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Palmarès détaillé et commenté du 76ème Festival de Cannes

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Cette 76ème édition a été à l’image de sa cérémonie d’ouverture : d’une grande sobriété et élégance. Ce « cru » 2023 fut particulièrement exceptionnel avec d’immenses films qui resteront indéniablement dans l’histoire du cinéma. Une histoire que Cannes continue d’écrire, éditions après éditions.

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Le Jury de ce 76ème Festival de Cannes, présidé par le réalisateur suédois Ruben Östlund, entouré de la réalisatrice marocaine Maryam Touzani, l’acteur français Denis Ménochet, la scénariste et réalisatrice britanico-zambienne Rungano Nyoni, l’actrice et réalisatrice américaine Brie Larson, l’acteur et réalisateur américain Paul Dano, l’écrivain afghan Atiq Rahimi, le réalisateur argentin Damián Szifron, ainsi que la réalisatrice française Julia Ducournau, a donc remis son palmarès parmi les 21 films présentés en Compétition cette année. Un palmarès qui me réjouit tout particulièrement puisqu’y figurent tous les films pour lesquels j’ai partagé ici mon enthousiasme au cours de ces 11 jours, au premier rang desquels la palme d’or décernée à Justine Triet pour Anatomie d’une chute, devenant ainsi la 10ème palme d'or française, un film palpitant sur le doute, le récit, la vérité, la complexité du couple, et plus largement des êtres. Un film qui fait une confiance absolue au spectateur. Un film dont le rythme ne faiblit jamais, que vous verrez au travers du regard de Daniel, l'enfant que ce drame va faire grandir violemment, comme lui perdu entre le mensonge et la vérité, juge et démiurge d’une histoire qui interroge, aussi, avec maestria, les pouvoirs et les dangers de la fiction.

Je me réjouis également du Grand Prix décerné à The Zone of interest dans lequel Jonathan Glazer prouve d’une nouvelle manière, singulière, puissante, audacieuse et digne, qu’il est possible d’évoquer l’horreur sans la représenter frontalement, par des plans fixes, en nous en montrant le contrechamp, reflet terrifiant de la banalité du mal, non moins insoutenable, dont il signe une démonstration implacable. Cette image qui réunit dans chaque plan deux mondes qui coexistent et dont l’un est une insulte permanente à l’autre est absolument effroyable.  Si cette famille nous est montrée dans sa quotidienneté, c’est avant tout pour nous rappeler que la monstruosité peut porter le masque de la normalité. L’intelligence réside aussi dans la fin, qui avilit le monstre et le fait tomber dans un néant insondable tandis que nous restent les images de ce musée d’Auschwitz dans lequel s’affairent des femmes de ménage, au milieu des amas des valises, de chaussures et de vêtements, et des portraits des victimes. C’est d’eux dont il convient de se souvenir. De ces plus de cinq millions de morts tués, gazés, exterminés, parfois par des journées cyniquement ensoleillées. Un passé si récent comme nous le rappellent ces plans de la maison des Höss aujourd’hui transformée en mémorial. Une barbarie passée contre la résurgence de laquelle nous avons encore trop peu de remparts. Le film s’achève par un écran noir accompagné d’une musique lugubre, là pour nous laisser le temps d’y songer, de nous souvenir, de respirer après cette plongée suffocante, et de reprendre nos esprits et notre souffle face à l’émotion qui nous submerge. Un choc cinématographique. Un choc nécessaire. Pour rester en alerte. Pour ne pas oublier les victimes de l’horreur absolue mais aussi que le mal peut prendre le visage de la banalité. Un film brillant, glaçant, marquant, incontournable. Avec ce quatrième long-métrage (après Sexy Beast, Birth, Under the skin) Jonathan Glazer a apporté sa pierre à l'édifice mémoriel. De ce film, vous ne ressortirez pas indemnes. Vous ne pourrez pas (l') oublier. Voyez-le, impérativement.

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Le jury du prix CST de l’artiste-technicien a également décerné le prix 2023 à Johnnie Burn, Sound Designer et Chef monteur son du film. « Sa création sonore incarne, par l’hors-champ, l’horreur du génocide et questionne notre humanité » a ainsi déclaré le jury. Je vous avais ainsi parlé l’autre jour du rôle primordial que joue le son dans ce film. D’abord, ces notes lancinantes et douloureuses, avant même la première image, qui viennent déjà heurter notre tranquillité, nous avertir que la sérénité qui lui succèdera sera fallacieuse. Avant même le premier plan, ce qui nous interpelle, c’est le son, incessant, négation permanente de la banalité des scènes de la maisonnée. C’est le bruit d’un wagon. Ce sont des cris étouffés. Ce sont des coups de feu. Ce sont des aboiements. Ce sont ces ronronnements terrifiants et obsédants des fours crématoires. Mais c’est l’arrière-plan aussi qui teinte d’horreur tout ce qui se déroule au premier, cette indifférence criante qui nous révulse. Je ne saurais citer un autre film dans lequel le travail sur le son est aussi impressionnant que dans ce film, la forme sonore tellement au service du fond : cette dichotomie permanente entre ce vacarme et l’indifférence qu’il suscite. Ce grondement incessant qui nous accompagne des jours après. Les musiques composées par Mica Levi et les sons du concepteur sonore Johnnie Burn sont pour beaucoup dans la singularité de cette œuvre et dans sa résonance. Ces dissonances qui constamment nous rappellent que tout cela n'a rien de normal, qui nous oppressent. 

Je vous avais également parlé de la beauté et de la drôlerie désespérée du film de Aki Kuarismäki qui a reçu un prix du jury, là aussi, amplement mérité.

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L’admirable scénario du film Monster de Kore-eda a également été récompensé à juste titre. C’est la première fois, depuis son premier long métrage en 1995 que Kore-eda réalise un film dont il n’a pas écrit le scénario même s’il a contribué aux recherches sur place pour développer le script dont l’intrigue se déroule à Suwa, dans la préfecture de Nagano. Et quel scénario ! Au-delà de la réalisation, toujours très inspirée, signifiante et juste, c’est ici la grande force du film. D’apparence classique, il se révèle aussi limpide que labyrinthique pour nous ramener à la sortie du tunnel (au sens propre comme au sens figuré), et à la source du secret qu’il traque comme dans un polar, celui des mystères de l’adolescence mais aussi de la fausse innocence de certains adultes.

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Je me réjouis également du Prix d’interprétation masculine pour Koji Yakusho dans le film de Wim Wenders, Perfect days. Il est remarquable dans ce rôle si solaire de cet homme souvent méprisé, mais attentif à tout et tous, dont de petites touches (de rencontres, de rêves, de regards, de silences) nous révèlent le passé et l’émouvante personnalité. 

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Oublié de ce palmarès, le magistral film de Kaouther Ben Hania, Les Filles d’Olfa qui a heureusement reçu l’œil d’or du documentaire et le Prix de la Citoyenneté. Un documentaire qui ne cède jamais au manichéisme, et qui brouille intelligemment la frontière entre réalité et fiction, pour mieux enfanter la vérité, est aussi original que fascinant, citoyen, instructif et poignant.

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Enfin, je me réjouis que le jury 2023 du PRIX CST de la Jeune Technicienne ait été attribué à Anne-Sophie Delseries, cheffe décoratrice du film Le Théorème de Marguerite pour lequel j’avais partagé ici également mon enthousiasme suite à sa projection. « Grâce à la délicatesse de son travail, Anne-Sophie Delseries est parvenue à donner naissance à un troisième personnage incontournable à la narration du film » a ainsi déclaré le jury.

 

 PALMARES COMPLET

LONGS MÉTRAGES

Palmarès 2023

PALME D’OR

ANATOMIE D’UNE CHUTE réalisé par Justine TRIET

GRAND PRIX

THE ZONE OF INTEREST réalisé par Jonathan GLAZER

PRIX DE LA MISE EN SCÈNE

TRAN ANH Hùng pour LA PASSION DE DODIN BOUFFANT

PRIX DU JURY

KUOLLEET LEHDET (LES FEUILLES MORTES) réalisé par Aki KAURISMÄKI

PRIX DU SCÉNARIO

SAKAMOTO Yuji pour KAIBUTSU (MONSTER) réalisé par KORE-EDA Hirokazu

PRIX D’INTERPRÉTATION FÉMININE

Merve DIZDAR dans KURU OTLAR USTUNE (LES HERBES SÈCHES) réalisé par Nuri Bilge CEYLAN

PRIX D’INTERPRÉTATION MASCULINE

Koji YAKUSHO dans PERFECT DAYS réalisé par Wim WENDERS

COURTS MÉTRAGES

Palmarès 2023

PALME D’OR

27 de Flóra Anna BUDA

MENTION SPÉCIALE

FÁR réalisé par Gunnur MARTINSDÓTTIR SCHLÜTER

UN CERTAIN REGARD

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Palmarès 2023

PRIX UN CERTAIN REGARD

HOW TO HAVE SEX réalisé par Molly MANNING WALKER

PRIX DU JURY

LES MEUTES réalisé par Kamal LAZRAQ

PRIX DE LA MISE EN SCÈNE

Asmae EL MOUDIR pour KADIB ABYAD (LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES)

PRIX DE LA NOUVELLE VOIX

AUGURE réalisé par BALOJI

PRIX D’ENSEMBLE

CROWRÃ (LA FLEUR DE BURITI) réalisé par João SALAVIZA & Renée NADER MESSORA

PRIX DE LA LIBERTÉ

GOODBYE JULIA réalisé par Mohamed KORDOFANI

LA CINEF

Palmarès 2023

PREMIER PRIX

NORWEGIAN OFFSPRING réalisé par Marlene Emilie LYNGSTAD

Den Danske Filmskole, Danemark

DEUXIÈME PRIX

HOLE réalisé par HWANG Hyein

Korean Academy of Film Arts, Corée du Sud

TROISIÈME PRIX

AYYUR (LUNE) réalisé par Zineb WAKRIM

ÉSAV Marrakech, Maroc

CAMÉRA D'OR

Palmarès 2023

BÊN TRONG VO KEN VANG (L’ARBRE AUX PAPILLONS D’OR) de THIEN AN PHAM

Quinzaine des Cinéastes

L’ŒIL D'OR - ANNÉE DU DOCUMENTAIRE EX ÆQUO

Palmarès 2023

LES FILLES D’OLFA réalisé par Kaouther BEN HANIA

KADIB ABYAD (LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES) réalisé par Asmae EL MOUDIR

COMMISSION SUPÉRIEURE TECHNIQUE

Palmarès 2023

Le jury du prix CST de l’artiste-technicien décerne le prix 2023 à Johnnie Burn, Sound Designer et Chef monteur son du film THE ZONE OF INTEREST de Jonathan Glazer. Sa création sonore incarne, par l’hors-champ, l’horreur du génocide et questionne notre humanité. Le jury 2023 du PRIX CST de la Jeune Technicienne a retenu Anne-Sophie Delseries, cheffe décoratrice du film LE THÉORÈME DE MARGUERITE. Grâce à la délicatesse de son travail, Anne-Sophie Delseries est parvenue à donner naissance à un troisième personnage incontournable à la narration du film. »

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