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  • « Lire en fête » du 19 au 21 octobre : mes déambulations littéraires

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     Du 19 au 21 octobre, comme chaque année, à cette même période, se tient l’opération « Lire en fête ». Elle se déroule en France et dans 150  pays et propose des milliers de manifestations liées à la lecture et l'écriture, organisées parfois dans des lieux originaux. Cela commencera demain avec « la nuit de l’écrit » : lectures dans des lieux insolites, déambulations poétiques etc. La  thématique de cette année est « Une ville, une œuvre » . Si vous voulez tout savoir sur cette opération et connaître le programme régions par régions, je vous renvoie vers le site officiel : http://www.lire-en-fete.culture.fr/.

    Lire en fête ce sont aussi des concours de nouvelles comme celui des nouvelles sur le thème du cinéma pour lequel j’ai été sélectionnée trois fois (2002, 2004, 2005)  mais aussi des initiatives novatrices comme celle du Concours des insomniaques qui consiste à proposer un sujet le 19 octobre à 19H et à devoir rendre la copie le lendemain au plus tard à 7H. Tous les renseignements figurent ici :   http://nuitecriture.hautetfort.com/ . Faute d’avoir pu réunir un jury professionnel (ce qui sera vraisemblablement le cas pour l’édition 2008), les organisateurs ne proposent qu’un titre honorifique en guise de prix, l’initiative n’en demeure pas moins louable. Attention cependant, si vous craignez que votre prose soit plagiée : les textes seront envoyés aux autres rédacteurs alors ensuite tous promus jurés et publiés sur internet.

    Parce que j’ai aimé, dévoré la littérature bien avant le cinéma, parce que les deux sont plus que jamais liés (on dénombre de plus en plus d’adaptations de livres au cinéma, et de nombreux livres que je cite ci-dessous ont d’ailleurs été adaptés), parce que ce sont mes deux passions qui s’entremêlent et me sont tout autant indispensables,  et à l’occasion de « Lire en fête", voici mon top 29 de mes romans incontournables (Pourquoi 29 me direz-vous! Tout simplement parce que moins c’était totalement impossible ! J’en conviens, la littérature contemporaine que je lis pourtant avec avidité n’est gère présente dans ce classement, tout simplement parce qu’elle arrive après la 29ème proposition, je n’ai pas encore trouvé LE roman contemporain qui me donne envie de le lire et le relire), du moins ceux que j’ai (re) lus le plus souvent, aussi différents soient-ils, qui m’ont accompagnée, chamboulée, éclairée (assombrie aussi :-)). Je vous les recommande tous ! Je les ai classés par ordre alphabétique...

    Mes 29 romans incontournables:

    1. Anna Karénine - Léon Tolstoï (le plus romanesque)

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    2. Belle du Seigneur- Albert Cohen (celui qui me bouleverse le plus et que je dévore, invariablement, à chaque lecture, celui qui m’emmène le plus loin et me paraît le plus proche, celui au style  inimitable mais aussi pour sa satire si acerbe et juste d’une société avide d’ascension sociale- ah le pathétisme hilarant d’Adrien Deume et de sa médiocrité-. Roman d’amour pour certains, anti-roman d’amour pour d’autres qui voit la passion étouffer ceux qui la vivent, sublimes et tragiques Ariane et Solal, c’est un roman flamboyant, inoubliable. Cohen décrit mieux que personne la naissance et la désagrégation de la passion. Un roman éblouissant et terrifiant. Comme les sentiments qu’il dépeint, qu’il dissèque. Un roman, une expérience même, que vous adorerez ou détesterez mais qui ne vous laissera sûrement pas indifférent. Ce roman réputé inadaptable devrait sortir prochainement au cinéma ; je ne suis pas certaine de souhaiter le voir au cinéma…. )

    3. Bonjour tristesse -Françoise Sagan( le plus tristement et joliment insouciant)

    b08cdce5803c0c194341349ee08ebffb.jpg4.Candide-Voltaire (le plus « sage » conte philosophique)

    5 .Cyrano de Bergerac -Edmond Rostand (le plus pic-cap-péninsulaire, le plus lyrique)

    6. Crime et châtiment -  Fedor Dostoïevski (la plus belle morale immorale)

    7. Des souris et des hommes - John Steinbeck (pour son aspect universel)

    8. Gatsby le magnifique – Francis Scott Fitzgerald (le plus éblouissant, le plus désenchanté aussi)

    9. Illusions perdues-Honoré de Balzac (J’aurais pu citer TOUS les Balzac pour ce classement, toute la Comédie humaine 9cd535fe1ec1cddb98f187fdf20c301e.jpgsans aucun doute mériterait de figurer dans ce classement, ce sont en tout cas ceux que j’ai lus le plus tôt et le plus relus.  Finalement les plus contemporains, intemporels, multiples, à la fois romanesques et si réalistes. Et puis évidemment les incomparables descriptions balzaciennes qui nous plongent dans les moindres frémissements des âmes et des lieux qui les reflètent. Il y aurait tant à dire qu’un blog entier n’y suffirait pas !:-))

    10. La force de l’âge - Simone de Beauvoir (l'analyse la plus pertinente,  entre vie quotidienne et vie littéraire germanopratine, un quartier au-dessus duquel planent toujours les ombres majestueuses de Sartre et Beauvoir)

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    11. La peau de chagrin- Honoré de Balzac (le plus touchant et allégorique)

    12. Le dernier jour d’un condamné -Victor Hugo (le plus introspectif)

    13. Le portrait de Dorian Gray -Oscar Wilde ( le plus troublant, dualiste, métaphorique et saisissant)

    14. Le rouge et le noir-Stendhal (le plus passionné, passionnel, passionnant, pour le talent de psychologue de Stendhal, sa  description si précise et bouleversante des élans amoureux, parce que la vie n’est belle que teintée de rouge et de noir)

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    15. Les Dieux ont soif - Anatole France (le plus « révolutionnaire », historique)

    16. Les Faux-monnayeurs - André Gide (le plus novateur, l’ancêtre du « nouveau roman »)

    17. Le silence de la mer-Vercors (le plus « résistant»)

    18. Les liaisons dangereuses -Choderlos de Laclos (le plus jubilatoire, le plus machiavélique aussi)

    19. Lettre à un jeune poète-Rainer Maria Rilke (celui qui me « porte » le plus)

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    20. Lutétia -Pierre Assouline (A quand une adaptation cinématographique ? Le plus  documenté, poignant aussi, l'Histoire à travers l'histoire d'un lieu emblématique) - Lire ma critique en cliquant ici_

    21. Madame Bovary - Gustave Flaubert (le plus juste tableau de la province, du romantisme et ses excès)

    22. Martin Eden-Jack London  (celui qui se dévore le plus rapidement, celui qui fait résonner le plus d’échos en moi peut-être)

    9c0d8eeb93a29836b81ae9c059f21d74.jpg23. Les Misérables -Victor Hugo ( l’un des plus beaux souvenirs de mes études, le roman le plus clairvoyant aussi )

    24. Rhinocéros-Eugène Ionesco (le plus « intemporel »,  malheureusement car toujours d’actualité)

    25. Roméo et Juliette-William Shakespeare (la plus belle et éternelle tragédie, évidemment)

    26.  Tartuffe -Molière (l'un et l'autre tant de fois imités...cachez cette hypocrisie qu'il sait si bien nous faire voir)

    27. Thérèse Raquin - Emile Zola (pour le naturalisme inégalable de Zola)

    28. Une vie – Maupassant (le plus désespéré, pessimiste, sans espoir, le plus sensible et tragique portrait de femme)

    29. Un tramway nommé désir - Tennessee Williams (le plus incandescent)

    A vous : Laissez, vous aussi, votre top 30...ou 29:-) (ou 20 ou 10 ou 5) et n’hésitez pas non plus à faire connaître ici des manifestations originales à l’occasion de « Lire en fête » si vous en connaissez…

    Je réalise que j’ai oublié de citer « Bel ami », et tant d’autres certainement, je réalise aussi qu’aucun roman policier ou qu’aucun roman britannique, deux genres que j’affectionne également, ne figurent dans cette liste, et j’ai aussi honteusement oublié Henry James...ce sera pour une prochaine fois !

    Sandra.M

  • In the mood for news (5) : semaine du 17 octobre

    Cette semaine  sortent 3 films dont je vous ai déjà parlé lors de divers festivals. 

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    79242ec6d7cf404f45d3a51eed0b1ca0.jpg Je vous recommande tout d’abord « Michael Clayton » premier film réalisé par le scénariste de la saga Jason Bourne, Tony Gilroy, un film présenté en avant-première au dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville, un polar sobre et rythmé (évidemment rien à voir avec « La vengeance dans la peau », modèle du genre, question rythme soutenu : ah la scène de la gare… !) sur les conflits entre morale et intérêts financiers. George Clooney y est impeccable en avocat charismatique et complexe, écartelé entre sa morale personnelle et son intérêt professionnel, (et rien que son personnage et son interprétation méritent le déplacement), avocat d’un des plus grands cabinets juridiques de New York qui arrange et par tous les moyens les affaires embarrassantes de ses clients et qui va découvrir que cette multinationale sans scrupules est prête à faire des millions de victimes pour s’enrichir, il ne peut alors plus échapper au choix qui s’impose à lui : étouffer la vérité ou la faire éclater, au péril de sa vie. Un film pour les amateurs de films américains des années 70, d’ailleurs Sidney Pollack est présent au générique. Bref, Tony Gilroy, scénariste reconnu est à suivre comme cinéaste ! 

     Vous pourrez voir des images et photos inédites de la conférence de presse et de l’avant-première de « Michael Clayton »  au Festival du Cinéma Américain de Deauville sur mon autre blog « In the mood for Deauville ». En cliquant sur le lien ci-après vous accéderez également à mon compte-rendu de la conférence de presse, mouvementée: http://inthemoodfordeauville.hautetfort.com/archive/2007/09/03/michael-clayton-de-tony-gilroy-conference-de-presse-et-avan.html#comments

    f126f0e994c0983c11ef2fc2c116ef5b.jpg Si vous avez envie d’un univers un peu moins sombre,  mais aussi plus conventionnel, vous pourrez toujours aller voir « Jane »  de Julian Jarrold (dont je vous ai récemment parlé, dans mon compte-rendu du denier Festival du Film Britannique de Dinard, voir mon compte-rendu et ma critique ici) qui relate la grande histoire d’amour de l’écrivain Jane Austen.

    Enfin,  si vous souhaitez un film carrément coloré (même si je ne vous le recommande pas…

    mais si vous y tenez…), allez voir  « For your consideration » de Christopher Guest, une comédie satirique sur le monde du cinéma, présenté en compétition officielle lors du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville, un film qui comprend une foule de clichés sur le cinéma et ses travers, sur la soif de célébrité et le cynisme de ceux qui gravitent autour.  Le sujet est caricaturé et survolé, dommage : on sourit, parfois. ( voir mon article sur la compétition officielle du Festival du Cinéma Américain de Deauville df46d16f251dbc3190f800492e5ee4f4.jpghttp://inthemoodfordeauville.hautetfort.com/competition_officielle/ )

    ce5d109de66c715d676a8bacbbce6d4b.jpgA noter également : la sortie cette semaine de « Secret sunshine » (que je n’ai pas vu) de Lee Chang-dong qui a valu à l'actrice Jeon Do-Yeon le Prix d'interprétation féminine au dernier Festival de Cannes.

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    Et vous pouvez toujours allez voir « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » d’Andrew Dominik, le film de l’année selon « In the mood for cinema » (voir ma critique ici), et « Un secret » de Claude Miller, le film français de l’année  (, voir ma critique ici, bon d’accord cela fait deux films de l’année… mais je persiste et signe : je vous les recommande vraiment, vivement, inconditionnellement) qui connaît un démarrage assez spectaculaire mais justifié avec plus de 700 000 entrées alors que Jean-Jacques Annaud connaît un échec cuisant avec « Sa majesté Minor » et seulement 88000 entrées sur 497 salles. J’avoue que la bande annonce m’a quelque peu découragée d’y aller… Euh...des avis positifs pour m’y inciter ?

    Sandra.M

  • « La fièvre dans le sang»-Elia Kazan-1961 : une fièvre (non) nommée désir…

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    Je vous ai déjà parlé, il y a 15 jours, du Ciné-Club du cinéma l’Arlequin, à Paris, rue de Rennes, à l’occasion de la projection de « Quand la ville dort» de John Huston. Dimanche dernier, le ciné-club projetait un autre classique du septième art américain, « La fièvre dans le sang » un film de 1961, signé Elia Kazan, un film que j’apprécie tout particulièrement notamment parce qu’il transfigure un apparent classicisme à de nombreux égards, et que j'ai donc revu avec plaisir à cette occasion.

    Dans une petite ville du Kansas, à la veille du Krach boursier de 1929 et en pleine prohibition, Deanie Loomis (Nathalie Wood) et Bud Stamper ( Warren Beatty) sont épris l’un de l’autre mais le puritanisme de l’Amérique des années 20, l’autoritarisme du père de Bud qui veut que son fils fasse ses études à Yale avant d’épouser  Deanie, la morale, et les vicissitudes du destin,  vont les séparer…

    Le titre original « Splendor in the grass » (Splendeur dans l’herbe) provient d’un poème de William Wordsworth, « Intimations of immortality from Reflections of Early Childhood »  qui dit notamment ceci: « Bien que rien ne puisse faire revenir le temps de la splendeur dans l’herbe…nous ne nous plaindrons pas mais trouverons notre force dans ce qui nous reste », ces vers sont repris au dénouement du film , ils reflètent toute la beauté désenchantée par laquelle il s’achève qui contraste tellement avec le premier plan du film qui symbolise tout le désir, toute la fureur de vivre (le film d’Elia Kazan n’est d’ailleurs pas sans rappeler le film éponyme de Nicholas Ray sorti 6 ans plus tôt) qui embrase les deux personnages : un baiser fougueux dans une voiture derrière laquelle se trouve une cascade d’une force inouïe, métaphore de la violence de leurs émotions qui emportent tout sur leur passage.  

    Si à de nombreux égards et lors d’une vision superficielle « La fièvre dans le sang » peut paraître caricatural et répondre à tous les standards du film sentimental hollywoodien (un amour adolescent, l’opposition parentale, et le caractère parfois caricatural des personnages et notamment des parents, ou encore le caractère caricatural du personnage de Ginny,  la sœur délurée et aguicheuse -interprétée par Barbara Loden- ) c’est aussi pour mieux s’en affranchir. Au-delà de ces clichés émane en effet de ce film une fièvre incandescente qui reflète magistralement celle qui enflamme les deux jeunes gens, en proie à leurs désirs qu’une mise en scène lyrique met en exergue. Le désir jusqu’à la folie, la névrose. « La fièvre dans le sang » est d’ailleurs d’une grande modernité par son évocation de Freud et de la psychanalyse. C’est aussi une réflexion sur les relations parents enfants, sur l’acceptation de l’imperfection (des parents autant que celles de l’existence).

    De nombreuses scènes rappellent la scène initiale qui résonne alors a posteriori comme un avertissement de la violence passionnelle et dévastatrice : la scène de la baignoire où, comme possédée par le désir, la rage, Deanie jure à sa mère qu’elle n’a pas été « déshonorée », dans un cri de désespoir, de désir, d’appel à l’aide ;  la robe, rouge évidemment, tenue comme un objet maléfique par l’infirmière ;  la cascade (d’ailleurs dramatiquement prémonitoire puisque Nathalie Wood est morte noyée en 1981, dans des circonstances mystérieuses, en tombant de son yacht appelé … « The Splendour » en référence au film de Kazan), la même que celle du début où Deanie tentera de se tuer ; les regards magnétiques que s’échangent Deanie et Bud etc.

    C’est aussi une critique de la société américaine puritaine et arriviste que symbolisent la mère étouffante de Deanie  qui l’infantilise constamment (qui craint donc que sa fille soit « déshonorée ») et le père autoritaire (mais estropié ou car estropié) de Bud, un film qui n’aurait certainement pas été possible à l’époque à laquelle il se déroule (la fin des années 1920) et qui l’était en revanche en 1961.

    C’est surtout son dénouement qui fait de « La fièvre dans le sang » un grand film, une fin qui décida d’ailleurs Elia Kazan à le réaliser comme il l’explique dans ses entretiens avec Michel Ciment, (« Ce que je préfère, c'est la fin. J'adore cette fin, c'est la meilleure que j'ai réalisée : il y a quelque chose de si beau dans cette scène où Deanie rend visite à Bud qui est marié. J'ai même du mal à comprendre comment nous sommes arrivés à ce résultat, ça va au-delà de tout ce que j'ai pu faire. C'est une happy end, au vrai sens du terme, pas au sens hollywoodien : on sent que Bud a mûri, on le voit à la façon dont il se comporte avec elle, et lorsqu'il prend sa femme dans ses bras pour la rassurer. C'est cette fin qui m'a donné envie de faire le film. »), une fin adulte, une happy end pour certains, une fin tragique, l’acceptation de la médiocrité, le renoncement à ses idéaux de jeunesse, pour d’autres. Je me situerais plutôt dans la seconde catégorie. Un fossé semble s’être creusé entre les deux : Bud a réalisé une part de son rêve et vit dans un ranch, marié. Quand Deanie lui rend visite dans une robe blanche virginale, il la reçoit le visage et les mains noircis, à l’image de ses rêves (certains) déchus. Les regards échangés si significatifs, si dénués de passion (pas sûr ?), où chacun peut y voir tantôt de la résignation, des regrets, de l’amertume,  rendent encore plus tragique cette scène, non moins magnifique.

    Le départ de Deanie en voiture laissant dans le lointain derrière elle Bud et avec lui : ses désirs, son adolescence, son idéalisme, nous arrache le cœur comme une mort brutale. Celle du passé à jamais révolu. Le gouffre insoluble et irréversible du destin.

    C’est  donc aussi la fin, et le renoncement qu’elle implique, en plus de la mise en scène lyrique d’Elia Kazan et l’interprétation enfiévrée de Nathalie Wood et Warren Beatty,  qui permet de transfigurer les clichés du film sentimental classique hollywoodien.

    Avec ce désir amoureux qui meurt, subsiste, malgré tout, un autre désir : celui de vivre. Sans la fureur. Sans la fièvre dans le sang. Peut-être seulement éclairé par le souvenir. Sans se poser la question du bonheur (Quand Deanie lui demande s’il est heureux, Bud répond qu’il ne se pose plus la question). C’est peut-être là le secret du bonheur : ne pas s’en poser la question…

    Ce film vous laisse le souvenir poignant, brûlant, magnétique, lumineux, d’un amour idéalisé, illuminé et magnifié par la beauté rayonnante, d’une force fragile, de Warren Beatty  (qui n’est pas sans rappeler Marlon Brando dans « Un tramway nommé  désir » du même Elia Kazan), et de Nathalie Wood (elle fut nommée pour l’Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle, en 1962).

    Un film fiévreux et enfiévré d’absolu, à fleur de peau, sombre et lumineux, rouge et blanc, d’eau et de feu, enflammé (de désir) et de la splendeur d’un amour de jeunesse.  Un film qui a la force et la violence, incomparable, à la fois désenchantée et enchanteresse, d’un amour idéalisé…ou plutôt idéal(iste).

    Peut-on se contenter de la médiocrité quand on a connu ou frôlé l’absolu ? Etre adulte signifie-t-il renoncer ?  Peut-on vivre heureux sans renoncer à ses idéaux de jeunesse ? Je ne crois pas (mais peu importe hein ! -Laissez-moi mes idéaux, mon intransigeance, non, mes idéaux, de jeunesse.- Et c’est d’ailleurs aussi cette fin déchirante paradoxalement qui me plait tant dans ce film) cette fin nous répond que oui, et à cet égard, elle est loin de la happy end à laquelle nous habitue le cinéma hollywoodien classique.

    Elia Kazan, qui passera toute sa vie a essayé de justifier ses dénonciations de metteurs en scène communistes, à la commission MacCarthy, en 1952, par ce film semble aussi critiquer la société américaine et donc aussi justifier ses propres erreurs, comme il tenta de le faire toute la fin de sa vie....

    En tout cas, un classique, un poème lyrique et sensuel doublé d’une critique sociale et un portrait de l’Amérique des années 20, à (re)voir ABSOLUment.

    Remarque : Dimanche prochain, le ciné-club projettera « Le plein de super » d’Alain Cavalier en sa présence, il viendra présenter le film puis en débattre après la projection.

    Filmographie d’Elia Kazan en tant que réalisateur :

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    Le Dernier Nabab (1977)

    Les Visiteurs (1972)

    L'Arrangement (1970)

    America, America (1964)

    La Fièvre dans le sang (1961)

    Le Fleuve sauvage (1960)

    Un Homme dans la foule (1957)

    La Poupée de chair (1956)

    A l'est d'Eden (1955)

    Sur les quais (1955)

    Viva Zapata ! (1952)

    Man on a Tightrope (1952

    Un Tramway nommé désir (1951)

    Panique dans la rue (1950)

    L'Héritage de la chair (1949)

    Le Mur invisible (1947)

    Boomerang ! (1947)

    Le Maître de la prairie (1946)

    Le Lys de Brooklyn (1945)

    Sandra.M