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livres - Page 4

  • Proclamation du 41ème Grand Prix des Lectrices de Elle 2010

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    Le cinéma est loin d'être ma seule passion, mon goût immodéré pour la lecture l'a même précédée et c'est une autre longue histoire dont je vous parlerai peut-être un jour. Le Grand Prix des Lectrices de Elle permet ainsi à des lectrices du magazine (suite à un questionnaire et une critique de livre) d'être sélectionnées pour faire partie de ce jury qui existe depuis 41 ans et qui, chaque année, couronne un roman, un document et un policier. Je faisais ainsi partie du jury 2010, vous avez ainsi pu lire ici mes critiques d'un certain nombre des 28 livres reçus.

     Hier soir, dans les fastueux salons France-Amériques de l'Avenue Franklin Roosevelt avait lieu la proclamation des résultats précédée d'un débat informel avec les lauréats, chacun d'eux s'installant à la table des jurées pour répondre à leurs questions. Eric Fottorino dont j'avais particulièrement aimé le livre "L'homme qui m'aimait tout bas" (voir critique plus bas) a été le premier à se prêter à l'exercice prouvant une nouvelle fois que la simplicité, la gentillesse et l'humilité sont les marques du talent.

    Voici un petit résumé de ses propos: Ecrire pour lui revient à élucider une vérité sur lui-même. La disparition de son père lui a fait tomber le masque du roman. L'écriture a été pour lui une forme de thérapie. "L'écriture c'est toujours imparfait mais de toutes les imperfections c'est celle qui m'a parue la plus à ma portée". Il a également abordé les réactions de son entourage à la lecture de ce livre très personnel avec d'une part l'idée que le livre leur restituait quelque chose et gardait vivant quelqu'un qui était mort et d'autre part l'idée que cela n'intéresserait personne. Eric Fottorino a également parlé du livre qu'il vient de publier qui cette fois évoque son père biologique voulant que "ce livre soit pour un vivant".  "Je le connais depuis 2006 donc j'ai voulu comprendre quelque chose de lui, qui il était, ses origines". "Ce n'est pas le chemin qui est difficile,  c'est le difficile qui est le chemin." Ce texte est pour lui comme une "lutte contre la montre". "Est-ce que les mots peuvent faire quelque chose contre la mort?" Eric Fottorino a notamment demandé à son père biologique ce que c'était pour lui que d'être juif. "Etre juif c'est avoir peur" a répondu ce dernier. "Avec ce livre j'ai voulu revisiter nos rendez-vous manqués. J'ai toujours fait en sorte que nos rendez-vous n'aient pas lieu car j'aurais eu l'impression de trahir mon père "[ celui évoqué dans "L'homme qui m'aimait tout bas]. "Ecrire est une façon de crier en silence".

    C'est ensuite Véronique Ovaldé qui est intervenue accompagnée de son éditrice. L'une et l'autre ont évoqué la manière de travailler ensemble, en osmose à voir leur complicité, et l'admiration de la seconde pour la première, et Véronique Ovaldé a notamment parlé de son processus d'écriture (elle écrit une première phrase dont elle déroule ensuite le fil, l'importance des noms dans ses romans, l'importance des lieux imaginaires aussi...) et tout ce qui lui échappe, la part d'inconscient dont son éditrice relie les éléments épars.

    Le débat a été suivi de la photo des jurées et des lauréats et d'un coctktail au cours duquel j'ai eu le plaisir de faire connaissance avec plusieurs autres jurées lectrices de ce blog (un grand plaisir du blog que de faciliter les échanges, j'espère que cette fois celles qui sont venues me voir oseront laisser un commentaire:-)) et d'autres jurées blogueuses comme Marie-Claire d' "A bride abattue" avec qui j'échangeais par email déjà depuis un moment.

    Puis ce fut l'heure de la proclamation des résultats en présence de nombreux écrivains comme Philippe Grimbert, l'auteur du sublime "Un Secret", Franz-Olivier Giesbert, Gonzague Saint-Bris...

    Si j'ai eu beaucoup de plaisir à lire ces livres, à découvrir des styles de livres ou des univers vers lesquels je ne serais pas allée spontanément (je lis et relis en général plus de littérature classique que de littérature contemporaine et je lis en général très peu de témoignages ou "documents"), à déballer chaque mois mon paquet cadeau contenant la précieuse littérature, j'avoue regretter un peu que les lectrices faisant partie du jury soient uniquement des numéros. Je vais aussi retrouver le plaisir de glaner dans les librairies et ma bibliothèque et de faire mes propres choix de lecture. Si vous aimez lire, si vous avez du temps (le rythme est assez soutenu), je vous recommanderais néanmoins l'expérience.

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    Je vous laisse découvrir les noms des lauréats, trois livres qui ont en commun le thème de la filiation.

    PRIX DES LECTRICES DE ELLE 2010 CATEGORIE ESSAI/ DOCUMENT:  "L'homme qui m'aimait tout bas" d'Eric Fottorino

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    Le livre commence par ces mots : « Le 11 mars 2008 en fin de journée, dans un quartier nord de La Rochelle,  mon père s'est tué d'un coup de carabine ».  Une mort violente, brutale...même si cela frôle le pléonasme. Une mort  en tout cas incompréhensible. L'occasion et la nécessité pour l'écrivain de revenir sur ses liens avec ce père qu'il aimait tant et qui « l'aimait tout bas », qui « préféra toujours le silence aux paroles », à ce père dont il s'est inspiré pour tant de  ses personnages. Ecrire pour continuer à vivre. Malgré l'incompréhension. Atténuer la douleur incommensurable, perpétuelle, insoluble, la colère, la culpabilité si éprouvante. Une manière de ne pas le faire disparaître. Ce père adoptif qui lui donnera une identité en l'adoptant, à 9 ans.

    Eric Fottorino, directeur du Monde et auteur depuis 1991, dresse ici le beau portrait d'un homme courageux, généreux, discret, secret même, charismatique, libre avant tout, et de son existence entre Nice et Tunis, des liens pudiques qu'ils ont tissés au fil des années, de leur passion commune pour le cyclisme, de leurs silences respectueux et empreints de tendresse. Le portrait du personnage qu'il était, qu'il devient à part entière, le rendant immortel par la magie, la douceur, le pouvoir des mots. Le faisant revivre ainsi un peu le temps de raviver les souvenirs. Le temps de s'adresser à lui parfois directement sans  doute emporté par les mots et la colère de se heurter à un mur de silence éternel et de douleur insondable.

    Une manière d'exprimer la colère contre cet insoluble silence et mystère, de partager, soulager un peu, cette mort, ce vide qu'un lieu, un geste, un nom rappellent quotidiennement, impitoyablement. En exergue la phrase de Montherlant évoque le poids de cette douleur « Ce sont les mots qu'ils n'ont pas dits qui font les morts si lourds dans leur cercueil ».

    Il a sans doute fallu beaucoup de douleur et de courage pour évoquer avec tant de sincérité et de pudeur un lien si  personnel. Si personnel, intime, mais aussi si universel grâce au talent de son auteur qui, jamais, ne tombe dans le pathos et nous livre ici un témoignage d'amour, de douleur  nostalgique et poignant en lequel quiconque a éprouvé la profondeur et la violence du chagrin vainement révolté face au deuil se reconnaîtra forcément, touché en plein coeur.

    PRIX DES LECTRICES DE ELLE 2010 CATEGORIE POLICIER: "Les Visages" de Jesse Kellerman

    vsaiges.jpg"Les Visages" est un polar se déroulant  à New York, élu meilleur thriller de l'année par le New York Times. Le roman commence dans une galerie d'art, plus précisément celle dont Ethan Muller est propriétaire. Il découvre une série de dessins d'une qualité exceptionnelle dont le mystérieux auteur qui vit dans un appartement miteux, Victor Crack, a disparu... Cela n'empêche pas Ethan Muller de vendre ses dessins jusqu'à ce qu'un policier à la retraite reconnaisse sur certains portraits de Victor Crack les visages d'enfants victimes d'un mystérieux tueur en série, des années plus tôt. Ethan va alors mener sa propre enquête qui va le mener bien plus loin qu'il ne l'aurait imaginé...et que le lecteur l'aurait sans doute imaginé.

    Ma première réaction a été de me dire : encore une histoire sordide et en plus de disparitions ou meurtres d'enfants, sujets déjà abordés dans deux autres romans de la sélection (celui-ci, pour le sordide; et celui-là, mon préféré des trois). Le livre est précédé d'une citation de Dubuffet : « Le vrai art est toujours là où on ne l'attend pas. Là où personne ne pense à lui ni ne prononce son nom. L'art déteste être reconnu et salué par son nom. Il se sauve aussitôt » puis les premiers mots du narrateur sont « Au début, je me suis mal comporté. » Ces deux citations pourraient résumer ce roman qui est d'abord un portrait du monde l'art contemporain à New York, un monde cynique et opportuniste. C'est aussi l'histoire d'un homme qui s'est « mal comporté », et qui peu à peu va tisser des liens inattendus avec son passé. Un homme qui, à l'image de ce roman, est plutôt antipathique, et va nous emporter bien malgré nous dans son histoire.

    Il faut dire que Jesse Kellerman ne ménage pas les techniques et les rebondissements pour y parvenir. D'abord, le personnage principal narrateur s'adresse régulièrement au lecteur, faisant preuve d'autocritique et d'autodérision, histoire d'avoir l'empathie du lecteur en attendant d'emporter sa sympathie. Puis, alors que l'attention du lecteur aurait pu faiblir, il « met en scène » des interludes (qui se reproduiront à divers passages du roman) dont le premier nous renvoie au 18ème siècle et nous plonge dans l'histoire passée des ancêtres d'Ethan, une histoire passée qui va rejoindre et éclairer le présent. Ensuite, il manie avec dextérité le langage, l'adaptant judicieusement aux personnages dont il transcrit les pensées, évitant un ton monocorde et ennuyeux. Enfin, l'astucieux renversement de situation final nous laisse forcément une forte impression.

    Plus qu'un polar, « Les Visages » est d'abord une réflexion souvent ironique, et lucide, sur l'art contemporain mais c'est  aussi et surtout une histoire de filiation, une histoire qui relie habilement passé et présent, et dont les visages qu'il révèle sont autant ceux des tableaux, des victimes que les vrais visages, à nu, d'un père et son fils. C'est finalement la partie la plus intéressante du roman, l'intérêt principal étant de nous plonger dans les pensées de l'un et de l'autre qui ne se parlent plus et dont les fêlures et les blessures sont finalement si proches.  L'intérêt aussi de montrer un homme écartelé, Ethan. Entre deux femmes (l'une représentant son passé, cynique et indépendante, l'autre son potentiel avenir, plus douce et tentant de le relier à des racines). Entre deux vies possibles.

    Mais ce qui m'a à nouveau marquée dans ce roman, c'est l'utilisation de « recettes » très cinématographiques. La voix du narrateur ressemble à une voix off avec cette dérision dont savent faire preuve un grand nombre de voix off dans les films américains. Avec ses flashbacks. Avec son rebondissement final destiné à nous laisser forte impression, une image forte.  Avec ce langage très direct qui vise l'efficacité avant tout.

     La construction est donc extrêmement habile, et ne révèle son ingéniosité et son vrai visage qu'à la toute dernière page. Malgré mes réticences initiales liées au sujet, malgré certains passages qui, au cinéma, pourraient être qualifiés de racoleurs, Jesse Kellerman a un indéniable talent pour tenir le lecteur en haleine, le dérouter et le surprendre...même si une description encore plus précise du milieu de l'art  lui aurait procuré davantage encore de profondeur.

    PRIX DES LECTRICES DE ELLE 2010 CATEGORIE  ROMAN: "Ce que je sais de Vera Candida" de Véronique Ovaldé

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    Véronique Ovaldé nous emmène dans une Amérique du Sud imaginaire, sur l'île de Vatapuna, où naissent trois femmes d'une même lignée avec le même destin : enfanter une fille sans jamais pouvoir révéler le nom du père. Elles sont toutes éprises de liberté, téméraires mais aussi mélancoliques et victimes de la même triste fatalité. Seule Vera Candida osera briser les chaînes du destin, prendre son destin en main en fuyant Vatapuna dès ses 15 ans et en partant pour le continent,  à Lahomeria, pour se forger une nouvelle vie, sans passé... C'est aussi là qu'elle rencontre Itxaga, journaliste à l'Indépendant.

    L'idée de ces chaînes du destin et de la fatalité qu'une femme brisera était aussi judicieuse qu'intéressante. Tout comme celle de ces lieux à la fois imaginaires et si réalistes, empreints de la chaleur, de la moiteur d'une Amérique du Sud qui n'échappe pas à la corruption. Sans doute  l'écriture de Véronique Ovaldé est-elle vive et marquée d'une certaine légèreté (d'humour même), idée plutôt astucieuse pour évoquer les passés de ces femmes qui sont de véritables fardeaux.

    Véronique Ovaldé a un style bien à elle mais qui semble tellement maniéré (phrases interminables, parfois des majuscules quand il n'en faut pas ou sans majuscules quand il en faudrait...) que cela en perd (à mes yeux) tout intérêt. Je n'ai rien contre la modernité littéraire revendiquée et marquée par des audaces stylistiques, même parfois hasardeuses, même quand elle prend des libertés avec la grammaire ... à condition que cela ne freine pas la lecture et l'enrichisse d'une manière ou d'une autre. En ce qui me concerne, cela a constitué un frein à l'envie de savoir ce qu'elle savait de Vera Candida....  Pour moi trop de style et surtout d'obstination à en faire preuve et le démontrer, tue le style et surtout le fil de l'histoire.  Le titre en est un parfait exemple...

    Et puis je suis un peu lasse de ces destins sordides que je retrouve livres après livres (de cette sélection en tout cas), quels qu'en soient les lieux et époques.

     Véronique Ovaldé signe ainsi certes des portraits de femmes fortes que je n'ai néanmoins pas réussi à trouver attachantes. Les chaînes de leurs destins transforment ce qui aurait pu être des contes enchanteurs en contes désenchantés. Un livre qui aura au moins le mérité de nous parler d'ici (un "ici ailleurs" néanmoins souvent glauque) en nous emmenant ailleurs. Il faut ainsi reconnaître que Véronique Ovaldé parvient à nous faire croire en cet ailleurs... tout en nous dissuadant d'y aller !

    delicatesse.jpgEt en guise de conclusion, je vous propose la critique du roman que j'ai préféré de toute la sélection et que je vous recommande vivement: "La Délicatesse" de David Foenkinos, David Foenkinos dont je me souvenais de la louable discrétion (là où d'autres cherchaient grossièrement à accaparer l'attention...non, non, je ne citerai pas de noms...) au Forum International Cinéma et Littérature de Monaco (une raison qui en vaut bien une autre :-)).

    « La Délicatesse » est le huitième roman de David Foenkinos. Ce pourrait être un premier. Pour la fraîcheur. Pour son apparente légèreté. Pour le plaisir inédit que sa lecture procure.  

     C'est l'histoire d'une femme qui va être surprise par un homme. Réellement surprise.

     Un livre dont l'auteur ose l'intituler « La délicatesse » dans une société (pas seulement littéraire) souvent brutale, cela force déjà le respect. Un livre qui nous parle des hasards des rencontres, de celles qui vous font d'autant plus chavirer qu'elles sont inattendues voire improbables, cela force l'attention. Et un livre qui nous parle des surprises du destin, cela (ren)force mon intérêt.

     Et puis, surtout, au-delà de la thématique, il y a la délicatesse avec laquelle David Foenkinos décrit ses personnages, ses situations, et avec laquelle son écriture, à la fois pudique et sensuelle, nous charme, progressivement, là et quand on ne l'attend pas comme ce Markus qui, dans le roman, charme Nathalie. Il pourrait aussi être un double de l'auteur puisque c'est avec le langage que Markus charme Nathalie. Avant tout.

     Son écriture sensible émaillée d'une réjouissante fantaisie (aphorismes, digressions aussi savoureuses que décalées) fait de ce roman une passionnante histoire autant qu'une aventure ludique pour le lecteur que Foenkinos, avec, décidément, une délicatesse quasiment amoureuse, n'oublie jamais, ce qui n'est finalement pas si courant...

     Et même s'il est aussi question de deuil, le second degré est là pour dédramatiser, sans pour autant effacer  l'émotion, bel et bien présente, qui nous fait accompagner Nathalie dans sa renaissance amoureuse.

     On se dit que Stéphane Brizé pourrait en faire un très beau film sur le deuil et l'espoir, avec une ironie salutaire qui ne nous touche pas moins en plein cœur, avec douceur, sincérité et humour ... tout en délicatesse donc. Et que ce livre a aussi quelque chose de truffaldien. Finalement intemporel. Il a aussi le charme incomparable des rencontres impromptues.

     Avec Foenkinos, la littérature n'est pas sinistre mais joyeuse car lucide, ludique, romantique, anticonformiste. Et il nous fait croire (ou nous conforte dans l'idée, selon notre degré d'optimisme) que la vie peut agréablement nous surprendre au moment où on s'y attend le moins. Pouvoir inestimable de certains (rares) auteurs...  

    (D'autres vidéos viendront compléter cet article dans la journée).

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  • Un après-midi au Salon du Livre 2010

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    Rassurez-vous : l'actualité cinématographique reviendra dès demain sur inthemoodforcinema.com mais cette année, plus que jamais, le salon du livre était pour moi incontournable puisque, membre du jury littéraire des lectrices de Elle 2010 (à propos, si vous voulez accéder au questionnaire pour faire partie du jury 2011, c'est ici), j'étais invitée au "Salon vip" pour rencontrer quelques uns des auteurs en sélection, dont certains de de mes coups de coeur comme Eric Fottorino, auteur de "l'Homme qui m'aimait tout bas", Antonin Varenne auteur de "Fakirs" ou encore Gérard Garouste et Judith Perrignon pour "L'Intranquille". (Etaient également présents: Véronique Ovaldé, Camille de Villeneuve, Sarah Kaminsky, Hélène Castel, Dominique Torres et Jean-Marie Pourtaut.) Je regrette l'absence des auteurs des deux romans que j'ai préférés: David Foenkinos pour "La Délicatesse" (qui ne fait malheureusement pas partie de la sélection finale) et Rouja Lazarova, auteur de "Mausolée".

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    Après une heure à déambuler dans les travées du salon (plutôt et étonnamment clairsemées pour ce 30ème anniversaire, où le numérique et les régions prennent de plus en plus le pas sur les maisons d'édition "classiques" avec l'absence de maisons comme Grasset, Stock, Fayard, Lattés et un stand Hachette 9 fois moins grand qu'habituellement ) , j'arrive en avance devant ledit "salon du salon" où quelques jurées arrivent à leur tour. La conversation s'engage rapidement autour de nos lectures (même si l'une des jurées, professeure de son état, semble avoir des aspirations d'éditrice revenant sans cesse sur les fautes "inadmissibles" dans les traductions) et c'est un plaisir de pouvoir échanger après ces mois de lectures et de notations solitaires, exercice d'ailleurs pour moi difficile, n'ayant vraiment pas l'âme professorale et rechignant à mettre des notes. Il n'en demeure pas moins que l'exercice de se plonger dans des lectures vers lesquelles je ne serais jamais allée sans ce jury est un exercice passionnant. Habituellement surtout lectrice de littérature classique et plus accessoirement de romans contemporains, j'ai découvert beaucoup d'auteurs contemporains, de romans bien sûr mais surtout de policiers et de documents mais aussi des thématiques communes (souvent relativement glauques) et un style très cinématographique récurrent dans le domaine policier.

     Mais revenons à notre salon. J'avoue avoir été un peu surprise de l'accueil assez impersonnel ( les 120 lectrices sont des numéros et le resteront, pourtant le magazine communique largement sur ce prix...) et du caractère très informel de ces rencontres, certes conviviales, mais aussi avec un côté "zapping" (les auteurs sont installés à des tables et les lectrices papillonnent à leur gré autour) un peu dommage quand on vient célèbrer un art qui est censé donner un peu de temps au temps.

     Je me retrouve donc ainsi d'abord à la table d'Antonin Varenne qui répond avec beaucoup de simplicité et de modestie à nos questions. Il nous parle de son parcours, de sa rencontre avec son éditrice, du regard sévère qu'il porte désormais sur "Fakirs", du livre qu'il écrit sur la guerre d'Algérie terminé le jour "anniversaire" de la mort de son père, de sa blessure à la main causée par un accident dans le salon du livre lors de l'inauguration la veille à cause d'une voiture  (!), de l'entreprise qu'il crée ne souhaitant pas forcément se consacrer toute sa vie à l'écriture , du milieu de la télévision qui ne lui plait pas... une conversation à bâtons rompues intéressante, révélant le contraste entre l'auteur et ses écrits (je n'ai pas mis en ligne la critique de "Fakirs" mais vous la trouverez prochainement). La table se dépeuple peu à peu, les lectrices rejoignant celle d'à côté où se trouve Gérard Garouste qui, lui aussi, évoque avec beaucoup d'humilité, et visiblement aussi de plaisir, son travail.

    Gérard Garouste devant répondre à une interview, un groupe de lectrices change de table pour rejoindre Camille de Villeneuve située à la table voisine. Une lectrice adresse successivement sa question à deux lectrices avant de comprendre que Camille de Villeneuve (il est vrai à l'air aussi juvénile que son écriture est riche et travaillée) est une troisième jeune femme. Ensuite une amie m'appelle en direct du Salon. Je m'éclipse un instant pour la saluer (bah oui, je suis une fille polie), et finalement moi aussi intranquille et finalement heureuse de l'être décide de ne pas retourner au "salon vip" pour retrouver le calme et la jubilation de jongler avec les mots , d'inventer des personnages et des histoires dont ce salon a encore avivé la flamme... mais c'est une autre histoire et peut-être d'autres histoires (fictives) peut-être à lire bientôt sur ce blog...qui sait...

    J'espère, lors de la remise du prix littéraire des lectrices de Elle en Mai, avoir davantage l'occasion d'échanger avec les autres lectrices (et de reprendre pour certaines la conversation amorcée)... que j'invite d'ailleurs à se manifester sur ce blog si elles passent par ici comme la rédactrice de "L'attrape-livres" que j'ai eu le plaisir de rencontrer à cette occasion.

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  • « Ce que je sais de Vera Candida » de Véronique Ovaldé-Sélection Prix des lectrices de Elle 2010

    veracandida.jpgCela faisait un moment que je ne vous avais pas proposé de critiques de livres lus dans le cadre du Grand Prix de lectrices de Elle 2010 dont je fais toujours partie du jury. Il faut dire qu'à l'exception de « La Délicatesse » de David Foenkinos,  cette noirceur qui semble commune à tous les livres de la sélection me désespère, une règle à laquelle ne déroge pas vraiment ma dernière lecture:  « Ce que je sais de Vera Candida » de Véronique Ovaldé.

    Véronique Ovaldé nous emmène dans une Amérique du Sud imaginaire, sur l'île de Vatapuna, où naissent trois femmes d'une même lignée avec le même destin : enfanter une fille sans jamais pouvoir révéler le nom du père. Elles sont toutes éprises de liberté, téméraires mais aussi mélancoliques et victimes de la même triste fatalité. Seule Vera Candida osera briser les chaînes du destin, prendre son destin en main en fuyant Vatapuna dès ses 15 ans et en partant pour le continent,  à Lahomeria, pour se forger une nouvelle vie, sans passé... C'est aussi là qu'elle rencontre Itxaga, journaliste à l'Indépendant.

    L'idée de ces chaînes du destin et de la fatalité qu'une femme brisera était aussi judicieuse qu'intéressante. Tout comme celle de ces lieux à la fois imaginaires et si réalistes, empreints de la chaleur, de la moiteur d'une Amérique du Sud qui n'échappe pas à la corruption. Sans doute  l'écriture de Véronique Ovaldé est-elle vive et marquée d'une certaine légèreté (d'humour même), idée plutôt astucieuse pour évoquer les passés de ces femmes qui sont de véritables fardeaux.

    Véronique Ovaldé a un style bien à elle mais qui semble tellement maniéré (phrases interminables, parfois des majuscules quand il n'en faut pas ou sans majuscules quand il en faudrait...) que cela en perd (à mes yeux) tout intérêt. Je n'ai rien contre la modernité littéraire revendiquée et marquée par des audaces stylistiques, même parfois hasardeuses, même quand elle prend des libertés avec la grammaire ... à condition que cela ne freine pas la lecture et l'enrichisse d'une manière ou d'une autre. En ce qui me concerne, cela a constitué un frein à l'envie de savoir ce qu'elle savait de Vera Candida....  Pour moi trop de style et surtout d'obstination à en faire preuve et le démontrer, tue le style et surtout le fil de l'histoire.  Le titre en est un parfait exemple...

    Et puis je suis un peu lasse de ces destins sordides que je retrouve livres après livres (de cette sélection en tout cas), quels qu'en soient les lieux et époques.

     Véronique Ovaldé signe ainsi certes des portraits de femmes fortes que je n'ai néanmoins pas réussi à trouver attachantes. Les chaînes de leurs destins transforment ce qui aurait pu être des contes enchanteurs en contes désenchantés. Un livre qui aura au moins le mérité de nous parler d'ici (un "ici ailleurs" néanmoins souvent glauque) en nous emmenant ailleurs. Il faut ainsi reconnaître que Véronique Ovaldé parvient à nous faire croire en cet ailleurs... tout en nous dissuadant d'y aller !

    Cliquez ici pour lire mes  autres critiques  des livres sélectionnés pour le Grand Prix des lectrices de Elle 2010.

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  • « Belle Epoque » de Kate Cambor (sélection prix littéraire des lectrices de Elle 2010)

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    Cinquième des sept livres que je dois lire ce mois-ci pour le jury du prix littéraire des lectrices de Elle 2010, « Belle Epoque » de Kate Cambor était un premier roman particulièrement prometteur. Signée par une historienne vivant aux Etats-Unis, il ambitionnait de nous raconter la Belle Epoque à travers trois destinées et celles de ceux qu'ils ont côtoyés : le fils d'Alphonse Daudet, la petite-fille de Victor Hugo et le fils du professeur Charcot respectivement nommés Léon, Jeanne et Jean-Baptiste. Héritiers de noms illustres mais aussi de la jalousie et de l'admiration suscitées par leurs aînés. Jeanne est la seule qui n'a pas souhaité avoir de destin propre, qui a toujours revendiqué sa condition de petite-fille de Victor Hugo, ce grand-père tant admiré qui avait écrit pour elle « L'Art d'être grand-père ». Léon va vivre entre littérature, journalisme et politique et Jean-Baptiste va partir explorer les mers et continents. Ces trois jeunes gens sont très liés et ont presque grandi ensemble, vivant la même jeunesse dorée. Jeanne épousera ainsi Léon avant de divorcer pour épouser Jean-Baptiste avant... de divorcer à nouveau. En suivant les fils de leurs destinées nous croisons d'autres noms tout aussi illustres : Flaubert, Zola, Tourgueniev, Goncourt... et les grands faits de cette époque : le scandale de Panama, l'affaire Dreyfus...

    Quelle ambition, certes louable, que de  vouloir raconter l'histoire de la Belle Epoque. Pour la vulgariser, Kate Cambor a donc choisi trois personnages au centre des évènements qui l'ont jalonnée et qui vont voir les attentes qu'ils ont suscitées anéanties autant par « leurs propres démons » que par les évènements internationaux. Leur quête identitaire et leur envie de s'écrire une histoire va se heurter à l'Histoire, la grande, en pleine ébullition. Plus que de vivre à la Belle Epoque, ils en incarnent les espoirs et les désillusions, les réussites et les défaites, « les possibilités et les frustrations ».

    Kate Chambor à force de vouloir vulgariser a peut-être trop simplifié des évènements parfois complexes, et à trop vouloir romancer donne souvent l'impression de broder sur des sentiments, des évènements, des personnalités qu'elle rend ainsi certes vivants, humains mais auxquels elle fait perdre de l'épaisseur et de la crédibilité. Plutôt que de m'immerger dans l'époque, cela n'a fait que me tenir à distance, ayant l'impression qu'elle ne cessait d'extrapoler, de prêter à ses personnages des pensées qu'ils n'ont pas forcément eues.

    Quant à l'aspect historique, les évènements relatés figurent dans tous les livres d'Histoire et Kate Cambor ne nous apprend finalement pas grand-chose. En alternant entre roman et essai historique, elle a finalement fait perdre de la crédibilité et de l'intensité à l'un et à l'autre. Les incessants retours en arrière nous empêchent de suivre les histoires de Jeanne, Léon et Jean-Baptises comme celles d'un roman et les évènements historiques au lieu de les intégrer à cette Histoire donnent souvent l'impression d'être catalogués à des moments inopportuns.

    Sans doute ma plus grande déception de cette sélection tant la quatrième couverture nous promettait un voyage historique alléchant mais après tout il ne s'agit que d'un premier roman avec ses faiblesses inhérentes qui a au moins le mérite de nous replonger dans cette époque palpitante jalonnée de grands bouleversements qui ont fait changer la face du monde entre grandes découvertes, grands hommes et montées des totalitarismes! Ainsi l'explique très bien Kate Cambor : «Personne mieux que Léon Daudet, Jean-Baptiste Charcot et Jeanne Hugo ne reflète les contradictions et les confusions inhérentes à cette génération. Ils ont grandi à l'époque où les voitures à chevaux circulaient dans Paris et ils sont morts alors que les avions s'emparaient du ciel. Enfants, on leur parlait d'une Europe pas si lointaine gouvernée par des rois et des conquérants corses; adultes, ils ont vu avec terreur et incrédulité des dictateurs et des assassins en chemise brune asservir un continent apeuré et docile.»

    Cliquez ici pour lire toutes mes autres critiques des livres sélectionnés dans le cadre du Prix littéraire des lectrices de Elle 2010

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  • "Personne" de Gwenaëlle Aubry - sélection prix littéraire des lectrices de Elle 2010

    personne.jpgDans le cadre de ma participation au jury des lectrices de Elle 2010, le marathon des lectures se poursuit, même s'il me reste encore 4 livres à lire pour ce mois-ci, ma préférence pour la sélection de ce mois-ci allant toujours vers celui de David Foenkinos « La Délicatesse ».

    « Personne » c'est ainsi que s'intitule le roman dont je vais vous parler aujourd'hui pour lequel Gwenaëlle Aubry vient de recevoir le prix Femina. « Personne » est le second roman de cette sélection du prix littéraire des lectrices de Elle 2010 à être celui d'un auteur consacré à son père disparu « L'Homme qui m'aimait tout bas » d'Eric Fottorino étant le premier. Là s'arrêtera la comparaison, les deux pères et les deux styles des deux auteurs pour les évoquer étant radicalement différents...même s'il s'agit dans les deux cas d'un hommage, d'un moyen de tenter d'exprimer la douleur indicible et suffocante, de s'en décharger, un peu en tout cas...  C'est aussi le deuxième roman à évoquer la folie après  «L'Intranquille » de Gérard Garouste co-écrit avec Judith Perrignon.

    « Personne » est le cinquième roman de Gwenaëlle Aubry, un roman grave et poignant dans lequel elle donne une voix à son père mort récemment, François-Xavier Aubry, juriste, professeur à la Sorbonne, spécialiste de la décentralisation et atteint d'une psychose maniaco-dépressive à laquelle il a finalement succombé.

     Pour dresser le portrait de cet homme dont le cerveau déconstruisait le réel, habité par une foule d'autres et de désordres, Gwenaëlle Aubry a choisi la logique et l'ordre des lettres. C'est en effet sous forme de roman abécédaire, d'Antonin Artaud à Zelig, qu'elle raconte son histoire, sa « personne-alité », ses brisures, ses gouffres. Pour cela elle a choisi deux voix : la sienne et celle de son père par le biais d'un manuscrit retrouvé après sa mort qui portait le titre de « Mouton noir mélancolique » dans lequel il racontait sa maladie.

     Peu à peu le puzzle se reconstitue, les lettres s'assemblent pour que celui qui n'était plus personne à force d'endosser tant de personnalités devienne une personne. Entre exaltation et désespoir, lumière et déchéance, entre son milieu bourgeois conservateur et celui des marginaux, d'une certaine manière Gwenaëlle Aubry épouse cette folie, en tout cas cette double vie dans laquelle rien n'est stable, rien n'est logique, tout est incertain, insaisissable et douloureux. Elle nous parle de l'enfant qu'il était. De l'enfance qu'elle a perdue à ses côté.

    Elle tente ainsi d'établir un portrait « en vingt-six angles et au centre absent », chaque lettre évoquant « une des figures dans lesquelles il se projetait ». Plus qu'un portrait, c'est un hommage, une enquête, un désir de comprendre cette âme chaotique, de reconstituer ces fragments éparpillés d'un être étrange et étranger. Au monde. Aux autres. Et surtout à lui-même.

    Les longues phrases de Gwenaëlle Aubry, parfois sans ponctuation, à bout de souffle essaient de lui faire retrouver une respiration, un second souffle, de combler le vide en même temps qu'elles en expriment la douleur et le délire. Un témoignage et un hommage bouleversants mais surtout suffocants davantage qu'un roman même s'il en porte le titre et en comporte la richesse, la beauté grave et mélancolique  et la complexité.

    "Je reçois ce prix comme une double reconnaissance, à la fois de mon travail d'écrivain et du texte de mon père dont je suis partie", a-t-elle souligné après l'annonce du prix Femina : "Le mouvement d'écriture a été très libérateur et curieusement euphorisant. Je n'ai pas du tout écrit ce livre dans la douleur ou dans le deuil. Il y avait quelque chose de fondamentalement vivant à accompagner, à partir du manuscrit qui m'a été légué par mon père".

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  • « La Délicatesse » de David Foenkinos (sélection prix des lectrices de Elle 2010)

    delicatesse.jpgJe poursuis mes lectures des livres qui me sont envoyés par le magazine Elle dans le cadre de ma participation à son jury de lectrices du prix littéraire 2010, avec ce mois-ci, 7 livres à lire. J'ai décidé de commencer mes lectures par « La Délicatesse » de David Foenkinos dont je me souvenais de la louable discrétion (là où d'autres cherchaient grossièrement à accaparer l'attention...non, non, je ne citerai pas de noms...) au Forum International Cinéma et Littérature de Monaco (une raison qui en vaut bien une autre :-)).

    « La Délicatesse » est le huitième roman de David Foenkinos. Ce pourrait être un premier. Pour la fraîcheur. Pour son apparente légèreté. Pour le plaisir inédit que sa lecture procure.  

     C'est l'histoire d'une femme qui va être surprise par un homme. Réellement surprise.

     Un livre dont l'auteur ose l'intituler « La délicatesse » dans une société (pas seulement littéraire) souvent brutale, cela force déjà le respect. Un livre qui nous parle des hasards des rencontres, de celles qui vous font d'autant plus chavirer qu'elles sont inattendues voire improbables, cela force l'attention. Et un livre qui nous parle des surprises du destin, cela (ren)force mon intérêt.

     Et puis, surtout, au-delà de la thématique, il y a la délicatesse avec laquelle David Foenkinos décrit ses personnages, ses situations, et avec laquelle son écriture, à la fois pudique et sensuelle, nous charme, progressivement, là et quand on ne l'attend pas comme ce Markus qui, dans le roman, charme Nathalie. Il pourrait aussi être un double de l'auteur puisque c'est avec le langage que Markus charme Nathalie. Avant tout.

     Son écriture sensible émaillée d'une réjouissante fantaisie (aphorismes, digressions aussi savoureuses que décalées) fait de ce roman une passionnante histoire autant qu'une aventure ludique pour le lecteur que Foenkinos, avec, décidément, une délicatesse quasiment amoureuse, n'oublie jamais, ce qui n'est finalement pas si courant...

     Et même s'il est aussi question de deuil, le second degré est là pour dédramatiser, sans pour autant effacer  l'émotion, bel et bien présente, qui nous fait accompagner Nathalie dans sa renaissance amoureuse.

     On se dit que Stéphane Brizé pourrait en faire un très beau film sur le deuil et l'espoir, avec une ironie salutaire qui ne nous touche pas moins en plein cœur, avec douceur, sincérité et humour ... tout en délicatesse donc. Et que ce livre a aussi quelque chose de truffaldien. Finalement intemporel. Il a aussi le charme incomparable des rencontres impromptues.

     Avec Foenkinos, la littérature n'est pas sinistre mais joyeuse car lucide, ludique, romantique, anticonformiste. Et il nous fait croire (ou nous conforte dans l'idée, selon notre degré d'optimisme) que la vie peut agréablement nous surprendre au moment où on s'y attend le moins. Pouvoir inestimable de certains (rares) auteurs...  Je vous le recommande vivement !

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  • « L’année brouillard » de Michelle Richmond (sélection Prix littéraire des lectrices de Elle 2010)

    année brouillard.jpgJe poursuis mes lectures de jurée du Prix des lectrices de Elle 2010 avec, aujourd'hui, « L'année brouillard » de Michelle Richmond qui nous embarque sur une plage proche de San Francisco, un matin de brouillard, avec Abby et Emma, la petite fille de son futur mari Jake. L'attention d'Abby est distraite un court instant, elle détourne le regard d'Emma. Parfois un court instant peut faire basculer un destin.  Pendant ce court instant Emma disparaît et l'existence d'Abby va se retrouver plonger en plein brouillard. Un autre. Celui de l'existence qui perd tout sens. Celui du temps qui s'égrène impitoyablement et qu'on voudrait remonter, maîtriser. Celui de la mémoire et des souvenirs dans lesquels Abby se replonge, avec l'énergie du désespoir. En vain. Bientôt Jake s'éloigne d'elle et perd tout espoir mais Abby va continuer à chercher, obstinément, aux portes de la folie, envers et contre tout. Tous. Et avec elle nous plongeons, happés, dans ce brouillard opaque, dès les premières pages des 500 que compte ce roman haletant.

    C'est ainsi par la voix d'Abby que nous sommes guidés, Abby dont ce livre est avant tout le subtil portrait. Par flash-backs, on revient sur les moments de son existence en lesquels elle puise forces et faiblesses et grâce auxquels elle tente de trouver un espoir malgré cette douleur incommensurable et abstraite, mais aussi une logique, une raison aux évènements qui se sont enclenchés jusqu'à cette seconde fatidique où tout a basculé. La disparition, de surcroît inexpliqué, forcément violente, d'un être cher, une peur que chacun a éprouvée ou crainte, qui fait que l'identification est immédiate. Le lecteur est aussitôt en empathie avec Abby, éprouvant le poids de sa culpabilité.

    D'une rigueur photographique (Abby est photographe), mais aussi avec une grande pudeur, ce roman m'a passionnée. D'abord pour le portrait de son personnage principal dans la psychologie duquel nous sommes plongés, grâce à un style précis, sensible. Ensuite parce qu'est aussi une réflexion documentée et passionnante sur la mémoire. Enfin, parce que Michelle Richmond nous emmène vraiment ailleurs, dans l'intériorité d'Abby mais aussi de San Francisco au Costa Rica dans un ailleurs angoissant et palpitant, par la simple force des mots qu'elle manie avec un indéniable talent.

    Si je devais émettre une réserve, ce serait peut-être sur le personnage de Jake, un peu plus flou, mais après tout cela s'explique aussi par le fait que l'histoire est vécue à travers les pensées, tourmentées, d'Abby.

    Un livre sur l'obstination, la volonté, le pardon, l'absence, aussi. Un livre qui a la beauté mystérieuse, inquiétante et envoûtante, du brouillard. Un livre qui vous poursuit très longtemps après la dernière ligne, Michelle Richmond nous ayant si bien fait croire à l'existence d'Abby qu'elle nous laisse imaginer la suite de son destin comme si ces personnages, par-delà celle qui les a créés avaient une existence propre.

    Mon premier grand coup de cœur de cette sélection. Un livre dont la belle et minutieuse écriture, le portrait saisissant et touchant de son personnage principal, mais aussi tous les espoirs et angoisses auxquels il fait forcément écho, me hantent encore...

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