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  • Critique de "To Rome with love" de Woody Allen (sortie blu-ray/DVD le 5 décembre)

    A l'occasion de la sortie en DVD et blu-ray de "To Rome with love" de Woody Allen, retrouvez ma critique ci-dessous et le récit et compte-rendu de la conférence de presse de Woody Allen à laquelle j'ai eu le plaisir d'assister au moment de la sortie du film.

     

     

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    Il y a quelques mois, j’ai eu le plaisir de voir deux fois le nouveau film de Woody Allen « To Rome with love », et notamment lors de l’avant-première parisienne (vidéo ci-dessus) mais aussi de faire partie des heureux privilégiés à assister à sa conférence de presse (enregistrement en bas de cet article), en petit comité, dans une suite de l’hôtel Bristol.

    Si, lors de la conférence de presse, ses sourires et ses regards vers l’assistance étaient plus que parcimonieux (il n’aime pas particulièrement cet exercice promotionnel et semble surtout très timide, comme le démontrait aussi le geste machinal de ses mains se tordant nerveusement, mais qui pourrait l’en blâmer, surtout au regard de l’incongruité de certaines questions… ?), ses réponses étaient toujours intéressantes. Et en attendant d’avoir (qui sait ?) un jour l’opportunité de l’interviewer en tête-à-tête, cette conférence en petit groupe était déjà un moment rare que je suis heureuse de vous faire partager.

    Un nouveau film de Woody Allen, aussi prolifique soit-il (45 films et quasiment un par an), est toujours et invariablement la garantie d’un moment d’évasion jubilatoire et tout invariablement d’une réflexion plus ou moins légère sur le sens de la vie. Après Londres, Barcelone, Paris ; il poursuit ses pérégrinations européennes avec la ville éternelle dont le joyeux désordre, l’effervescence et la vitalité communicative semblent si bien lui convenir et nous offre aussi le plaisir de le retrouver en tant qu’acteur, six ans après « Scoop », le dernier film dans lequel il a joué. Ville incandescente, bruyante, effervescente, agitée mais aussi imprégnée d’Histoire, de musique et de cinéma : Woody Allen ne pouvait pas ne pas poser sa caméra à Rome…

    Les hasards et coïncidences auxquels se prête une ville majestueuse constamment en mouvement comme Rome sont prétextes à suivre quatre histoires, quatre rencontres : celle d’un jeune architecte américain (Jesse Eisenberg) avec la meilleure amie (Elle Page) de sa copine (et accessoirement la rencontre de celui-ci devenu adulte incarné par Alec Baldwin avec le jeune homme ou l’image du jeune homme qu’il fut) ; celle de Phyllis (Judy Davis) et Jerry (Woody Allen) avec les parents et le fiancé italien de leur fille ; celles de deux jeunes époux de province débarquant à Paris, rencontrant, pour l’un, une prostituée exubérante (Penelope Cruz) que sa famille prendra pour son épouse, pour l’autre une star du cinéma et enfin un père de famille « normal » (Roberto Benigni) qui, sans savoir pourquoi, suscitera l’intérêt des médias et l’hystérie à chacune de ses sorties…. Quatre histoires, quatre destins qui vacillent doucement lors de ces vacances romaines avant de retrouver leur « droit » chemin enrichis ou nostalgiques de ces rencontres impromptues.

    Amoureux de Rome, du cinéma italien (il l’avait déjà montré dans « Stardust memories »), Woody Allen s’imprègne ici de la gaieté désordonnée et de la folie douce de l’un et l’autre, et sait comme personne partager cet amour (et son amour de l’amour) et surtout sait écrire et vous plonger dans une intrigue immédiatement avec une facilité (apparente) remarquable. Ici, cela commence avec un carabinieri romain qui s’adresse directement aux spectateurs (procédé cher à Woody Allen) et qui lui présente cette ville où vont se croiser ces regards, ces destins, ces désirs.

    Une jeune touriste américaine demande son chemin à un charmant avocat italien et en quelques plans, Woody Allen nous raconte leur rencontre, les prémisses de leur histoire d’amour, leur mariage proche alors que d’autres y auraient consacré des minutes inutiles (là aussi procédé déjà utilisé par Woody Allen, notamment dans « Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu »). Chacun de ses films, qu’ils soient graves ou plus légers comme celui-ci, sont ainsi des modèles d’écriture.

    Il sait mêler comme personne légèreté et gravité, histoires d’amour et questionnements sur la mort (le père de la future fiancée travaille… dans les pompes funèbres). Comme il le dit dans le documentaire qui lui est consacré (et que je vous recommande vivement !), « Woody Allen, un documentaire » de Robert E.Weide, pour se distraire des questions sur le sens de la vie il réalise… des films sur le sens de la vie. Le miracle ou le talent ou l’élégance (sans doute les trois) proviennent du fait que, tout en nous renvoyant à nos propres questionnements, il nous (en) distrait aussi.

    Certains lui ont reproché la légèreté de cette promenade romaine malgré les vicissitudes économiques et politiques de l’Italie, mais telle n’était pas l’ambition de Woody Allen que de faire un film social ; il cherche au contraire à nous divertir, ce qu’il réussit brillamment avec des dialogues caustiques, des personnages finalement touchants dans leurs faiblesses ou leurs défauts (l’égocentrisme ou les mensonges des acteurs) et les travers de notre société (la célébrité qui devient une aspiration et une qualité en soi. « Reality » de l’Italien Matteo Garrone, grand prix du jury du dernier Festival de Cannes, traite d’ailleurs aussi magistralement du sujet). Chacun de ses personnages dépend du regard que leur portent celui, celle ou ceux qui les aiment et le regard enamouré travestit souvent la réalité à son avantage et toute la malice de Woody Allen est, soit par la manière de poser la caméra, soit par la manière dont se croisent les histoires, de nous dévoiler leurs vrais visages sans les rendre vraiment antipathiques. Et évidemment de ce décalage de regards proviennent (aussi) les situations comiques.

    Comme avec « Minuit à Paris », il revendique d’idéaliser et de jouer avec les fantasmes de Rome, sublimée ici par la photographie de Darius Khondji.

    Comme d’habitude, le casting est remarquable, notamment Penelope Cruz en prostituée mais aussi des acteurs moins connus comme le jeune Fabio Armiliata qui emprunte au cinéaste les traits et mimiques du personnage lunaire que ce dernier incarne habituellement (tout comme d’ailleurs Jesse Eisenberg). Des personnages que nous quittons avec regrets, un peu de frustration aussi de ne pas les voir davantage, tant chacune des 4 histoires pourrait se prêter à un film entier mais le sentiment distrayant de légèreté provient justement de cet heureux mélange.

    Nous retrouvons bien entendu ses thématiques de prédilection : questionnement sur la mort, l’absurdité de l’existence, goût pour l’opéra (évidemment d’autant plus à Rome, lequel opéra donne lieu à une scène mémorable), infidélité, hasards…mais à ceux qui lui reprochent de faire toujours le même film je répondrai que, d’un côté, au contraire, chacun de ses films fourmille d’inventivité, de nouveautés, que « Match point », par exemple, est aussi différent que possible de ses derniers films, et montre à quel point il est à l’aise dans n’importe quel genre (je mets quiconque au défi de deviner qu’il s’agit d’un film de Woody Allen s’il l’ignore au préalable) et que, d’un autre côté, le signe distinctif d’un grand cinéaste est justement que ses films possèdent des points communs qui rendent son style immédiatement identifiable comme des dialogues savoureux ou la lucidité joyeusement mélancolique, pour Woody Allen.

    Si « To Rome with love » n’atteint pas le niveau de « Manhattan », « La Rose poupre du Caire », « Match point » (pour moi un modèle d’écriture scénaristique, le scénario parfait dont vous pouvez retrouver ma critique en cliquant ici ainsi que de 7 autres films de Woody Allen dans le « dossier » que je lui ai consacré), Woody Allen une nouvelle fois a l’élégance de nous distraire en nous emmenant dans une promenade réjouissante qui nous donne envie de voyager, de vivre, de prendre la gravité de l’existence avec légèreté, de tomber amoureux, de savourer l’existence et ses hasards et coïncidences, et surtout de voir le prochain film de Woody Allen et de revoir les précédents. C’est sans doute la raison pour laquelle, avec notamment Claude Sautet, il fait partie de mes cinéastes de prédilection car, comme les films de ce dernier, ses films « font aimer la vie ».

    Alors, si Woody Allen avoue ne pas savoir envoyer d’emails, chacun de ses films n’en est pas moins, à l’image de ceux d’ Alain Resnais, la preuve de sa modernité, de la jeunesse de son regard et de son esprit. Embarquez dès à présent pour ces vacances romaines qui prouvent une nouvelle fois que le cinéma, que son cinéma, est une évasion salutaire « dans une époque bruyante et compliquée » (ainsi était-elle qualifiée dans « Minuit à Paris ») .

    « To Rome with love » est un peu comme ces pâtisseries dégustées en l’attendant pour la conférence de presse, des pâtisseries au goût sucré, vous procurant un plaisir immédiat et en apparence éphémère, mais vous en laissant le souvenir tel, malgré leur douceur, que vous n’avez qu’une envie : les déguster à nouveau. Un film en salles le 4 juillet prochain.

    “J’ai fait 45 films. Il y en a entre 6 et 8 que je trouve merveilleux: « La rose pourpre du Caire », « Maris et femmes », « Match point » a-t-il déclaré lors de la conférence de presse. « Je n’ai pas d’ambition particulière sauf de faire un grand film. Mon but est de faire un magnifique film. J’ai 76 ans maintenant. Je ne pense pas que ça va arriver mais je continue d’essayer… « Le voleur de bicyclette ». « 8 ½. » « Le septième sceau. » « La grande illusion. » Ces films sont supérieurs à la plupart des films. Je voudrais faire un film qui entre dans cette catégorie. »

    Je vous laisse écouter le reste…Désolée pour la mauvaise qualité du son qui n’entachera en rien, je pense, celle des propos du cinéaste, parfaitement audibles (attendre environ 20 secondes pour que la conférence débute)…

    Enregistrement audio de la conférence de presse de Woody Allen, cliquez ci-dessous

    Enregistrement audio de la conférence de presse de Woody Allen pour « To Rome with love »

    Cliquez ici pour retrouver mon dossier consacré à Woody Allen avec de nombreuses critiques de films du cinéaste.

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique) Pin it! 0 commentaire
  • Théâtre – Critique – « La Compagnie des spectres » avec Zabou Breitman – Théâtre de la Gaîté Montparnasse

    Comment ai-je pu délaisser le théâtre pendant si longtemps ? La dernière fois que j’y suis allée, c’était en début d’année, pour « Les Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos mises en scène par John Malkovich, au théâtre de l’Atelier, un vertige sensuel, cruel, intemporel, une mise en scène singulière qui donnait envie de redécouvrir ce texte bouleversant de lucidité, de beauté, de cruauté. Pour l’occasion, j’avais eu le plaisir de réaliser une interview impromptue de John Malkovich (une interview et une critique à retrouver, ici).

    C’est aussi notamment avec cette volonté de faire redécouvrir un texte que Zabou Breitman signe la mise en scène et l’interprétation seule en scène du livre éponyme de Lydie Salvayre, spectacle créé il y a deux ans au théâtre Sylvia Montfort qu’elle reprend ici. Déjà, à peine arrivée rue de la Gaîté, me voilà plongée dans cette atmosphère réjouissante, paradoxalement festive et recueillie, symptomatique des théâtres, dans un ailleurs proche, à la fois dans l’essence même de ce qui fait la vie parisienne (ou son image d’Epinal pour moi, jeune provinciale quand j’y ai débarqué il y a 10 ans) et plus tout à fait Paris.

    La Gaîté Montparnasse est un petit théâtre où l’accueil est aussi chaleureux que le lieu qui sied parfaitement à cette pièce et à son décor : un petit appartement dans lequel vivent, recluses, une mère et sa fille. Au centre de leur vie et de l’appartement décoré d’objets simples, voire kitchs, un téléviseur qui diffuse « Questions pour un champion ». Parmi l’amas d’objets indéfinis, nous découvrons un corps apparemment sans vie, peut-être une marionnette, dont le visage est recouvert d’un masque. Soudain, le masque tombe. Le visage apparaît et le corps bouge. Une femme commence alors à nous raconter dans une langue belle et soignée et au passé simple, une histoire à la fois complexe et banale : celle des spectres qui hantent son existence. Son existence et celle de sa mère, surtout de sa mère.

    Ce jour-là, un huissier de justice vient procéder à l’inventaire de leurs biens avant saisie. Il va devenir l’interlocuteur, bien malgré lui, de ces femmes hantées par les spectres de leur histoire et de l’Histoire. La mère prend l’huissier pour Darnand. La fille, affolée, essaie d’éviter un nouveau drame et, pendant l’état des lieux qui est finalement aussi celui d’une vie,
    la fille raconte sa mère qui raconte sa propre mère, remontant deux générations jusqu’à ce drame familial sous l’Occupation et le régime de Vichy, qui perdurera jusqu’à aujourd’hui, soixante-sept ans plus tard…

    Le très beau premier film de Zabou réalisatrice s’intitulait « Se souvenir des belles choses » et traitait déjà de la mémoire, la mémoire évanescente quand ici il est question de mémoire sélective, quand il est question de « se souvenir des terribles choses », une période à la fois révolue et omniprésente pour la mère qui ressasse sans cesse le drame de son existence, l’histoire des jumeaux Jadre (beauté cruelle de la langue qui fait résonner l’allitération en J comme une terrible litanie) et de la mort de son frère. La mémoire est ici celle de l’histoire (personnelle) et de l’Histoire (collective), de leur poids redoutable. Une pièce qui montre aussi la nécessité du recul pour appréhender l’histoire et la nécessité de la mémoire, une autre mémoire, quand celle personnelle se fait au contraire parfois trop pesante et présente.

    Zabou Breitman interprète à la fois cette fille écrasée par le passé de sa mère, cette mère étouffée par ses souvenirs, l’huissier, ces « bons français » odieux d’autant plus qu’ils le sont avec le sourire et une criminelle affabilité…toute une galerie de personnages, de « mémoires », de spectres, qu’elle interprète avec un brio, une énergie, une présence absolument époustouflants, pendant plus d’une heure trente, que ces personnages soient touchants ou médiocres, mais souvent armés ou désarmés de folie plus ou moins douce, plus ou moins meurtrière. Des spectres du passé qui hantent et assombrissent le présent dans ce décor à la fois rassurant et malmené, d’une inquiétante banalité. La beauté triste de la pièce culmine le temps d’une danse qui montre encore une fois l’étendue du talent de Zabou, qui s’improvise marionnettiste, dans un duo terrible et sublime avec Pétain, scène d’une cruelle, cynique et sinistre drôlerie, d’une naïveté redoutable, et d’une beauté violente.

    Jamais dans la performance, mais toujours subtile et sur le fil, Zabou, aidée par la précision cruelle et le rythme à la fois impitoyable et ensorcelant des mots de Lydie Salvayre, passe d’une émotion et d’un personnage à l’autre avec un talent incontestable…et nous fait entrer dans l’histoire (et l’Histoire) comme si elle se jouait réellement sous nos yeux nous faisant oublier son visage angélique, juvénile même encore, pour nous y faire projeter l’image des personnages qu’elle interprète sans qu’il soit besoin de nul masque pour nous y faire croire, grâce à son interprétation rare et remarquable mais aussi à des variations subtiles de lumières et grâce à l’utilisation du décor comme un cirque dont elle serait le clown mélancolique. Sa robe des années 40, la pièce : tout semble ainsi à la fois figé dans le passé et intemporel.

    Jamais larmoyante, la pièce est caustique, tendre parfois, cruelle, lucide, drôle, poignante, et nous emporte dans son tourbillon pour nous laisser bouleversés, songeant à nos propres spectres, à la nécessité, parfois, de laisser ou faire tomber les masques et surtout, malgré leur poids, à la nécessité de « se souvenir des terribles choses », nous laissant aussi avec en tête, le souvenir de cette interprétation exceptionnelle et bouleversante de Zabou Breitman (et qui m’a éblouie et terrassée), ce tourbillon de colère, de vie, de folie, de révolte et, enfin, avec le souvenir d’une citation comme une note d’espoir désenchantée : «Vous pouvez tout emporter, vous n’emporterez jamais nos désirs ! ».

    Fêtes de fin d’années :
    – Dimanche 23 décembre : 16h,
    – Lundi 24 décembre : relâche,
    – Mardi 25 décembre : relâche,
    – Mercredi 26 décembre : 19h,
    – Jeudi 27 décembre : 19h,
    – Vendredi 28 décembre : 19h,
    – Samedi 29 décembre : 19h
    – Dimanche 30 décembre à 16h

    Janvier 2013 :
    - mercredi 2 janvier à 19h
    - jeudi 3 janvier à 19h
    - vendredi 4 janvier à 19h
    - samedi 5 janvier à 19h
    - dimanche 6 janvier à 16h

    Zabou BREITMAN
    D’après le roman de Lydie SALVAYRE
    Mise en scène et adaptation de Zabou BREITMAN

    Jusqu’au 6 janvier 2013
    Du mardi au samedi : 19h
    Matinée le dimanche : 16h (sauf 25 novembre)

    36 € (1ère Cat.)
    28 € (2e Cat.)
    18 € (3e Cat.)

    Retrouvez également cette critique sur mon blog http://inthemoodforcinema.com et découvrez et éventuellement soutenez mon projet littéraire sur My Major Company, ici.

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