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Rechercher : Aymeric Cormerais

  • « Vous êtes de la police ? » de Romuald Beugnon : comédie policière tendrement caustique

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     Un inspecteur de police à la retraite, Simon, (Jean-Pierre Cassel) n’apprécie pas mais alors pas du tout d’être placé (de force, par sa fille, parce que vous en connaissez, vous, dont le rêve est de couler des jours maussades en maison de retraite ?) dans une résidence pour personnes âgées, encore moins quand la chambre proprette individuelle se transforme en « colocation » exiguë avec un vieillard gâteux. Dès son arrivée, Simon se lie d’amitié avec un autre « résident », Alfred, (Jean-Claude Brialy) l’ancien propriétaire des lieux dont la jovialité contraste avec la lassitude de la plupart des pensionnaires. Ce dernier décède dans des circonstances apparentées à un accident par la police et la direction de l’établissement. Mais Simon, seul témoin de « l’accident », persuadé qu’il s’agit d’un meurtre, décide de mener l’enquête avec l’aide de Francky, (Philippe Nahon) un autre pensionnaire aux allures de rocker adepte du karaoké (tiens, ça me rappelle quelque chose), et cleptomane. Les suspects ne sont autres que les pensionnaires : de la pimpante Jane Latour-Jackson ( Micheline Presle) à la directrice de l’établissement, Monique Laval (Marilyne Canto).

    Ce film a suscité une curiosité à quatre titres  ( la mienne en tout cas, celle des médias étant malheureusement, souvent, limitée, cadenassée, orientée vers ce qui rentre dans des cases, ce qui n’est pas le cas de ce film joyeusement hybride) tout d’abord parce qu’il s’agit ici du premier long métrage de Romuald Beugnon qui avait réalisé le sarcastique et tendre, émouvant et cruel « Béa » largement et justement primé dans de nombreux festivals et notamment au Festival du Film Romantique de Cabourg 2006, notamment pour les interprétations remarquables des deux interprètes Thérèse Roussel et Aymeric Cormerais. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une « comédie policière », genre périlleux et singulier. Egalement parce que les protagonistes sont des personnes âgées et que le cinéma, de plus en plus aseptisé et contraint à la frilosité, rechigne de plus en plus à filmer des visages ridés et las,… d’ailleurs pas forcément : débonnaires, malicieux,  aussi, parfois. Enfin, parce que c’est le dernier film de deux grands acteurs avec lesquels tout un pan de l’Histoire du cinéma français semble avoir disparu, emportés avec et par une « nouvelle vague » : Jean-Pierre Cassel et Jean-Claude Brialy.

    Avant tout c’est un film inclassable (et j’adore ce qui n’est pas classable, identifiable, résumable à un qualificatif insipide rassurant dans le journal tv.) :

    - Cela pourrait être seulement une chronique sociale, une vision personnelle, tendre et acerbe des maisons de retraite pudiquement appelées résidences, un portrait tendrement irrévérencieux des personnes âgées trop souvent cantonnées aux rôles secondaires ou à la figuration, bref à être juste tolérées. Il va bien falloir : vous allez être « enfermés » avec eux le temps du film, mais attendez, ne fuyez pas, c’est jubilatoire, inattendu, réjouissant.

    Le soir, les « résidents » sont en effet enfermés à clef dans leurs chambres, Francky chante le pénitencier lors du karaoké, seule réjouissance hebdomadaire, avec un enthousiasme débordant, à la fois ridicule et émouvant: la « pension » est parfois assimilée à une prison par ses pensionnaires  souvent infantilisés par le personnel dont Yolande Moreau, d’ailleurs parfaite dans son rôle d’infirmière mielleuse et autoritaire. Cette prison pour personnes âgées semble avoir emprunté son architecture carcérale à « Playtime » de Tati et « Vertigo » d’Hitchcock, à la fois absurde et inquiétante, rectiligne et circulaire.

    -Cela pourrait être seulement une comédie.  Derrière l’humour, savoureusement noir et réjouissant, et les dialogues, caustiques et cinglants (« Les vieux c’est l’avenir ») pointe la tendresse et derrière la tendresse, l’humour noir. L’un et l’autre affleurent constamment pour ne pas tomber dans la caricature, dans la comédie outrancière ou le  mélo pathétique. Un humour grinçant, oui mais mine de rien. Avec le sourire, l’élégance et la politesse du désespoir de Jean-Pierre Cassel.  Entre rire et émotion, toujours,  une scène emblématique de déclaration d’amour au karaoké (j’ai remarqué que dans tout bon film, ou presque, il y a une scène de chanson !) glisse subtilement du ridicule et du rire à l’émotion à l’enquête policière, une scène qui résume parfaitement ce film atypique et multiple.

    80fd1e2e5f8fe4e0e7c6e0be0faa324e.jpg-Cela pourrait être seulement un film policier inspiré d’Agatha Christie, avec Jean-Pierre Cassel en Hercule Poirot en fauteuil roulant. D’ailleurs la référence est clairement assumée avec une affiche qui rappelle étrangement celle du dernier film de Pascal Thomas « L’heure zéro », adaptation d’Agatha Christie. Romuald Beugnon lorgne pourtant davantage du côté de Claude Chabrol que de celui de Pascal Thomas : d’abord par le mélange d’humour noir, de comédie, de critique sociale (la présence du François du « Beau Serge » n’est peut-être pas étrangère à tout ça…) et par l’attention portée aux acteurs dont le jeu n’est pas  comme chez Pascal Thomas volontairement « faux » ou outrancier.

    C’est donc tout cela à la fois, un film de genre : critique sociale, film policier, comédie, film noir même (avec son incontournable femme fatale en la personne de Micheline Presle, toujours aussi étonnante !). Où les personnes âgées ne sont pas des boulets inanimés mais des êtres de chair (un peu), d’os (bon d’accord, beaucoup) et de sang (ici, aussi) qui aiment, trahissent, critiquent, 4cbaa14e67b3320be644737fcce1a2d8.jpgantipathiques, ou sympathiques, ambivalents, malicieux, sournois, calculateurs mais finalement toujours attendrissants. Comme dans « Béa » les comédiens (parfois non professionnels, ici) sont savamment choisis et témoignent d’une direction d’acteurs attentive : Micheline Presle est rayonnante, espiègle et aussi séduisante que séductrice, on retrouve avec plaisir Thérèse Roussel dans une scène savoureuse  de chamaillerie pour vol de vernis à ongle, et surtout Philippe Nahon, dans un rôle inhabituel, attachant, d’une force comique inattendue exacerbée par son costume et sa dégaine improbable et ses « sales » manies (le karaoké, la cleptomanie), lequel a d’ailleurs remporté un prix d’interprétation au Festival de Saint-Jean de Luz 2007.

    Comme dans « Béa » ce sont les personnes âgées qui ont le dernier mot, le dernier regard, qui mènent la danse, endiablée. Loin de l’infantilisation, la victimisation à laquelle on veut les réduire, ils  prennent le pouvoir pour notre plus grand plaisir ! C’est finalement un film très malin qui nous amuse et nous captive tout en nous faisant réfléchir, qui fait oublier l’âge des protagonistes par leur fantaisie et leurs envies : de vivre, de plaire, de s’amuser. Et qui nous les rappellent. Mine de rien, encore.

    Quant à Jean-Pierre Cassel et Jean-Claude Brialy, on ne peut s’empêcher d’éprouver un certain malaise surtout quand ce dernier se voit gratifié d’un « va mourir » par un des pensionnaires, ce qu’il fait dans le film… Ironie cruelle du destin et de la fiction.

    Donc irrévérencieux, ludique, tendrement cruel, réjouissant et drôle : soyez de la police avec Romuald Beugnon chanteur (un tout tout petit peu), magicien (beaucoup) et metteur en scène et directeur d’acteurs (passionnément!). Les frères Dardenne (qui coproduisent le film) ne s’y sont pas trompés…

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    Le film vu hier à Paris n’y est plus projeté et ne passe malheureusement plus que dans 12 salles en province…

    Sites officiels:

    -Site officiel du film: http://www.vousetesdelapolice-lefilm.com/

    Journal du film: http://romualdbeugnon.com/blog/

    Sandra.M

  • Festival de Cannes 2024 – Cannes Première – Critique – LE ROMAN DE JIM de Arnaud Larrieu et Jean-Marie Larrieu

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    En salle Debussy où était projeté le dernier film des frères Larrieu, sélectionné dans la section Cannes Première, c’est une longue ovation debout qui a traduit l’émotion qui a envahi le public à l’issue de la projection de ce film poignant et d'une grande douceur que je vous recommande d’emblée vivement.

    Le roman de Jim est l’adaptation du livre éponyme Pierric Bailly sorti en mars 2021. Par le truchement de sa maison d’éditions, P.O.L, l’auteur a fait parvenir son roman aux frères Larrieu dont il admire le cinéma.

    Aymeric (Karim Leklou) retrouve Florence (Laetitia Dosch), une ancienne collègue de travail, au hasard d’une soirée à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Aymeric sort de prison. Quand Jim nait, Aymeric est là. Ils passent de belles années ensemble, jusqu'au jour où Christophe (Bertrand Belin), le père naturel de Jim (Eol Personne à 7 et 10 ans puis Andranic Manet à 23 ans), débarque... Ça pourrait être le début d’un mélo, c’est aussi le début d’une odyssée de la paternité.

    Dès le début se dégage du personnage du personnage d’Aymeric incarné par Karim Leklou beaucoup d’humanité et de gentillesse (« T’es gentil », lui dit ainsi Florence. « On me dit souvent que je suis gentil », répond-il), mais aussi d’empathie, celle, aussi, avec laquelle les Larrieu regardent chacun des personnages de ce film qui, tous, exhalent une vraie présence. Aymeric sort de prison pour un larcin dans lequel il s’est laissé embarquer, il a payé pour les autres, sans les dénoncer. Pour tout, d’ailleurs, Aymeric semble se laisser embarquer. Il regarde le monde à travers son appareil photo, toujours avec une profonde gentillesse, avançant avec discrétion.

    Joie et tristesse, douceur et cruauté des sentiments, tout cela se mêle habilement, sans esbroufe.  Karim Leklou interprète son personnage, si touchant, doux et vélléitaire, avec une infinie délicatesse et une grande générosité. Ce mélo décrit les nouvelles formes de paternité avec beaucoup de subtilité et de pudeur. Elles s’incarnent dans le personnage d’Aymeric, avec sa tendresse tranquille et communicative qui nous bouleverse subrepticement. Le roman de Jim, c’est aussi son histoire à lui, Aymeric, celle de sa renaissance.

    Laetitia Dosh ne démérite pas face à lui, libre, déjantée, un peu perdue, aimant mal. Sara Giraudeau, elle aussi est une femme libre et un peu perdue, professeure qui passe ses week-ends à danser et qui ne veut pas d’enfant, personnage salutairement iconoclaste et bienveillant qui saura regarder Aymeric et lui apporter sa vision solaire et généreuse de la vie.

    L’auteur compositeur et interprète Bertrand Belin joue le rôle de Christophe (il avait déjà joué dans le dernier long-métrage des Larrieu, Tralala, en 2021), auquel il apporte une présence évanescente et mélancolique qui sied parfaitement à ce personnage de père biologique. Il signe également la musique en collaboration avec Shane Copin.

    Les émotions contenues sont traduites par les délicates notes de piano auxquelles s’ajoutent de nombreux instruments pour signifier la joie et la respiration qu’inspirent les paysages du Jura. Shane Copin signe la musique électronique de Jim, aux Nuits Sonores, le festival de musique électro de Lyon, à la fin du film. La ballade de Jim d’Alain Souchon vient à point nommé là aussi pour instiller une note supplémentaire d’émotion et de tendresse. 

    Moins débridé que leurs autres films, parsemé d’une émotion contenue, avec Le roman de Jim, les Larrieu se sont surtout centrés sur leurs personnages, attachants, cabossés, incarnés par de remarquables comédiens.

    On ressort du Roman de Jim avec un sentiment de joie et de sérénité, gaiement bouleversés. On se souvient alors de la phrase de Florence au début du film : « C’est assez rare l’amour en fait ». Le roman de Jim est avant tout cela, un roman d’amour(s). Rare.

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  • COMPTE-RENDU ET PALMARÈS DES PARIS FILM CRITICS AWARDS 2025

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    La 4ème Cérémonie des Paris Film Critics Awards s’est déroulée ce dimanche 9 mars, à l’Hôtel Le Royal Monceau-Raffles Paris. Créés par Sam Bobino (fondateur et co-président du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule -vous pouvez retrouver ici mon compte-rendu de la dernière édition de ce festival qui célébrait ses 10 ans-, délégué général de la Semaine du Cinéma Positif à Cannes) et inspiré des New York Film Critics Circle Awards ou des Los Angeles Film Critics Association Awards, ces prix, décernés par chaque année par une assemblée de plus d'une centaine de journalistes de cinéma et culture parisiens dont j’ai le plaisir de faire partie, récompensent les meilleurs films français comme étrangers, sortis en salle ou diffusés sur les chaines de télévision et les plateformes en France durant l’année 2024, ainsi que les meilleures séries.

    L’an passé, lors de la troisième édition des Paris Film Critics Awards, en tête des lauréats figuraient  2 films (4 récompenses chacun) pour lesquels j'avais partagé longuement mon enthousiasme ici : Anatomie d’une chute de Justine Triet  (meilleur film, meilleure actrice pour Sandra Hüller, meilleur scénario original, meilleur montage) et Babylon de Damien Chazelle (meilleur réalisateur, Brad Pitt meilleur acteur dans un second rôle, meilleure musique originale, meilleurs décors).

    Cette année, Le Comte de Monte-CristoEmilia Pérez et The Substance figuraient en tête des nominations réparties en 19 catégories (plus trois prix spéciaux ou d’honneur). Avec 11 nominations, le film de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, Le Comte de Monte-Cristo faisait partie des grands favoris dans la course aux Paris Film Critics Awards 2025 au même titre que Emilia Pérez de Jacques Audiard qui obtint 10 nominations, suivis de The Substance de Coralie Fargeat avec 7 nominations.

    Le palmarès de la première édition des Paris Film Critics Awards avait couronné beaucoup de films français et avait ainsi témoigné de la diversité de la production cinématographique française, ce qui fut d'ailleurs à nouveau le cas l’an passé. En 2022, c’est le long-métrage de Xavier Giannoli, Illusions perdues, qui avait reçu le Paris Film Critics Awards du meilleur film tandis que son acteur Vincent Lacoste recevait celui du meilleur second rôle masculin pour cette adaptation magistrale du chef-d’œuvre de Balzac. Vous pouvez retrouver mon compte-rendu complet de cette première édition des Paris Film Critics Awards ainsi que le palmarès, dans mon article, ici. En 2023, La Nuit du 12 avait été élu meilleur film de l’année. Le film de Dominik Moll avait également reçu le prix de la meilleure adaptation et du meilleur second rôle féminin par Anouk Grinberg. Je vous invite à lire mon récit complet de la cérémonie 2023 et le détail du palmarès ici.

    L’an passé, c'était donc à nouveau un film français qui avait reçu le Paris Film Critics Award du film de l'année (retrouvez ici mon compte-rendu et le palmarès complet des Paris Film Critics Awards 2024). Cette cérémonie avait également rendu hommage à deux figures marquantes du cinéma international en attribuant un prix d’honneur à Vincent Lindon et un prix pour l’ensemble d’une carrière à Jerry Schatzberg (à l’issue de la cérémonie avait été également diffusé le documentaire de Pierre FilmonJerry Schatzberg portrait paysage). Un prix de la contribution exceptionnelle au cinéma avait également été attribué au critique de cinéma récemment disparu, Michel Ciment.

    Cette année, lors de la cérémonie présentée avec bonne humeur et professionnalisme par le journaliste Vincent Perrot, l’académie des Paris Film Critics Awards a particulièrement distingué le film de Jacques Audiard Emilia Perez avec 4 awards : meilleur film, du meilleur montage,  meilleur second rôle féminin et meilleure musique. Ce film inclassable constamment inventif, mêlant danse, chansons, drame, comédie, film noir, mélodrame, télénovela etc…tout en étant toujours aussi juste et captivant, nous achève joyeusement avec le dénouement, une procession lors de laquelle est entonnée en espagnol la sublimement mélancolique chanson de Brassens, Les Passantes. Une chanson à l’image du film : une ode aux femmes. Bouleversante.

    The Substance est reparti avec 2 awards (meilleure réalisatrice pour Coralie Fargeat et meilleure actrice pour Demi Moore) tout comme Le Comte de Monte-Cristo (meilleurs décors et  meilleurs costumes). 

    Le récemment césarisé Karim Leklou décroche là aussi le titre de meilleur acteur de l'année pour Le Roman de Jim des frères Larrieu dans lequel il incarne Aymeric, avec beaucoup d’humanité et de gentillesse (« T’es gentil », lui dit ainsi le personnage de Florence. « On me dit souvent que je suis gentil », répond-il), mais aussi d’empathie, celle, aussi, avec laquelle les Larrieu regardent chacun des personnages de ce film qui, tous, exhalent une vraie présence. Aymeric sort de prison pour un larcin dans lequel il s’est laissé embarquer, il a payé pour les autres, sans les dénoncer. Pour tout, d’ailleurs, Aymeric semble se laisser embarquer. Il regarde le monde à travers son appareil photo, toujours avec une profonde gentillesse, avançant avec discrétion. Joie et tristesse, douceur et cruauté des sentiments, tout cela se mêle habilement, sans esbroufe.  Karim Leklou interprète son personnage, si touchant, doux et vélléitaire, avec une infinie délicatesse et une grande générosité. Ce mélo décrit les nouvelles formes de paternité avec beaucoup de subtilité et de pudeur. Elles s’incarnent dans le personnage d’Aymeric, avec sa tendresse tranquille et communicative qui nous bouleverse subrepticement. Le roman de Jim, c’est aussi son histoire à lui, Aymeric, celle de sa renaissance. Moins débridé que leurs autres films, parsemé d’une émotion contenue, avec Le roman de Jim, les Larrieu se sont surtout centrés sur leurs personnages, attachants, cabossés, incarnés par de remarquables comédiens. On ressort du Roman de Jim avec un sentiment de joie et de sérénité, gaiement bouleversés. On se souvient alors de la phrase de Florence au début du film : « C’est assez rare l’amour en fait ». Le roman de Jim est avant tout cela, un roman d’amour(s). Rare.

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    Karim Leklou et Sam Bobino, Crédit photo David Boyer

    Sur ses 11 nominations, Le Comte de Monte-Cristo a récolté deux récompenses, dévolues aux costumes (Thierry Delettre) et aux décors (Stéphane Taillasson). Le Comte de Monte-Cristo (dont vous pouvez retrouver ma critique complète en podcast ici ou dans cet article) est donc à la fois un succès du public (plus de 9 millions d’entrées au box-office français) et de la critique (ici en tête des nominations, 11). Un succès mérité pour ce film spectaculaire comme le cinéma hexagonal n’en faisait plus, qui transporte avec lui les souvenirs de cinéma de l’enfance, quand cet écran géant nous embarquait dans des aventures de héros tourmentés et intrépides, plus grandes que la vie, ou pour les plus rêveurs d'entre nous, à l’image de ce que nous l’imaginions devenir. Trépidante. Périlleuse. Romanesque. Traversée du vertige des grands sentiments. L’interprétation, la photographie, le montage, la musique, les décors et enfin le rythme, parent ce film de la plus belle des vertus : l’oubli du temps qui passe, l'oubli du fait que la vie n’est pas du cinéma, qu’il n’est pas possible de devenir un héros masqué. Ce film témoigne du pouvoir inestimable du cinéma de nous faire renouer avec les vestiges et les vertiges de l'enfance.

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    Thierry Delettre et Stéphane Taillasson, crédit photo David Boyer

    Abou Sangaré a reçu le prix, mérité, de la meilleure révélation masculine pour le remarquable L’histoire de Souleymane ( qui était nommé quatre fois : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure révélation masculine, meilleur scénario original, meilleure photographie) avec sa fin poignante qui nous laisse épuisés et abasourdis comme si nous avions nous aussi vécu ces deux jours de course après le temps. Un film profondément humaniste, haletant, entre documentaire, film social et thriller, porté par un acteur non-professionnel qui est une vraie révélation dont vous n’avez pas fini d’entendre parler.

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    Le Paris Film Critics Award du scénario original a été attribué au film de Mohammad Rasoulof,  Les Graines du Figuier sauvage, qui ausculte brillamment la déshumanisation à l’œuvre dans les régimes totalitaires, et en l’occurrence le régime iranien. En plus d’être formellement époustouflant, remarquablement interprété, ce huis-clos aux frontières du thriller n’a eu « que » le prix spécial du jury à Cannes et aurait mérité la palme d’or. La tension croissante et l’intensité constante du film doivent beaucoup aussi à son scénario parfait. Sans compter le courage exceptionnel de son réalisateur et son équipe pour le tourner.

    Pierre Lottin a reçu le Paris Film Critics Award du meilleur second rôle pour dans le film de François Ozon, Quand vient l'automne. Un film dans lequel règne un sentiment de tension, renforcé par la musique atmosphérique (thème au piano) de Sacha et Evgueni Galperine. Un film ensorcelant et chamarré comme les couleurs de l’automne (magnifique photographie de Jérome Alméras), doux et cruel, savoureusement ambigu, qui célèbre autant l’automne de la vie que cette saison et qui s’achève, comme toujours chez Ozon, par la fin logique d’un cycle, entre trouble et apaisement. Passionnant de la première à la dernière minute. Ce Quand vient l’automne vaut avant tout par ses personnages troubles et troublants, aux couleurs lunatiques comme celles de l’automne (comme Vincent le fils de Marie-Claude qui sort de prison et dont on sait seulement « qu’il a fait des bêtises », incarné par Pierre Lottin, inquiétant, écorché vif), mais aussi pour l’atmosphère automnale, faussement douce. Retrouvez ma critique sur Inthemoodforcinema.com, ici, et en podcast, là.

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    Le Paris Film Critics Award de l’adaptation a été attribué à La Plus précieuse des marchandises, le film de Michel Hazanavicius également nommé comme meilleur film d’animation. Des années après Benigni, Hazanavicius a osé à son tour réaliser un conte sur la Shoah, qui est avant tout une ode à la vie sobre et poignante, qui use intelligemment du hors champ pour nous raconter le meilleur et le pire des hommes, la générosité, le courage et la bonté sans limites (représentées aussi par cette Gueule cassée de la première guerre mondiale incarnée par la voix de Denis Podalydès)  et la haine, la bêtise et la cruauté sans bornes, et qui nous laisse après la projection, bouleversés, avec, en tête, les voix de Grégory Gadebois et Jean-Louis Trintignant, mais aussi cette lumière victorieuse, le courage des Justes auquel ce film rend magnifiquement hommage et cette phrase, à l’image du film, d’une force poignante et d’une beauté renversante  : « Voilà la seule chose qui mérite d’exister : l’amour. Le reste est silence ».

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