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FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN DE DEAUVILLE 2022

  • Critique de SANS FILTRE (TRIANGLE OF SADNESS) de Ruben Östlund

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    C’est dans la section L’heure de la Croisette (dans le cadre de laquelle furent aussi projetés les deux Grands Prix de cette édition 2022 du Festival de Cannes) que le Festival du Cinéma Américain de Deauville a mis au programme la Palme d'Or du Festival de Cannes 2022, la deuxième Palme d’or de Ruben Östlund après celle qu’il avait reçue pour The Square en 2017. Cette nouvelle récompense cannoise lui permet ainsi d’intégrer le cercle très fermé des cinéastes ayant reçu deux fois la prestigieuse récompense (avant lui, il y eut : Ken Loach, Michael Haneke, les frères Dardenne, Francis Ford Coppola, Shōhei Imamura, Bille August, Emir Kusturica).

     « Métaphysicien drôle, triste et mélancolique et qui dit ce que notre monde est et qui aborde des sujets sérieux en cinéaste et questionne autant le monde dans lequel nous sommes qu’il se questionne lui-même. Le film a reçu la palme d’or, je ne suis pas responsable. Si vous ne l’aimez pas, merci d’écrire à Vincent Lindon, président du jury ». Ainsi Thierry Frémaux a-t-il présenté Ruben Östlund  sur la scène du Centre International de Deauville. Pour ce dernier, son film est aussi aux confluences du cinéma européen et du cinéma américain. Il a également rendu hommage à sa comédienne principale, Charlbi Dean Kriek, brutalement décédée il y a quelques semaines.

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    Là où un Chaplin aurait recouru au rire tendre et burlesque pour souligner les travers de son époque, pour croquer la sienne, Ruben Östlund  a choisi le sarcasme impitoyable, l’ironie mordante, la férocité et l’excès du trait, le cynisme indécent en écho à celui qu’il dénonce.

    Après la Fashion Week, Carl (Harris Dickinson) et Yaya (Charlbi Dean Kriek), couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine (Woody Harrelson) refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s'inversent lorsqu'une tempête se lève et met en danger le confort des passagers.

    Carl est mannequin et c’est par un casting que débute le film ou plutôt le film dans le film puisqu’il s’agit d’un documentaire sur les coulisses. Il y est expliqué que s’ils posent pour un produit de luxe, les mannequins doivent impérativement arborer un air sinistre et « mépriser le client ». Nous assistons ensuite à un défilé de mode et pendant que les mannequins défilent les mots « optimisme » et « égalité » s'affichent sur l'écran vidéo en arrière-plan comme un slogan ironique, tandis que, au premier rang, des spectateurs sont déplacés pour que les remplacent des personnalités jugées plus importantes ou influentes (sans doute au nom de l’optimisme et de l’égalité). Comme un avertissement du bouleversement de la hiérarchie sociale qui va suivre mais aussi de la primauté de l’image sur le reste.

    Yaya, elle, est une influenceuse. C’est à ce titre qu’elle est invitée en croisière sur un yacht. Comme Carl, elle est parfaitement consciente du caractère éphémère de son activité et de son avenir d’« épouse trophée ». Yaya et Carl semblent ne pas vraiment s’aimer mais surtout tirer profit de l’image que leur couple renvoie.

    Le titre anglophone Triangle of sadness illustre parfaitement ce culte de l’image, et des apparences fallacieuses. Il est d’ailleurs peut-être plus parlant que le titre français, comme un écho au titre The Square, évoquant aussi une forme géométrique. L'expression the triangle of sadness fait référence à la partie du visage entre les yeux et les sourcils nommée ainsi par les chirurgiens esthétiques qui font en sorte qu’elle soit aussi lisse que possible pour que tout sentiment ou toute émotion soient imperceptibles. Dans ce monde « sans filtre », il n’y a d’ailleurs plus de place pour les sentiments.

    L’histoire est scindée en trois parties. Dans la première, un dîner au restaurant entre Yaya et Carl dégénère subitement en dispute au moment de régler l’addition. Carl reproche ainsi à Yaya son avarice et son conformisme de genre puisqu’elle considère que c’est toujours lui qui doit régler l’addition, et ne se pose même jamais la question.

    Nous retrouvons ensuite le couple sur le fameux yacht de croisière sur lequel ils vont côtoyer des personnages tout aussi haïssables et répugnants les uns que les autres comme un oligarque russe qui s’est enrichi en vendant de l’engrais (et qui ne cesse de clamer haut et fort et avec fierté à quel point c’est de la m…) ou encore un couple de retraités qui a fait fortune dans la vente de grenades et mines antipersonnel, avant que l’ONU et les lois sur les mines antipersonnel ne viennent ralentir leur activité (ce qu’ils évoquent en toute sérénité, comme s’ils évoquaient la hause du prix des fruits et légumes ou d’une autre marchandise anodine). Sans compter cette passagère qui ordonne à tout le personnel d’arrêter toute activité séance tenante pour « profiter du moment présent », se baigner via un toboggan qui les mène à la queuleuleu dans la mer parce que nous «sommes tous égaux», témoignant ainsi du contraire, et de son mépris de classe. Pour conduire ce joyeux petit monde à bon port, à la barre se trouve un capitaine alcoolique. Ou plutôt devrait se trouver puisqu’il passera une partie de la croisière dans la cabine avant de rejoindre le dîner de gala pour un repas « sans filtre » lors duquel tous ces personnages « à vomir » vont régurgiter au sens propre tout ce qu’ils ont avalé. Lorsque tout cela vire à La grande bouffe version 2022, le capitaine marxiste et le patron russe vont débattre de capitalisme et de socialisme (cet échange constitue un des atouts du film). Du burlesque on passe alors au grotesque et le rire vient désamorcer la gêne et le malaise délibérément occasionnés.

    La troisième partie, à la chute particulièrement prévisible, est interminable et peut-être inutile. Les rôles sont alors inversés. Les dominants deviennent les dominés. Les décideurs doivent obéir. Une des employés du bateau, Abigail (la seule à savoir pêcher ou cuisiner) prend la direction des opérations avec un plaisir ostensible tandis que les décideurs oppresseurs d’hier semblent ravis de se plier à ses ordres. Quand la dénonciation tourne ainsi à la misanthropie, le message semble être tronqué et la force de tout ce qui précède finalement annihilée.

    Le comble du cynisme était sans doute de projeter ce film à Cannes pendant que des yachts similaires à celui sur lequel se déroulait ce naufrage patientaient au large, comme un miroir de cette farce qui, dans la salle, a suscité l’hilarité parfois teintée de malaise...sans compter que Cannes avait cette année pour partenaire Tik Tok et que nombre de ses influenceurs étaient conviés sur la Croisette.

     Dans The Square, un homme singe provoquait de riches convives, les réduisant ainsi à une condition animale. C’est de nouveau le cas ici. Ruben Östlund  se paraphrase ainsi en changeant simplement de décor. Le film est tourné en plans fixes, tout mouvement de caméra aurait finalement été un pléonasme devant ce spectacle de désolation et de chaos, cette exhibition amorale, ce monde en plein naufrage. L’excès et le grotesque vont crescendo. Et cela aurait gagné à se terminer à la fin de la deuxième partie. La troisième partie représente le retour d’un cycle sans fin qui voit toujours les dominants et le consumérisme à outrance gagner. La réalisation est particulièrement élégante, presque « avec filtre», soulignant ainsi par la forme le propos et le contraste entre le paraître qui se veut si lisse et l'abjection de l'être.

    Tantôt réjouissante, tantôt dérangeante (à dessein) et finalement peut-être vaine, cette farce cruelle et satirique, sans la moindre illusion sur le monde, nous laisse une impression mitigée, se terminant par une pirouette facile destinée à nous montrer que la boucle est bouclée, que le cycle infernal ne prendra jamais fin. Je vous recommande davantage le si délicat Grand Prix du Festival de Cannes 2022, Close, de Lukas Dhont (qui sortira en France le 1er novembre 2022), dont je vous parlerai dans quelques jours...

    Sortie en salles le 28 septembre 2022

  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022 : programme complet de la 48ème édition

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    Pour l’édition 2021 du Festival du Cinéma Américain de Deauville, l’ouverture au son des Moulins de mon cœur de Michel Legrand (ré)interprétés au piano par Steve Nieve, à l'image de l'affiche de cette précédente édition, nous invitait à embrasser la vie, à nous étourdir de cinéma, pour nous éloigner de l'âpreté de l'actualité. Les films, toujours un instantané de l'Amérique contemporaine, nous y ramenaient cependant aussi, déconstruisant le rêve américain, explorant le besoin de (re)pères d’êtres désorientés, traquant le mensonge. Le portrait d’une Amérique déboussolée, en quête de vérité, se raccrochant aux liens familiaux souvent dépeints comme instables. Plus que jamais, le cinéma et ce festival se révèlent indispensables. Pour braquer la lumière sur les ombres du monde. Pour essayer de les éclairer. Mais aussi pour s’en évader.

    La conférence de presse de cette 48ème édition du festival a eu lieu ce jeudi 18 août à 11H30 aux Franciscaines de Deauville.  Je vous invite à me suivre en direct du festival sur Instagram (@Sandra_Meziere.)

    De l’édition 2022, la 48ème, nous savons que :

    -elle se déroulera du 2 au 11 septembre au Centre International de Deauville, au casino et au Cinéma Morny, tout juste repris par le groupe présidé par Richard Patry,

    -l’affiche rend hommage au Magicien d’Oz de Victor Fleming,

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    -Arnaud Desplechin en présidera le jury. (Retrouvez, ici ma critique de son dernier film Frère et sœur.) Un film sublime mais suffocant qui serre le cœur et  dont on ressort prêts à affronter les vicissitudes torves et terrassantes de l'existence, et à laisser le cinéma et la poésie les réenchanter...une fois de plus.

    Frere et soeur de Desplechin critique du film.jpg

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     - Arnaud Desplechin sera entouré de : Jean Paul Civeyrac, Pierre Deladonchamps, Yasmina Khadra, Sophie Letourneur,  Alex Lutz et Marine Vacth.

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    - Les films en compétition parmi lesquels 8 premiers films, avec pour thématique récurrente annoncée, le passage à l’âge adulte, sont les suivants :

    1-800-HOT-NITE de Nick Richey

    AFTERSUN de Charlotte Wells - 1er film

    DUAL de Riley Stearns

    EMILY THE CRIMINAL de John Patton Ford - 1er film

    MONTANA STORY de Scott McGehee & David Siegel

    OVER/UNDER de Sophia Silver - 1er film

    PALM TREES AND POWER LINES de Jamie Dack - 1er film

    PEACE IN THE VALLEY de Tyler Riggs

    SCRAP de Vivian Kerr - 1er film

    STAY AWAKE de Jamie Sisley - 1er film

    THE SILENT TWINS d’Agnieszka Smoczyńska

    WAR PONY de Gina Gammell & Riley Keough - 1er film

    WATCHER de Chloe Okuno - 1er film

    -  L’actrice Lucy Boynton recevra le Prix du Nouvel Hollywood lors de la soirée d’ouverture, le vendredi 2 septembre, à 19H30. La cérémonie sera suivie de la projection de Call Jane de Phyllis Nagy : un film « incontournable à l’heure où l’Amérique remet en question le droit à l’avortement. »

    - Falcon lake de Charlotte Lebon recevra le Prix d’Ornano-Valentin succédant ainsi au film  Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona. Titre qui sied magnifiquement à ce film enfiévré de sons et de musiques qui suinte la fougue, l’énergie, le désir, les certitudes folles, l’urgence ardente, la fragilité, le charme et la déraison de la jeunesse. Un vertige fascinant d’ondes et de lueurs stroboscopiques. Une expérience sensorielle qui vous donne envie d’empoigner et danser la vie, l’avenir et la liberté et que je ne peux que vous recommander à nouveau et dont vous pouvez lire ma critique complète ici.

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    -Le prix littéraire Lucien Barrière sera attribué à Michael Feeney Callan pour son livre sur Robert Redford publié aux Editions La Trace.

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    Le jury de la révélation sera cette année présidé par Elodie Bouchez. Elle sera accompagnée d’Andréa Bescond, Eddy de Pretto, Nicolas Pariser, Agathe Rousselle, et Yolande Zauberman.
    Ils remettront tous ensemble le Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation lors de la cérémonie de clôture le 10 septembre. 

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    - Un film événement sera projeté à Deauville : BLONDE d'Andrew Dominik avec Ana de Armas sera projeté en Première à Deauville

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    Inspiré du best-seller de Joyce Carol Oates, BLONDE réinvente avec audace la vie de Marilyn Monroe et explore le décalage entre son image publique et sa vraie nature. Adapté du best-seller de Joyce Carol Oates, Prix littéraire Lucien-Barrière en 2010, BLONDE est une relecture audacieuse de la trajectoire de Marilyn Monroe. Écrit et réalisé par Andrew Dominik, le film réunit au casting Ana de Armas, Bobby Cannavale, Adrien Brody, Julianne Nicholson, Xavier Samuel et Evan Williams.

    Le film sera projeté en première française, en présence du réalisateur Andrew Dominik et de la comédienne Ana de Armas.

    - A l'occasion de la projection de BLONDE, Ana de Armas recevra le Prix du Nouvel Hollywood.

    - L’heure de la Croisette - Pour la troisième année consécutive, le festival s’associe avec le Festival de Cannes. La sélection cannoise sera entièrement consacrée au Palmarès 2022 et présentera la Palme d’or ainsi que les deux Grand Prix. Thierry Frémaux, Délégué Général du Festival de Cannes, sera présent à Deauville et présentera ces œuvres :

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    - SANS FILTRE de Ruben Östlund - Palme d’or 2022 - Avec Har­ris Dickin­son, Charlbi Dean, Woody Harrelson. Présenté en présence du réalisateur le jeudi 8 septembre à 19H30.

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    - CLOSE de Lukas Dhont - Grand Prix (Ex-aequo) 2022 - Avec Eden Dambrine, Gustav De Waele, Émilie Dequenne, Léa Drucker

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    - STARS AT NOON de Claire Denis - Grand Prix (Ex-aequo) 2022 - Avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, Danny Ramirez

    - Fenêtre sur le cinéma français - Pour la deuxième année, le festival accueillera une sélection exclusive de trois films en avant-première mondiale pour une fenêtre française, en présence de leurs équipes.

    -  LA GRANDE MAGIE de Noémie Lvovsky 

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    Avec Denis Podalydès, Sergi López, Noémie Lvovsky, Judith Chemla, François Morel, Damien Bonnard, Rebecca Marder
    Un conte musical et baroque librement adapté de la pièce de théâtre « La grande magia » d’Eduardo de Filippo.


    - LA TOUR de Guillaume Nicloux

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    Avec Angèle Mac, Hatik, Ahmed Abdel-Laoui
     Le nouveau film de Guillaume Nicloux qui affirme cette vérité : le pire ennemi de l’Homme est bien lui-même.


    - LES RASCALS de Jimmy Laporal-Trésor

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    Avec Jonathan Feltre, Angelina Woreth, Missoum Slimani, Victor Meutelet
    Le premier long métrage du réalisateur de SOLDAT NOIR, court métrage remarqué à la Semaine de la Critique 2021 et nommé au César du meilleur court métrage cette année.

    - Comédienne de blockbusters, séries, théâtre et films d’auteurs, Thandiwe Newton se verra décerner un Deauville Talent Award.

    Dans la section « Premières » seront projetés les films suivants :

    ALICE de Krystin Ver Linden

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    ARMAGEDDON TIME de James Gray ( le samedi 3 septembre à 20H)

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    AT THE GATES d’Augustus Meleo Bernstein

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    BLONDE d’Andrew Dominik (le vendredi 9 septembre, précédé de la remise du Nouvel Hollywood à Ana De Armas)

    BLOOD de Brad Anderson (le lundi 5 septembre à 17H30)

    CALL JANE de Phyllis Nagy - Film d'ouverture

    DON’T WORRY DARLING d’Olivia Wilde - Film de clôture

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    GOD’S COUNTRY de Julian Higgins (le mardi 6 septembre, un polar féminin porté par Thandiwe Newton. Un Deauville Talent Award sera remis par Julie Gayet à la comédienne avant la projection).

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    JUNE ZERO de Jake Paltrow (le mercredi 7 septembre, Jake Paltrow est le frère de Gwyneth Paltrow, ce « film audacieux lève le secret sur la mort du criminel de guerre Adolf Eichmann).

    WHEN YOU FINISH SAVING THE WORLD de Jesse Eisenberg (projection le dimanche 4 septembre, après la remise du Deauville Talent Award à Jesse Eisenberg, à 20H avant la projection de son premier film en tant que réalisateur)

    X de Ti West

    Les films de la section « Les Docs de l’Oncle Sam »  :

    BELUSHI de R. J. Cutler

    BODY PARTS de Kristy Guevara-Flanagan

    BONNIE de Simon Wallon

    HALLELUJAH : LES MOTS DE LEONARD COHEN de Dan Geller & Dayna Goldfine

    HOLLYWOOD BUSINESS de Pascal Mérigeau, Bruno Icher & Jérémy Leroux

    LYNCH / OZ d’Alexandre O. Philippe

    MOONAGE DAYDREAM de Brett Morgen

    TELEVISION EVENT de Jeff Daniels

    THE WILD ONE de Tessa Louise-Salomé

    Carte blanche à Philippe Garnier de la Cinémathèque Française :

    Pour accompagner la sortie de « Génériques, la vraie histoire des films », recueil de textes de  Philippe Garnier consacrés au cinéma américain de l’aube des années 1940 à la fin de l’année  1977, le festival propose, en association avec la Cinémathèque française, partenaire fidèle du  Festival du cinéma américain de Deauville, et l’éditeur The Jokers Publishing, une Carte  Blanche à Philippe Garnier en présentant six films emblématiques de cette autre histoire du  cinéma américain :

    LE SECRET DERRIÈRE LA PORTE de Fritz Lang

    LA CITÉ SANS VOILES de Jules Dassin

    LE GRAND CHANTAGE d’Alexander Mackendrick

    LA CHEVAUCHÉE DES BANNIS d’André De Toth

    LE CONVOI SAUVAGE de Richard C. Sarafian

    TUEZ CHARLEY VARRICK ! de Don Siegel

    Le jeudi 8 septembre, à la suite d’une rencontre publique à Deauville aux Franciscaines, animée par Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque  française, Philippe Garnier fera une séance de dédicaces de son ouvrage. Un cycle augmenté de douze films sera repris à la Cinémathèque française du 14 au 19 septembre prochains

    - Le Festival du cinéma américain de Deauville soutient la création musicale. Afin de renforcer une nouvelle fois le dialogue entre la musique et le cinéma, le festival a  souhaité mettre davantage en lumière la création musicale pour le cinéma. Ainsi, grâce au  soutien de la SACEM, le festival a invité Jérôme Rebotier, compositeur français de musique  de film, à venir participer à la vie du festival. Après Brisa Roché en 2019, Steve Nieve en 2020 et Audrey Ismaël en 2021, Jérôme Rebotier  composera certaines musiques spécialement pour le festival, que le public pourra écouter lors  des cérémonies officielles.

    - Retrouvez mon compte-rendu de l’édition 2021 du Festival du Cinéma Américain de Deauville dans le Magazine Normandie Prestige 2022 et ici.

    - Retrouvez aussi ma vision plus romanesque de Deauville dans ma nouvelle La porte des rêves parue en janvier aux Editions J’ai Lu (recueil « feel good » Avec ou sans Valentin), dans deux nouvelles de mon recueil Les illusions parallèles (Editions du 38- 2016) et pour aller un peu plus loin, partez pour Trouville avec ma nouvelle Les âmes romanesques, lauréate du prix Alain Spiess 2020, désormais disponible en podcast, ici.

    Pour connaître mon lien particulier avec ce festival et Deauville, retrouvez aussi mon interview dans la Gazette des Planches d’Automne 2021 mais aussi l’article du magazine Le 21ème de juin 2022 et du magazine Normandie Prestige 2022 (disponible à partir de ce mois-ci). Ces articles sont aussi à retrouver dans la rubrique « presse » de ce blog.

  • Critique de FRÈRE ET SŒUR d’Arnaud Desplechin

    cinéma, film, frère et soeur, Arnaud Desplechin, Marion Cotillard, Melvil Poupaud, Festival de Cannes 2022

    Dans Les Fantômes d’Ismaël, la vie d’un cinéaste, Ismaël (Mathieu Amalric) est bouleversée par la réapparition de Carlotta, un amour disparu 20 ans auparavant. Un personnage irréel à la présence troublante et fantomatique incarné par Marion Cotillard, filmée comme une apparition, pourtant incroyablement vivante et envoûtante, notamment dans cette magnifique scène d’une grâce infinie lors de laquelle elle danse sur It Ain't Me Babe de Bob Dylan, une scène qui, à elle seule, justifie de voir le film en question. Dans ce film de 2017, Desplechin jongle avec les codes du cinéma pour mieux les tordre et nous perdre. A la frontière du réel, à la frontière des genres (drame, espionnage, fantastique, comédie, histoire d’amour), à la frontière des influences (truffaldiennes, hitchcockiennes -Carlotta est ici une référence à Carlotta Valdes dans Vertigo d’Hitchcock-) ce film est savoureusement inclassable, et à l’image du personnage de Marion Cotillard : insaisissable, et nous laissant une forte empreinte. Comme le ferait un rêve ou un cauchemar. Un film plein de vie, un dédale dans lequel on s’égare avec délice. Un film résumé dans la réplique suivante : « la vie m'est arrivée. » La vie avec ses vicissitudes imprévisibles que la poésie du cinéma enchante et adoucit.

    Dans Tromperie, le précédent film d'Arnaud Desplechin, dès la séquence d’ouverture, le cinéma, à nouveau, (ré)enchante la vie. Le personnage de l’amante incarnée par Léa Seydoux se trouve ainsi dans une loge du théâtre des Bouffes du Nord. Là, elle se présente à nous face caméra et nous envoûte, déjà, et nous convie à cette farandole utopique, à jouer avec elle, à faire comme si, comme si tout cela n’était pas que du cinéma. Un film solaire et sensuel, parfois doucement cruel mais aussi tendre, même quand il évoque des sujets plus âpres. Une réflexion passionnante sur l’art aussi et sur la vérité. Une réflexion que l’on trouve aussi dans Frère et sœur.

    Si dans Les Fantômes d’Ismaël, la présence de Marion Cotillard était troublante, elle est ici dans le rôle d’Alice carrément dérangeante pour son frère Louis (Melvil Poupaud). Ces deux-là se vouent une haine sans bornes. Elle est actrice. Il est professeur et écrivain. Alice hait son frère depuis plus de vingt ans. Un terrible accident qui conduit leurs deux parents en soins intensifs à l’hôpital va les réunir. Une scène aussi magistrale que terrible. A l’image de ce film.

    On retrouve ici tous les thèmes habituels de Desplechin, dans une sorte de maelstrom d’émotions qui ne nous laisse pas indemnes. Comme un voyage qu’on n’aurait jamais eu la folie d'effectuer si on avait connu d’avance les épreuves auxquelles il nous confronterait mais qu’on ne regrette malgré tout pas d’avoir entrepris pour la sensation qu’il nous laisse. Ce film est déchirant, éprouvant, déroutant aussi. Et Desplechin s’y amuse une fois de plus avec les codes narratifs du cinéma.

    Le début est aussi suffocant qu’impressionnant. La famille s’est rassemblée autour de Louis et sa compagne après le décès de leur enfant. Tout à coup, le mari de la sœur de Louis surgit. Louis déborde soudain de colère contre lui et sa sœur qui attend à la porte.  « Tu avais 6 ans pour le rencontrer. Tu n’as rien perdu. J’ai perdu plus que ma vie. » Elle reste dehors, effondrée. Générique. Pas de temps mort. Survient ensuite l'accident qui nous saisit à son tour...

    Le spectateur ne connaîtra jamais vraiment les raisons de cette haine même si des indices sont parsemés et même si quelques flashbacks nous éclairent. L’orgueil blessé ? La jalousie ? Des relations dépassant ceux qui lient normalement un frère et une sœur ? Un amour excessif ? Ou bien une haine tenace mais surtout irrationnelle dont l’un et l’autre ne connaissent même peut-être pas la réelle cause. Il a fait d’elle un personnage de ses livres : « Je ne savais plus comment supporter la honte » dira-t-elle. Une honte telle qu’elle se frappera pour exorciser la douleur. « Je ne pardonnerai jamais à Louis. » Elle n’a pas supporté de ne plus être l’héroïne dans la vie. Son père avait écrit à son sujet : « Tu seras aimée, follement. ». « Cela me plaisait d’être son héroïne. Cela faisait dix ans qu’il n’arrêtait pas d’échouer. Il était dans mon ombre. » Alors un jour, elle lui dira « Je te hais » comme elle lui aurait dit « j’ai froid » ou « je suis là » ou « je suis lasse » . Et, laconiquement, il répondra « D’accord ». Il lui faudra dix ans pour réaliser qu’elle le hait vraiment, ou pour construire cette haine :  « Un jour, la haine avait pris toute la place. », « Je veux que tu ailles en prison. Que tu paies pour ton orgueil. »  Alors, ils se sont haïs. Follement.

    Louis peut être aussi affreusement cruel. Une cruauté qui parsème toujours les films de Desplechin. Une cruauté tranchante. Il l’est avec son père. Avec son neveu avec qui subitement il changera de ton : « Arrête de sourire. Les gentils, c’est tiède. » Melvil Poupaud est comme toujours sur le fil, à fleur de peau, d’une vérité troublante. Marion Cotillard se plonge aussi corps et âme dans son rôle.

    Tous deux sont enfermés dans cette haine au-delà d’eux-mêmes, au bout d’eux-mêmes, au-delà même peut-être de toute rationalité, comme une course folle vers l‘abîme après laquelle le retour en arrière semble impossible. « On ne va pas mourir et te laisser en prison. Tu es enfermée » dira ainsi son père à Alice.

    Dans un couloir de l’hôpital, ébloui par son âpre lumière, Louis qui y est assis ne verra pas tout de suite que la femme qui s’avance vers lui n’est autre qu’Alice. On retrouve quelques instants  le suspense cher aussi à Desplechin, le mélange des genres aussi comme si les deux ennemis d’un western allaient être confrontés l’un à l’autre, enfin (western auquel des chevauchées feront d’ailleurs explicitement référence). Elle avance. Louis ignore le danger de la confrontation qui le menace. Et quand il le réalise, il s’enfuit comme un enfant terrifié et elle s’effondre littéralement. Dans Rois et Reine et Un conte de noël, déjà Desplechin explorait cette haine entre frère et sœur.

    Et puis au milieu de tous ces moment suffocants (la haine étouffante, les scènes à l’hôpital qui saisissent de douleur, les drames successifs, la dépression d’Alice) il y a tous ces éclats de beauté lors desquels la lumière change, se fait plus douce, caressante, consolante. Les scènes, magnifiques, de Louis avec sa femme, qui illuminent le film d’une grâce infinie grâce notamment à la présence solaire de Golshifteh Farahani. Une scène de pardon. Un envol au-dessus des toits et de la réalité.  Un emprunt au fantastique. Ou même à Hitchcock qui rappelle ses célèbres oiseaux quand la grêle agresse Alice comme la neige qui la recouvrira sur la scène du théâtre. Il brouille les repères entre cinéma et réalité. Avant qu’ils ne se rejoignent…

    Et puis il y a a nouveau « Roubaix », cette « lumière ». Celle d'Irina Lubtchansky.  « Vous avez vu ? C’est affreux.  On dirait que le soleil ne va pas se lever» dit ainsi un pharmacien à Alice.  Au sens figuré aussi, le soleil souvent ne se lèvera pas et nimbera les âmes et le film d'une obscurité oppressante et glaçante. Mais lorsqu’il se lève, lorsque la noirceur laisse place à lumière chaude et apaisante, une sorte de poésie réconfortante nous envahit jusqu’au soulagement final, qui irradie de soleil, de chaleur et de vie après cette plongée dans les complexités de l’âme humaine.  « Ici je suis envahie d’histoires. Tu vois, j’ai tout laissé derrière moi. Le théâtre, mon homme, mon fils. Je suis partie. Je me souviens de ce vers que tu m’avais appris. Carte compas par-dessus bord. Je n’ai plus ni carte ni compas. Je suis en vie » écrira alors Alice. Comme un écho au « La vie m’est arrivée » des Fantômes d’Ismaël. Cette fois, on a la sensation que la vie va lui arriver, douce enfin. Et l'on respire avec elle après ce film riche, intense, qui chavire et serre le cœur. Prêts à affronter les vicissitudes torves et terrassantes de l'existence, et à laisser le cinéma et la poésie les réenchanter...une fois de plus.

     Frère et sœur figurait parmi les films de la compétition officielle du Festival de Cannes 2022.

    Arnaud Desplechin présidera le jury du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022 dont voici l'affiche dévoilée cette semaine.

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