait ressentir des émotions différentes. Stéphane est-il vraiment indifférent ? Joue-t-il un jeu ? Ne vit-il qu’à travers la musique ? « La musique c’est du rêve » dit-il. Ou, selon cette citation de La Rochefoucauld que cite Sautet fait-il partie de ceux qui pensent que« Peu de gens seraient amoureux si on ne leur avait jamais parlé d’amour » ? A-t-il peur d’aimer ? Ou n’y croit-il simplement pas ? Est-il sincère quand il dit avec une froide tranquillité que Maxime n’est pas un ami, juste « un partenaire »
    Le film commence ainsi de nuit dans l’atelier et se termine de jour dans un café et entre ces deux moments, Stéphane passera de l’ombre à la lumière, d’une personnalité ombrageuse à (peut-être, là aussi, l’interprétation varie à chaque visionnage) un homme capable d’aimer. Un personnage assez proche du personnage de Martial dans « Quelques jours avec moi » (un autre film de Sautet méconnu que je vous recommande, où son regard se fait encore plus ironique et acéré, un film irrésistiblement drôle et non dénué de –douce-cruauté). « Les films de Claude Sautet touchent tous ceux qui privilégient les personnages par rapport aux situations, tous ceux qui pensent que les hommes sont plus importants que ce qu’ils font (..). Claude Sautet c’est la vitalité. » disait ainsi Truffaut.
    Et puis certaines scènes font pour moi partie des plus belles et cruelles du cinéma. Cette scène où dans une voiture, Camille lui avoue l’amour qu’il lui inspire et se livre à lui, ce à quoi Stéphane répond avec tranquillité, jubilation peut-être, froidement en tout cas : « je ne vous aime pas ». Cette scène me glace le sang à chaque fois. Et puis la scène où Camille veut l’humilier à son tour. Elle se maquille outrageusement, le rejoint au café où il a ses habitudes où il dîne avec son amie Hélène. Camille lui crie sa rancœur, sa passion, cherche à l’humilier. La scène est tranchante, violente et sublime comme la musique de Ravel jouée par Camille.
    Et puis comment ne pas parler de la distribution, absolument parfaite, à commencer par Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart, sans aucun doute leurs meilleurs rôles auxquels ils semblent se livrer (ou se cacher) corps et âme, d’autant plus ambigus puisqu’ils vivaient alors ensemble. Emmanuelle Béart est à la fois mystérieuse, sensuelle, forte, fragile, fière, brisée, passionnée et talentueuse (elle apprit ainsi le violon pendant un an). Daniel Auteuil donne vie à ce Stéphane énigmatique, opaque, cinglant, glacial, austère qui se définit lui-même comme sournois, parfois révoltant, parfois touchant avec ce regard perçant, tantôt terriblement là ou terriblement absent. L’un comme l’autre, dans leurs regards, expriment une multitude d’émotions ou de mystères. Mais il ne faudrait pas non plus oublier les seconds rôles : André Dussolier, personnage digne qui échappe au cliché de l’amant trompé et qui obtint d’ailleurs le César du meilleur second rôle. Jean-Luc Bideau qui dans une scène courte mais intense aligne les clichés sur la culture et l’élitisme (magnifique scène de dialogue où là aussi Stéphane dévoile une trouble (et pour Camille troublante) facette de sa personnalité. Myriam Boyer, Brigitte Catillon, Elisabeth Bourgine (les femmes de l’ombre avec, chacune à leur manière, une présence forte et déterminante).
    « Un cœur en hiver » obtint le lion d’argent à Venise. Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart passèrent à côté des César de meilleurs acteurs (que leur ravirent Claude Rich pour « Le souper » et Catherine Deneuve, pour « Indochine »). Claude Sautet obtint néanmoins le césar du meilleur réalisateur (le seul avec celui de Dussolier malgré sept nominations) et celui du meilleur film fut cette année-là attribué à Cyril Collard pour « Les nuits fauves ». Tous les postes du film auraient mérités d’être récompensés : le scénario, l’image d’Yves Angelo, le travail sur la musique de Philippe Sarde, le scénario de Jacques Fieschi et Claude Sautet…
    On retrouve là encore ce qui caractérise les films de Claude Sautet : les scènes de groupe (dont « Vincent, François, Paul et les autres est le film emblématique) et la solitude dans et malgré le groupe, l’implicite dans ce qui n’est pas- les ellipses- comme dans ce qui est-les regards- (Ah le regard tranchant de Daniel Auteuil! Ah, ce dernier plan !), des scènes de café ( « A chaque film, avouait Sautet, je me dis toujours : non, cette fois tu n’y tournes pas. Et puis, je ne peux pas m’en empêcher. Les cafés, c’est comme Paris, c’est vraiment mon univers. C’est à travers eux que je vois la vie. Des instants de solitude et de rêvasseries. ») les personnages filmés à travers les vitres de ces mêmes cafés, des scènes de pluie qui sont souvent un élément déclencheur, des scènes de colère (peut-être inspirées par les scènes de colère incontournables dans les films de Jean Gabin, Sautet ayant ainsi revu « Le jour se lève » …17 fois en un mois!), des femmes combatives souvent incarnées par Romy Schneider puis par Emmanuelle Béart, des fins souvent ouvertes et avant tout un cinéma de personnages : César, Rosalie, Nelly, Arnaud, Vincent, François, Paul, Max, Mado, …et les autres, des personnages égarés affectivement et/ou socialement, des personnages énigmatiques et ambivalents.
    On a souvent dit de Claude Sautet était le peintre de la société des années 70 mais en réalité la complexité des sentiments de ses personnages disséquée avec une rare acuité est intemporelle. S’il est vrai que la plupart de ses films sont des tableaux de la société contemporaine, notamment de la société d’après 1968, et de la société pompidolienne, puis giscardienne, et enfin mitterrandienne, ses personnages et les situations dans lesquelles il les implique sont avant tout universels, un peu comme « La Comédie Humaine » peut s’appliquer aussi bien à notre époque qu’à celle de Balzac.
    Le personnage de Stéphane ne cessera jamais de m’intriguer, intrigant le spectateur comme il intrigue Camille, exprimant tant d’ambiguïté dans son regard brillant ou éteint. Hors de la vie, hors du temps. Je vous le garantis, vous ne pourrez pas oublier ce crescendo émotionnel jusqu’à ce plan fixe final polysémique qui vous laisse ko et qui n’est pas sans rappeler celui de Romy Schneider à la fin de « Max et les ferrailleurs » ou de Michel Serrault (regard absent à l’aéroport) dans « Nelly et Monsieur Arnaud » ou de Montand/Frey/Schneider dans « César et Rosalie ». Le cinéma de Claude Sautet est finalement affaire de regards, qu’il avait d’une acuité incroyable, saisissante sur la complexité des êtres, et jamais égalée. Alors que le cinéma est de plus en plus univoque, explicatif, c’est plus que salutaire.
    Une histoire d’amour, de passion(s), cruelle, intense, poétique, sublime, dissonante, mélodieuse, contradictoire, trouble et troublante, parfaitement écrite, jouée, interprétée, mise en lumière, en musique et en images.
    Un peu comme l’ours en peluche du « Jour se lève » qui a un œil qui rit et un autre qui pleure, nous ressortons des films de Sautet et de celui-là en particulier, entre rires et larmes, bouleversés, avec l’envie de vivre plus intensément encore car là était le véritable objectif de Claude Sautet : nous « faire aimer la vie »…et il y est parvenu, magistralement. Personne après lui n’a su nous raconter des « histoires simples » aux personnages complexes qui nous parlent aussi bien de « choses de la vie ».
    Claude Sautet, en 14 films, a su imposer un style, des films inoubliables, un cinéma du désenchantement enchanteur, d’une savoureuse mélancolie, de l’ambivalence et de la dissonance jubilatoires, une symphonie magistrale dont chaque film est un morceau unique indissociable de l’ensemble, et celui-ci pour moi le plus beau et bouleversant.

  • Sortie du recueil "Sur un malentendu, tout devient possible" (Editions J'ai Lu - 11 auteurs, 11 nouvelles)


    écriture,recueil de nouvelles,littérature,editions j'ai lu,livre

    écriture,recueil de nouvelles,littérature,editions j'ai lu,livre

    écriture,recueil de nouvelles,littérature,editions j'ai lu,livre

    Le recueil des 11 nouvelles des 11 lauréats du concours Nouveaux Talents des Éditions J'ai Lu sort ce 13 novembre en librairie. Vous y retrouverez ainsi ma nouvelle lauréate "Une bouteille à la mer" ainsi que les nouvelles des 10 autres lauréats. Une nouvelle qui présente la particularité de tourner autour du texte d'une chanson inventée pour l'occasion. 543 pages tendrement drôles pour rêver et vous évader. Le cadeau de Noël idéal ! Pour rappel, ce concours de nouvelles avait eu lieu en mai 2018 à l'occasion des 60 ans des Editions J'ai Lu, une belle maison que je suis heureuse et fière d'intégrer.
     
    Quatrième de couverture :
     
    "Lorsque l'amour survient, nous le recevons comme un cadeau du ciel. Mais nous ne sommes pas tous bénis des dieux. Alors qui, dans les affaires de cœur, refuserait un petit coup de pouce du destin ? Dans ce recueil de nouvelles, c'est un malentendu qui s'immisce dans la vie des personnages, bouleverse leurs routines et leur ouvre les portes de l'inattendu. Voici onze variations subtiles et drôles sur les petits arrangements avec le hasard, un concentré vitaminé de bonne humeur, concocté par des auteurs français à découvrir absolument ! Sur un malentendu, tout devient possible ! rassemble les nouvelles des lauréats du concours Nouveaux Talents : Alex d'Aboise, Laura Bennevault, Carole Cerruti, Fanny Gayral, Caro Manaël, Déborah J. Marrazzu, Sandra Mézière, Audrey Perri, Amélie Petitpas, Colombine Rosier et Gala de Spax."
     
    Pour commander le recueil (disponible un peu partout en librairies) :
     
    https://livre.fnac.com/a13706952/Collectif-Sur-un-malentendu-tout-devient-possible?Origin=fnac_google
     
    Et si vous aimez lire des nouvelles, vous pouvez toujours lire mon recueil de 16 nouvelles sur le cinéma "Les illusions parallèles" (Éditions du 38) :
     
    https://livre.fnac.com/a10120131/Sandra-Meziere-Les-illusions-paralleles.
     
    Et pour ceux qui lisent en numérique, sachez que mon roman au coeur du Festival de Cannes "L'amor dans l'âme" (Éditions du 38) est à 1,99 euros pendant 38 jours sur toutes les plateformes numériques.
    Lien permanent Imprimer Catégories : ACTUALITE D'AUTEURE Pin it! 0 commentaire
  • Critique de MATTHIAS ET MAXIME de Xavier Dolan (en salles ce 16 octobre 2019)

    cinéma, Xavier dolan, Matthias et Maxime, Festival de Cannes 2019, 72ème Festival de Cannes, Gabriel D’Almeida Freitas

    L’émotion était au rendez-vous ce 22 Mai 2019 à Cannes dans le Grand Théâtre Lumière, pendant le film, et a fortiori lorsque la lumière s’est rallumée.  Comme le veut la nouvelle tradition à la fin de chaque projection officielle, un micro a été tendu au réalisateur pour qu’il prononce quelques mots. En larmes, Xavier Dolan, s’est ainsi exprimé : « Je ne pense pas que je pourrai parler longuement car je suis très ému. Cela fait tout de même 10 ans que je débarquais à Cannes avec « J’ai tué ma mère » et depuis cela a été tellement enrichissant, tellement de rencontres, tellement de moments comme ceux-ci…et merci, c’est tout… ». En larmes, je l’étais aussi après ce film pétri de tendresse, d’émotions, de vérité, d’audace. Et de talent.

    Présenté en compétition du 72ème Festival de Cannes, ce huitième film de Xavier Dolan est aussi son sixième présenté à Cannes. Ce huitième film de Xavier Dolan est reparti de Cannes sans prix. Il aurait pourtant pu prétendre à plusieurs d’entre eux, à commencer par celui du scénario. Cannes et Xavier Dolan, c’est déjà une longue histoire jalonnée de récompenses. En 2009, il réalise et produit à seulement vingt ans son premier long-métrage, « J’ai tué ma mère » présenté à la Quinzaine des Réalisateurs où il suscite un incroyable engouement en repartant avec 3 prix.  Suivront « Les amours imaginaires » et « Laurence anyways » en compétition à Un Certain Regard en 2010 et 2012. En 2013, « Tom à la ferme » ne sera pas à Cannes mais il reçoit le Prix Fipresci à la Mostra de Venise. « Mommy » a reçu le Prix du Jury du Festival de Cannes en 2014 et le César du meilleur film étranger. « Juste la fin du monde » en compétition en 2016 a reçu le Grand Prix.

    Très prolifique, Xavier Dolan, quelques mois avant le Festival de Cannes sortait le magnifique « Ma vie avec John F. Donovan ». Un film intime et universel. Passionné et passionnant. Épique et personnel. Moderne et intemporel. Sensible et fougueux. Mélancolique et enivrant. Un film dans lequel la sincérité affleure, comme dans tous les films de Xavier Dolan d’ailleurs, et nous touche en plein cœur. Un long métrage qui nous dit que les rêves et les mensonges peuvent sauver (tuer parfois, aussi). Quel plus bel hommage encore au cinéma que cette nouvelle mise en abyme ? La forme épouse le fond et ceux qui n'y ont vu qu'esbroufe sous-estiment Dolan, les mensonges du personnage de Donovan s'illustrant ainsi magistralement dans cette flamboyance hypnotique. La correspondance est comme un miroir, un révélateur entre ces enfances. Ce sont donc des êtres qui se répondent et réfléchissent, les affres de l'un condamnées à l'ombre éclairant finalement la vie de l'autre. Ce film, comme les précédents de Dolan, brasse de multiples thèmes chers à l'auteur et recèle de nombreuses scènes d'anthologie poignantes et/ou électrisantes, une fois de plus : sous la pluie, dans une salle de bain ou lorsque la ville semble comme survolée par un super héros et vue par le prisme d'un enfant rêveur. Avec, comme toujours dans les films de Dolan, une BO remarquable au service de l'émotion.

    Changement d’univers avec « Matthias et Maxime ». Deux amis d’enfance, Matthias (Gabriel d’Almeida Freitas) et Maxime (Xavier Dolan) s’embrassent pour les besoins d’un court métrage amateur. Matthias a une brillante carrière d’avocat devant lui, des airs de gendre idéal. Maxime a une vie plus chaotique. Ils viennent de milieux différents et une profonde amitié les lie. Suite à ce baiser d’apparence anodine, un doute récurrent s’installe, confrontant les deux garçons à leurs préférences, bouleversant l'équilibre de leur cercle social et, bientôt, leurs existences. 

    Le film commence ainsi par une longue scène de soirée entre amis, bouillonnante, débordante de vie, soirée de joyeuse confusion lors de laquelle les plaisanteries fusent. Immédiatement notre attention est captée par le naturel de la scène. Subrepticement s’y glissent des regards fuyants, une sensation de non-dit, le sentiment impalpable qu’une dissonance va venir briser l’harmonie, que les silences qui ponctuent cette cacophonie sont peut-être annonciateurs d’un orage. Erika, la sœur d’un de leurs amis, Rivette, jeune fille survoltée veut réaliser un petit film pour son école. Il faut trouver deux remplaçants aux deux amis qui se sont désistés et qui devaient interpréter les rôles. Les remplaçants, ce seront donc Matthias et Maxime. La scène du baiser ne nous est alors pas montrée mais alors que Matthias, en couple avec Sarah, semble ne pas y avoir accordé d’importance, pour Maxime, plus rien ne semble pareil. A quelques jours de son départ pour deux ans pour l’Australie, la confusion est désormais celle des sentiments.

    Le plan du début, d’un panneau publicitaire, montrant une famille soi-disant parfaite;, annonçait d’emblée que ce schéma ne serait pas si facile à briser, que cela ne serait pas sans heurts et sans blessures.

    Un schéma qui, comme le cadre, ce cadre, semble  enfermer Matthias et Maxime. Malgré les plaisanteries qu’ils partagent, Matthias et Maxime semblent  soudain étrangers à eux-mêmes, seuls, ailleurs, dans une bulle chacun de leur côté puisque Dolan ensuite nous les fait suivre, les séparant, les montrant si fébriles chacun de leur côté. Ils sont distraits par ce désir irrépressible et inattendu dont Dolan filme magnifiquement les moindres vacillements. Matthias qui aime reprendre les fautes sémantiques des autres semble soudain sans voix, ne plus trouver les mots pour exprimer cette confusion des sentiments qu’il fuit.

    "J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence" disait Xavier Dolan citant Anatole France dans son discours, lyrique et émouvant, en recevant son Grand Prix pour "Juste la fin du monde". Avec "Matthias et Maxime", il prouve une nouvelle fois qu'il est le cinéaste des élans du cœur, qu'ils soient passionnés, amicaux, filiaux, à la fois fidèle à son univers si singulier et se réinventant sans cesse.

    Avec ce film dont le titre avec ces deux prénoms juxtaposés fait penser à ceux de Claude Sautet (cinéaste qu'il cite souvent et notamment "Un cœur en hiver", un de mes films préférés dont je vous parle souvent et dont je vous propose aussi la critique ici), - sans compter que le surnom de Maxime est Max, autre surnom indissociable du cinéma de Claude Sautet. Comme Claude Sautet, Xavier Dolan filme comme personne l'amitié, les regards éludés, la passion contenue, puis qui explose. Ardente. Sublime. Un film électrique comme cette scène alors que règne l’orage à l’extérieur (ou est-ce seulement dans mon imaginaire, en écrivant cette critique plus d'un mois après avoir vu le film). Comme cette  pluie qui, dans les films de Sautet, accélère et exacerbe l’expression des sentiments. Tant pis pour les haineux systématiques (qui lui donnent tort avant même de le voir ou l'entendre, qui ne supportent pas le talent a fortiori allié à l'enthousiasme et la jeunesse), Xavier Dolan est mon Claude Sautet des années 2000 et chacun de ses films m'envoûte et m'émeut autant. Infiniment.

    Comme Claude Sautet, Xavier Dolan a construit de magnifiques personnages, émouvants, attachants, vibrants de vie, à l’image de Maxime,  jeune homme en mal d’amour qui fuit sa mère et en même temps recherche son amour, un rôle de mère complexe et irascible qui incombe une nouvelle fois à Anne Dorval, à l’opposé de la mère de son ami Matthias, son autre famille.

     Sur la tombe de Claude Sautet est écrit "Garder le calme devant la dissonance". Dolan filme aussi la dissonance avec maestria.  Comme Claude Sautet, il filme ses beaux personnages, Matthias, Maxime et les autres, avec sensibilité et empathie, pour signer une "histoire simple", en apparence, si profonde en réalité, chaque seconde, même en apparence anodine, semble suspendue et contenir le désir impalpable qui remet tout en question.

    Dans une société du cynisme dans laquelle elles sont souvent méprisées, Xavier Dolan n’a pas pleur de laisser les émotions prendre le dessus et surtout de rester fidèle aux siennes, ou encore pour les souligner d'utiliser une chanson de l'Eurovision, qui sied parfaitement à l'émotion de la scène, dont le choix est déjà décrié par les pseudo-détenteurs du politiquement correct et du bon goût.

    Une fois de plus Xavier Dolan nous envoûte, électrise, bouleverse, déroute.  Il se fiche des modes, du politiquement correct, de la mesure, de la tiédeur et c’est ce qui rend ses films si singuliers, attachants, bouillonnants de vie, lyriques et intenses.  Surtout, qu’il continue à filmer les personnages en proie à des souffrances et des passions indicibles, qu'il continue à les soulever ces passions, à préférer leur folie à « la sagesse de l’indifférence », c’est si rare…  Qu’il continue à oser, à délaisser la demi-mesure, la frilosité ou la tiédeur, à se concentrer sur ceux qui voient ce que dissimulent le masque, la fantasmagorie, l’excès, la flamboyance et à ignorer ceux que cela aveugle et indiffère. Qu’il continue à toujours exalter ainsi la force de la passion et de l'imaginaire, et de faire de chacun de ses films une déclaration d'amour fou au cinéma, ce cinéma qui permet d'affronter les désillusions de l'existence et à chaque fois de prouver comme il le disait à Cannes que "tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais ».

    La réussite doit beaucoup aux choix de Gabriel D’Almeida Freitas et Xavier Dolan dans les rôles respectifs de Matthias et Maxime, dans leurs différences (dans l’apparence, la manière de parler, bouger) qui semblent aussi les rendre complémentaires et dans le choix d'Anne Dorval, une nouvelle fois dans un rôle de "Mommy".

    Un film empreint de beaucoup de douceur et de tendresse, de passion aussi, d’audace visuelle et sonore, jalonné de ces scènes fortes indissociables des films de Dolan qui imprègnent notre mémoire comme ce plan final. Un moment suspendu. Un moment à retenir son souffle.  Et à continuer à vivre avec Matthias et Maxime dans nos imaginaires que Xavier Dolan sait tant titiller et enrichir. Un film enfiévré et mélancolique, électrique et nostalgique, porteur d’illusions et d’espoirs, comme une amitié amoureuse, ou comme un été qui s’achève, cet été qui s’achève.

    Il vous faudra patienter jusqu'au 16 octobre 2019 pour le découvrir en salles en France.

    A lire aussi :

    1/Festival de Cannes 2019 - LES PLUS BELLES ANNEES D’UNE VIE de CLAUDE LELOUCH - critique du film et conférence de presse

    2/Festival de Cannes 2019 - Master class d’Alain Delon et remise de sa Palme d’or d’honneur. Récit.

    ,

  • 6ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule du 6 au 11 novembre 2019, programme complet : Gabriel Yared et l'amour à l'honneur

    Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2019.jpg

    Désormais, à l'image du Festival du Cinéma Américain de Deauville (dont vous pouvez lire mon bilan détaillé de l'édition 2019, ici) ou du Festival de  Cannes, le rendez-vous avec le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule qui a lieu chaque année début novembre (du 6 au 11 cette année) est devenu pour moi  incontournable. Ainsi, n'ai-je manqué aucune des  cinq premières éditions de ce festival qui met cinéma et musique à l'honneur et les entrelace astucieusement. Je serai évidemment fidèle au rendez-vous pour la 6ème édition dont je vous présente le savoureux programme ci-dessous avec pas moins de 45 films, pour la plupart inédits et en avant-première, en compétition ou hors compétition et avec une programmation aux airs enthousiasmants d'Hollywood sans oublier des coups de projecteurs sur des classiques du cinéma. Plus d’une vingtaine d’avant-premières seront organisées en présence des équipes des films parmi lesquelles : « La Belle époque », de Nicolas Bedos, avec Guillaume Canet, Doria Tillier, Michaël Cohen, « Les Éblouis », de Sarah Suco, avec Jean-Pierre Darroussin, « Lola vers la mer », de Mya Bollaers avec Benoit Magimel, « Place des Victoires », de Yoann Guillouzouic avec Guillaume de Tonquedec, « Long time no see », de Pierre Filmon, avec Laetia Eido et Pierre Rochefort… Au programme aussi  10 longs-métrages de fiction hors compétition, parmi lesquels 2 films d’animation et deux Premières Française : «Judy», de Ruppert Goold, avec Renée Zellweger sur une musique signée Gabriel Yared et «Rattlesnakes» de Julius Amedume, avec Jimmy Jean-Louis et Jack Coleman. Comme chaque année, vous retrouverez des hommages, master classes, animations, concerts. Je vous détaille le programme ci-dessous.
     

    baule31.png

    Ce festival a été créé en 2014  par Sam Bobino ( qui  a aussi notamment à son actif  d’être délégué général de la Semaine du Cinéma Positif) et par le cinéaste Christophe Barratier qui ont eu la bonne idée de choisir pour ce festival le décor idyllique de La Baule, entre ses palaces et sa plage mythiques bordés des célèbres pins, la majestueuse salle Atlantia et le si convivial cinéma le Gulf Stream. Convivial, ce festival l'est d'ailleurs indéniablement.
    vladimir cosma.jpg
     
    Au programme notamment des années passées : les concerts de Michel Legrand, Vladimir Cosma, Lalo Schifrin, Eric Serra, de marquantes avant-premières, de formidables master class... et un palmarès qui, à chaque fois, a récompensé des films parmi les meilleurs de l'année à l'exemple du remarquable film tunisien A peine j'ouvre les yeux de Leyla Bouzid ou encore du poignant Sauver ou périr de Frédéric Tellier.

    affiche 23.jpg

    affiche sauver ou périr.jpg

     
    Le thème de cette année sera l'amour, thématique indissociable du président du jury, André Téchiné, mais aussi de l'invité d'honneur, Gabriel Yared dont les musiques ont accompagné tant de chefs-d'œuvre du cinéma et notamment du cinéma romantique.
     
    Cinéaste de la passion amoureuse et du romanesque, le réalisateur André Téchiné, quant à lui, compte dans sa filmographie de nombreux chefs-d'oeuvre parmi lesquels je vous recommande notamment : Hôtel des Amériques (que vous pourrez revoir dans le cadre du festival), Le lieu du crime, Ma saison préférée, Les Egarés... 

    hôtel des Amériques.jpg

     

    Le président du jury André Téchiné sera entouré de la comédienne Nadia Farès, du chanteur Thomas Dutronc, du compositeur Eric Neveux («Ceux qui m’aiment prendront le train», « La tête haute »…), du journaliste et écrivain Patrick Poivre d’Arvor et du réalisateur Thierry Klifa (Ibis d’Or du Meilleur film et de la meilleure musique de film au Festival de La Baule en 2017 pour «Tout nous sépare», également réalisateur du remarquable "Les yeux de sa mère" dont je vous parle, ici) ainsi que de la comédienne Astrid Bergès-Frisbey.

     
    La sublime et poétique affiche de cette 6ème édition du festival illustre parfaitement ce thème. La mer y enlace amoureusement un homme : « Par amour pour le Cinéma, par amour pour la Musique ! ». Voici le communiqué du festival au sujet de cette affiche: "À toutes les époques et dans tous les genres cinématographiques, l’amour a trouvé sa place sur les toiles des salles obscures... Souvent, les plus beaux films de cinéma sont ceux qui racontent des histoires de coeur, car le cinéma et l'amour, c'est une longue (et souvent belle) histoire. Amour platonique, amour charnel, histoires d'amour qui finissent mal (en général) ou qui finissent bien, elles sont toutes représentées à travers le septième art. Nous avons tous en mémoire un film ou une scène précise, qui nous a ému parfois aux larmes. C'est ce sentiment universel et universellement traité sur grand écran, "L'Amour", qui sera le thème du 6ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule. A cette occasion, les organisateurs du festival, ont demandé à l’artiste Sebastien Dupouey (déjà auteur des affiches des précédentes éditions), de réaliser une nouvelle affiche très romantique, avec toujours la mer en toile de fond, pour mieux rappeler l’amour que porte le festival à la belle station balnéaire qu’est La Baule. Le thème de « L’Amour » présent sur cette affiche est en lien aussi avec le compositeur auquel le festival rendra hommage cette année, puisqu’il s’agit de Gabriel Yared, Oscar de la Meilleure musique de film pour « Le patient anglais ». L’artiste participera d’ailleurs à une Master Class animée par Stéphane Lerouge et se produira, entouré de ses musiciens, sur la scène du Palais des Congrès Atlantia, en clôture du festival. L’Amant , Retour à Cold Mountain, 37°2 le matin, Une bouteille à la mer, Camille Claudel, La Cité Des anges… Les relations amoureuses et passionnelles sont ainsi souvent au cœur de la filmographie de Gabriel Yared."

    Le patient anglais.jpg


    Cet hommage sera rendu à Gabriel Yared l’occasion de son 70ème anniversaire et de ses 40 ans de carrière avec plus de 100 musiques de films composées essentiellement pour le cinéma. Parmi les musiques qu’on lui doit, on peut citer : Sauve qui peut (la vie) (1980), La lune dans le caniveau (1983), Hanna K. (1983), La diagonale du fou (1984), 37°2 le matin (1986), Beyond Therapy (1987), Camille Claudel (1988), Tatie Danielle (1990), Vincent et Théo (1990), La putain du Roi (1990), L’Amant (César de la meilleure musique de film en 1993), La cité des anges (1998), Une bouteille à la mer (1999), Le talentueux Mr Ripley (1999), Un automne à New York (2000), Retour à Cold Mountain (2003), Azur et Asmar (2006), Tom à la ferme (2013), Chocolat (2015), Juste la fin du monde (2016), Dilili à Paris (2018), The Happy Prince (2018), Ma vie avec John F. Donovan (2019)… 

     

    Schifrin.jpg

     
    Gabriel Yared sera le 6ème compositeur honoré par le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, après Francis Lai (2014), Michel Legrand (2015), Lalo Schifrin (2016), Vladimir Cosma (2017) et Eric Serra (2018). A cette occasion il donnera un concert, lors de la Cérémonie de remise des prix du festival, au Palais des congrès de La Baule, le 10 novembre, ainsi qu’une Master Class, animée par Stéphane Lerouge, au Cinéma le Gulf Stream, le 11 novembre.

    Ce sera la première fois que Gabriel Yared se produira en province.

    «Concert Gabriel Yared », le Dimanche 10 novembre à 19h, Atlantia (concert précédé de la Cérémonie de remise des prix)- Tarif : à partir de 59€ (réservation sur www.atlantia-labaule.com).

     

    th.jpg

    La 6ème édition du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, proposera également le 9 novembre, une soirée musciale avec Pierre Richard. L'interprète du "Grand blond" sera sur la scène du Palais des Congrès Atlantia de La Baule pour vous offrir une véritable récréation musicale. Pierre Richard chantera, dansera, jouera du piano et rendra hommage à ceux qui l'ont influencé, comme Charlie Chaplin et Jacques Tati, mais aussi aux compositeurs de musique de films qui l'ont accompagné tout au long de sa vie, Vladimir Cosma, bien sûr (Le Grand blond avec une chaussure noire, La Chèvre), mais aussi Philippe Sarde (On aura tout vu) ou son ami Michel Fugain (Je sais rien mais je dirai tout, Les gentils les méchants)...  Il sera accompagné par un ensemble musical dirigé par le compositeur et pianiste Jean-Michel Bernard (Grand Prix Sacem 2017 de la musique pour l’image), ami et disciple de Ray Charles, auteur de bandes originales pour Michel Gondry, Etienne Chatiliez ou Francis Weber et à qui l'on doit déjà le mémorable concert hommage à Lalo Schifrin au Festival de La Baule en 2016. Jean-Michel Bernard sera notamment accompagné par le célèbre violoniste Laurent Korcia… et par le propre fils de Pierre Richard, le saxophoniste Olivier Defays (duo musical Blues Trottoir).

    « Concert Hommage à Pierre Richard, la Grande Soirée », le Samedi 9 novembre à 20h30 au Palais des Congrès Atlantia- Tarif : à partir de 59€ (réservation sur www.atlantia-labaule.com)

    le grand blond.jpg

    SPECTACLE MUSICAL : «LE SON D’ALEX – SPECIAL MUSIQUE DE FILMS »

    jaffray.jpg

    « Le son d’Alex » est le premier stand-up musical. Armé d’une volonté tant comique que pédagogique, Alex Jaffray, par ailleurs compositeur et chroniqueur « musique » pour l’émission TéléMatin sur France 2, s’amuse à décortiquer la musique ou à donner les clés de la fabrication d’un tube. A l'occasion de la Cérémonie d'Ouverture du 6ème Festival du Cinéma et Musique de La Baule, Alex Jaffray, vous proposera un show revisité pour l'occasion autour des plus célèbres musiques de films.

    « Le Son d’Alex-Spécial Musique de Films», le Mercredi 6 novembre à 20h30 au Palais des Congrès Atlantia- Tarif :35€-Gratuit pour les Pass festival, sauf Pass gratuit -de 18ans (réservation au 02405151/ www.atlantia-labaule.com)

     
    TALENT AWARD : WILLIAM BALDWIN

    TALK.jpg


    La Star hollywoodienne, William Baldwin (« Backdraft », « Sliver », « Flatliners, l’Experience Interdite », « né un 4 juillet», «Fair Game», «Affaires privées», «Virus», «The Purge», «The Old to Die Young », «Northern Rescue»…), sera présent à La Baule pour la présentation de «Talk », un film réalisé par le français Romuald Boulanger et pour fêter l’approche du 30ème anniversaire du film «Backdraft» et la sortie de «Backdraft 2». Il recevra un « Ibis Talent Award» pour l’ensemble de sa carrière, lors de la Cérémonie de remise des prix du festival, le dimanche 10 novembre à Atlantia, le Palais des congrès de La Baule.
     

    COUP DE PROJECTEUR : PAUL MISRAKI

    Bardot.jpg

    Paul Misraki est l'un des cinq compositeurs les plus prolifiques du cinéma français. Le compositeur et pianiste de l'orchestre de Ray Ventura, à qui l'on doit des titres aussi connus que " Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux", "Tout va très bien Madame la Marquise» … est aussi à l’origine de 185 musiques de films pour les plus grands cinéastes («Et Dieu créa la femme » de Vadim, « Le Doulos » de Melville, « Alphaville » de Godard, mais aussi pour Buñuel, Chabrol, Welles, Clouzot, Becker…).

    Dans le cadre des commémorations liées au 110e anniversaire de sa naissance et du 20ème anniversaire de sa mort, le Festival du Cinéma et Musique de Film a souhaité mettre un « coup de projecteur » sur son œuvre pour le cinéma. Une rencontre avec Christophe Misrachi, le fils de Paul Misraki, animée par Stéphane Lerouge, sera organisée au Cinéma de La Baule le Gulf Stream, précédée de la projection du film «Et Dieu… créa la femme » de Roger Vadim.

    FOCUS SUR LA SOCIÉTÉ DE PRODUCTION LES FILMS DU KIOSQUE:

    Les films du kiosque.jpg

    Les "Films du Kiosque" ont été créés en 1995 par les producteurs François Kraus et Denis Pineau-Valencienne. Ils ont produit à ce jour 28 longs métrages français dont 14 premiers films, un unitaire et deux séries télévisées.

    Ils ont obtenu au total 26 nominations aux César, dont 4 pour les premiers films: « Les Chatouilles » d’Andréa Bescond et Eric Metayer, « Pardonnez moi » de Maïwenn, « Qu'Allah bénisse la France » d'Abd Al Malik (Ibis d'Or du Meilleur film au Festival de La Baule 2014 ) et « Monsieur et Madame Adelman » de Nicolas Bedos.

    Parmi les réalisateurs produits, on compte aussi François Favrat ("Le rôle de sa vie"), Florent-Emilio Siri ("L'Ennemi intime"), Igor Gotesman ("Five"), Maïwenn ("Le Bal des actrices"), Marion Vernoux ("Les beaux jours"), Emmanuelle Bercot ("La Tête Haute") ou encore Thierry Klifa ("Une vie à t'attendre", "Tout nous sépare"). Il viennent également de produire "La Belle époque" deNicolas Bedos qui sera présenté à La Baule. Le Festival organisera une rencontre avec le public en présence de François Kraus et une sélection de leurs films les plus en lien avec le thème de « l’amour» seront projetés.

    7 LONGS-MÉTRAGES EN COMPÉTITION

    la belle époque.jpg

    «J’ai perdu mon corps», film d’animation de Jérémy Clapin/Musique de Dan Levy

    Affiche.jpg

    «La Belle époque» de Nicolas Bedos, avec Daniel Auteuil, Fanny Ardant, Guillaume Canet, Doria Tillier, Michaël Cohen/Musique de Nicolas Bedos & Anne-Sophie Versnaeyen

    «La Dernière vie de Simon» de Léo Karmann/Musique de Erwann Chandon

    «La Nuit venue » de Frédéric Farucci, avec Camélia Jordana/Musique de Rone

    «Les éblouis» de Sarah Suco, avec Jean-Pierre Darroussin, CamilleCottin/ Musique de Laurent Perez del Mar

    Les éblouis.jpg

    «Lola vers la Mer» de Laurent Micheli, avec Benoit Magimel/Musique de Raf Keunen

    affiche 5.jpg

    «Tu mérites un amour» de et avec Hafsia Herzi/Musique de Nous deux the band

    affiche 88.jpg

    Les 10 longs-métrages fiction hors compétition :

    «Judy», de Rupert Gooldavec Renée Zellweger/ Musique de Gabriel Yared

    judy.jpg

    «Adults in the room», de Costa Gavras/ Musique de Alexandre Desplat

    costa gavras.jpg

    «Rattlesnakes», de Julius Amedume, avec Jimmy Jean-Louis, Jack Coleman / Musique de Seymour Milton & Paul Pringle

    film.jpg

    «Selfie», de Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Vianney Le Basque, Tristan Aurouet, avec Blanche Gardin, Elsa Zylberstein, Manu Payet/ Musique de Laurent Perez del Mar

    selfie.jpg

    «L’Adieu à la nuit », de André Téchiné avec Catherine Deneuve / Musique de Alexis Rault

    L'Adieu à la nuit.jpg

    «Les Hirondelles de Kaboul», film d’animation de Zabou Breitman/ Musique de Alexis Rault «Minuscules 2», film d’animation de Thomas Szabo et Hélène Giraud / Musique de Mathieu Lamboley

    Les hirondelles de Kaboul.jpg

    «Long Time no see», de Pierre Filmon avec Laetitia Eidoet Pierre Rochefort / Musique de David Hadjadj

    «Place des Victoires», de Yoann Guillouzouic, avec Guillaume de Tonquedec / Musique de Amin Bouhafa

    place des victoires.jpg

    «l’Esprit de famille», de Eric Besnard avec Guillaume de Tonquedec, François Bérleand, Josianne Balasko

    l'esprit de famille.jpg

    7 COURTS-MÉTRAGES EN COMPETITION

    Dont une Première européenne pour le film «Talk » avec William Baldwin

    «A l’aube» de Julien Trauman /Musique de Alexandre Chaigniau

    «Belle à croquer» de Axel Courtière,avec Lou Delage, Catherine Deneuve / Musique de Erik Wedin

    «Bug» de Cédric Prevost/ Musique de Eric Pilavian

    «5mn avant» de Christophe Brachet / Musique de Romain Trouillet

    «Elle s’appelait Baby » de BaptisteGourden& Mélanie Laleu, avec Marie-Christine Barrault / Musique de Pierre Tereygeol

    «Monsieur»,comédie musicale «Queer» de Thomas Ducastel

    «Talk » de Romuald Boulanger, avec WilliamBaldwin, Vanessa Guide, Tom Hudson/ Musique deGilles Luka & Clément Perin

    5 COURTS-MÉTRAGE DE L’ ADAMI (hors compétition)

    Depuis sa création en 2014, le festival diffuse, chaque année, les courts métrages desTalents de l’Adami.

    La 26e édition des Talents Adami a été confiée à Suzanne Clément, Mélanie Doutey, Guillaume Gouix, Zita Hanrotet Grégory Montelsous le regard bienveillant d’Agnès Jaouiqui les a accompagnés pour l’écriture et le montage des films. Ce sont ces 5 comédiennes et comédiens aguerris qui ont dirigé la nouvelle promotion des Talents Adami2019.

    Les films: «Relai» de Suzanne Clément / «Avanti» de Mélanie Doutey/ «Mon Royaume» de Guillaume Gouix/ «La maman des poissons» de Zita Hanrot/ «Les chiens aboient» de Grégory Montel

    Chaque film fait l’objet d’une musique originale composée par :Christophe Julien (pour «Relai»), Pascal Sangla (pour «Avanti» ), Coming Soon et Island Kizhi (pour «Mon royaume»), Ferdinand Berville (pour «La maman des poissons»), Jean-Benoît Dunckel (pour «Les chiens aboient»).

    12 classiques du cinéma

    «L’Amant » de Jean-Jacques Annaud / Musique de Gabriel Yared

    «le Patient Anglais» de Anthony Minghella/ Musique deGabriel Yared

    «37°2 Le Matin» de JJ Beinex/ Musique de Gabriel Yared

    «Une bouteille à la mer» de Luis Mandoki/ Musique de Gabriel Yared (spécial 20eme anniversaire)

    «Hôtel des Amériques», de André Téchiné / Musique dePhilippe Sarde

    «Une vie à t’attendre» de Thierry Klifa/ Musique de David François Moreau (spécial 15eme anniversaire)

    «La Tête Haute » de Emmanuelle Bercot/ Musique de Eric Neveux (dont vous pouvez retrouver ma critique ci-dessous)

    La tête haute, Emmanuelle Bercot, cinéma, film,

    "La tête haute" était le film d'ouverture du 68ème Festival de Cannes.  Le temps de débarrasser la scène du Grand Théâtre Lumière des apparats de l’ouverture de ce 68ème Festival de Cannes, et nous voilà plongés dans un tout autre univers : le bureau d’une juge pour enfants (Catherine Deneuve), à Dunkerque. La tension est palpable. Le ton monte. Les éclats de voix fusent. Une femme hurle et pleure. Nous ne voyons pas les visages. Seulement celui d’un enfant, Malony, perdu au milieu de ce vacarme qui assiste, silencieux, à cette scène terrible et déroutante dont la caméra frénétique accompagne l’urgence, la violence, les heurts. Un bébé crie dans les bras de sa mère qui finalement conclut à propos de Malony qu’il est « un boulet pour tout le monde ». Et elle s’en va, laissant là : un sac avec les affaires de l’enfant, et l’enfant, toujours silencieux sur la joue duquel coule une larme, suscitant les nôtres déjà, par la force de la mise en scène et l’énergie de cette première scène, implacable. Dix ans plus tard, nous retrouvons les mêmes protagonistes dans le même bureau …

    Ce film est réalisé par Emmanuelle Bercot dont j’avais découvert le cinéma et l’univers si fort et singulier avec « Clément », présenté à Cannes en 2001, dans le cadre de la Section Un Certain Regard, alors récompensé du Prix de la jeunesse dont je faisais justement partie cette année-là. Depuis, je suis ses films avec une grande attention jusqu’à « Elle s’en va », en 2013, un très grand film, un road movie centré sur Catherine Deneuve, « né du désir viscéral de la filmer ». Avant d’en revenir à « La tête haute », je ne peux pas ne pas vous parler à nouveau de ce magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va » montre que, à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour. « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’embrasser la vie. ( Retrouvez ma critique complète de ELLE S'EN VA en cliquant ici.)

    tete3.jpg

    Et contre toute attente, c’est aussi l’effet produit par « La tête haute » où il est aussi question de départ, de nouveau départ, de nouvelle chance. Avec beaucoup de subtilité, plutôt que d’imprégner visuellement le film de noirceur, Emmanuelle Bercot a choisi la luminosité, parfois le lyrisme même, apportant ainsi du romanesque à cette histoire par ailleurs particulièrement documentée, tout comme elle l’avait fait pour « Polisse » de Maïwenn dont elle avait coécrit le scénario. Le film est riche de ce travail en amont et d’une excellente idée, celle d' avoir toujours filmé les personnages dans un cadre judiciaire : le bureau de la juge, des centres divers… comme si toute leur vie était suspendue à ces instants.

    tete4.jpg

    Le grand atout du film : son énergie et celle de ses personnages attachants interprétés par des acteurs judicieusement choisis. Le jeune Rod Paradot d’abord, l’inconnu du casting qui ne le restera certainement pas longtemps et qui a charmé l’assistance lors de la conférence de presse cannoise du film, avec son sens indéniable de la répartie (« la tête haute mais la tête froide »…), tête baissée, recroquevillé, tout de colère rentrée parfois hurlée, dont la présence dévore littéralement l’écran et qui incarne avec une maturité étonnante cet adolescent insolent et bravache qui n’est au fond encore que l’enfant qui pleure des premières minutes du film. Catherine Deneuve, ensuite, une nouvelle fois parfaite dans ce rôle de juge qui marie et manie autorité et empathie. L’éducateur qui se reconnaît dans le parcours de ce jeune délinquant qui réveille ses propres failles incarné par Benoît Magimel d’une justesse sidérante. La mère (Sara Forestier) qui est finalement l’enfant irresponsable du film, d’ailleurs filmée comme telle, en position fœtale, dans une très belle scène où les rôles s’inversent. Dommage (et c’est mon seul bémol concernant le film) que Sara Forestier ait été affublé de fausses dents (était-ce nécessaire ?) et qu’elle surjoue là où les autres sont dans la nuance, a fortiori les comédiens non professionnels, excellents, dans les seconds rôles.

    tete1.jpg

    Ajoutez à cela des idées brillantes et des moments qui vous cueillent quand vous vous y attendez le moins : une main tendue, un « je t’aime »furtif et poignant, une fenêtre qui soudain s’est ouverte sur « Le Monde » (littéralement, si vous regardez bien…) comme ce film s’ouvre sur un espoir.

    tete2.jpg

    Après « Clément », « Backstage », «  Elle s’en va », Emmanuelle Bercot confirme qu’elle est une grande scénariste et réalisatrice (et actrice comme l'a prouvé son prix d'interprétation cannois) avec qui le cinéma va devoir compter, avec ce film énergique et poignant, bouillonnant de vie, qui nous laisse avec un salutaire espoir, celui que chacun peut empoigner son destin quand une main se tend et qui rend un bel hommage à ceux qui se dévouent pour que les enfants blessés et défavorisés par la vie puissent grandir la tête haute. Un film qui « ouvre » sur un nouveau monde, un nouveau départ et une bouffée d’optimisme. Et ça fait du bien. Une très belle idée que d’avoir placé ce film à cette place de choix d'ouverture du 68ème Festival de Cannes et de lui donner cette visibilité.

     

    fc33

     

    «Et Dieu créa la femme» de Roger Vadim / Musique de Paul Misraki

    «La Piscine» de Jacques Deray/ Musique de Michel Legrand (version remastérisée/ spécial 50eme anniversaire) -dont vous pouvez retrouver ma critique ci-dessous-

    «Le distrait» de Gérard Oury/ Musique deVladimir Cosma

    «Un homme amoureux» de Diane Kurys/ Musique de Georges Delerue

    «Backdraft» de Ron Howard /

    EXPOSITION :ROMY SCHNEIDER & ALAINDELON,«LES AMANTS MAGNIFIQUES»

    Le Festival rendra hommage au couple mythique du cinéma français, lors d’une grande exposition photo, organisée en partenariat avec la Galerie de l’Instant. En effet, comment parler d’Amour au Cinéma, sans évoquer Romy Schneider et Alain Delon.

    Une projection exceptionnelle de « La Piscine », à l’occasion du 50ème anniversaire du film de Jacques Deray, sera organisée également (dans sa nouvelle version restaurée), ainsi qu’un documentaire de 30mn, totalement inédit, réalisé par la femme de Jacques Deray, Agnès Vincent, sur le tournage du film, qui sera dévoilé durant le festival. L’occasion également de célébrer le 80ème anniversaire de la naissance de l’interprète de « L’Important c’est d’aimer », «Une histoire simple», «Les choses de lavie»,«Plein soleil» et de  «Sissi»…

    Exposition «Romy Schneider & Alain Delon, Les Amants magnifiques», du 01 novembre au 08 décembre 2019, au Centre Culturel Chapelle Sainte-Anne, Place du Maréchal Leclerc -La Baule-Escoublac, du mardi au dimanche de 14h à 19h, entrée libre. Une exposition organisée par le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule en partenariat avec la Ville de La Baule et la Galerie de l’Instant (Commissaire d’exposition: Julia Gragnon)

    Critique  - LA PISCINE de Jacques Deray (1969)

     

    Marianne (Romy Schneider) et Jean-Paul (Alain Delon) passent en effet des vacances en amoureux dans la magnifique villa qui leur a été prêtée sur les hauteurs de Saint-Tropez. L’harmonie est rompue lorsqu’arrive Harry (Maurice Ronet), ami de Jean-Paul et de Marianne chez lequel ils se sont d’ailleurs rencontrés, cette dernière entretenant le trouble sur la nature de ses relations passées avec Harry. Il arrive accompagné de sa fille de 18 ans, la gracile et nonchalante Pénélope (Jane Birkin).

    La piscine fait partie de ces films que l’on peut revoir un nombre incalculable de fois (du moins que je peux revoir un nombre incalculable de fois) avec le même plaisir pour de nombreuses raisons mais surtout pour son caractère intelligemment elliptique et son exceptionnelle distribution et direction d’acteurs.

    Dès les premières secondes, la sensualité trouble et la beauté magnétique qui émane du couple formé par Romy Schneider et Alain Delon, la langueur que chaque plan exhale plonge le spectateur dans une atmosphère particulière, captivante. La tension monte avec l’arrivée d’Harry et de sa fille, menaces insidieuses dans le ciel imperturbablement bleu de Saint-Tropez. Le malaise est palpable entre Jean-Paul et Harry qui rabaisse sans cesse le premier, par une parole cinglante ou un geste méprisant, s’impose comme si tout et tout le monde lui appartenait, comme si rien ni personne ne lui résistait.

    Pour tromper le langoureux ennui de l’été, un jeu périlleusement jubilatoire de désirs et de jalousies va alors commencer, entretenu par chacun des personnages, au péril du fragile équilibre de cet été en apparence si parfait et de leur propre fragile équilibre, surtout celui de Jean-Paul, interprété par Alain Delon qui, comme rarement, incarne un personnage vulnérable à la sensualité non moins troublante. L’ambiguïté est distillée par touches subtiles : un regard fuyant ou trop insistant, une posture enjôleuse, une main effleurée, une allusion assassine. Tout semble pouvoir basculer dans le drame d’un instant à l’autre. La menace plane. L’atmosphère devient de plus en plus suffocante.

    Dès le début tout tourne autour de la piscine : cette eau bleutée trompeusement limpide et cristalline autour de laquelle ils s’effleurent, se défient, s’ignorent, s’esquivent, se séduisent, autour de laquelle la caméra virevolte, enserre, comme une menace constante, inéluctable, attirante et périlleuse comme les relations qui unissent ces 4 personnages. Harry alimente constamment la jalousie et la susceptibilité de Jean-Paul par son arrogance, par des allusions à sa relation passée avec Marianne que cette dernière a pourtant toujours niée devant Jean-Paul. Penelope va alors devenir l’instrument innocent de ce désir vengeur et ambigu puisqu’on ne sait jamais vraiment si Jean-Paul la désire réellement, s’il désire atteindre Harry par son biais, s’il désire attiser la jalousie de Marianne, probablement un peu tout à la fois, et probablement aussi se raccrochent-ils l’un à l’autre, victimes de l’arrogance, la misanthropie masquée et de la désinvolture de Harry. C’est d’ailleurs là que réside tout l’intérêt du film : tout insinuer et ne jamais rien proclamer, démontrer. Un dialogue en apparence anodin autour de la cuisine asiatique et de la cuisson du riz alors que Jean-Paul et Penelope reviennent d’un bain nocturne ne laissant guère planer de doutes sur la nature de ce bain, Penelope (dé)vêtue de la veste de Jean-Paul dans laquelle elle l’admirait de dos, enlacer Marianne, quelques jours auparavant, est particulièrement symptomatique de cet aspect du film, cette façon d’insinuer, cette sensualité trouble et troublante, ce jeu qui les dépasse. Cette scène entremêle savoureusement désirs et haines latents. Les regards de chacun : respectivement frondeurs, évasifs, provocants, dignes, déroutés… font que l’attention du spectateur est suspendue à chaque geste, chaque ton, chaque froncement de sourcil, accroissant l’impression de malaise et de fatalité inévitable.

    Aucun des 4 personnages n’est délaissé, la richesse de leurs psychologies, de la direction d’acteurs font que chacune de leurs notes est indispensable à la partition. La musique discrète et subtile de Michel Legrand renforce encore cette atmosphère trouble. Chacun des 4 acteurs est parfait dans son rôle : Delon dans celui de l’amoureux jaloux, fragile, hanté par de vieux démons, d’une sensualité à fleur de peau, mal dans sa peau même, Romy Schneider dans celui de la femme sublime séductrice dévouée, forte, provocante et maternelle, Jane Birkin dont c’est le premier film français dans celui de la fausse ingénue et Maurice Ronet dans celui de l’ « ami » séduisant et détestable, transpirant de suffisance et d’arrogance…et la piscine, incandescente à souhait, véritable « acteur ». Je ne vous en dirai pas plus pour ne pas lever le voile sur les mystères qui entourent ce film et son dénouement.

    Deray retrouvera ensuite Delon à 8 reprises notamment dans Borsalino, Flic story, Trois hommes à abattre… mais La piscine  reste un film à part dans la carrière du réalisateur qui mettra en scène surtout un cinéma de genre.

    Neuf ans après  Plein soleil de René Clément (que je vous recommande également), la piscine réunit donc de nouveau Ronet et Delon, les similitudes entres les personnages de ces deux films sont d’ailleurs nombreuses et le duel fonctionne de nouveau à merveille.

    Un film sensuel d'une incandescence trouble porté par des acteurs magistraux, aussi fascinants que cette eau bleutée fatale, un film qui se termine par une des plus belles preuves d’amour que le cinéma ait inventée. A voir et à revoir. Plongez dans les eaux troubles de cette « piscine » sans attendre une seconde …à vos risques et périls.

    En complément : cliquez ici pour retrouver mon article sur la remise de la palme d'or d'honneur à Alain Delon lors du dernier Festival de Cannes avec également le récit de sa master class et une dizaine de critiques de films avec l'acteur.

    alain delon,delon,cinéma,festival de cannes,palme d'or,palme d'or d'honneur,festival,festival de cannes 2019,72ème festival de cannes,monsieur klein,anouchka delon

    5 films documentaires inédits (dont une Première Mondiale)

    - «André Téchiné, l’insoumis», de Thierry Klifa

    - «Bandes originales : Gabriel Yared », de Pascale Cuenot

    - «Bandes Originales : Jean-Michel Bernard», de Pascale Cuenot (Première Mondiale)

    -«Les silences de Johnny», de Pierre William Glenn / Musique de RurikSallé

    - «Romy Schneider, à fleur de peau», de Bertrand Teissier

    RENCONTRES & MASTER CLASS

    Pour la deuxième année consécutive, l’UCMF (l’Union des Compositeurs de Musiques de Films), renouvelle son partenariat avec le Festival. À cette occasion, les compositeurs lauréats des Prix UCMF 2019, seront conviés au Festival. Ils participeront à une table ronde sur le thème de la musique à l’image.

    Des Masters Class seront aussi organisées avec les Principaux invités du Festival, animées par Stéphane Lerouge.

    Des rencontres auront lieu avec les scolaires:

    *Projection d’un film à destination de 900 élèves d’écoles primaires de La Baule, suivie d’un échange avec le compositeur de la musique du film, pour une première approche et initiation de la musique à l’image.

    *Rencontre avec 200 lycéens de la Cité Scolaire Grand Air à La Baule avec Gabriel Yared (master class dans l’amphithéâtre du lycée).

    LA FACTORY

    Cette année une résidence d'artistes nommée «La Factory » sera créée. Elle accueillera à La Baule, 6 jeunes étudiants compositeurs de musique de films issus des CNSM (Conservatoire National Supérieur de Musique) de Paris et de Lyon, ainsi que du Conservatoire Municipal de Paris, Paul Dukas(Paris12e).

    Encadré par le compositeur et enseignant, Emmanuel d’Orlando (« Populaire », « House of time », « Si j’étais un homme »…), ces six jeunes compositeurs auront 4 jours pour composer une oeuvre originale sur place, destinée à un court métrage d’animation de l’École des Gobelins(une des meilleures écoles d’animation aum onde).

    Un Ibis de la Révélation JeuneTalent, récompensera l’un d’entre eux.

    Ce festival et l'inoubliable et bouleversant concert de Michel Legrand (au lendemain du tragique 13 novembre 2015)  sont d'ailleurs le cadre et la toile de fond de l’une des nouvelles de mon recueil Les illusions parallèles. (Editions du 38 - 2016).

    Concert de Michel Legrand La Baule.jpg

     

     

    Nouvelle Festival de La Baule.png

     

    Pour tout savoir sur le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, ci-dessous les liens vers mes articles sur les précédentes éditions avec les critiques des films présentés dans le cadre du festival :

    -le site officiel du festival

    -Mon compte rendu de la 1ère édition du festival (2014)

    la baule,festival,cinéma,musique,festival du cinéma et musique de film,in the mood for cinema,eric serra

    La Baule 2014.jpg

    -Mon compte rendu de la 2ème édition du festival (2015)

    baule3

    la baule 2015.jpg

    -Mon compte rendu de la 3ème édition du festival (2016)

    La Baule 2016 1.jpg

    La Baule 2016 2.png

    -Mon compte rendu de la 4ème édition du festival (2017)

    Affiche La Baule 2017.jpg

    Quelques articles sur l'édition 2018 :

    affiche 2018.jpg

    Critique de Sauver ou Périr de Frédéric Tellier

     

    Critique de Ma mère est folle de Diane Kurys

     

    Quelques bonnes adresses à La Baule :

     

    -Mon article sur l'hôtel Barrière Le Royal Thalasso de La Baule

     

    Royal thalasso Barrière La Baule 1.jpg

    -Mon article sur l'Hermitage Barrière de La Baule

    hermitage la baule.jpg

     

    Cette année, pour la première fois, le Groupe Barrière, partenaire officiel et historique, du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, vous propose l'offre "Pass festival + chambre d'hôtel" pour vivre le festival. Valable pour des séjours réalisés du 8/11/2019 au 10/11/2019.  Le Pass Journée Festival ne donne pas accès à la Cérémonie de Clôture.
    Prépaiement requis - Non modifiable et non annulable. Offre valable sous réserve de disponibilités et soumise à conditions, dans la limite des chambres réservées à cette offre.  A partir de 249 euros la nuit. Cliquez ici pour réserver.

    Informations pratiques :

    Les Pass pour la 6ème édition du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, qui aura lieu du 6 au 11 novembre prochain, sont disponibles, dès à présent, sur internet, et au Cinéma le Gulf Stream à La Baule depuis le 19 octobre. 

    Retrouvez l'ensemble des informations pratiques, sur le site officiel du festival, en cliquant ici.