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  • Critique - "Les Bêtes du sud sauvage" de Benh Zeitlin (Grand prix du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2012 et Caméra d'or du Festival de Cannes 2012)

    L’ayant vu au Festival du Cinéma Américain de Deauville il y a 10 jours,  et revu dans le cadre du Jury du Grand Prix Cinéma de Elle ce week end, à nouveau, je ne m'attendais pas à être encore ainsi emportée par l'émotion.

    « Quand le cinéma est beau comme le vôtre, quand les films sont beaux comme le vôtre, cela rassemble », avait déclaré la présidente du jury Sandrine Bonnaire lors de la cérémonie du palmarès du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2012 lors de laquelle le film avait été couronné du Grand Prix et du prix de la révélation Cartier. C'est en effet un des pouvoirs magiques du cinéma que de pouvoir rassembler ainsi des spectateurs différents dans un tourbillon d'émotions agréablement dévastateur.

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    Ci-dessus, Benh Zeitlin, lors de la cérémonie du palmarès de Deauville (photo inthemoodfordeauville.com )

    A Cannes, déjà, où je l'avais manqué et où le film a notamment été couronné de la caméra d’or, c’était une incessante litanie « il faut voir Les Bêtes du Sud sauvage ». Alors, ce film méritait-il autant de louanges et autant de prix ?

    « Les Bêtes du Sud sauvage » est le premier long-métrage de Benh Zeitlin adapté de « Juicy and Delicious», une pièce écrite par Lucy Alibar, une amie de Benh Zeitlin qui a coécrit le scénario avec lui. Il se déroule dans le Sud de la Louisiane, dans le bayou, «le « bathtub », une terre sauvage et âpre où vit Hushpuppy (Quvenzhané Wallis), une petite fille de 6 ans et son père Wink (Dwight Henry). Soudain cette nature rebelle s’emballe, les glaciers fondent, des aurochs apparaissent, le monde s’effondre pour Hushpuppy (la nature qui l’environne mais aussi le sien, son monde, puisque la santé de son père décline) ; elle va alors partir à la recherche de sa mère.

    Ne vous fiez pas à mon synopsis réducteur car ce film possède tout ce qu’un synopsis ou une critique ne pourront jamais refléter. Il en va ainsi de certains films, rares, comme de certaines personnes qui possèdent ce charme indescriptible, cette grâce ineffable, ce supplément d’âme que rien ni personne ne pourront décrire ni construire car, justement, il n’est pas le fruit d’un calcul mais une sorte de magie qui surgit presque par miracle (et sans doute grâce à la bienveillance et la sensibilité du regard du cinéaste) comme celle qui peuple les rêves de Hushpuppy.

    Dès les premières secondes, malgré la rudesse de la vie qu’il décrit, malgré l’âpreté de cette terre et celle du père de Hushpuppy, ce film vous séduit et vous emporte pour ne plus vous lâcher. C’est à travers les yeux innocents et l’imagination débordante de Hushpuppy que nous sommes embarqués dans cette histoire guidés par sa voix qui nous berce comme un poème envoûtant.

     La vie grouille, palpite, dans chaque seconde du film, dans cet endroit où elle  est (et parce qu'elle est) si fragile, son cœur bat et résonne comme celui de ces animaux qu’écoute Hushpuppy pour, finalement, faire chavirer le vôtre. Un monde qu'il donne envie de préserver avant que les marées noires ne le ravagent et que la magie n'en disparaisse à jamais.

    Son monde est condamné mais Hushpuppy (incroyable présence et maturité de la jeune Quvenzhané Wallis) , avec son regard attendrissant, opiniâtre et frondeur résiste, lutte, et s’invente un univers magique où le feu s’allume au passage d’une belle femme, où elle résiste aux aurochs du haut de ses 6 ans. Benh Zeitlin filme à hauteur d'enfant et du regard d'Hushpuppy imprégnant tout le film de son riche imaginaire.

    Film inclassable : autant une histoire d’amour ( d’un réalisateur pour une terre sauvage et noble qui se confond avec la mer dans un tumulte tourmenté que pour ses habitants, fiers et courageux viscéralement attachés à leur terre mais aussi  d’une fille pour son père et réciproquement dont les relations sont faites de dureté attendrissante), fantastique ou fantasmagorique que conte philosophique et initiatique, « Les bêtes du sud sauvage » est aussi un poème onirique qui mêle majestueusement tendresse et rudesse (des êtres, de la terre), réalité et imaginaire, violence (des éléments) et douceur (d’une voix), dureté et flamboyance (comme lors de ce défilé d'une gaieté triste pour célébrer la mort).  Voilà, ce film est beau et contrasté comme un oxymore.

    Un film d'une beauté indescriptible, celle des êtres libres, des êtres qui résistent, des êtres qui rêvent, envers et contre tout, tous et cela s’applique aussi bien au film qu’à celui qui l’a réalisé avec un petit budget et des acteurs non professionnels sans parler des conditions de tournage puisque l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon de BP s’est produite le premier jour du tournage le 20 avril 2010.

    Un film universel, audacieux et dense, un hymne à la vie et l’espoir, au doux refuge de l'imaginaire aussi quand la réalité devient trop violente, un film d’une beauté âpre et flamboyante qui vous emmènera loin et vous accompagnera longtemps comme cette voix (texte de la voix off dit par Hushpuppy magnifiquement écrit), ce regard et cette musique qui reflètent ce mélange de force et de magie, de grâce et de détermination ( une musique dont Benh Zeitlin est le coauteur, elle fut même utilisée pour la campagne d’Obama) et, à l'image de son affiche, un feu d'artifices d'émotions. Un film rare qui méritait indéniablement son avalanche de récompenses. Je vous en reparlerai plus longuement au moment de sa sortie.

    Sortie en salles : le 12 décembre 2012

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  • Critique - "Robot and Frank" de Jake Schreier - Compétition officielle Festival de Deauville 2012

     

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    Plusieurs films projetés dans le cadre du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville sortent aujourd'hui en salles parmi lesquels "Robot and Frank" de Jake Schreier, film d'ouverture également en compétition de cette 38ème édition du festival. Pour l'occasion, j'ai eu le plaisir d'interviewer Frank Langella et le réalisateur du film. Vous retrouverez cet enregistrement ultérieurement.

    "Robot and Frank" est le premier long-métrage d’un réalisateur, Jake Schreier, qui n’a réalisé qu’un court-métrage en 2005 .

    Le film se situe dans un futur (très, trop) proche. Frank (Frank Langella), gentleman cambrioleur à la mémoire fragile, vit en vieux solitaire grincheux jusqu'au jour où son fils lui impose un nouveau colocataire, sans nom ni visage : un robot. Chargé de s'occuper de lui, celui-ci va bouleverser la vie du vieil ours solitaire. Frank, d’abord réticent à la présence du robot, va nouer une vraie relation avec son robot jusqu'à mettre au point un braquage des plus inattendus.

    Cette fable tendre, pessimiste et poétique (qui fait d’ailleurs écho à la désolante dispersion des images évoquée par l’Ambassadeur des Etats-Unis en ouverture de ce même 38ème Festival de Deauville, qui nous fait parfois oublier l’essentiel) est une première belle surprise qui, avec beaucoup de simplicité et de délicatesse, par ce tandem improbable, traite de sujets contemporains (la déshumanisation de la société) et sensibles (la perte de mémoire).

    Dans cette petite ville tranquille et verdoyante où vit Frank, la bibliothèque -où se trouve également un robot répondant au nom très "austenien" de Darcy- numérise ses livres, les seuls contacts de ce dernier avec sa fille (qui semble se donner bonne conscience par des actions humanitaires à l’autre bout de la planète tandis que son père vit seul et abandonné) se font par écran interposé, et son seul contact physique est paradoxalement avec ce robot censé être dépourvu d’humanité.

     L’humour permet de désamorcer le portrait cruel et clairvoyant de notre société ou d’une société proche qui confie au robot (cette chose interchangeable et anonyme comme le montre tristement la fin) la dernière chose qui nous différencie encore, par définition : l’humanité. Tandis que sa mémoire défaille alors que ce robot, lui, justement, n’est que mémoire, certes artificielle, son double aussi (puisqu’il contient une mémoire, un peu la sienne) et son contraire, Frank lui confie ses souvenirs, le confondant parfois même avec son propre fils.

    La mise en scène ( minimaliste mais précise), le ton du film (entre humour et mélancolie), l’intensité du jeu de Frank Langella (espiègle et démuni) et un scénario sensible font de ce premier film un objet singulier, attachant et touchant, et, l’air de rien, une réflexion d’une redoutable clairvoyance et d’un terrible pessimisme sur une société qui abandonne tout, y compris l’essentiel (la mémoire et les liens familiaux) à des machines dépourvues de l’un et de l’autre, et donc d’humanité (même si le robot en question ici en a plus que les enfants de Frank).

    Ce film a été récompensé au festival de Sundance 2012, en remportant le Prix Alfred P. Sloan (attribué chaque année à des films traitant de science et de technologie.)

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