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IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 373

  • Critique – « Les émotifs anonymes » de Jean-Pierre Améris avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré

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    La comédie française se porte bien : après le réjouissant « Tout ce qui brille », le pétillant « De vrais mensonges », le romantique « L’Arnacoeur », le décalé « La reine des pommes », le sucré acide « Potiche »  cette année 2010 s’achève par une comédie qui n’est pas la plus clinquante ni la plus formatée mais sans aucun doute la plus attachante à des années lumière d’une « comédie » désolante, démagogique et opportuniste comme « Fatal ».

    Le gérant d’une chocolaterie au prénom aussi improbable que ses costumes démodés est un grand émotif. Jean-René (Benoît Poelvoorde) donc, puisque tel est ce fameux prénom suranné, cherche à employer une nouvelle commerciale. Angélique (Isabelle Carré) est la première à se présenter. Chocolatière de talent, elle est au moins aussi émotive que Jean-René, participant même à des séances des «Emotifs anonymes ». Entre eux le charme opère immédiatement, malgré leurs maladresses, leurs hésitations, leurs regards fuyants.  Seulement leur timidité maladive tend à les éloigner…

    Quant la mode est aux cyniques célèbres, un film qui s’intitule « Les Emotifs anonymes » est déjà en soi rafraîchissant et j’avoue avoir d’emblée beaucoup plus de tendresse pour les seconds. Cela tombe bien : de la tendresse, le film de Jean-Pierre Améris en regorge. Pas de la tendresse mièvre, non. Celle qui, comme l’humour qu’il a préféré judicieusement employer ici, est la politesse du désespoir. Jean-Pierre Améris connaît bien son sujet puisqu’il est lui-même hyper émotif. J’en connais aussi un rayon en émotivité et évidemment à l’entendre je comprends pourquoi son film (me) touche en plein cœur et pourquoi il est un petit bijou de délicatesse.

    La première grande idée est d’avoir choisi pour couple de cinéma Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré déjà réunis dans « Entre ses mains », le très beau film d’Anne Fontaine. Poelvoorde donne ici brillamment corps (mal à l’aise, transpirant, maladroit), vie (prévoyante et tétanisée par l’imprévu) et âme (torturée et tendre) à cet émotif avec le mélange de rudesse involontaire et de personnalité à fleur de peau caractéristiques des émotifs et Isabelle Carré, elle aussi à la fois drôle et touchante, sait aussi nous faire rire sans que jamais cela soit aux dépends de son personnage. L’un et l’autre sont pour moi parmi les plus grands acteurs actuels, capables de tout jouer et de nous émouvoir autant que de nous faire rire. Ici ils font les deux, parfois en même temps. Poelvoorde en devient même beau à force d’être touchant et bouleversant, notamment lorsqu’il chante, dans une scène magnifique que je vous laisse découvrir. Le film de Jean-Pierre Améris est ainsi à l’image de l’entreprise de chocolaterie vacillante de son personnage principal : artisanal mais soigné, à taille humaine, et terriblement touchant.

     La (première) scène du restaurant est un exemple de comédie et symptomatique du ton du film, de ce savant mélange de sucreries, douces et amères, de drôlerie et de tendresse. Cette scène doit (aussi) beaucoup au jeu des acteurs. Leur maladresse dans leurs gestes et leurs paroles (leurs silences aussi), leurs mots hésitants, leurs phrases inachevées, leurs regards craintifs nous font ressentir leur angoisse, l’étirement du temps autant que cela nous enchante, nous amuse et nous séduit.

    Le deuxième est le caractère joliment désuet, intemporel du film qui ne cherche pas à faire à la mode mais qui emprunte ses références à Demy ou à des pépites de la comédie comme « The shop around the Corner » de Lubitsch avec ses personnages simples en apparence, plus compliqués, complexes et intéressants qu’il n’y paraît sans doute à ceux qui préfèrent les cyniques célèbres précités. 

    Avec son univers tendrement burlesque, avec ses couleurs rouges et vertes, Jean-Pierre Améris nous embarque dans ce conte de noël qui se déguste comme un bon chocolat à l’apparence démodée mais qui se révèle joliment intemporel. Un film tout simplement délicieux, craquant à l’extérieur et doux et fondant à l’intérieur qui vous reste en mémoire...comme un bon chocolat à la saveur inimitable.

    Jean-Pierre Améris m’avait déjà bouleversée avec « C’est la vie » et « Poids léger », maintenant en plus il nous fait rire. Vivement le prochain film du cinéaste et vivement le prochain film avec Isabelle Carré ET Benoît Poelvoorde ! Si vous n’avez pas encore vu ce film allez-y de préférence le 25 décembre, vous ferez en plus une bonne action. Un film qui fait du bien comme celui-ci, c'est vraiment l'idéal un jour de noël et vous auriez tort de vous en priver.

    En bonus, regardez le clip de "Big jet lane" d'Angus et Julia Stone, très belle bo qui prolonge le film.

  • Jury et programme du Festival du Film de Comédie de l'Alpe d'Huez 2011

    alpe.jpgVoilà un festival que je n'ai pas (encore) le plaisir de connaître mais qui me semble des plus sympathiques et qui a couronné des comédies très réussies comme le réjouissant "Tout ce qui brille" cette année. Voici le jury du festival 2011 et le programme des coups de projecteur (une nouveauté pour 2011).

    La 14e édition du Festival International du Film de Comédie
    de l’Alpe d’Huez se déroulera du 18 au 23 janvier 2011.
     
    Le Festival de l’Alpe d’Huez, 1er rendez-vous cinématographique de l’année, est l’unique Festival de Films de Comédie en France. Cette année encore, le Festival présentera une sélection de courts et de longs métrages, en avant-première nationale, qui feront l’évènement de l’année 2011.
     
     
    Le Jury 2011


    Le Jury de cette 14e édition sera présidé par le réalisateur, acteur, scénariste et producteur :Jan Kounen (Doberman, Blueberry l’expérience secrète, 99 Francs, Coco Chanel & Igor Stravinski).
    Il sera accompagné de la comédienne Léa Drucker (L’homme de sa vie de Zabou Breitman, Cyprien de David Charhon, Les Brigades du Tigre de Jérôme Cornuau), la réalisatrice et comédienne Géraldine Nakache (Tout ce qui brille de Géraldine Nakache et Hervé Mimran, Comme t’y es belle de Lisa Azuelos, Il reste du jambon ? d’Anne Depetrini), les comédiens François-Xavier Demaison (La chance de ma vie de Nicolas Cuche, Tellement proches d’Eric Tolédano et Olivier Nakache, Coluche l’histoire d’un mec d’Antoine de Caunes), du comédien, réalisateur et chanteur Michaël Youn (Fatal de Michaël Youn, La Beuze et Les 11 commandements de François Desagnat et Thomas Sorriaux).


    Coup de Projecteur 2011 (Nouveauté) 

     


    Quatre Talents, Coups de Cœur du Festival, seront mis en lumière, et participeront à cette manifestation en signant tous les jours un billet d’humeur autour de ce qu’ils auront vécu, vu, ressenti. Impressions, coups de cœur, coups de projecteur, pendant cette semaine de cinéma, de rencontres et d’échanges autour de la Comédie, dans et en dehors des salles de cinéma de l’Alpe d’Huez.

    Les talents 2011 :
    Fanny Valette (La petite Jérusalem de Karin Albou, La loi de Murphy de Christophe Campos),
    Mélanie Bernier (Mes stars et Moi de Laetitia Colombani, Le Coach d’Olivier Doran)
    Denis Menochet (Inglourious Basterds de Quentin Tarantino, Robin Hood de Ridley Scott)
    Raphael Personnaz (La princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier, La chance de ma vie de Nicolas Cuche)
     
    Retrouvez leurs billets d’humeur pendant le Festival sur :
    Site officiel : www.festival-alpedhuez.com  -  Facebook : www.facebook.com/festivaldecomedie

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  • Bande-annonce de Largo Winch 2 de Jérôme Salle avec Tomer Sisley et Sharon Stone

    C'est le 16 février 2011 que sortira en salles en France "Largo Winch 2" de Jérôme Salle avec Tomer Sisley et Sharon Stone. Découvrez, ci-dessous, la bande-annonce en vo et cliquez ici pour lire ma critique de Largo Winch 1.

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  • Critique- "Another year" de Mike Leigh

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     « Another year » de Mike Leigh était présenté en compétition du Festival de Cannes 2010 où il figurait parmi les favoris. Un vrai mystère puisque très peu d'informations avaient filtré  sur ce film avant la projection. Onzième film de Mike Leigh qui fait partie du cercle fermé des réalisateurs ayant déjà obtenu la palme d'or (pour « Secrets et mensonges » en 1996 même si je lui préfère largement « All or nothing ») ou encore le prix de la mise en scène pour « Naked » en 1993, « Another year » était ainsi le quatrième film de Mike Leigh en compétition à Cannes. Jim Broadbent, Philip Davis, Imelda Staunton, les acteurs fétiches du réalisateur, sont ainsi de nouveau de la partie.

    Synopsis :L'histoire d'un couple heureux (Tom, géologue, et Gerri, psychologue !) qui va devoir supporter les tracas de son entourage.

    « Another year » est avant tout centré sur ses personnages, à la fois communs et atypiques mais en tout cas dépeints avec beaucoup d'humanité, de sensibilité, d'empathie. La caméra scrute habilement et pudiquement leurs visages et le basculement d'une émotion à son contraire que la première masquait.

     Mike Leigh est particulièrement doué pour capturer les choses de la vie, une mélancolie, une solitude derrière une exubérance. Si son film comme toujours se passe dans un milieu bien particulier (la classe britannique « moyenne », voire pauvre, avec toujours le chômage en arrière-plan) chacun pourra se reconnaître dans l'un de ses personnages vibrants d'humanité, et d'émouvantes contradictions.

    « Another year » est divisé en 4 saisons, (printemps, été, automne, hiver) :  en une année, à la fois comme les autres et différente des autres, alors que les jours et les saisons s'égrènent, le couple de Tom et Gerri reste la stabilité au centre de ce petit monde. En une année, ce sont les tourments et les bonheurs de l'existence qui se déroulent autour d'eux : deuil, séparation, rencontre, naissance, dépression...

    Mike Leigh sait tourner en dérision les situations dramatiques sans que jamais ses personnages soient ridiculisés mais au contraire en    faisant des héros du quotidien ( des « héros cachés ») de ces êtres perdus qui donnent constamment le change comme Mary ( formidable Lesley Manville), l'amie envahissante du couple ou encore comme  Tom le frère qui perd sa femme (très beau personnage digne, tout en silences et pudeur), Ken l'ami qui, comme Mary noie souvent sa solitude dans l'alcool et fait de vaines avances à cette dernière.

    Des tons doux et lumineux du printemps et de l'été, finit par tourner au gris d'un hiver crépusculaire au cours duquel le vrai visage de Mary se révèle dans un dernier plan aussi simple, profond que bouleversant.

      De très bons dialogues et des comédiens excellemment dirigés contribuent enfin à faire de ce film  une saison particulière à la fois drôle et nostalgique, et en tout cas profondément humaine et universelle dont la morale à la Voltaire pourrait être « Il faut cultiver notre jardin » (Tom et Gerri y passent ainsi beaucoup de temps au sens propre comme au figuré... : ils s'appliquent ainsi à changer et améliorer ou du moins aider le monde qui les entoure). Un film qui aurait (au moins) mérité un prix du scénario  pour son apparente simplicité qui met si bien en valeur la complexité  et les tourments cachés de ses personnages. 

    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2010 Pin it! 4 commentaires
  • Critique de "Ridicule" de Patrice Leconte, à 20H40, ce soir, sur Arte

     

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    1780. Le Marquis Grégoire Ponceludon de Malavoy (Charles Berling),  issu d'une famille d'ancienne noblesse provinciale, ingénieur de formation, cherche désespérément à assécher son marécageux pays des Dombes, ravagé par une épidémie. En dernier recours, il décide de gagner Versailles pour solliciter l'aide de Louis XVI. Muni d'une lettre de recommandation, il se rend tout d'abord chez Madame de Blayac (Fanny Ardant) mais son mari qu'il était venu voir vient de décéder. Agressé sur la route non loin de Versailles, il est secouru et recueilli par le Marquis de Bellegarde (Jean Rochefort).  Ce dernier cherche d'abord à le dissuader d'aller à la cour, si frivole et impitoyable, avant de céder devant son insistance.  Là, il retrouve Madame de Blayac et fait la connaissance des courtisans et notamment de l'Abbé de Vilecourt (Bernard Giraudeau).  Dans le même temps, il rencontre Mathilde (Judith Godrèche) la savante fille du Marquis de Bellegarde qui doit épouser un vieux et riche noble...

    En sélectionnant ce film pour l'ouverture du Festival de Cannes 1996, Gilles Jacob a fait preuve d'un redoutable cynisme, certainement involontaire, tant les personnages de « Ridicule » sont d'une troublante modernité, et pourraient appartenir à des univers beaucoup plus contemporains que celui de la cour de Louis XVI, qu'ils soient médiatiques, politiques ou cinématographiques. Jusqu'où aller pour réaliser ses objectifs aussi nobles (dans les deux sens du terme) soient-ils ? Jusqu'où aller sans compromettre ses principes ni se compromettre ?

    Pour les courtisans de « Ridicule », les joutes verbales sont les cruelles, sauvages et violentes armes d'une guerre dont le ridicule est le terrible signe de reddition. L'autre n'est alors qu'un faire-valoir et qu'importe si pour briller, sauver la face, il faut l'anéantir en le ridiculisant. Pour Jean Rochefort «  C'est un western dons lequel on a remplacé les colts par des mots d'esprit ». La vive mise en scène de Patrice Leconte souligne ainsi ces échanges verbaux assénés comme des coups mortels, dégainés  sans la moindre vergogne avec pour seul souci de leurs auteurs de rester dans les bonnes grâces de la cour et du roi. Le bel esprit est alors un poison violent et vénéneux qui contamine et condamne quiconque souhaite s'en approcher. Menace constante et fatale qui plane au-dessus de chaque courtisan : le ridicule. Le langage devient l'arme de l'ambition et du paraître car « le bel esprit ouvre des portes » mais « la droiture et le bel esprit sont rarement réunis ».

    Derrière l'éclat de Versailles, derrière la blancheur à la fois virginale et cadavérique dont s'enduisent les corps et les visages se cache une cruelle noirceur, un narquois sursaut de vie,  derrière le raffinement une vulgarité indicible, un mal qui les ronge de l'intérieur comme la cour est progressivement rongée par son pathétique bel esprit, bientôt par les Lumières, une cour qui se prévaut du bel esprit de Voltaire tout en rejetant l'Esprit des Lumières qui lui sera fatal. C'est le crépuscule d'une époque annonciatrice de la Révolution. La cour parade et brille de toute sa paradoxale noirceur mais le désenchantement et le déclin la guettent. Epoque de contradictions entre les Lumières et ses découvertes scientifiques et un monde qui périclite. Portrait d'un monde qui se sait déclinant et refuse pourtant de mourir. A tout prix. Madame de Blayac incarne la conscience de ce déclin qu'elle tente de masquer par une cruauté désenchantée consciente de ses vanités et de sa vanité.

    Les savoureux et cruels dialogues, ces jeux dangereux voire mortels font penser au cynisme des « Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos ou aux bons mots de Guitry. Le scénario est ainsi signé Rémi Waterhouse et inspiré des écrits de la Comtesse de Boigne.

    De twitter et ses phrases lapidaires avec lesquelles certains se réjouissent de faire preuve d'un pseudo bel esprit a fortiori si c'est au détriment d'autrui, des critiques cinématographiques (qui ont d'ailleurs tellement et injustement malmené Patrice Leconte) qui cherchent à briller en noircissant des pages blanches de leur fiel, des couloirs de chaînes de télévision dont l'audience justifie toute concession à la morale et parfois la dignité, de la Roche de Solutré hier à la Lanterne de Versailles aujourd'hui, de ces comiques ravis de ternir une réputation d'un mot cruel, prêts à tuer pour et avec un bon mot pour voir une lueur d'intérêt dans les yeux de leur public roi, que ne ferait-on pas pour briller dans le regard  du pouvoir ou d'un public, fut-ce en portant une estocade lâche, vile et parfois fatale. L'attrait du pouvoir et des lumières (médiatiques, rien à voir avec celles du XVIIIème) est toujours aussi intense, l'esprit de cour bel et bien là, bien que celle de Versailles ait été officiellement déchu il y a plus de deux siècles.

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    Le choix des comédiens principaux est aussi pour beaucoup dans cette réussite de Jean Rochefort, partagé entre ces deux mondes, à Charles Berling dont c'est ici le premier grand rôle qui y apporte son prompt et fougueux esprit, à Bernard Giraudeau, baroque et pathétique au nom si parlant d'abbé Vilecourt, en passant par Fanny Ardant cruelle, lucide et donc malgré tout touchante sans oublier Judith Godrèche d'une attendrissante candeur et obstination.

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    Pour son premier film en costumes, à partir d'un excellent scénario, Patrice Leconte a réalisé un film d'une réjouissante modernité, à la mise en scène duale et aussi élégante que les courtisans qui traversent son film sont inélégants, un film mordant aussi cruel que raffiné qui  s'achève en faisant tomber les masques de la cour et triompher les Lumières. Alors laissez-vous aller au plaisir coupable des bout rimés,  bons mots, saillies drôlatiques et autres signes du bel esprit de cette cour de Versailles, tellement intemporelle et universelle.

    De Patrice Leconte, je vous recommande aussi :  « Monsieur Hire », « La fille sur le pont », « Dogora ».

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  • Critique "Pour Elle" de Fred Cavayé (ce soir sur Canal + décalé)

    Pour ceux qui auraient manqué "Pour elle" lors de sa sortie en salles ou hier soir sur Canal +, sachez qu'il sera diffusé ce soir, à 20H45, sur Canal + décalé. Plutôt que le désolant deuxième film du même Fred Cavayé "A bout portant", je vous recommande donc l'excellent "Pour elle".

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    Lisa (Diane Krüger) et Julien (Vincent Lindon) forment un couple heureux et amoureux, avec leur fils Oscar. Un matin, brusquement, leur vie bascule dans l’absurdité et l’horreur lorsque la police débarque chez eux pour arrêter Lisa, accusée de meurtre puis condamnée à vingt ans de prison. Julien, professeur et fils mal aimé de son état, va alors être prêt à tout pour  la faire évader.

     Jusqu’où iriez-vous par amour ? Jusqu’où sera-t-il prêt à aller pour elle ? Loin. Très loin. Au-delà des frontières. De la raison. De la légalité. Du Bien et du Mal. Plutôt que de s’appesantir sur leur vie d’avant, Frec Cavayé (d’après une idée originale du scénariste Guillaume Lemans) choisit de nous montrer deux scènes assez courtes qui suffisent pour camper un couple amoureux comme au premier jour et une Lisa, lumineuse, deux scènes qui suffisent à expliquer le tourbillon infernal dans lequel va ensuite tomber Julien.

    Si on se demande un temps pourquoi Julien ne met pas toute cette énergie à essayer de trouver la véritable coupable (Lisa serait emprisonnée à tort) plutôt qu’à la faire évader, la force du montage et la force de l’interprétation parviennent à nous le faire oublier. Voir Lisa enfermée, se laissée dépérir, s’assombrir est pour Julien insupportable. Sa rage, son sentiment d’injustice et surtout son amour pour Lisa vont transformer le tranquille professeur en criminel, vont conduire à le faire basculer dans un univers a priori très éloigné du sien, dans une violence incontrôlable.

     La caméra au plus près des visages, nous enferme avec Julien dans sa folie (on ne voit d’ailleurs presque rien de sa vie étrangère à son plan d’évasion, il n’est montré qu’une seule fois dans sa salle de classe, cette –ir-réalité n’existe plus pour lui) ou avec Lisa dans sa prison, nous faisant occulter les invraisemblances du scénario et des moyens pour nous concentrer sur la force et la vraisemblance des motivations. Et pour que nous y croyions il fallait un acteur de la dimension de Vincent Lindon.  Vincent Lindon et qui d’autre ? Je ne vois pas. Je ne vois pas tellement le mélange de force et de fragilité, de détermination et de folie qu’il dégage pour ce rôle, qui occupe, consume, magnétise l’écran et notre attention, tellement le personnage qu’il incarne, à qui il donne corps (sa démarche, son dos parfois voûté ou au contraire droit menaçant, ses regards évasifs ou fous mais suffisamment nuancés dans l’un et l’autre cas ) et vie semblent ne pouvoir appartenir à aucun autre. Je ne vois pas qui d’autre aurait pu rendre crédible ce personnage et continuer à nous le rendre sympathique, du moins excusable, malgré tout.

    L’intrigue va à l’essentiel : la détermination furieuse, parfois aveugle, de Julien (à l’image de la surdité de la justice vis-à-vis de Lisa). Le scénario est épuré comme les murs d’une prison. Ce qui ne veut pas dire que le style est dénué d’émotion. Au contraire. Il la suscite sans la forcer. En nous montrant cet homme seul, fragilisé, aux forces décuplées. En nous montrant cet homme lui aussi dans une prison, celle de la caméra, celle de sa folie amoureuse (pléonasme ou antithèse : à vous de voir), celle de son incommunicabilité de sa douleur (avec son père, Olivier Perrier, parfait dans la retenue et la froideur). La relation paternelle est aussi au centre de l’histoire. Ce sont aussi deux pères qui vont très loin par amour. A leur manière.

    La musique, irréprochable ( de Klaus Badelt, qui a notamment travaillé avec Terrence Malick et Micheal Mann) ajoute ce qu’il faut quand il faut pour accroître la tension, déjà palpable.

    Au final, un thriller sentimental que la force de l’interprétation, magistrale, de son acteur principal (« Pour elle » vaut donc le déplacement, ne serait-ce que pour lui à qui le film doit de captiver, capturer notre attention et empathie), la vigueur, le rythme et l’intelligence du montage rendent haletant, nous faisant oublier les invraisemblances du scénario, croire et excuser toutes les folies auxquelles son amour (le, les) conduit.  Un premier long particulièrement prometteur…

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