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steve mcqueen

  • Critique de 12 YEARS A SLAVE de Steve McQueen à 20H45 sur Ciné + Club

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    En 2013, Tarantino  a mis en scène un esclave héros de western dans « Django unchained » qui avait d’ailleurs suscité une polémique dans la presse américaine et déclencher les critiques  notamment de Spike Lee,  celui-ci jugeant le film «irrespectueux» envers ses ancêtres, une polémique stérile car si ce film est d’une certaine manière le plus violent de Tarantino, il l’est parce qu’il est le plus politique, le plus réaliste : terrible violence hors-champ de cet esclave déchiqueté par les chiens, de ce combat entre esclaves. Et une discussion entre Schultz (Christoph Waltz) et Candie (Leonardo DiCaprio) sur Alexandre Dumas achève de nous convaincre, si nous en doutions encore, que ce film est tout sauf irrespectueux mais particulièrement malin. Quelques scènes parmi d’autres… Il y a ensuite eu le éponyme film de Spielberg sur « Lincoln » qui,  en traitant de l’adoption du 13ème amendement qui fit de l’abolition de l’esclavage un fondement permanent de la loi américaine,  tissait brillamment le portrait d’une éminente figure politique, celle du Président Abraham Lincoln. Avec Steve McQueen (bientôt aussi célèbre que son homonyme) dont c’est le troisième film après « Hunger » et  « Shame », et qui traite lui aussi de l’esclavage, on pouvait s’attendre à plus de radicalité. Finalement, son film fait une petite concession à Hollywood mais n’en demeure pas moins le premier film choc de cette année 2014 qui mérite ses 9 nominations aux Oscars 2014.

     Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor), jeune homme noir originaire de l’État de New York, est enlevé et vendu comme esclave, quelques années après la guerre de Sécession.  Face à la cruauté d’un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité.  Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien (Brad Pitt) et cette rencontre va changer sa vie…

    Le film est adapté des Mémoires de Solomon Northup, homme vivant libre dans l’État abolitionniste de New York, à Saratoga, père de deux enfants et violoniste, kidnappé par des Sudistes cupides au début des années 1840 à  33 ans et vendu comme esclave en Louisiane. On lui offre un beau contrat pour une tournée dans un cirque, on l'enivre avant de l’embarquer pour la Louisiane puis le vendre comme une marchandise. Solomon devient Patt. On lui nie son identité mais il n’aura de cesse de la récupérer.

    L’inspiration dramatiquement réelle du film  désamorce d'emblée tout critique sur le manichéisme malgré l’effroyable et inconcevable inhumanité des esclavagistes pour réduire à l’animalité ceux qu’ils considèrent comme « leurs » esclaves et ne révélant finalement ainsi que la leur.  Solomon passera d'un maître doté d’un minimum d’empathie et amateur de musique interprété par Benedict Cumberbatch à Epps interprété par Michael Fassbender, un fou (mais ne fallait-il pas qu’ils le soient tous pour asservir, humilier, nier ainsi leurs semblables, essayant d'ailleurs parfois de justifier leur injustifiable folie en s’appuyant sur les écritures saintes) marié à une femme qui l’était au moins autant. Une prison à ciel ouvert dans laquelle un mince espoir est la seule fenêtre d’évasion.

     Si la radicalité, la frontalité aussi auxquelles McQueen s’était auparavant adonné est ici bien présente dans quelques plans-séquences, voire nécessaire pour ne pas rendre son film « beau » ou maladroitement distrayant, il n’en fait pas moins quelques concessions à Hollywood avec une musique signée  Hans Zimmer (La Ligne rouge, Inception Gladiator, Rain man etc) parfois superflue pour ne pas dire qu’elle est un contre-sens. Une des scènes les plus fortes du film est d’ailleurs celle où Solomon chante a capella avec d’autres esclaves autour de la dépouille d’un des leurs. Son regard et son expression passent alors de la tristesse, la résignation  à la détermination, la rage, la hargne.

    Les plans qui s’étirent en longueur exacerbent intelligemment le caractère effroyable et insupportable de certaines scènes de torture comme celle pendant laquelle Solomon est pendu à une corde parvenant péniblement  à ce que ses pieds touchent le sol pour éviter l'asphyxie. L’horrible tranquillité, la sérénité apparente du décor et surtout des autres esclaves qui vaquent à leurs occupations rendent encore plus horrible ce premier plan d’un homme qui lutte pour survivre dans l’indifférence (probablement masque de la peur) générale.

    Comme souvent chez McQueen le corps est au centre, au propre comme au figuré. Un corps meurtri, brutalisé. Que ce soit dans « Hunger » avec la grève de la faim d’un prisonnier politique de l’IRA  (film de 2008).  Ou l’addiction sexuelle d’un New Yorkais dans « Shame » en 2011. Le corps souffre, ce qui n’empêche pas la dignité et la fierté, comme en témoigne comme une déclaration pacifique de résistance, le début du film où des esclaves immobiles, dans une plantation de canne à sucre, écoutent les ordres de leur contremaître. Parmi eux, Solomon. Un premier plan auquel répond intelligemment le plan de la fin : un corps qui, enfin, ose se reposer, se courber, enlacer et être enlacé. Debout mais asservi puis courbé mais libre. Le début dans un silence presque assourdissant, démontre toute l’habileté du montage (signé Joe Walker) qui est une grande qualité de ce film qui n’en manque pas. Un flashback revient ensuite sur 12 années de survie.

    12 années pendant lesquelles il croisera notamment Patsey, maîtresse et souffre-douleur d'Epps,  incarnée par  Lupita Nyong’o dans un premier rôle indéniablement marquant et une scène qui fait écho à celle de la pendaison, insoutenable. Chiwetel Ejiofor, quant à lui, après avoir reçu de nombreuses récompenses pour ce rôle pour lequel il est nommé aux Oscars (et un Oscar du meilleur acteur qui pourrait bien, une fois de plus, échapper à Leonardo DiCaprio), incarne avec beaucoup de nuance, de force, de rage et douleur contenues  cet homme  qui devra subir et faire subir l’horreur pour sa survie et parfois  celle des autres (terrible scène où il est contraint de fouetter Patsey pour qu’elle "souffre moins" ou du moins reste en vie).

    12 Years A Slave a été co-produit par la société Plan B Entertainment, créée en 2002 par Brad Pitt (qui joue également dans le film), Brad Grey et Jennifer Aniston qui a produit des chefs d’œuvre comme « L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » ou des films indignes de ce nom comme le ridicule et parfois involontairement drôle World War Z.

    Jamais larmoyant, refusant le sentimentalisme, avec de longs plans brillamment effroyables qui tentent de nous faire éprouver l’indicible horreur, McQueen a réalisé une nouvelle variation sur le corps et ses meurtrissures, sur la honte aussi, celle d’appartenir à une humanité qui a pu permettre qu’un homme soit réduit à être « 12 years a slave », et souvent même une vie entière. Ou toute la puissance du cinéma au service de l’Histoire, de la mémoire et de l’avenir. Espérons-le…

  • Critique de 12 YEARS A SLAVE de Steve McQueen ce soir à 20H45 sur Cine + Premier

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    En 2013, Tarantino  a mis en scène un esclave héros de western dans « Django unchained » qui avait d’ailleurs suscité une polémique dans la presse américaine et déclencher les critiques  notamment de Spike Lee,  celui-ci jugeant le film «irrespectueux» envers ses ancêtres, une polémique stérile car si ce film est d’une certaine manière le plus violent de Tarantino, il l’est parce qu’il est le plus politique, le plus réaliste : terrible violence hors-champ de cet esclave déchiqueté par les chiens, de ce combat entre esclaves. Et une discussion entre Schultz (Christoph Waltz) et Candie (Leonardo DiCaprio) sur Alexandre Dumas achève de nous convaincre, si nous en doutions encore, que ce film est tout sauf irrespectueux mais particulièrement malin. Quelques scènes parmi d’autres… Il y a ensuite eu le éponyme film de Spielberg sur « Lincoln » qui,  en traitant de l’adoption du 13ème amendement qui fit de l’abolition de l’esclavage un fondement permanent de la loi américaine,  tissait brillamment le portrait d’une éminente figure politique, celle du Président Abraham Lincoln. Avec Steve McQueen (bientôt aussi célèbre que son homonyme) dont c’est le troisième film après « Hunger » et  « Shame », et qui traite lui aussi de l’esclavage, on pouvait s’attendre à plus de radicalité. Finalement, son film fait une petite concession à Hollywood mais n’en demeure pas moins le premier film choc de cette année 2014 qui mérite ses 9 nominations aux Oscars 2014.

     Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor), jeune homme noir originaire de l’État de New York, est enlevé et vendu comme esclave, quelques années après la guerre de Sécession.  Face à la cruauté d’un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité.  Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien (Brad Pitt) et cette rencontre va changer sa vie…

    Le film est adapté des Mémoires de Solomon Northup, homme vivant libre dans l’État abolitionniste de New York, à Saratoga, père de deux enfants et violoniste, kidnappé par des Sudistes cupides au début des années 1840 à  33 ans et vendu comme esclave en Louisiane. On lui offre un beau contrat pour une tournée dans un cirque, on l'enivre avant de l’embarquer pour la Louisiane puis le vendre comme une marchandise. Solomon devient Patt. On lui nie son identité mais il n’aura de cesse de la récupérer.

    L’inspiration dramatiquement réelle du film  désamorce d'emblée tout critique sur le manichéisme malgré l’effroyable et inconcevable inhumanité des esclavagistes pour réduire à l’animalité ceux qu’ils considèrent comme « leurs » esclaves et ne révélant finalement ainsi que la leur.  Solomon passera d'un maître doté d’un minimum d’empathie et amateur de musique interprété par Benedict Cumberbatch à Epps interprété par Michael Fassbender, un fou (mais ne fallait-il pas qu’ils le soient tous pour asservir, humilier, nier ainsi leurs semblables, essayant d'ailleurs parfois de justifier leur injustifiable folie en s’appuyant sur les écritures saintes) marié à une femme qui l’était au moins autant. Une prison à ciel ouvert dans laquelle un mince espoir est la seule fenêtre d’évasion.

     Si la radicalité, la frontalité aussi auxquelles McQueen s’était auparavant adonné est ici bien présente dans quelques plans-séquences, voire nécessaire pour ne pas rendre son film « beau » ou maladroitement distrayant, il n’en fait pas moins quelques concessions à Hollywood avec une musique signée  Hans Zimmer (La Ligne rouge, Inception Gladiator, Rain man etc) parfois superflue pour ne pas dire qu’elle est un contre-sens. Une des scènes les plus fortes du film est d’ailleurs celle où Solomon chante a capella avec d’autres esclaves autour de la dépouille d’un des leurs. Son regard et son expression passent alors de la tristesse, la résignation  à la détermination, la rage, la hargne.

    Les plans qui s’étirent en longueur exacerbent intelligemment le caractère effroyable et insupportable de certaines scènes de torture comme celle pendant laquelle Solomon est pendu à une corde parvenant péniblement  à ce que ses pieds touchent le sol pour éviter l'asphyxie. L’horrible tranquillité, la sérénité apparente du décor et surtout des autres esclaves qui vaquent à leurs occupations rendent encore plus horrible ce premier plan d’un homme qui lutte pour survivre dans l’indifférence (probablement masque de la peur) générale.

    Comme souvent chez McQueen le corps est au centre, au propre comme au figuré. Un corps meurtri, brutalisé. Que ce soit dans « Hunger » avec la grève de la faim d’un prisonnier politique de l’IRA  (film de 2008).  Ou l’addiction sexuelle d’un New Yorkais dans « Shame » en 2011. Le corps souffre, ce qui n’empêche pas la dignité et la fierté, comme en témoigne comme une déclaration pacifique de résistance, le début du film où des esclaves immobiles, dans une plantation de canne à sucre, écoutent les ordres de leur contremaître. Parmi eux, Solomon. Un premier plan auquel répond intelligemment le plan de la fin : un corps qui, enfin, ose se reposer, se courber, enlacer et être enlacé. Debout mais asservi puis courbé mais libre. Le début dans un silence presque assourdissant, démontre toute l’habileté du montage (signé Joe Walker) qui est une grande qualité de ce film qui n’en manque pas. Un flashback revient ensuite sur 12 années de survie.

    12 années pendant lesquelles il croisera notamment Patsey, maîtresse et souffre-douleur d'Epps,  incarnée par  Lupita Nyong’o dans un premier rôle indéniablement marquant et une scène qui fait écho à celle de la pendaison, insoutenable. Chiwetel Ejiofor, quant à lui, après avoir reçu de nombreuses récompenses pour ce rôle pour lequel il est nommé aux Oscars (et un Oscar du meilleur acteur qui pourrait bien, une fois de plus, échapper à Leonardo DiCaprio), incarne avec beaucoup de nuance, de force, de rage et douleur contenues  cet homme  qui devra subir et faire subir l’horreur pour sa survie et parfois  celle des autres (terrible scène où il est contraint de fouetter Patsey pour qu’elle "souffre moins" ou du moins reste en vie).

    12 Years A Slave a été co-produit par la société Plan B Entertainment, créée en 2002 par Brad Pitt (qui joue également dans le film), Brad Grey et Jennifer Aniston qui a produit des chefs d’œuvre comme « L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » ou des films indignes de ce nom comme le ridicule et parfois involontairement drôle World War Z.

    Jamais larmoyant, refusant le sentimentalisme, avec de longs plans brillamment effroyables qui tentent de nous faire éprouver l’indicible horreur, McQueen a réalisé une nouvelle variation sur le corps et ses meurtrissures, sur la honte aussi, celle d’appartenir à une humanité qui a pu permettre qu’un homme soit réduit à être « 12 years a slave », et souvent même une vie entière. Ou toute la puissance du cinéma au service de l’Histoire, de la mémoire et de l’avenir. Espérons-le…