Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Critique - « Les Marches du pouvoir » (The Ides of March) avec et de George Clooney et avec Ryan Gosling, Philip Seymour Hoffman, Evan Rachel Wood…

    marches2.jpg

    « The American » d’Anton Corbijn, le dernier film sorti en salles avec George Clooney prouvait une nouvelle fois le caractère judicieux de ses choix en tant que comédien et en tant que producteur, ce film allant à l’encontre d’une tendance selon laquelle  les films doivent se résumer à des concepts, prouvant qu’un film lent, au style épuré et aux paysages rugueux (ceux des Abruzzes en l’occurrence, d’ailleurs magnifiquement filmés) peut être plus palpitant qu’un film avec une action à la minute. Avec « Les Marches du pouvoir », il confirme la clairvoyance de ses choix (film produit par un autre acteur aux choix clairvoyants, Leonardo DiCaprio) avec un film au sujet  a priori (et seulement a priori) peu palpitant : la bataille pour les primaires démocrates et, un peu à l’inverse de « The American » qui était un thriller traité comme un film d’auteur intimiste, il nous embarque dans un thriller palpitant avec ce qui aurait pu donner lieu à un film d’auteur lent et rébarbatif. "Les Marches du Pouvoir" est une adaptation de la pièce de théâtre « Farragut North » de Beau Willimon, il a été présenté en compétition officielle de la dernière Mostra de Venise.

    Stephen Meyers (Ryan Gosling) est le jeune, légèrement arrogant, mais déjà très doué et expérimenté conseiller de campagne du gouverneur Morris (George Clooney) candidat aux primaires démocrates pour la présidence américaine. Pour lui, Morris est le meilleur candidat et il s’engage à ses côtés, totalement convaincu de son intégrité et de ses compétences mais peu à peu il va découvrir les compromis qu’impose la quête du pouvoir et perdre quelques illusions en cours de route… Il va découvrir ce qu’il n’aurait jamais dû savoir, commettre l’erreur à ne pas commettre et la campagne va basculer dans un jeu de dupes aussi fascinant que révoltant.

    Le film commence sur le visage de Meyers récitant un discours, du moins le croit-on… La caméra s’éloigne et dévoile une salle vide et que l’homme qui semblait être dans la lumière est en réalité un homme dans et de l’ombre, préparant la salle pour celui qu’il veut mener à la plus grande marche du pouvoir. Ce début fait ironiquement écho au magnifique plan-séquence de la fin où la caméra se rapproche au lieu de s’éloigner (je ne vous en dis pas plus sur cette fin saisissante)…tout un symbole !

    Je ne suis pas à un paradoxe près : alors que je m’insurge constamment contre le poujadiste et simpliste « tous pourris » souvent le credo des films sur la politique, ce film qui dresse un portrait cynique  de la politique et de ceux qui briguent les plus hautes marches du pouvoir m’a complètement embarquée… Clooney non plus n’est pas à un paradoxe près puisque lui qui a fermement défendu Obama dans sa campagne présidentielle et dont la sensibilité démocrate n’est pas un mystère a mis en scène un candidat (démocrate) dont l’affiche ressemble à s’y méprendre à celle du candidat Obama. D’ailleurs, ce n’est pas forcément un paradoxe, mais plutôt une manière habile de renforcer son propos.

    A première vue, rien de nouveau : les manigances et les roueries de la presse pour obtenir des informations qui priment sur tout le reste, y compris de fallacieuses amitiés ou loyautés, la proximité intéressée et dangereuse entre le pouvoir politique et cette même presse (tout ce que la très belle affiche résume, avec en plus le double visage du politique), et même les liens inévitables entre désir et pouvoir qui ouvraient  récemment un autre film sur la politique, « L’Exercice de l’Etat », dans une scène fantasmagorique mais, malgré cela, George Clooney signe un film remarquable d’intensité, servi par des dialogues précis, vifs et malins et par une mise en scène d’une redoutable élégance,  notamment grâce au  recours aux ombres et à la lumière pour signifier l’impitoyable ballet qui broie et fait passer de l’un à l’autre mais surtout pour traiter les coulisses obscures du pouvoir comme un thriller et même parfois comme un western (le temps d’un plan magnifique qui annonce le face-à-face dans un bar comme un duel dans un saloon). En fait, « Les marches du pouvoir » porte en lui les prémisses de plusieurs genres de films (thriller, romantique, western) montrant, d’une part, l’habileté de Clooney pour mettre en scène ces différents genres et, d’autre part, les différents tableaux sur lesquels doivent jouer les hommes politiques, entre manipulation, séduction et combat.

    Le temps d’une conversation plongée dans le noir ou d’une conversation devant la bannière étoilée (invisible un temps comme si elle n’était plus l’enjeu véritable mais aussi gigantesque et carnassière), sa mise en scène se fait particulièrement significative. Cette plongée dans les arcanes du pouvoir les décrit comme une tentation perpétuelle de trahir : ses amis politiques mais surtout ses idéaux.  L’étau se resserre autour de Stephen comme un piège inextricable et les seuls choix semblent  alors être de dévorer ou être dévoré, d’ailleurs peut-être pas tant par soif du pouvoir que par souci de vengeance et par orgueil, amenant ainsi de la nuance dans le cynisme apparent qui consisterait à dépeindre des hommes politiques uniquement guidés par la soif de conquête et de pouvoir. Ryan Gosling est parfait dans ce rôle, finalement pas si éloigné de celui qu’il endosse dans « Drive », incarnant dans les deux cas un homme qui va devoir renier ses idéaux avec brutalité, et qui révèle un visage beaucoup plus sombre que ce qu’il n’y parait. Face à lui, George Clooney en impose avec sa classe inégalée et inégalable qui rend d’autant plus crédible et ambivalent son personnage à la trompeuse apparence, épris de laïcité, de pacifisme et d’écologie... sans doute davantage par opportunisme que par convictions profondes, ses choix privés révélant la démagogie de ses engagements publics.

    Le cinéma américain entre Oliver Stone, Pakula, ou avec des rôles incarnés par Robert Redford comme dans « Votez McKay » de Michael Ritchie (que Redford avait d’ailleurs coproduit) a longtemps considéré et trainté la politique comme un sujet à suspense. Tout en s’inscrivant dans la lignée de ces films, Clooney réinvente le genre en écrivant un film aux confluences de différents styles. La politique est décidément à la mode puisque pas moins de trois films français (très différents) sur le sujet sont sortis cette année (« La Conquête », « Pater » et « L’Exercice de l’Etat »). Clooney ne s’intéresse d’ailleurs pas ici uniquement à la politique, le film ne s’intitulant pas « Les marches du pouvoir politique » mais du pouvoir tout court et cette soif d’ascension au mépris de tout pourrait se situer dans d’autres sphères de la société de même que la duplicité de ceux qui cherchent à en gravir les marches, à tout prix, même celui de leurs idéaux.

    Seul regret : que le titre original peut-être pas plus parlant mais plus allégorique n’ait pas été conservé. « The ides of March »  correspond ainsi au 15 mars du calendrier romain, une expression  popularisée par une des scènes de « Jules César » de William Shakespeare, dans laquelle un oracle prévient le célèbre général de se méfier du 15 mars, date à laquelle il finira par être assassiné.

    Un thriller aussi élégant que le sont en apparence ses protagonistes et qui en révèle d’autant mieux la face obscure grâce à un rythme particulièrement soutenu, un distribution brillamment dirigée (avec des seconds rôles excellents comme Philip Seymour Hoffman ou Paul Giamatti), des dialogues vifs, et surtout une mise en scène métaphorique entre ombre et lumière particulièrement symptomatique du véritable enjeu (être, devenir ou rester dans la lumière) et de la part d’ombre qu’elle dissimule (souvent habilement) et implique. Je vous engage à gravir ces « Marches du pouvoir » quatre-à-quatre. Un régal impitoyable. Vous en ressortirez le souffle coupé !

    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2011/2012 Pin it! 2 commentaires
  • Compte-rendu du Festival « Planche(s) contact » de Deauville 2011 : les 1000 visages d’une beauté versatile et mélancolique

    Kate.jpg

    Ci-dessus, une des 3 photos de la gagnante du concours photo des étudiants en photographie, Kate Fichard, exposée à la salle des fêtes de Deauville

    festivalphoto.jpg

    deauvilleplanchesontact 1920.JPG

    deauvilleplanchesontact 1799.JPG

    Moins de deux mois après la fin du 37ème Festival du Cinéma Américain, me voilà (et avec grand plaisir) de retour à Deauville pour un autre festival qui pourrait bien, après ce dernier et après le Festival du Film Asiatique, en devenir le troisième rendez-vous artistique incontournable (même si Deauville compte d’autres rendez-vous désormais bien installés comme le salon Livres et musiques en avril). Il faut dire que le programme culturel 2011-2012 (dont la couverture met d’ailleurs à l’honneur le festival « Planche(s) contact » et une photo du célèbre photographe italien Massimo Vitali prise en juin 2011) pourrait fait pâlir d’envie bien des villes. Le dynamisme de Deauville (qui a aussi accueilli le G8 en mai dernier) aurait tendance à nous faire oublier qu’elle compte moins de 4000 habitants !

    deauvilleplanchesontact 1936.JPG

    deauvilleplanchesontact 1797.JPG

    Ce nouveau rendez-vous résonne comme une évidence. Je ne connais pas d’endroits, ou si peu, dont la beauté soit aussi agréablement versatile, dont les couleurs et la luminosité lui procurent une telle hétérogénéité de visages. Oui, Deauville a mille visages. Loin de l’image de 21ème arrondissement de Paris à laquelle on tendrait à la réduire (qu’elle est aussi, certes), ce qui m’y enchante et ensorcelle se situe ailleurs : dans ce sentiment exaltant que procurent sa mélancolie étrangement éclatante et sa nostalgie paradoxalement joyeuse. Mélange finalement harmonieux de discrétion et de tonitruance. Tant de couleurs, de visages, de sentiments que j’éprouve la sensation de la redécouvrir à chaque fois. Le poids si doux et léger de tant de souvenirs engrangés en 18 années de Festival du Cinéma Américain et dix ans de Festival du Film Asiatique, aussi, sans doute. Bien sûr, je la préfère très tôt le matin, mystérieuse, presque déserte, qui émerge peu à peu des brumes et de l’obscurité nocturnes, dans une âpre luminosité qui se fait de plus en plus évidente, incontestable et enfin éblouissante. Ou le soir, quand le soleil décline et la teinte de couleurs rougeoyantes, d’un ciel incendiaire d’une beauté insaisissable et improbable et que je m’y laisse aller à des rêveries et des espoirs insensés. A l’image des êtres les plus intéressants, Deauville ne se découvre pas forcément au premier regard mais se mérite et se dévoile récompensant le promeneur de sa beauté incendiaire et ravageuse aux heures les plus solitaires, avec des couleurs aux frontières de l'abstraction, tantôt oniriques, tantôt presque inquiétantes.

    deauvilleplanchesontact 1846.JPG

    deauvilleplanchesontact 1849.JPG

    deauvilleplanchesontact 1850.JPG

    deauvilleplanchesontact 1890.JPG

    deauvilleplanchesontact 1897.JPG

    deauvilleplanchesontact 1893.JPG

    deauvilleplanchesontact 1910.JPG

    deauvilleplanchesontact 1902.JPG

    deauvilleplanchesontact 1907.JPG

    deauvilleplanchesontact 1817.JPG

    deauvilleplanchesontact 1827.JPG

    deauvilleplanchesontact 1896.JPG

    deauvilleplanchesontact 1861.JPG

    Ci-dessus, quelques photos prises ce week end, à Deauville...

    Cette beauté mélancolique, quelqu’un qui a tant fait pour la renommée de Deauville (et réciproquement), l’a magnifiquement immortalisée. C’est Claude Lelouch (d’ailleurs présent pour découvrir le vernissage de l’exposition), qui, ainsi le 13 septembre 1965, désespéré,  roule alors vers Deauville où il arrive la nuit, épuisé. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture,  elle  marche sur la plage avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera « Un homme et une femme », la rencontre de deux solitudes blessées qui prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires.

    lelouch.jpg

    Cette beauté protéiforme a inspiré de multiples visions de la ville, et c’était donc une idée particulièrement judicieuse de les mettre à l’honneur par la création d’un festival de la photographie initié l’an passé. Ainsi, du 5 au 18 septembre 2011, 12 photographes ont séjourné en résidence à Deauville, des photographes de réputation internationale comme David Armstrong, Lars Tunbjörk, ou Massimo Vitali ou des espoirs sérieux comme Romain Meffre et Yves Marchand ou encore six élèves d’écoles européennes de photographie, et enfin Namsa Leuba, lauréate du concours des étudiants en photographie de l’année dernière. Chacun a posé son regard, tendre, malicieux, acéré, mais toujours intéressant, dévoilant un de ces multiples visages de Deauville.

    deauvilleplanchesontact 1825.JPG

    Une autre bonne idée a été d’exposer dans Deauville des photographies autour de la thématique du cheval, transformant en objets singuliers des lieux habituels, doublement d’ailleurs : sur la photographie, et dans leur mise en scène dans le cadre de Deauville.

    deauvilleplanchesontact 1796.JPG

    deauvilleplanchesontact 1856.JPG

     

    deauvilleplanchesontact 1922.JPG

    Ci-dessus, les photos sur le thème du cheval exposées dans Deauville

    deauvilleplanchesontact 1816.JPG

    deauvilleplanchesontact 1811.JPG

    Ci-dessus, les photos de la gagnante du concours des étudiants en photographie de l'an passé, Namsa Leuba

    Le festival dont la direction artistique a été confiée à Patrick Rémy organise également deux concours : le premier à destination d’étudiants en photographie d’école européenne qui donne aussi lieu à une exposition (à la salle des fêtes de Deauville). Ce concours dont le jury était présidé par la photographe Bettina Rheims a été remporté par Kate Fichard, une jeune française qui étudie à Lausanne et remporte ainsi une bourse de 3000 euros  et le droit de revenir l’année prochaine pour exposer ses travaux. Alain Genestar, membre du jury a ainsi déclaré « Elle a réussi à photographier Deauville, sans les planches, sans le casino. Pourtant, c’est immédiatement Deauville. »

     Kate Fichard s’est affirmée en insistant pour ne montrer que 3 clichés, très personnels, mettant la danse contemporaine au centre de son travail pour « saisir le corps dans ses mouvements les plus étranges et les plus inhabituels et le situer dans les lieux qui le sont aussi ». Le résultat : des photographies hypnotiques d’une beauté et d’une force à la fois brutes et élégantes, douces et sensuelles qui immortalisent parfaitement ce paradoxe deauvillais dont je vous parlais précédemment. Un prix entièrement mérité en tout cas.

     

    deauvilleplanchesontact 1831.JPG

    deauvilleplanchesontact 1841.JPG

    deauvilleplanchesontact 1926.JPG

    Ci-dessus, les photographies de la gagnante exposées à la salle des fêtes de Deauville.

    deauvilleplanchesontact 1824.JPG

    deauvilleplanchesontact 1818.JPG

    L’autre concours organisé autour de ce festival a connu, dès cette deuxième édition, un joli succès, avec une centaine de participants. Le principe : rendre réelle la virtuelle 25ème heure, le jour du passage à l’heure d’hiver, donner une heure aux photographes (souvent amateurs, sur simple inscription), de minuit à une heure du matin, pour fournir une photo, une seule, et donner leur vision de cette 25ème à Deauville. Bref, suspendre le vol du temps en l’immortalisant. Belle idée. Le top départ a été donné à la Villa Le Cercle où un buffet était même proposé aux participants, et où régnaient une sympathique convivialité et émulation. Amusant de voir des photographes arpenter Deauville à cette heure avancée et de les voir la photographier sous tous les angles, souvent inattendus. Le lendemain, également au Cercle, étaient récompensés six lauréats qui avaient chacun posé un regard très différent sur Deauville, en noir et blanc, ou en couleurs, avec élégance ou humour, mais en tout cas en y insufflant leur personnalité et leur talent.

    concl.jpg

    Ci-dessus, la photographie du gagnant du concours "La 25ème heure", signée Aloïc Vautier

    concoursphoto6.jpg

    deauvilleplanchesontact 1853.JPG

    deauvilleplanchesontact 1851.JPG

    deauvilleplanchesontact 1863.JPG

    deauvilleplanchesontact 1876.JPG

    deauvilleplanchesontact 1880.JPG

    Ci-dessus, les 6 photos gagnantes du concours de la "25ème heure" (les gagnants: Françoise Hordelalay, Nicolas Katz, Anaïs Herrati, Jacques-Olivier Blin et Bruno Gavard)

    deauvilleplanchesontact 1871.JPG

    deauvilleplanchesontact 1869.JPG

    Ci-dessus, quelques photos des participants du concours "La 25ème heure" exposées au Cercle

    deauvilleplanchesontact 1881.JPG

    Swatch, partenaire officiel du Festival "Planche(s) contact" 2011

    deauvilleplanchesontact 1884.JPG

    Enfin, à quelques pas de la salle des fêtes où exposent les six jeunes étudiants en photographie, au Club 2010 vous pourrez découvrir le travail de David Armstrong, Massimo Vitali, Lars Tunbjörk (seul absent de ce prestigieux générique ce week end), Yves Marchand, Romain Meffre ainsi que le  travail de la lauréate du concours étudiant de l’an passé Namsa Leuba.

    deauvilleplanchesontact 1820.JPG

    deauvilleplanchesontact 1819.JPG

    Ci-dessus, les photographies de Massimo Vitali exposées au Club 2010

    Je vous encourage tout particulièrement à découvrir le travail de Massimo Vitali, ses photos en surexposition qui mettent en exergue les différences et le brassage culturel et social de Deauville et qui donnent un reflet à la fois anthropologique et sociologique à son travail qui nous fait aussi redécouvrir des lieux familiers, leur apportant une étrangeté instructive.

    deauvilleplanchesontact 1822.JPG

    Ci-dessus, le regard décalé de Lars Tunbjork sur les coulisses du G8 à Deauville 

     Découvrez également le regard décalé de Lars Tunbjork sur le G8 de Deauville. Un des rares photographes accrédité par le New York Times et qui suit de nombreux évènements internationaux. Ses photographies portent un regard à la fois ironique et sans complaisance mais aussi interrogatif et donc salutaire sur le monde qui nous entoure, et en souligne brillamment les contradictions, et parfois les absurdités.

    Si vous avez manqué le rendez-vous de ce week end, rassurez-vous, les expositions sont visibles jusqu’au 27 novembre (détails pratiques en bas de cet article) et surtout, vous pourrez participer à l’édition 2012 de Planche(s) contact en vous inscrivant à son concours de photographie.

    deauvilleplanchesontact 1795.JPG

    deauvilleplanchesontact 1932.JPG

    deauvilleplanchesontact 1931.JPG

    deauvilleplanchesontact 1925.JPG

    Ci-dessus, les photographies des six étudiants exposées à la salle des fêtes de Deauville

    Un évènement ludique et enrichissant qui modifie et nourrit notre regard sur Deauville et auquel je vous encourage vraiment à participer l’an prochain. En attendant, vous pourrez bien entendu me retrouver à Deauville pour le Festival du Film Asiatique et le Festival du Cinéma Américain…et sans doute bien avant, car après le 150ème anniversaire de la ville et les célébrations de la Normandie, Deauville a décidé, en 2012, de mettre le cinéma à l’honneur qui en est d’ailleurs indissociable, évidemment en raison du film précité à la palme d’or et aux 40 récompenses  mais aussi de la cinquantaine de films qui y ont été réalisés et bien sûr de ses festivals de cinéma, depuis 1975 pour l’un et 1999 pour l’autre. Je vous dis donc à très bientôt « in the mood for Deauville » pour me laisser bercer à nouveau par la mélancolie bienheureuse et exaltante de Deauville et vous en relater la riche vie culturelle.

    Renseignements pratiques : Expositions visibles du 29 octobre au 27 novembre 2011. La salle des fêtes de Deauville et le Club 2010 seront ouverts au public du samedi 29 octobre au dimanche 6 novembre, puis les samedis et dimanches jusqu’au 27 novembre, de 11h à 13H et de 16H à 19H. Site internet de Deauville: http://www.deauville.fr et page Facebook de Deauville: http://www.facebook.com/#!/deauville.normandie .

    Lien permanent Imprimer Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique) Pin it! 0 commentaire
  • Appel à candidatures: faîtes partie du jury du Festival International du Premier Film d'Annonay

    annonay4.jpgJe vous en parle chaque année depuis ma participation au jury de ce formidable festival, en 2007 (et il se pourrait bien que vous m'y retrouviez prochainement mais je ne peux en dire plus pour le moment...) qui par ailleurs est encore un des seuls et rares à permettre à des cinéphiles d'intégrer son jury et de vivre quelques jours d'intenses échanges et découvertes cinématographiques (comme son nom l'indique le festival projette des premiers films et, chaque année, permet de découvrir de vraies pépites).

    Chaque année, vous pouvez aussi trouver le compte rendu du festival sur le blog de la collègue et amie Pascale de "Sur la route du cinéma" qui vous permet également cette année de gagner votre pass pour le festival...

    La 29ème édition aura lieu du 27 janvier au 6février 2012 avec, au programme:

    - Une sélection compétitive de huit premiers longs métrages inédits en France dans les salles et à la télévision.

    - Une sélection hors compétition des meilleurs premiers films sortis cette année

    - Un week-end consacré à un(e) comédien(ne) en sa présence.

    - Un panorama thématique intitulé À L’AVENTURE.

    - Une sélection de films pour jeune public.

    - Une carte blanche à l’unité fiction d’ARTE

    - Ciné-concert autour du film "Gerry"

    Voici l'annonce du festival et les modalités du concours pour faire partie du jury (bonne chance et venez me dire si vous êtes ensuite sélectionnés):

    Comme chaque année, le Festival d’Annonay, qui se déroulera du 27 janvier au 6 février 2012, proposera une compétition internationale de premiers films (longs métrages de fiction) venus du monde entier. Le Jury, présidé par un réalisateur, sera uniquement composé de spectateurs cinéphiles choisis dans toute la France. Ce jury se réunira à Annonay du jeudi 2 au dimanche 5 février 2012, période pendant laquelle tous les films en compétition seront projetés en présence de leurs réalisateurs.

    Si, l’espace d’un week-end, vous souhaitez devenir membre du jury d’un festival, écrivez-nous et faites-nous part de votre candidature. Sur votre lettre (3 pages maximum), indiquez vos nom, prénom, âge, profession, adresse et numéro de téléphone. Indiquez également tout ce qui peut nous aider à cerner votre personnalité de cinéphile : les deux ou trois films que vous avez le plus aimés cette année, vos réalisateurs préférés, les genres cinématographiques que vous aimez et ceux que vous n’aimez pas, les raisons pour lesquelles vous souhaitez devenir membre du jury, la place qu’occupe le septième art dans votre vie, etc...

    Envoyez votre lettre avant le 15 décembre 2011, à:

     Festival International du 1er Film

     MJC d’Annonay

     Avenue Jean Jaurès

    07100 Annonay

    Lien permanent Imprimer Catégories : FESTIVAL D'ANNONAY 2012 Pin it! 9 commentaires
  • Critique de « La Délicatesse » de David et Stéphane Foenkinos avec Audrey Tautou, François Damiens, Pio Marmaï…

    delicatesse2.jpg

    délit.jpg

    Il y a deux ans, dans le cadre du jury des lectrices de Elle dont je faisais partie, je découvrais « La Délicatesse », le roman de David Foenkinos en lice pour le prix et dont le film éponyme est l’adaptation signée par ce dernier et Stéphane Foenkinos. Je découvrais aussi l’écriture fantaisiste, précise et délicate de David Foenkinos (oui, je l’avoue, il m’a fallu attendre son 8ème roman pour cela) après avoir  remarqué la présence joliment discrète de l’auteur quand d’autres se mettaient en avant avec une ridicule et présomptueuse ostentation, lors d’un débat dans le cadre de feu Forum International Cinéma et Littérature de Monaco. Bien qu’ayant obtenu dix prix littéraires, « La Délicatesse » (à mon grand regret) n’avait pas reçu celui des lectrices de Elle...mais cela ne l’a pas empêché d’en vendre 700000 exemplaires et d’être traduit dans 21 pays...et c’est particulièrement rassurant. Rassurant de voir que pour cela il n’aura fallu ni faire voyager le lecteur dans le temps, ni lui raconter des histoires rocambolesques improbables, ni faire preuve d’un cynisme vengeur et racoleur, ni recourir à un style même pas digne d’un scénario avec deux phrases par page (vous voyez à qui je songe ?).  Un livre dont l'auteur ose l'intituler « La Délicatesse » dans une société (pas seulement littéraire) souvent brutale qui prône et glorifie plutôt le cynisme, cela force déjà le respect. A l’encontre d’une société qui veut qu’une pensée se résume à 140 caractères d’exagération ou de mauvaise foi (ah, twitter, mon amour…), ou qu’une personne soit appréhendée et jugée en quelques secondes, le temps d’un regard scrutateur et sentencieux.

    « C’est l’histoire d’une femme qui va être surprise par un homme. Réellement surprise ». Ainsi était résumé ce roman. C’est l’inverse aussi. L’histoire d’un homme qui va être surpris par une femme. Réellement surpris. Et c’est surtout l’histoire de Nathalie (Audrey Tautou), une jeune femme qui a tout pour être heureuse, jeune, belle, insouciante, amoureuse de François (Pio Marmaï) qui avait décidé de la séduire parce qu’elle avait choisi un jus d’abricot, ou à peu près. Ils se marièrent et n’eurent pas le temps d’avoir beaucoup d’enfants car François décède brutalement. Tout pourrait s’arrêter là. D’ailleurs, pour elle le temps s’est arrêté, le jour où la lecture de son livre a été interrompue par la mort de François, mais après le deuil va venir le temps de la renaissance, là où et comme on ne l’attendait pas : un jour, sans raison, un peu perdue dans ses rêveries, elle embrasse un de ses collègues, l’insignifiant Markus (François Damiens)...enfin a priori insignifiant. Va alors naitre l’idée de ce couple improbable…

    Pas facile de transcrire à l’écran ce qui faisait en partie le charme du roman : l’écriture sensible, à la fois pudique et sensuelle, de David Foenkinos, une écriture émaillée d'une réjouissante fantaisie (aphorismes, digressions aussi savoureuses que décalées) qui faisait de ce roman une passionnante histoire autant qu'une aventure ludique pour le lecteur que Foenkinos, avec, décidément, une délicatesse quasiment amoureuse, n'oubliait jamais, ce qui n'est finalement pas si courant...

    « La Délicatesse » est un film à l’image de son personnage principal : d’apparence simple, discret, grave et triste, il se révèle gai, d’une lucidité joyeuse, tendre, et il vous charme d’une manière totalement inexplicable. Le charme des rencontres impromptues, improbables, inattendues. Les plus belles. Et ce n’était pas gagné d’avance. Il faut voir la première apparition de face de Markus, au bout de trente minutes de film (on aperçoit son dos et ses mains lors d’une réunion auparavant mais son visage reste invisible, insignifiant) avec son physique peu évident, son allure débraillée, son assurance hasardeuse. Le jeu du comédien est tel, remarquable François Damiens qui se glisse dans la peau du personnage avec une apparente facilité déconcertante (aidé par la réalisation), que le spectateur finit (presque) par le trouver séduisant, par être charmé à son tour, et en tout cas par comprendre le charme qu’il opère sur Nathalie. Il apparaît comme un personnage aussi lunaire que solaire, grâce à une photographie bienveillante, qui auréole la deuxième partie du film d’une douceur rassurante (très belle photographie de Rémy Chevrin) mais aussi grâce à la douce et énergique bo d’Emilie Simon.

    C’est sans doute cela la délicatesse : une sensation indicible, des petits gestes qui vous vont droit au cœur, une empathie du personnage qui emporte celle du spectateur et qui m’a totalement charmée. Par sa fantaisie (celle du roman qui se retrouve par petites touches). Par son mélange subtil de gravité et légèreté. Par sa manière d’appréhender le deuil et de célébrer le retour à l’espoir, à la vie.

    Dommage peut-être que Markus ne parle pas davantage puisque dans le roman, le charme opérait surtout par la parole. Il n’empêche que ce film est d’une douceur aussi simple que renversante. Audrey Tautou est l’actrice idéale pour incarner Nathalie. A la fois fragile et décidée, entre détermination énergique et une grâce enfantine qui me fait toujours penser à Audrey Hepburn. Une actrice trop rare qui jongle habilement entre le drame et la comédie, à l’image du film qui mêle subtilement les deux genres.

    Un bel hymne à la différence. Un film qui rend hommage aux anonymes, héros du quotidien, ces « émotifs anonymes » (on retrouve d’ailleurs une sensibilité commune avec celle de Jean-Pierre Améris), ces êtres vulnérables qui se découvrent plus qu’ils ne se remarquent mais qui n’en sont que plus intéressants. Avec le même sens de la précision et de l’humour décalé (ah, les joies de la Suède et du 114), avec ces mêmes accents truffaldiens, David et Stéphane Foenkinos réussissent non pas à transposer mais à retranscrire le style enchanteur du roman, son romantisme décalé et dénué de mièvrerie.

    Un délicieux film d’une gravité légère à déguster sans modération, l’histoire d’une renaissance lumineuse qui fera du bien tous ceux qui ont été touchés par le deuil, à tous ceux qui ne croient plus à la beauté foudroyante des hasards et coïncidences et des rencontres singulières, qui ne croit plus que le bonheur réside là où on ne l’attend pas. Voilà ce film m’a totalement charmée, aussi rare (et précieux) que la délicatesse qu’il met en scène, avec le même charme progressif et non moins ravageur. Une des grandes réussites de cette année !

    Sortie en salles: le 21 décembre 2011

    Lien permanent Imprimer Catégories : AVANT-PREMIERES, CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2011/2012 Pin it! 6 commentaires
  • Critique de "Welcome" de Philippe Lioret, ce soir, à 20H40, sur France 3

    A ne pas manquer, ce soir, sur France 3, à 20H40 "Welcome" de Philippe Lioret.

    welcome.jpg

    Pour impressionner et reconquérir sa femme Marion (Audrey Dana), Simon (Vincent Lindon), maître nageur à la piscine de Calais (là où des centaines d’immigrés clandestins tentent de traverser pour rejoindre l’Angleterre, au péril de leur vie)  prend le risque d’aider en secret un jeune réfugié kurde, Bilal (Firat Ayverdi) qui tente lui-même de traverser la Manche pour rejoindre la jeune fille dont il est amoureux, Mina (Dira Ayverdi).

     

    Cela faisait un peu plus d’un an que j’attendais la sortie de ce film, depuis que Philippe Lioret l’avait évoqué avec un enthousiasme débordant lors du Salon du Cinéma 2008… Alors ? Alors…

     

    La première demi-heure, intense, âpre, au style documentaire  suit au plus près Bilal ( au plus près de son visage, de ses émotions, de sa douleur, de ses peurs)  et nous embarque d’emblée dans son parcours périlleux. Il nous embarque et il conquiert dès les premières minutes notre empathie, notre révolte aussi contre une situation inhumaine, encore à ce jour insoluble, mais contre laquelle se battent des bénévoles comme Audrey tandis que d’autres préfèrent fermer les yeux comme Simon. La réalité sociale sert ensuite de toile de fond lorsqu’apparaît Simon, et avec son apparition c’est le documentaire qui cède le pas à la fiction.

     

    Jusqu’où iriez-vous par amour ? Tel était le slogan du précèdent film dans lequel jouait Vincent Lindon : « Pour elle ». Tel pourrait aussi être celui de « Welcome ». Ce n’est, au début, pas vraiment par altruisme qu’agit Simon mais plutôt avec l’intention d’impressionner Marion, de lui prouver qu’il n’est pas comme eux, comme ceux qui baissent la tête au lieu d’agir, comme ceux qui font éclater ou  renaître un racisme latent et peu glorieux qui rappelle de tristes heures, et qui rappelle aux étrangers qu’ils sont tout sauf « welcome ».

     

     Peu à peu Bilal,  son double,  va ébranler les certitudes de Simon, Simon qui se réfugiait dans l’indifférence, voire l’hostilité, aux étrangers qu’il croisait pourtant tous les jours. L’un fait face à son destin. L’autre lui a tourné le dos. L’un a été champion de natation, mais n’a pas réalisé ses rêves. L’autre rêve de devenir champion de football. Mais l’un et l’autre sont prêts à tout pour reconquérir ou retrouver la femme qu’ils aiment. L’un et l’autre vont s’enrichir mutuellement: Simon va enseigner  la natation à Bilal, et Bilal va lui à ouvrir les yeux sur ce qui se passe autour de lui.

     

    Le film doit beaucoup à l’interprétation de Vincent Lindon (toujours aussi exceptionnel), tout en violence et sensibilité, en force et fragilité. Il manie et allie les contradictions et les ambiguïtés de son personnage avec un talent époustouflant,  faisant rapidement oublier ces  déstabilisantes minutes de changement de ton et de passage du style documentaire à la fiction (ce parti pris initial de documentaire aurait peut-être été plus intéressant, mais nous aurait  certes privés de l’incroyable prestation de Vincent Lindon et aurait aussi privé le film d’un certain nombre de spectateurs). L’interprétation du jeune Firat Ayverdi  et des   autres acteurs, également non professionnels, est  elle aussi  troublante de justesse et contribue à la force du film.

     

    Philippe Lioret a coécrit le scénario avec Emmanuel Courcol, Olivier Adam (avec lequel il avait déjà coécrit « Je vais bien, ne t’en fais pas »),   un scénario d’ailleurs parfois un peu trop écrit donnant lieu à quelques invraisemblances (en contradiction avec l’aspect engagé du film et la réalité de  sa toile de fond) qui tranche avec l’aspect documentaire du début ( histoire de la bague un peu téléphonée) mais permet aussi de souligner certaines réalités par des détails qu’un documentaire n’aurait pas forcément pu saisir (quoique) comme cette annonce d’une avalanche aux informations et de ses quelques victimes qui semblent alors disproportionnées face à cette autre réalité passée sous silence, comme ce marquage, s'il est réel, absolument insoutenable et intolérable.

     

    La photographie aux teintes grisâtres et la mise en scène appliquée de Philippe Lioret s’efface devant son sujet, devant ses personnages surtout, toujours au centre de l’image, souvent en gros plan, ou du moins en donnant l’impression tant ils existent et accrochent notre regard.

     

    Peut-être aurait-il été encore plus judicieux que cette réalisation  soit empreinte de la même rage et de la même tension que ceux dont elle retrace l’histoire, et peut-être est-ce ce qui manque à ce film aux accents loachiens pour qu’il ait la saveur d'un film de Loach. Peut-être aussi est-ce la raison pour laquelle je suis finalement restée sur la rive.  Sans doute est-ce lié à l’attente suscitée depuis plus d’un an par ce film mais plus certainement encore par le souvenir indélébile, forcément plus viscéral et plus âpre, plus marquant parce que réel,  de centaines de clandestins, dans un autre port, dans un autre pays, mais si semblables, sans doute ce souvenir de la réalité d’une souffrance inouïe soudainement sous mes yeux et si tangible prise en pleine face m’a -t-il réellement et  autrement fait prendre conscience de cette douloureuse et insoutenable réalité: chaque visage (souvent très très jeune) entrevu alors portant sur lui, à la fois si pareillement et si différemment,  la trace d’une longue et inconcevable route, d’une histoire  douloureuse, d’une détermination inébranlable, d’un pays pour lui inhospitalier, inique ou en guerre et à quel point la réalité du pays qu’ils ont quittée devait être violente et insupportable pour qu’ils aient le courage et/ou l’unique issue de prendre tous ces risques et de se confronter à la réalité de pays qui ne souhaitent ou du moins ne savent pas forcément davantage  les accueillir et panser leurs plaies.

     

    Philippe Lioret, par ce film indéniablement engagé, a le mérite de mettre en lumière une part d’ombre de la société française, et plus largement de violentes et flagrantes disparités mondiales. Le succès connu par le filmprouve ainsi que le public ne s’intéresse pas seulement aux comédies formatées que les diffuseurs s’acharnent à lui proposer et que l’âpreté d’un sujet, pourvu qu’il soit traité avec sensibilité et intelligence, pouvait aussi susciter son intérêt et le faire se déplacer en nombre.

    Lien permanent Imprimer Catégories : A VOIR A LA TELEVISION : CRITIQUES DE FILMS Pin it! 0 commentaire
  • Critique de "Elle s'appelait Sarah" de Gilles Paquet-Brenner, ce soir, sur Canal plus

    Ce soir, sur Canal plus, à 20H55, ne manquez pas "Elle s'appelait Sarah" de Gilles Paquet-Brenner.

    sarah.jpg

     

    Il aura fallu attendre 1995 pour entendre un Président de la République dire, enfin, "Oui, la folie criminelle de l'occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l'Etat français...", reconnaissant ainsi officiellement la responsabilité de l’Etat Français dans l’horreur du Vel d’Hiv. Il aura fallu attendre 2010 pour que deux films y soient consacrés, soit soixante-huit temps après les faits : « La Rafle » en début d’année et maintenant « Elle s’appelait Sarah », adapté du roman éponyme de Tatiana de Rosnay. Bien sûr, dans « Monsieur Klein » (voir critique),  Joseph Losey avait déjà fait la démonstration implacable de l’absurdité effroyable de l’holocauste et en particulier du Vel d’Hiv mais le cinéma ne s’était jamais encore réellement emparé pleinement du sujet de la rafle. Une vraie nécessité à entendre certains propos que j’évoquais déjà, ici, au milieu d’une incompréhensible et affligeante indifférence générale.

    Les 16 et 17 juillet 1942, 13000 juifs furent  raflés et emmenés au Vélodrome d’Hiver. C’est ce qui est arrivé à Sarah (Mélusine Mayance), alors âgée de 10 ans.  C’est ce que découvre Julia Jarmond (Kristin Scott-Thomas ),  une journaliste américaine installée en France depuis 20 ans qui enquête sur ce douloureux épisode mais peu à peu ce qui était « seulement » un sujet d’article va révéler un secret familial, la famille de Sarah ayant vécu dans la maison des beaux-parents de Julia (celle où Julia projette justement de vivre) jusqu’à ce jour funeste de juillet 1942. A soixante ans d’écart, leurs destins vont se mêler et la vie de Julia et de ses proches va en être bouleversée. En deux questions des collègues du journal où Julia travaille est traduite la nécessité de transmettre. Non seulement ils ignorent ce qu’est le Vel d’Hiv mais une fois le sachant trouvent impensable que cela ait pu être commis par des Français.

    Cela commence par le rire de Sarah, un rire cristallin. Des coups à la porte. Une intrusion brusque. La cavalcade de rires de Sarah brutalement interrompue. Le petit frère caché dans l’armoire.  Tout est dit.  La fin de l’innocence. La violence d’une réalité absurde. La vérité et l’enfance emprisonnées. La clé du secret. Gilles Paquet-Brenner a l’intelligence de ne jamais en rajouter, de ne pas forcer l’émotion qui submerge d’ailleurs rapidement le spectateur et à plusieurs reprises, et de recourir au hors-champ qui laisse place à l’imaginaire du spectateur, et à l’intraduisible horreur.

     Filmant du point de vue et souvent à la hauteur de Sarah, avec des plans courts et serrés renforçant le sentiment de suffocation, d’oppression, en quelques plans, sans le même souci de reconstitution réaliste que dans « La Rafle », il nous fait envisager l’horreur indicible à laquelle elle est confrontée, à chaque fois par une violence brusque qui rappelle l’interruption du rire cristallin du début : de cette femme qui se jette du Vélodrome à cette scène, cruelle et bouleversante, où les enfants sont violemment séparés des parents au camp de Beaune-La-Rolande .

     A  l’histoire de Sarah se superpose donc celle de la journaliste américaine avec laquelle elle n’a a priori rien en commun et qui va bientôt devoir faire face à un poids terrible, celui du secret, de la culpabilité. Le poids de l’Histoire qui se mêle alors à la sienne, d’histoire. Lever le voile sur la première va alors être nécessaire pour continuer la sienne.

    A travers ceux que croisent Sarah ce sont tous les visages de cette guerre qui apparaissent méprisables ou admirables, parfois plus complexes : ceux qui ont collaboré, ceux qui se sont tus, ceux qui ont spolié les juifs, ceux qui ont aidé au péril de leur vie.

    L’intensité du jeu de Kristin Scott-Thomas, encore une fois remarquable (et si différente des rôles qu’elle incarnait dans « Il y a longtemps que je t’aime » ou « Partir » ou encore dans « Nowhere boy »), l’intelligence et la sobriété de la réalisation, l’incroyable Mélusine Mayance, bouleversante, qui interprète brillamment la fragilité obstinée de la petite Sarah, les rôles secondaires (Niels Arestrup et Michel Duchaussoy en tête), le scénario efficace et le montage ingénieux en font un film aussi nécessaire que poignant et qui nous rappelle que la mémoire est un devoir et que l’ignorance est aussi la cause des plus grands drames de nos histoires et de l’Histoire, quand ceux de la seconde n’entraînent pas fatalement ceux de la première et que la clé du secret ouvre souvent sur la vérité mais aussi  la paix et  la liberté.

    Pour en savoir plus, une nouvelle fois, je vous recommande donc de voir :

    « Monsieur Klein »  de Joseph Losey,. Ainsi que « La liste de Schindler », l'incontournable chef d'œuvre  de Spielberg. Evidemment « Le Dictateur » de Chaplin,  « Le Chagrin et La Pitié » de Marcel Ophüls, « Au revoir les enfants » de Louis Malle, « Nuit et brouillard » d'Alain Resnais,  La vie est belle de Roberto Benigni. « Le Pianiste » de Roman Polanski.  Sur la Résistance :  « L'armée des ombres » de Jean-Pierre Melville

    Lien permanent Imprimer Catégories : A VOIR A LA TELEVISION : CRITIQUES DE FILMS Pin it! 0 commentaire
  • Paris Film Festival, du 6 au 12 juin 2012 : un nouveau festival de cinéma à Paris, sur les Champs Elysées

     

    parisfilmfest2.jpg

    parisfilmfest2.jpgVoilà une bonne nouvelle: comme le Festival du Film de Paris a disparu depuis plusieurs années (un festival qui m'était cher puisque je lui dois ma première participation à un jury de festival, en 1998, et parmi de très nombreuses rencontres inoubliables, celle, inestimable, avec le président du jury du festival l'année en question, un certain Sean Penn), et bien que le Festival Paris Cinéma soit désormais bien implanté à Paris (un festival auquel je tiens par ailleurs), je pense que restait, à Paris, une place vacante pour un autre festival de cinéma, dans la ville du 7ème art par excellence, un festival d'envergure international, peut-être plus glamour qui serait, non pas un concurrent mais un complément au Festival Paris Cinéma (qui fêtera d'ailleurs cette année sa dixième édition) qui inviterait Hollywood à Paris et tout ce que cela implique, une grande fête du cinéma à destination du grand public qui satisferait aussi les cinéphiles.

    La première édition de ce festival, placé sous l'égide du Ministère de la Culture (Paris Cinéma est sous l'égide de la Mairie de Paris) aura lieu du 6 au 12 juin prochain et sera consacrée au cinéma français et au cinéma américain avec, pour objectif, selon ses organisateurs, de rendre hommage à la plus belle avenue du monde (où se tenait d'ailleurs feu Festival du Film de Paris) dans le sillage de ce que peuvent faire d'autres capitales comme Rome qui, en peu de temps, a réussi à donner une envergure internationale à son festival.

    Une cinquantaine de films seront ainsi projetés  dans les sept salles des Champs Elysées, à savoir une quinzaine de films français et américains indépendants et inédits, mais qui ne seront pas mis en compétition. L’objectif est ainsi de montrer un vaste panorama de la création mondiale en projetant une sélection de films candidats à l'Oscar du Meilleur film étranger, venant d’environ 65 pays avec un objectif délibérément glamour puisque  "chaque soir nous envisageons l'avant-première avec tapis rouge d'un blockbuster américain, avec des stars et du show" a précisé Sophie Dulac, la productrice et distributrice à l'origine de ce beau projet.

    Le premier invité d'honneur sera le grand producteur américain Harvey Weinstein (habitué du Festival du Cinéma Américain de Deauville qui lui avait également rendu hommage) qui tiendra une "Holywood conversation" devant le public. Lui qui a « reçu » 89 Oscars, "il sait de quoi il parle", selon Sophie Dulac.

    Sera également prévu un lieu d'échanges réservé aux professionnels et notamment aux producteurs qui pourront s'y rencontrer.

    Bien entendu, vous pourrez suivre ce festival en direct sur mes différents blogs et je vous tiendrai régulièrement informés de sa programmation et de ses initiatives.

    En attendant, vous pouvez déjà suivre la page Facebook du festival sur laquelle vous pourrez voir les louables mots d'ordre du festival : "Peut-on concilier grand projet et grand écran ? Projection et bonne action ? Strass et engagement ? Glamour et nécessité ? Célébrité et entraide ? Tapis rouge et projet pérenne ? Peut-on agir en regardant un film ? Une grande fête autour du cinéma peut-elle être utile? Tout devient possible quand la magie d’Hollywood s’invite à Paris…"

    Lien permanent Imprimer Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique), PARIS FILM FESTIVAL 2012 Pin it! 1 commentaire