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film - Page 71

  • Concours - 5x2 places de cinéma pour "L"homme qui rit" et 3 livres de Victor Hugo

    CONCOURS

    "L’homme qui rit", un film de Jean-Pierre Améris avec Gérard Depardieu, Marc-André Grondin, Christa Théret et Emmanuelle Seigner. En salles le 26 décembre 2012 (cf ma critique, ci-dessous).

    Pour répondre aux questions suivantes (avant le 26 décembre 2012, minuit, à inthemoodforcinema@gmail.com en spécifiant "Concours L'homme qui rit" comme intitulé de votre email" et en n'oubliant pas de joindre vos coordonnées pour l'envoi des lots), regardez la bande-annonce ci-dessus (du moins, pour les 3 premières questions). Les 3 plus rapides à me donner les bonnes réponses remporteront le livre "L'homme qui rit" de Victor Hugo ET 2 places de cinéma (chacun) pour découvrir le film en salles. Les deux suivants remporteront chacun 2 places de cinéma.

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    1. "Là où la multitude voyait le monstre, Déa, aveugle, voyait l'archange?". Comment se prénomme le personnage qui prononce cette phrase dans la bande-annonce?

    2. Qui interprète le rôle de la Duchesse?

    3. Quel acteur dit "La vie n'est qu'une longue perte de ceux qu'on aime"?

    4.  A qui s'adresse le célèbre poème de Victor Hugo qui débute ainsi "Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,..."

    5. Où se trouve le musée Victor Hugo à Paris? (je vous le recommande vivement au passage).

    6. Quel est votre roman ou texte de Victor Hugo préféré et pourquoi? (en une phrase même si c'est très-trop-court)?

    7. Quel cinéaste a également été inspiré par le personnage de Gwynplaine?

     

    Critique - « L’Homme qui rit » de Jean-Pierre Améris avec Gérard Depardieu, Marc-André Grondin, Christa Théret, Emmanuelle Seigner, Swann Arlaud…

    cinéma, film, avant-première, Gérard Depardieu, livre, Victor Hugo, L'homme qui rit, marc-André Grondin, Gwynplaine, Christa Théret, Emmanuelle Seigner

    Comme étais-je passée à côté de ce roman de Victor Hugo ? Mystère… La sortie du film a pour moi été l’occasion de cette magnifique découverte, d’un texte ardu mais passionnant, riche de multiples digressions, d’une langue admirable (évidemment), et surtout d’un personnage monstrueusement séduisant auquel tous ceux qui se sont un jour sentis différents pourront s’identifier : Gwynplaine sur lequel Jean-Pierre Améris a eu la bonne idée de centrer son film.

    Alors que la tempête de neige fait rage, Ursus (Gérard Depardieu), le forain en apparence revêche mais généreux, recueille deux orphelins dans sa roulotte. Le premier de ces deux orphelins, c’est Gwynplaine, un jeune garçon dont une cicatrice qui ressemble à un rire insolemment triste barre le visage, l’œuvre des Comprachicos (un mot qui est une invention de Victor Hugo provenant de l'espagnol comprar -qui signifie acheter- et chicos -qui signifie enfant- signifiant donc «acheteurs d’enfants»), spécialisés dans le commerce d'enfants, qu'ils achètent ou volent et revendent après les avoir mutilés. L’autre enfant, c’est Déa une petite fille aveugle que ce dernier a trouvée sur son chemin. Quelques années plus tard, ils sillonnent toujours les routes et présentent un spectacle dont Gwynplaine (Marc-André Grondin) alors adulte, est devenu la vedette, accompagné de Déa (Christa Théret), également sur scène. Partout, on souhaite voir « L’homme qui rit » celui qui fait rire et émeut les foules mais un autre théâtre, bien plus redoutable, celui de l’aristocratie, va l’éloigner de ceux qu’il aime et qui l’aiment…

    Hugo a écrit « L’homme qui rit » entre 1866 et 1869 durant son exil politique dans les îles Anglo-Normandes. Adapter les 750 pages de ce roman était un véritable défi tant le roman est foisonnant, allégorique aussi, et tant l’auteur digresse sur la politique, la philosophie et même l’architecture. Jean-Pierre Améris et Guillaume Laurant (notamment scénariste de films de Jean-Pierre Jeunet dont « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ») ont réalisé un incroyable travail d’adaptation et ont eu l’excellente idée de transposer le roman qui se déroule dans l’Angleterre du XVIIème sicèle dans un lieu et une époque imprécis (le film a été tourné en studios à Prague) et surtout d’en faire un conte sombre, et ainsi fascinant. Pour rendre l’histoire plus moderne et accessible, Jean-Pierre Améris a volontairement utilisé des éléments plus contemporains, pour les dialogues mais aussi pour les costumes, comme l'avaient fait Baz Luhrmann pour "Roméo et Juliette" ou Sofia Coppola pour "Marie-Antoinette".

    Dès les premiers plans dans la neige et la tempête, la poésie lugubre et la féérie sombre des images captivent. Du roman baroque d’Hugo Jean-Pierre Améris a fait une fable intemporelle d’une beauté triste mais ensorcelante. C’est un magnifique roman (et film) sur la différence, la dualité, entre blancheur et noirceur, entre beauté et laideur, entre théâtre et réalité, entre aveuglement et clairvoyance, des contrastes que l’esthétique du film souligne magnifiquement et dont elle souligne aussi les paradoxes. « Qu’est-ce que ça veut dire être laid ? Laid c’est faire le mal ! Toi tu me fais du bien », résume si bien l’aveugle et sensible Déa.

    La vie est à la fois sublimée et plus réelle sur les planches comme elle peut l’être dans « Le Carrosse d’or », « Les enfants du paradis », « Le dernier métro » et c’est là que l’amour impossible de Déa (la jeune aveugle qui voit la beauté de l’âme, allégorie simple et tellement magnifique) et Gwynplaine est le plus éclatant. La monstruosité, le théâtre, la noirceur se situent finalement dans la réalité et du côté de l’aristocratie comme dans le « Ridicule » de Patrice Leconte. « Ne quitte jamais les planches. Ici les gens t’aimeront, mais dans la vie réelle, ils te feront souffrir » le prévient pourtant Ursus mais pour son plus grand malheur, Gwynplaine ne l’écoutera pas…

    Jean-Pierre Améris (dont j’ai découvert le cinéma avec « C’est la vie » et « Poids léger » que je vous recommande vivement et dont le dernier film « Les Emotifs anonymes » était une comédie très réussie), pour son 12ème film, est une nouvelle fois attiré par une histoire de marginaux qu’il sait si bien comprendre et pour lesquels il sait si bien susciter de l’empathie. Il a ainsi fait de Gwynplaine un personnage éminemment séduisant : innocent, révolté, libre, d’une laideur attrayante. Gwynplaine est moins connu que Quasimodo et pourtant sa belle monstruosité a énormément inspiré les artistes, à commencer par Tim Burton pour « Edward aux mains d’argent ». Le film de Jean-Pierre Améris, sans jamais le singer, m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à l’univers du cinéaste américain par sa beauté baroque, entre rêve et cauchemar, par ses personnages d’une beauté étrange et fascinante (très felliniens, aussi), par sa mise en scène inspirée. Tim Burton n’était d’ailleurs pas le seul à avoir été inspiré par Gwynplaine. Les dessinateurs Jerry Robinson et Bob Kane reconnaissaient ainsi volontiers s’être inspirés de Gwynplaine pour le personnage du Joker, dans les comics Batman. Et le roman d’Hugo est longuement évoqué dans « Le Dahlia noir » de James Ellroy, présent également dans l'adaptation cinématographique de Brian De Palma.

    C’est aussi un très bel hymne à la différence, et à ceux qui se battent pour les autres (Hugo était un écrivain engagé, Jean-Pierre Améris, l’est aussi à sa manière dans chacun de ses films ou même teléfilms comme « Maman est folle »). Magnifique scène de la tirade au Parlement ! Il s’agit d’un discours exalté dans lequel Marc-André Grondin met beaucoup d’éloquence et de conviction : « Ce qu’on fait à ma bouche, c’est ce qu’on fait au peuple. On le mutile » dit-il notamment (le texte, magnifique, est là repris de Hugo). Marc-André Grondin apporte toute sa beauté, sa fraîcheur à ce homme bouleversant caché derrière ce masque tragiquement rieur, se mettant ainsi à nu, dévoilant son visage mais surtout sa belle âme, face à la vraie monstruosité.

    Le film bénéficie aussi d’un casting impeccable : outre Marc-André Grondin, Gérard Depardieu impose sa force tranquille et sa générosité (au passage, que les pseudo-politiquement corrects laissent tranquille cet homme terriblement libre, vivant, cet immense artiste, plutôt que d’utiliser sa vie personnelle pour, probablement, exprimer une certaine rancœur, voire jalousie, et qu’ils s’engagent et mettent leur énergie vindicative au service de causes qui en sont vraiment). J’espère que cela permettra aussi à certains de découvrir Swann Arlaud que j’avais découvert au Festival de Cabourg dans le court-métrage « Alexis Ivanovich vous êtes mon héros » de Guillaume Gouix dans lequel il incarne admirablement un personnage radieux et joyeusement désinvolte qui, en une fraction seconde, blessé dans son orgueil, va tout remettre en question, découvrant ne pas être le héros qu’il aurait aimé être aux yeux de son amoureuse. Emmanuelle Seigner est une incarnation sublime de la tentation diabolique et finalement, malgré tout, touchante (comme chez Hugo, même ou car monstrueux, ses personnages restent humains), et comme elle le dit elle-même, le visage de Gwynplaine est le reflet de son âme sombre. Enfin, Christa Théret dont le visage est si expressif (à voir aussi absolument dans « Renoir », dans un rôle très différent dans lequel elle excelle également) est la tentation angélique, incarnation du mélange de force et de fragilité, d’aveuglement et de clairvoyance.

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    Mon seul reproche concerne le montage, et la durée, l’impression que la fin est un peu brusque…et que sans digresser autant que le fait Hugo dans son livre, le film aurait encore gagné en densité en gagnant un peu en longueur.

    Ce film est néanmoins vraiment un enchantement, un enchantement mélancolique, la forme reflétant ainsi le fond et toutes les sublimes dualités que l’histoire recèle. C’est aussi un opéra moderne ( la musique a été enregistrée à Londres avec un orchestre de 65 musiciens et elle apporte une force lyrique au film) . C’est également une histoire d’amour absolu, idéalisée, intemporelle (elles sont trop rares au cinéma pour s’en priver). C’est enfin un film universel au dénouement bouleversant. N’ayez pas peur de l’humour grinçant, la noirceur, la tragédie, ils sont sublimés par un personnage émouvant qui à la fois nous ressemble si peu et tellement (pour peu que nous nous sentions un tout petit peu différents) et un univers fascinant, poignant : celui d’un conte funèbre et envoûtant. La très belle surprise de cette fin d’année.

    Quelques citations extraites du livre « L’homme qui rit » de Victor Hugo, pour terminer, en espérant que ce film et ces dernières vous donneront envie de le lire :

    « Les aristocrates ont pour orgueil ce que les femmes ont pour humiliation, vieillir. »
    « De telles innocences dans de telles ténèbres, une telle pureté dans un tel embrassement, ces anticipations sur le ciel ne sont possibles qu'à l'enfance, et aucune immensité n'approche de cette grandeur des petits. »
    « Ca doit se fourrer dans des trous, le bonheur. Faites-vous encore plus petits que vous n'êtes, si vous pouvez. Dieu mesure la grandeur du bonheur à la petitesse des heureux. Les gens contents doivent se cacher comme des malfaiteurs. »
    « Deux coeurs qui s'aiment, n'allez pas chercher plus loin la poésie; et deux baisers qui dialoguent, n'allez pas chercher plus loin la musique. »

    L’homme qui rit a été présenté en clôture de la 69ème Mostra de Venise

    Sortie en salles : le 26 décembre 2012

    Retrouvez également cet article sur mon site http://inthemoodlemag.com : http://inthemoodlemag.com/2012/12/21/concours-5x2-places-de-cinema-pour-lhomme-qui-rit-et-3-livres-de-victor-hugo/

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  • Critique - « L’Homme qui rit » de Jean-Pierre Améris avec Gérard Depardieu, Marc-André Grondin, Christa Théret, Emmanuelle Seigner, Swann Arlaud…

    cinéma, film, avant-première, Gérard Depardieu, livre, Victor Hugo, L'homme qui rit, marc-André Grondin, Gwynplaine, Christa Théret, Emmanuelle Seigner

    Comme étais-je passée à côté de ce roman de Victor Hugo ? Mystère… La sortie du film a pour moi été l’occasion de cette magnifique découverte, d’un texte ardu mais passionnant, riche de multiples digressions, d’une langue admirable (évidemment), et surtout d’un personnage monstrueusement séduisant auquel tous ceux qui se sont un jour sentis différents pourront s’identifier : Gwynplaine sur lequel Jean-Pierre Améris a eu la bonne idée de centrer son film.

    Alors que la tempête de neige fait rage, Ursus (Gérard Depardieu), le forain  en apparence revêche mais généreux, recueille deux orphelins dans sa roulotte. Le premier de ces deux orphelins, c’est Gwynplaine, un jeune garçon dont une cicatrice qui ressemble à un rire insolemment triste barre le visage, l’œuvre des Comprachicos (un mot qui est une invention de Victor Hugo provenant de l'espagnol comprar -qui signifie acheter- et chicos -qui signifie enfant- signifiant donc «acheteurs d’enfants»), spécialisés dans le commerce d'enfants, qu'ils achètent ou volent et revendent après les avoir mutilés. L’autre enfant, c’est Déa une petite fille aveugle que ce dernier a trouvée sur son chemin. Quelques années plus tard, ils sillonnent toujours les routes et présentent un spectacle dont Gwynplaine (Marc-André Grondin) alors adulte, est devenu la vedette, accompagné de Déa (Christa Théret), également sur scène. Partout, on souhaite voir « L’homme qui rit » celui qui fait rire et émeut les foules mais un autre théâtre, bien plus redoutable, celui de l’aristocratie, va l’éloigner de ceux qu’il aime et qui l’aiment…

    Hugo a écrit « L’homme qui rit » entre 1866 et 1869 durant son exil politique dans les îles Anglo-Normandes. Adapter les 750 pages de ce roman était un véritable défi tant le roman est foisonnant, allégorique aussi, et tant l’auteur digresse sur la politique, la philosophie et même l’architecture. Jean-Pierre Améris et Guillaume Laurant (notamment scénariste de films de Jean-Pierre Jeunet dont « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ») ont réalisé un incroyable travail d’adaptation et ont eu l’excellente idée de transposer le roman qui se déroule dans l’Angleterre du XVIIème sicèle dans un lieu et une époque imprécis (le film a été tourné en studios à Prague) et surtout d’en faire un conte sombre, et ainsi fascinant. Pour rendre l’histoire plus moderne et accessible, Jean-Pierre Améris a volontairement utilisé des éléments plus contemporains, pour les dialogues mais aussi pour les costumes, comme l'avaient fait Baz Luhrmann pour "Roméo et Juliette" ou Sofia Coppola pour "Marie-Antoinette".

    Dès les premiers plans dans la neige et la tempête, la poésie lugubre et la féérie sombre des images captivent. Du roman baroque d’Hugo Jean-Pierre Améris a fait une fable intemporelle d’une beauté triste mais ensorcelante. C’est un magnifique roman (et film) sur la différence, la dualité, entre blancheur et noirceur, entre beauté et laideur, entre théâtre et réalité, entre aveuglement et clairvoyance, des contrastes que l’esthétique du film souligne magnifiquement et dont elle souligne aussi les paradoxes. « Qu’est-ce que ça veut dire être laid ? Laid c’est faire le mal ! Toi tu me fais du bien », résume si bien l’aveugle et sensible Déa. 

    La vie est à la fois sublimée et plus réelle sur les planches comme elle peut l’être dans « Le Carrosse d’or », « Les enfants du paradis », « Le dernier métro » et c’est là que l’amour impossible de Déa (la jeune aveugle qui voit la beauté de l’âme, allégorie simple et tellement magnifique) et Gwynplaine est le plus éclatant. La monstruosité, le théâtre, la noirceur se situent finalement dans la réalité et du côté de l’aristocratie comme dans le « Ridicule » de Patrice Leconte. « Ne quitte jamais les planches. Ici les gens t’aimeront, mais dans la vie réelle, ils te feront souffrir » le prévient pourtant Ursus mais pour son plus grand malheur, Gwynplaine ne l’écoutera pas…

    Jean-Pierre Améris (dont j’ai découvert le cinéma avec « C’est la vie » et « Poids léger » que je vous recommande vivement et dont le dernier film « Les Emotifs anonymes » était une comédie très réussie), pour son 12ème film, est une nouvelle fois attiré par une histoire de marginaux qu’il sait si bien comprendre et pour lesquels il sait si bien susciter de l’empathie. Il a ainsi fait de Gwynplaine un personnage éminemment séduisant : innocent, révolté, libre, d’une laideur attrayante.  Gwynplaine est moins connu que Quasimodo et pourtant sa belle monstruosité a énormément inspiré les artistes, à commencer par Tim Burton pour « Edward aux mains d’argent ». Le film de Jean-Pierre Améris, sans jamais le singer, m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à l’univers du cinéaste américain par sa beauté baroque, entre rêve et cauchemar, par ses personnages d’une beauté étrange et fascinante (très felliniens, aussi), par sa mise en scène inspirée. Tim Burton n’était d’ailleurs pas le seul à avoir été inspiré par Gwynplaine. Les dessinateurs Jerry Robinson et Bob Kane reconnaissaient ainsi volontiers s’être inspirés de Gwynplaine pour le personnage du Joker, dans les comics Batman. Et le roman d’Hugo est longuement évoqué dans  « Le Dahlia noir » de James Ellroy, présent également dans l'adaptation cinématographique de Brian De Palma.

    C’est aussi un très bel hymne à la différence,  et à ceux qui se battent pour les autres (Hugo était un écrivain engagé, Jean-Pierre Améris, l’est aussi à sa manière dans chacun de ses films ou même teléfilms comme « Maman est folle »). Magnifique scène de la tirade au Parlement ! Il s’agit d’un discours exalté dans lequel Marc-André Grondin met beaucoup d’éloquence et de conviction : « Ce qu’on fait à ma bouche, c’est ce qu’on fait au peuple. On le mutile » dit-il notamment (le texte, magnifique, est là repris de Hugo). Marc-André Grondin apporte toute sa beauté, sa fraîcheur à ce homme bouleversant caché derrière ce masque tragiquement rieur, se mettant ainsi à nu, dévoilant son visage mais surtout sa belle âme, face à la vraie monstruosité.

     Le film bénéficie aussi d’un casting impeccable : outre Marc-André Grondin, Gérard Depardieu impose sa force tranquille et sa générosité (au passage, que les pseudo-politiquement corrects laissent tranquille cet homme terriblement libre, vivant, cet immense artiste, plutôt que d’utiliser sa vie personnelle pour, probablement, exprimer une certaine rancœur, voire jalousie, et qu’ils s’engagent et mettent leur énergie vindicative au service de causes qui en sont vraiment). J’espère que cela permettra aussi à certains de découvrir Swann Arlaud que j’avais découvert au Festival de Cabourg dans le court-métrage   « Alexis Ivanovich vous êtes mon héros » de Guillaume Gouix dans lequel il incarne admirablement un personnage radieux et joyeusement désinvolte qui, en une fraction seconde, blessé dans son orgueil, va tout remettre en question, découvrant ne pas être le héros qu’il aurait aimé être aux yeux de son amoureuse.  Emmanuelle Seigner est une incarnation sublime de la tentation diabolique et finalement, malgré tout, touchante (comme chez Hugo, même ou car monstrueux, ses personnages restent humains),  et comme elle le dit elle-même, le visage de Gwynplaine est le reflet de son âme sombre. Enfin, Christa Théret dont le visage est si expressif (à voir aussi absolument dans « Renoir », dans un rôle très différent dans lequel elle excelle également) est la tentation angélique, incarnation du mélange de force et de fragilité, d’aveuglement et de clairvoyance.

    Mon seul reproche concerne le montage, et la durée, l’impression que la fin est un peu brusque…et que sans digresser autant que le fait Hugo dans son livre, le film aurait encore gagné en densité en gagnant un peu en longueur.

    Ce film est néanmoins vraiment un enchantement, un enchantement mélancolique, la forme reflétant ainsi le fond et toutes les sublimes dualités que l’histoire recèle. C’est aussi un opéra moderne ( la musique a été enregistrée à Londres avec un orchestre de 65 musiciens et elle apporte une force lyrique au film) . C’est également une histoire d’amour absolu, idéalisée, intemporelle (elles sont trop rares au cinéma pour s’en priver). C’est enfin un film universel au dénouement bouleversant. N’ayez pas peur de l’humour grinçant, la noirceur, la tragédie, ils sont sublimés par un personnage émouvant qui à la fois nous ressemble si peu et tellement (pour peu que nous nous sentions un tout petit peu différents) et un univers fascinant, poignant : celui d’un conte funèbre et envoûtant. La très belle surprise de cette fin d’année.

    Quelques citations extraites du livre « L’homme qui rit » de Victor Hugo, pour terminer :

    « Les aristocrates ont pour orgueil ce que les femmes ont pour humiliation, vieillir. »
    « De telles innocences dans de telles ténèbres, une telle pureté dans un tel embrassement, ces anticipations sur le ciel ne sont possibles qu'à l'enfance, et aucune immensité n'approche de cette grandeur des petits. »
    « Ca doit se fourrer dans des trous, le bonheur. Faites-vous encore plus petits que vous n'êtes, si vous pouvez. Dieu mesure la grandeur du bonheur à la petitesse des heureux. Les gens contents doivent se cacher comme des malfaiteurs. »
    « Deux coeurs qui s'aiment, n'allez pas chercher plus loin la poésie; et deux baisers qui dialoguent, n'allez pas chercher plus loin la musique. »

    L’homme qui rit a été présenté en clôture de la 69ème Mostra de Venise

     Sortie en salles : le 26 décembre 2012

    Retrouvez également cet article sur mon site  http://inthemoodlemag.com :  http://inthemoodlemag.com/2012/12/21/avant-premiere-critique-de-lhomme-qui-rit-de-jean-pierre-ameris-adapte-de-victor-hugo/

     

  • Critique - "Inglourious basterds" de Quentin Tarantino...en attendant "Django unchained"

    Vous pourrez retrouver ce samedi, ma critique de "Django unchained". En attendant, retrouvez ci-dessous la critique de mon film de Tarantino préféré!

    Je vous ai déjà maintes fois parlé d' "Inglourious Basterds" de Quentin Tarantino depuis sa projection cannoise de 2009 qui m'a permis de le découvrir. C'est un euphémisme de dire que ce film m'a enthousiasmée. Si son acteur principal, Christoph Waltz, s'est vu (à juste titre) remettre le prix d'interprétation masculine, une palme d'or aurait également été amplement méritée même si le jury a préfèré à la flamboyance tanrantinesque l'austérité du "Ruban blanc" de Michael Haneke qui, malgré ses nombreuses qualités, aurait peut-être davantage mérité un grand prix ou un prix du jury. En bas de cet article, retrouvez mes photos exclusives de l'équipe du film prises au Festival de Cannes, en 2009, notamment dans les coulisses de l'émission du Grand Journal de Canal plus.

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    Bien sûr, j’ai été envoûtée par la poésie et la mélancolie sensuelles des « Etreintes brisées » de Pedro Almodovar, bien sûr j’ai été enthousiasmée par la précision remarquable de la réalisation de Jacques Audiard avec "Un Prophète" mais le film de Quentin Tarantino est le premier de ce Festival de Cannes 2009 et peut-être même le premier film depuis un moment à m’avoir ainsi hypnotisée, captivée, étonnée de la première à la dernière seconde. Le premier film depuis longtemps que j’avais envie de revoir à peine le générique achevé.

    Pitch : Dans la France occupée de 1940, Shosanna Dreyfus assiste à l’exécution de sa famille tombée entre les mains du colonel nazi Hans Landa ( Christoph Waltz). Shosanna (Mélanie Laurent) s’échappe de justesse et s’enfuit à Paris où elle se construit une nouvelle identité en devenant exploitante d’une salle de cinéma. Quelque part, ailleurs en Europe, le lieutenant Aldo Raine (Brad Pitt) forme un groupe de soldats juifs américains pour mener des actions punitives particulièrement sanglantes contre les nazis. « Les bâtards », nom sous lequel leurs ennemis vont apprendre à les connaître, se joignent à l’actrice allemande et agent secret Bridget von Hammersmark (Diane Krüger) pour tenter d’éliminer les dignitaires du troisième Reich. Leurs destins vont se jouer à l’entrer du cinéma où Shosanna est décidée à mettre à exécution une vengeance très personnelle.

    De ce film, très attendu et seul film américain de cette compétition officielle 2009 du Festival de Cannes, je n’avais pas lu le pitch, tout juste avais-je vu la bande-annonce qui me faisait craindre une grandiloquence maladroite, un humour douteux, voire indécent sur un sujet délicat. Je redoutais, je pensais même détester ce film et ne m’attendais donc pas à ce que la première séquence (le film est divisé en 5 chapitres qui correspondent aux parcours de 5 personnages) me scotche littéralement à l’écran dès la première seconde, à ne plus pouvoir m’en détacher jusqu’à la dernière ligne du générique.

    L’un des premiers plans nous montre une hache dans un univers bucolique que la caméra de Tarantino caresse, effleure, esquisse et esquive : finalement ce simple plan pourrait résumer le ton de ce film, où la menace plane constamment, où le décalage est permanent, où toujours le spectateur est sur le qui-vive, la hache pouvant à chaque instant venir briser la sérénité. Cette première séquence dont nous ne savons jamais si nous devons en rire, ou en frissonner de plaisir (parce qu’elle est jubilatoire à l’image de tout ce film, une première séquence au sujet de laquelle je ne vous en dirai pas plus pour maintenir le suspense et la tension incroyables qui y règnent) ou de peur, est sans nul doute une des plus réussies qu’il m’ait été donné de voir au cinéma.

    Chaque séquence, au premier rang desquelles la première donc, recèle d’ailleurs cette même ironie tragique et ce suspense hitchcockien, le tout avec des plans d’une beauté, d’une inventivité sidérantes, des plans qui sont ceux d’un grand cinéaste mais aussi d’un vrai cinéphile (je vous laisse notamment découvrir ce plan magnifique qui est un hommage à « La Prisonnière du désert » de John Ford ) et d’un amoureux transi du cinéma. Rien que la multitude de références cinématographiques mériterait une deuxième vision tant l’admiration et la surprise lors de la première empêchent de toutes les distinguer.

    Oui, parce que « Inglourious Basterds » est aussi un western. « Inglourious Basterds » appartient en réalité à plusieurs genres… et à aucun : western, film de guerre, tragédie antique, fable, farce, comédie, film spaghetti aussi. En fait un film de Quentin Tarantino . (« Inglourious Basterds » est inspiré d’un film italien réalisé par Enzo G.Castellari). Un genre, un univers qui n’appartiennent qu’à lui seul et auxquels il parvient à nous faire adhérer, quels qu’en soient les excès, même celui de réécrire l’Histoire, même celui de se proclamer chef d’œuvre avec une audace et une effronterie incroyables. Cela commence ainsi comme un conte (« il était une fois »), se termine comme une farce.

    Avec quelle facilité il semble passer d’un ton à l’autre, nous faire passer d’une émotion à une autre, comme dans cette scène entre Mélanie Laurent et Daniel Brühl, dans la cabine de projection, une scène qui, en quelques secondes, impose un souffle tragique poignant, époustouflant, d’un rouge éblouissant. Une scène digne d’une tragédie antique.

    Il y a du Hitchcock dans ce film mais aussi du Chaplin pour le côté burlesque et poétique et du Sergio Leone pour la magnificence des plans, et pour cet humour ravageur, voire du Melville aussi pour la réalisation, Melville à qui un autre cinéaste (Johnnie To) de cette compétition du Festival de Cannes 2009 se référait d’ailleurs. Voilà, en un endroit tenu secret, Tarantino, après les avoir fait kidnapper et fait croire à leurs disparitions au monde entier, a réuni Chaplin, Leone, et Hitchcock et même Melville et Ford, que l’on croyait morts depuis si longtemps et leur a fait réaliser ce film qui mêle avec brio poésie et sauvagerie, humour et tragédie.

    Et puis, il y a en effet le cinéma. Le cinéma auquel ce film est un hommage permanent, une déclaration d’amour passionnée, un hymne vibrant à tel point que c’est le cinéma qui, ici, va sauver le monde, réécrire la page la plus tragique de l’Histoire, mais Tarantino peut bien se permettre : on pardonne tout au talent lorsqu’il est aussi flagrant. Plus qu’un hommage au cinéma c’est même une leçon de cinéma, même dans les dialogues : « J’ai toujours préféré Linder à Chaplin. Si ce n’est que Linder n’a jamais fait un film aussi bon que « Le Kid ». Le grand moment de la poursuite du « Kid ». Superbe . » Le cinéma qui ravage, qui submerge, qui éblouit, qui enflamme (au propre comme au figuré, ici). Comment ne pas aimer un film dont l’art sort vainqueur, dans lequel l’art vainc la guerre, dans lequel le cinéma sauve le monde ?

    Comment ne pas non plus évoquer les acteurs : Mélanie Laurent, Brad Pitt, Diane Krüger, Christoph Waltz, Daniel Brühl y sont magistraux, leur jeu trouble et troublant procure à toutes les scènes et à tous les dialogues (particulièrement réussis) un double sens, jouant en permanence avec le spectateur et son attente. Mélanie Laurent qui a ici le rôle principal excelle dans ce genre, de même que Daniel Brühl et Brad Pitt qui, depuis « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford », le chef d’œuvre d’Andrew Dominik ne cesse de prendre de l’épaisseur et nous surprendre.

    Que dire de la BO incroyable qui, comme toujours chez Tarantino, apporte un supplément de folie, d’âme, de poésie, de lyrisme et nous achève…

    Si Quentin Tarantino a déjà remporté la palme d’or en 1994 (et a notamment présidé le jury en 2004, remettant la palme d’or à Michael Moore pour « Fahrenheit 9/11 », il a également donné une leçon de cinéma en 2008), il aurait bien pu renouveler l’exploit. A défaut, il aurait mérité le prix de la mise en scène.

    Quentin Tarantino avec ce septième long-métrage a signé un film audacieux, brillant, insolent, tragique, comique, lyrique, exaltant, décalé, fascinant, irrésistible, cynique, ludique, jubilatoire, dantesque, magistral. Une leçon et une déclaration d’amour fou et d’un fou magnifique, au cinéma. Ce n’est pas que du cinéma d’ailleurs : c’est un opéra baroque et rock. C’est une chevauchée fantastique. C’est un ouragan d’émotions. C’est une explosion visuelle et un ravissement permanent et qui font passer ces 2H40 pour une seconde !

    Bref, il se pourrait bien qu’il s’agisse d’un chef d’œuvre… Je vous laisse en juger par vous-mêmes si vous ne l'avez pas encore vu. A contrario de ses « bâtards sans gloire », Tarantino mérite indéniablement d’en être auréolé !

    Qu’a pensé Pedro Almodovar, également présent à la séance à laquelle j’ai vu ce film ? Sans doute que tous deux aiment passionnément le cinéma, et lui rendent un vibrant hommage (la dernière réplique du film de Tarantino fait ainsi écho à celle de celui d’Almodovar).

     

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    Brad Pitt, Quentin Tarantino, Mélanie Laurent à la sortie de la conférence de presse cannoise

     

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    Dans les coulisses du Grand Journal- Festival de Cannes 2009 - Diane Krüger et Quentin Tarantino

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    Dans les coulisses du Grand Journal de Canal Plus, plage du Martinez- Festival de Cannes 2009- Christoph Waltz et Diane Krüger

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  • Prix Lumières 2013 : les nominations complètes

    Cliquez sur l'affiche ci-dessous pour retrouver les nominations aux prix Lumières 2013 sur mon blog http://inthemoodforfilmfestivals.com avec de très belles surprises...

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  • Critique d' "Agora" d'Alejandro Amenabar, ce soir, à 20H45, sur Ciné plus Emotion

     

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    Ci-dessous retrouvez ma critique d'"Agora"écrite lors de la sortie du film et l'interview du réalisateur réalisée également lors de la sortie du film.

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    Agora nous ramène 1600 ans en arrière, au IVème siècle après Jésus-Christ alors que l'Egypte est sous domination romaine. A Alexandrie, la révolte des Chrétiens gronde alors. C'est là que vit la brillante astronome Hypatie (Rachel Weisz), réfugiée dans La Grande Bibliothèque, menacée par la colère des insurgés. Avec ses disciples elle tente de préserver les connaissances accumulées depuis des siècles. Parmi ceux-ci, deux hommes qui se disputent son amour : Oreste et le jeune esclave Davus (Max Minghella), déchiré entre ses sentiments et la perspective d'être affranchi s'il accepte de rejoindre les Chrétiens de plus en plus puissants...

    « Agora » est avant tout un film qui ne cède à aucune mode, à aucune facilité didactique, à aucune banalité démagogique. Et c'est d'abord ce qui m'a séduite, cette exigence que certains ont analysée comme de la froideur. Cette rigueur presque scientifique comme si la personnalité d'Hypatie se reflétait dans la forme du film qui, comme elle, possède aussi une noblesse, une force, une grandeur admirables. Cette volonté de ne pas tout simplifier pour rendre le film plus accessible ou sympathique. Et avec raison puisque le film a cette année connu un énorme succès en Espagne où il pourrait même devenir le plus gros succès de tous les temps, ce qui est d'ailleurs rassurant sur les goûts du public que l'on tend trop souvent à infantiliser ou mépriser, même si une partie du public a aussi été attirée par la polémique (le film ayant révolté certains conservateurs, en raison de l'image du christianisme qui y est donnée).

    Mais n'allez pas croire qu'il s'agit d'un film hermétique et dénué de tout sentiment. Au contraire, la rareté des scènes où les sentiments s'expriment en renforce encore la majesté qui culmine dans le dénouement d'une beauté tragique et sublime, cruelle et sacrificielle, crue et poétique. Alliance et opposition des paradoxes comme l'est ce film tout entier. Entre science et religion. Savoir et intolérance. Réflexion et sentiment. Raison et passion. Liberté et enfermement.

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    Amenabar a aussi eu l'excellente idée d'appliquer à la forme le thème du cycle, symbole des travaux d'astronomie d'Hypatie mais aussi du cycle historique et des meurtrières intolérances qui se répètent inlassablement. Sa caméra prend aussi du recul sur les évènements comme un journal télévisé, ou comme si des extraterrestres ou un mystérieux démiurge (sous le fallacieux prétexte duquel toutes ces Hommes se battent, usent et abusent de leur violence) les observait.

    « Agora » est ainsi aussi une condamnation des extrémismes et en nous parlant de l'Egypte il évoque évidemment notre société avec d'ailleurs un remarquable souci d'équité (entre Païens, Juifs et Chrétiens) et avec la volonté de dénoncer avec la même force l'absurdité des extrémismes religieux, les opprimés d'hier devenant les oppresseurs d'aujourd'hui. L'Agora c'est le lieu où les Hommes devraient s'écouter, se comprendre mais où ils s'enferment dans leurs croyances et leurs intolérances obstinées.

    Grâce à un habile contraste de couleurs dans les tenues vestimentaires des défenseurs des différentes religions, Amenabar rend limpide un récit qui aurait rapidement pu être opaque et ennuyeux. Il n'en est rien, je n'ai pas vu passer les 2H que dure le film (une durée raccourcie après la projection cannoise.) La mise en scène y est évidemment pour beaucoup.

    Avec ce film sur la nécessité des Hommes (parfois meurtrière) de croire, Amenabar nous donne envie de croire encore davantage en la force inépuisable de conviction du cinéma.

    Et puis il y a Alexandrie, majestueusement reconstituée, ville monumentale et décadente mais surtout fascinante dans laquelle déambule une foule réelle et non créée par ordinateur, ce qui accroît l'impression de réalisme et d'actualité malgré les siècles qui nous séparent de l'époque de cette histoire.

    C'est enfin un magnifique portrait de femme, celui d'une femme libre et fière qui voulait vivre comme un homme, qui risqua se vie pour des idéaux et dans ce rôle Rachel Weisz est absolument impeccable.

    Cette fois Amenabar n'a pas signé lui-même la musique qu'il a laissée aux soins de Dario Marianelli.

    « Agora » est donc un prodigieux mélange de rigueur scientifique et de souffle épique, d'auscultation de douleurs intimes dans un décor spectaculaire, une fresque ambitieuse qui nous fait voyager dans le temps et dans l'espace, qui apporte de la contemporanéité au péplum.

    Amenabar (à partir d'un scénario coécrit avec Mateo Gil), avec ce cinquième long métrage, explore ainsi encore une nouvelle facette de son talent avec un film qui a la beauté intense du visage de Rachel Weisz et celle, ténébreuse et hantée de contradictions, de Max Minghella. Un film qui est aussi une irréfutable démonstration de l'absurdité des extrémismes religieux, du prosélytisme et de l'interprétation extrémiste des textes, quelle que soit la religion qu'ils sous-tendent.

    Un film brillant et éclairant. Rigoureux et intense. Un miroir implacable d'une société qui, dans ce domaine de l'intolérance religieuse, n'a finalement pas su évoluer en...1600 ans, ni tirer les leçons des cruautés et violences du passé !

     

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    Interview- Rencontre avec Alejandro Amenabar

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    Il y a des jours où m(l)a vie ressemble vraiment à du cinéma et je crois que si j'accumulais les troublants hasards et coïncidences -que Lelouch même n'oserait inventer- rien que de cette année, et les moments surréalistes et irréels, je pourrais en faire un film (même comique parfois, souvent). J'étais donc en train de penser à une très récente étrange coïncidence, tandis que dehors Paris était pétrifiée par l'air glacial sous un ciel mensongèrement bleutée, lorsque mon adorable chauffeuse de taxi qui, pendant tout le trajet, s'était déhanchée sur la musique à tue-tête de son autoradio (notamment un Guantanamera insolemment ensoleillé) -qui coïncidait avec mon humeur joviale-, tenant son volant par intermittence quand elle se souvenait que c'était quand même plus pratique pour conduire -ce qui coïncidait avec mon humeur inconsciente- quand la musique de Yann Tiersen pour le film « Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain » retentit dans le taxi et que, au même moment, ma chauffeuse me laissa, à Montmartre dans la rue même où avait eu lieu le tournage du film( encore une petite coïncidence donc) , à deux pas de l'hôtel particulier où avait lieu l'interview. Enfin un hôtel particulier...disons un endroit auquel on accède après un dédale, tamisé et presque inquiétant (un décor pour le film d'horreur qu'Amenabar projetterait de tourner ?). Amenabar, justement, revenons-y. Malgré le froid et l'heure matinale mes neurones parvinrent tout de même à décompter -seulement- 4 personnes (2 blogueurs, enfin-euses- et 2 journalistes) au lieu des 10 initialement prévues, de quoi accentuer le caractère, intime, privilégiée de cette belle rencontre dont voici un résumé . Après que cette immense assemblée se soit présentée, et qu'Alejandro Amenabar nous ait poliment salués puis tout aussi poliment et stoïquement écoutés, le jeu des questions réponses pouvait débuter.

    Sur la genèse du projet, Alejandro Amenabar a d'abord évoqué son intérêt pour l'astronomie. Il a d'abord pensé à réaliser un film qui aurait retracé 20 siècles d'Histoire de l'astronomie. Quand il s'est aperçu que le projet aurait une envergure énorme, il s'est ensuite concentré sur le personnage d'Hypatie sans laisser de côté la cosmologie. Il a donc choisi ce lieu où régnait une ambiance d'hystérie collective où chacun essayait d'imposer ses idées par la force. Mais dans cette planète il devait bien exister un lieu où la diversité serait possible, ce lieu s'appelant l'Agora. Les changements dans le film concernent ainsi autant l'espace que le temps.

    Concernant le budget, et le grand nombre de figurants, il a fait comme avec ses premiers films en « essayant d'optimiser les ressources et de faire le maximum avec les moyens » dont il disposait. Il s'y est ainsi pris de la même manière que pour son premier film à 700000 euros alors que le budget d' « Agora » était supérieur à 50 millions de dollars. Financer le film n'a ainsi pas été facile et ensuite il a fallu faire coïncider cet énorme budget avec la liberté créatrice absolue qu'il souhaitait avoir. Il fallait aussi concilier ceux qui avaient beaucoup d'expérience avec ceux qui en avaient moins.

    Il aspirait avant tout à montrer une partie de l'Histoire du christianisme jamais montrée mais il a essayé de montrer toutes les religions sur le même plan.

    A ma question sur le point commun entre ses films qui pourrait être le thème de l'enfermement (physique ou moral) il a répondu que pour lui le point commun était de faire en sorte, avant tout, que ses personnages soient confrontés à un dilemme. Dans « Mar Adentro » et dans « Agora » « les héros ne sont ainsi pas ceux qui se servent d'une épée mais qui se servent de leurs têtes. »

    A la question sur le lieu qui selon lui aujourd'hui ressemblerait à l'Agora, Alejandro Amenabar a répondu... internet ajoutant que le film en lui-même était d'ailleurs une agora symbolique avec des Juifs et des Musulmans, et beaucoup de nationalités différentes.

    Concernant la musique, lorsqu'il a fini la musique pour « Mar Adentro », il s'est dit que cela avait été une expérience très gratifiante et qu'il serait bien de laisser ce rôle à d'autres pour les prochains films.

    Concernant le style de films vers lequel il souhaiterait aller, il ne pense pas qu'il fera un drame historique dans l'Empire romain mais qu'il changera de genre encore une fois. Pour lui l'important est de « se sentir libre. »

    Concernant le choix de Rachel Weisz, il le justifie par son talent, sa beauté, par ses traits méditerranéens qu'il fallait pour le personnage. Par ailleurs elle est diplômée et il s'est dit qu'elle serait touchée par le personnage.

    Pour lui, Agora est clairement un film féministe.

    Concernant ce en quoi lui croit, il a répondu « croire en l'être humain ». Ce qu'il voulait dire avant tout dans ce film : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse » et pour lui cela réside dans le bon sens et non dans les 10 commandements chrétiens.

    Concernant les débuts de sa passion pour le cinéma il croyait qu'elle était venue tardivement mais en fait il a réalisé que sa passion existait depuis très longtemps. Il aimait ainsi écrire, lire, faire de la musique et réunir tout ça il a réalisé que cela constituait un film.

    Concernant ses coups de cœur cinématographiques de l'année, après un temps de réflexion, il a cité « The reader » et « Doubt».

    Concernant le choix de Michael Lonsdale, il l'a qualifié d' « homme très spécial » avec « un côté intellectuel utile pour incarner le personnage ». Pendant le tournage il a ainsi constaté son « calme très professionnel » ajoutant qu'au début il croyait qu'il ne l'aimait pas mais que la maquilleuse l'a rassurée sur ce point.

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  • Palmarès du Festival International du Film de Marrakech 2012

    Cliquez sur l'affiche pour retrouver le palmarès du Festival International du Film de Marrakech 2012 publié sur mon autre blog http://inthemoodforfilmfestivals.com :

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  • Palmarès du 3ème Festival International du Film de Pau

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