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deauville - Page 26

  • Critique- « Brothers » de Jim Sheridan avec Tobey Maguire, Natalie Portman, Jake Gyllenhaal

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    Sam (Tobey Maguire) et Grace (Natalie Portman) et leurs deux filles, Isabelle et Maggie, forment en apparence une famille américaine heureuse. Sam est envoyé à nouveau en mission en Afghanistan après être allé chercher son frère Tommy (Jake Gyllenhaal) tout juste sorti de prison. Grace n'aime pas vraiment Tommy mais elle le reçoit poliment. Lorsque Sam est porté disparu en Afghanistan et présumé mort, Tommy s'occupe de Grace et de ses filles. Plus le temps passe, plus Tommy et Grace se rapprochent.  Seulement, alors que tout le monde le croyait mort, Sam refait surface et revient de l'enfer...

    Avec un tel synopsis, le pire était à craindre : un énième mélodrame larmoyant et moralisateur sur un triangle amoureux avec pour arrière-plan la guerre en Afghanistan. Jim Sheridan s'en sort pourtant magistralement, toujours sur le fil du rasoir, nous étonnant avec ce qui est prévisible par l'intelligence du scénario, de  la réalisation et de l'interprétation. Plutôt que d'insister sur des scènes attendues comme l'annonce du retour de celui que l'on croyait mort qui aurait pu donner lieu à une série de scènes convenues et de dialogues sirupeux, Jim Sheridan  préfère les jeux de regards, les silences et le hors champ. Ainsi, lorsque Grace ouvre sa porte et découvre deux militaires, sans qu'une parole soit échangée, elle sait qu'ils viennent annoncer  la mort de Sam.

    L'essentiel n'est pas là, ni dans la mort de Sam, ni dans sa réapparition puisque nous le savons d'emblée mais dans l'évolution des personnages et dans la complexité de leurs sentiments. Des rapports entre les deux frères (protecteur/ protégé, responsable/irresponsable) à leur place dans la famille qui vont progressivement s'inverser à ceux entre les deux filles de Sam qui reproduisent le schéma parental.

    Jim Sheridan filme au plus près des visages décuplant ainsi l'intensité provoquée par le jeu à fleur de peau des trois protagonistes. De Tobey Maguire que l'on a l'habitude de voir frêle et lisse et que l'on a d'abord du mal à imaginer en militaire et qui incarne pourtant ce capitaine véritablement habité faisant passer le bleu de son regard de la douceur à la folie et où semblent danser ses fantômes de la guerre, à Jake Gyllenhal qui se responsabilise peu à peu et qui, en un regard qui s'attendrit, se voile, ou se durcit, fait passer  sa transformation ou son sentiment d'injustice ou sa révolte silencieuse, à Natalie Portman de qui émane une douceur vigoureuse.

    On ressent la profonde empathie du réalisateur pour chacun de ses personnages dont aucun n'est délaissé, du père de Sam et Tommy (Sam Shepard) qui exprimait par la violence l'indicible traumatisme de la guerre du Vietnam à une des filles de Sam qui, lors d'une scène magistrale d'une intensité inouïe, tente de faire comprendre son malaise tandis que chacun tente de dissimuler le sien. Cette scène fait écho à une scène du début et montre l'inversion des rapports entre les deux frères (celui qui perd son sang-froid étant celui qui tentait de raisonner l'autre au début) et en miroir les rapports entre les deux filles de Sam. Pas un regard, pas une parole qui ne soient superflus. La partition est celle d'un virtuose de la psychologie humaine qui à nouveau explore les thèmes de la famille et du pardon (les similitudes sont nombreuses notamment avec « In America » qui était moins nuancé et plus larmoyant mais néanmoins également très réussi.)

    Et puis il y a la guerre contre laquelle ce film est un vibrant plaidoyer. A l'image d'un film comme le Grand prix du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville « The Messenger » d'Oren Moverman (ou encore l'excellent « American son » de Neil Abramson l'année précédente ), en montrant les plaies béantes d'une guerre qu'on essaie de cacher, le traumatisme de ceux qui en reviennent, l'incompréhension ou l'impuissance des familles qui ne peuvent savoir ce qui s'est réellement passé, Jim Sheridan stigmatise les conséquences tragiques d'une guerre qui accompagnent ceux qui l'ont vécue bien après qu'ils en aient quitté le terrain (dès le début Sam dit ainsi se sentir étrangement chez lui lorsqu'il retourne en Afghanistan).

     Jim Sheridan, avec ce remake du film éponyme danois réalisé en 2006 par Susanne Bier, nous livre à la fois un plaidoyer pacifiste tout en retenue et sa vision pudique et sensible, singulière mais universelle de la fratrie et de la complexité des rapports familiaux  dont  chaque regard ou chaque réplique sonnent incroyablement juste.  

     

  • Inthemoodforcinema vous invite au Festival du Film Asiatique de Deauville 2010!

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    Prochainement, vous aurez la possibilité de gagner votre pass pour le Festival du Film Asiatique de Deauville qui aura lieu du 10 au 14 mars prochain. 40 pass seront mis en jeu sur ce blog. Comme toujours vous retrouverez toutes les informations concernant ce festival sur In the mood for Deauville et sur inthemoodforcinema. Je vous en dis très bientôt davantage sur ce concours exceptionnel. Pour ma part, je n'ai pas encore tranché entre partir (comme chaque année depuis ma participation à son jury de cinéphiles en 2005) au Festival du Film Asiatique de Deauville ou au Forum International Cinéma et Littérature de Monaco qui, cette année, se déroulent en même temps. A suivre!

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  • Festival du Film Asiatique de Deauville et Forum Cinéma et Littérature de Monaco 2010

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    Le choix sera cette année cornélien puisque le Festival du Film Asiatique de Deauville 2010 (auquel j'assiste depuis de nombreuses années et dont j'ai notamment fait partie du jury de cinéphiles Première en 2005) et le Forum International Cinéma et Littérature de Monaco 2010 (que j'ai découvert l'an passé, sélectionnée par l'Agence Rumeur Publique et commeaucinema.com pour être invitée au festival -cliquez ici pour lire le récit de mes mésaventures monégasques-) auront cette année lieu au même moment, le premier se déroulant du 10 au 14 mars 2010 et le second du 12 au 14 mars 2010... à moins que je ne me décide pour une toute autre destination. A suivre en mars...

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  • "Breathless" de Yang Ik-June (lotus du meilleur film au Festival du Film Asiatique de Deauville)

    "Breathless" actuellement en salles, est un film que j'ai découvert lors du dernier Festival du Film Asiatique de Deauville où il figurait en compétition officielle et où, grand vainqueur de cette compétition, il a reçu le lotus du meilleur film ainsi que le prix de la critique internationale. Ce portrait coup de poing et sans concessions de la cellule (ici la bien nommée) familiale coréenne avait séduit les deux jurys malgré un scénario parfois outrancier voire abracadabrantesque, et certes quelques scènes brillantes et poignantes... Voici les courts commentaires que j'avais alors publiés et les photos et vidéos de la présentation du film et du palmarès.

     « Breathless » de Yang Ik-June (Corée)

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    Synopsis : Sang-hoon, dont la mère et la sœur meurent devant ses yeux lorsqu'il était encore enfant, a grandi avec la rage au ventre et une haine farouche envers son père, jugé responsable du drame. un jour, Sang-hoon fait la connaissance de Yeon-hee, une jeune adolescente. Au fur et à mesure de leurs rencontres, ils vont se retrouver eux-mêmes…

     Malgré d’évidentes qualités de jeu et direction d’acteurs ( c’est le premier film en tant que réalisateur de l’acteur Yang Ik-June qui interprète aussi le rôle principal) et un sujet fort, malgré le lien singulier de ces deux écorchés vifs qui se raccrochent l’un à l’autre, finalement touchants, malgré le talent de son réalisateur pour traduire la douleur indicible à travers cette violence irrépressible,  « Breathless » perd malheureusement en force et crédibilité à accumuler les coïncidences et drames (la violence des personnages s’explique, parfois maladroitement d’ailleurs, par celle qu’ils  subissent eux-mêmes ou ont subi, tous sont des enfants ou femmes battus). Un film dont chaque lueur d’espoir est rapidement éteinte par un nouveau drame et dont la violence inextinguible jusqu’au dernier souffle, jusqu’à la dernière seconde fait aussi suffoquer le spectateur, et le lasse finalement plus qu’il ne le marque.  Un film qui porte à son paroxysme la difficulté de communiquer (thème commun aux films en compétition dont je vous parlais hier et  que l’on retrouve donc ici), et même de respirer.

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  • Concours: gagnez vos places pour "Sin nombre" de Cary Joji Fukunaga

    Inthemoodforcinema.com, grâce à Cinefriends (un site autant pour cinéphiles que simple amateurs de cinéma, ludique, complet, interactif, diversifié, participatif dirigé par une équipe de choc que je vous encourage vivement à découvrir si vous ne le connaissez pas encore) a la possibilité de vous faire gagner 5 places pour 2 pour découvrir "Sin nombre" de Cary Joji Fukunaga en salles (sortie du film en salles: le 21 octobre prochain).
    Je vous ai déjà parlé de ce film lors du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville, un film choc qui ne vous laissera certainement pas indifférent et qui m'a laissée une forte empreinte malgré les réserves émises dans ma critique publiée à lors de la projection deauvillaise, ci-dessous.
    Pour remporter ces places, étant donné qu'il reste peu de temps jusqu'à la fin du concours (lundi 19 octobre), une question très simple : il vous suffit de figurer dans les 5 premiers à me dire quel film a reçu, en 2008, le prix identique à celui reçu par "Sin nombre" au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2009. Réponse et coordonnées à envoyer à inthemoodforcinema@gmail.com .
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    Cary Joji Fukunaga, réalisateur de "Sin nombre"' entouré du jury palmarès du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2009 présidé par Jean-Pierre Jeunet
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    Dans « Sin nombre » de  Cary Joji Fukunaga suit Sayra, une jeune hondurienne qui, après des années de séparation, retrouve son père qui lui propose d'émigrer avec lui aux Etats-Unis où il a refait sa vie. Une nuit, ils embarquent avec son oncle et d'autres émigrants  à bord d'un train de marchandises américain. C'est au cours de ce voyage que Sayra va rencontrer Casper, un jeune mexicain qui fuit sa ville et la Mara, le gang auquel il appartient mais qu'il vient de trahir... Produit par Gael Garcia Bernal et Amy Kaufman « Sin nombre » avait déjà été primé du prix du meilleur réalisateur et de la meilleure direction photo à Sundance. Malgré certaines faiblesses, et notamment un manque d'épaisseur des deux personnages principaux qui leur fait aussi perdre en crédibilité, il faut là aussi reconnaître la force du propos appuyé par une style documentaire, une caméra à l'épaule qui épouse l'impression de rage, de violence, de risque, d'urgence que connaissent les personnages principaux en lesquels combattent innocence et violence, rage de vivre et de tuer pour vivre.  Fuir ou tuer semblent être les deux seules issues face à une réalité âpre. Si le sujet principal, d'après son réalisateur lors de sa conférence de presse deauvillaise, reste l'immigration c'est aussi un éclairage édifiant sur la sombre et impitoyable réalité des gangs (qui ici imposent des « taxes » aux passeurs), après « La vida loca », le documentaire de Christian Poveda qui y a laissé la vie. Cette âpreté est atténuée par la beauté de la photographie et des paysages que nous fait traverser et découvrir cet intense road movie ferroviaire.  S'il se termine sur un acte de rédemption et sur une note d'espoir il nous laisse avec l'image glaciale d'enfants condamnés à un terrifiant avenir, condamnés à cet insoluble cycle de violence pour sauver leurs vies, si fragiles et méprisées par ceux qui les exploitent sans le moindre scrupule.  Lors de sa conférence de presse, Cary Joji Fukunaga est notamment revenu sur la difficulté de tournage des scènes dans le train pour lesquelles il n'ont de surcroît eu que 5 jours de tournage et sur son prochain projet... : une comédie musicale...  loin de l'horreur des gangs.

    Site Officiel de "Sin nombre": http://www.sinnombre-lefilm.com/
    Page Officiel Facebook de "Sin nombre": http://www.facebook.com/SinNombre.fr

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  • Bilan des films de la compétition officielle du 35ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    Cary Joji Fukunaga, réalisateur de "Sin nombre"', lauréat du prix du jury ex-aequo, entouré du jury palmarès présidé par Jean-Pierre Jeunet
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    Le jury "Révèlation" présidé par Maïwenn

    Comme je vous le disais dans mon premier bilan de ce 35ème Festival du Cinéma Américain, Deauville s'est cette année essentiellement positionné en vitrine du cinéma indépendant américain, mettant au second plan les hommages ( avec néanmoins quatre hommages cette année : à Robin Wright Penn, à Andy Garcia, à Harrison Ford et aux « ZAZ ») et les avant-premières évènementielles qui ont contribué à sa renommée. Depuis que la compétition a été instituée en 1995, je crois n'avoir manqué presque aucun film de cette section (deux cette année « The killing room » et « Precious ») devenue pour moi un rendez-vous incontournable. Comme l'est la compétition cannoise au niveau mondial, la compétition deauvillaise est à la fois un reflet des blessures, des espoirs et des audaces de la société américaine, à cette différence près que Deauville met l'accent sur les premiers films : quatre cette année rien qu'en compétition.

    Parmi les grands prix des années précédentes figurent ainsi : « ça tourne à Manhattan », de Tom Di Cillo, « Sunday » de Jonathan Nossiter, « Being John Malkovich » de Spike Jonze, « Girlfight » de Karyn Kusama, « Maria full of grace » de Joshua Marston, « The Visitor » de Tom Mc Carthy  sans oublier des films comme « Memento » de Christopher Nolan  (prix du jury).

    Témoignage de la vitalité et de la diversité du cinéma indépendant américain, cette année, Deauville nous a montré une Amérique angoissée et engluée dans des problèmes existentiels : « Cold souls » de Sophie Barthes (un acteur américain en pleine crise existentielle) et le peu convaincant et peu plausible « Shrink » de Jonas Pate (ou les affres d'un psychiatre dépressif) dont les protagonistes gravitent d'ailleurs dans le milieu cinématographique et si l'un y perd son âme l'autre y trouvera son salut. L'adolescence, comme toujours, était un des thèmes phares de cette compétition notamment dans l'insipide « Youth in revolt » (absence totale de scénario, et suite de saynètes, prétextes à la mise en scène d'un personnage paraît-il culte et de son double imaginaire) ou dans « World's greatest dad » même si le vrai héros est ici le père de l'adolescent, dans cette comédie immorale réussie et mordante au dénouement malheureusement bâclé et gâché par une inutile pirouette finale (comme si une comédie ne pouvait se permettre d'être corrosive et immorale jusqu'au bout) et un symbolisme ridicule (le greatest dad en question se jette nu dans l'eau d'une piscine pour signifier sa renaissance). Dans « Sin nombre », même si l'adolescence n'est pas le thème central ce sont de nouveau des adolescents qui sont mis en scène de même  que dans « Precious ». Et si la comédie était présente cette année, le rire était jaune et cynique que ce soit dans « Word's greatest dad » ou dans « Humpday » avec son ambiguïté savamment orchestrée derrière le masque du rire.

    Mais ce qui ressortait avant tout de cette compétition 2009, c'était le besoin de souffle, d'évasion, de respiration dans un monde étouffant, une quête d'espoir et d'ailleurs, une envie de fuir la réalité : s'évader en se soulageant de son âme (« Cold souls »), s'évader par l'art, en l'occurrence le dessin (« Harrison Montgomery »), s'évader en mettant en scène ses désirs latents (« Humpday »),  s'évader par des paradis artificiels puis par le cinéma (« Shrink »), s'évader au sens propre (« Sin nombre », ), s'évader et connaître un nouveau souffle en changeant de cœur (« The good heart »), s'évader de son devoir et de ses souvenirs (« The messenger »), s'évader en réinventant la réalité (« World's greatest dad, « Youth in revolt »).

     L'espoir suscité par Obama ne se reflète pas encore totalement dans le cinéma qui perçoit néanmoins la lueur, la plupart de ces films s'achevant en laissant entrevoir une porte de sortie, à défaut d'une fin totalement heureuse.

    Les deux films marquants de cette compétition restent « The messenger » et « Sin nombre »,  deux premiers films, respectivement grand prix et prix du jury ex-aequo même si je vous recommande également « Wolrd greatest dad » et le prix de la révélation 2009 « Humpday », à la fois pour son remarquable interprétation et sa savoureuse ambiguïté même si à l'un et l'autre je reprocherais un scénario inabouti.

    En primant « Sin nombre » et « The Messenger », Deauville s'affirme plus que jamais  comme un festival aux partis pris engagé montrant et dénonçant la face sombre de l'Amérique, notamment les difficultés que connaissent les immigrés, déjà au centre de « The Visitor », grand prix du Festival 2008. Ces deux films,  « Sin nombre » et « The Messenger » ont aussi en commun de se terminer sur une salutaire note d'espoir.

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    C'est à ce premier film sans distributeur, « The Messenger » d'Oren Moverman, déjà couronné de l'Ours d'argent au dernier festival de Berlin qu'est donc allé le Grand Prix du Festival 2009 ainsi que le prix de la critique internationale. Si j'avais préféré, l'an passé, « American son », également en compétition, traitant également des conséquences de la guerre en Irak il faut reconnaître la force du propos servi par deux acteurs remarquables, Ben Foster et Woody Harrelson qui interprètent ici deux militaires ayant la lourde charge d'annoncer le décès de soldats morts à la guerre à leurs proches. Peu à peu les êtres ravagés par la guerre, la culpabilité, se révèlent derrière les masques d'impassibilité  de ces militaires à qui l'on impose froideur et sang froid devant cette tâche ingrate et face aux familles meurtries. La réalité que leurs fonctions les avait contraint à occulter va leur exploser en pleine face de même  que cette effroyable sensation que la vie continue, impitoyable face à leurs malheurs, aveugle devant ce qui se passe là-bas et devant cette horreur impalpable qui, par leur biais, ressurgit sur le territoire américain. Un film émouvant sans être larmoyant ou outrancièrement mélodramatique sur les conséquences effroyables d'une guerre et ses douleurs et horreurs indicibles et parfois niées, une guerre qui n'a pas fini de panser ses plaies encore béantes.

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    Dans « Sin nombre » de  Cary Joji Fukunaga suit Sayra, une jeune hondurienne qui, après des années de séparation, retrouve son père qui lui propose d'émigrer avec lui aux Etats-Unis où il a refait sa vie. Une nuit, ils embarquent avec son oncle et d'autres émigrants  à bord d'un train de marchandises américain. C'est au cours de ce voyage que Sayra va rencontrer Casper, un jeune mexicain qui fuit sa ville et la Mara, le gang auquel il appartient mais qu'il vient de trahir... Produit par Gael Garcia Bernal et Amy Kaufman « Sin nombre » avait déjà été primé du prix du meilleur réalisateur et de la meilleure direction photo à Sundance. Malgré certaines faiblesses, et notamment un manque d'épaisseur des deux personnages principaux qui leur fait aussi perdre en crédibilité, il faut là aussi reconnaître la force du propos appuyé par une style documentaire, une caméra à l'épaule qui épouse l'impression de rage, de violence, de risque, d'urgence que connaissent les personnages principaux en lesquels combattent innocence et violence, rage de vivre et de tuer pour vivre.  Fuir ou tuer semblent être les deux seules issues face à une réalité âpre. Si le sujet principal, d'après son réalisateur lors de sa conférence de presse deauvillaise, reste l'immigration c'est aussi un éclairage édifiant sur la sombre et impitoyable réalité des gangs (qui ici imposent des « taxes » aux passeurs), après « La vida loca », le documentaire de Christian Poveda qui y a laissé la vie. Cette âpreté est atténuée par la beauté de la photographie et des paysages que nous fait traverser découvrir cet intense road movie ferroviaire.  S'il se termine sur un acte de rédemption et sur une note d'espoir il nous laisse avec l'image glaciale d'enfants condamnés à un terrifiant avenir, condamnés à cet insoluble cycle de violence pour sauver leurs vies, si fragiles et méprisées par ceux qui les exploitent sans le moindre scrupule.  Lors de sa conférence de presse, Cary Joji Fukunaga est notamment revenu sur la difficulté de tournage des scènes dans le train pour lesquelles il n'ont de surcroît eu que 5 jours de tournage et sur son prochain projet... : une comédie musicale...  loin de l'horreur des gangs.

  • Mon bilan du 35ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

    blogdeauville504.jpgAlors que, déjà,  avec leur voracité inextinguible,  les médias sont passés à une autre actualité que celle du Festival de Deauville, dans un calme assourdissant et nécessaire (mais heureusement très temporaire) pour  les appréhender avec recul et mesure, je me replonge dans mes souvenirs de ces 10 journées deauvillaises pour vous faire part de mon bilan de cette édition 2009 du Festival du Cinéma Américain.
     La veille de l'ouverture, je m'interrogeais ainsi pour savoir ce que serait pour moi le film de ce 35ème anniversaire, s'il serait « palpitant, déroutant, décevant, inquiétant, émouvant, inénarrable, envoûtant, anecdotique, inoubliable, sans l'ombre d'un nuage... » .  Alors ?
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    Devant le CID, merci à ma photographe de "La cité des arts"

    Nostalgique et joyeuse, décevante et agréable, mélancolique et ensoleillée...et initiatique... : voilà ce que fut pour moi cette édition 2009. Sans doute trouverez-vous tout cela contradictoire et antithétique à l'image de ce qu'est ce festival et de ce que sont et ont toujours été mes journées dans le cadre de celui-ci.

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    Arrivée des voitures officielles sur le tapis rouge- Séance du soir-
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    Nostalgique parce que, forcément, au bout de 16 années de pérégrinations deauvillaises... et plus de 160 jours de présence rien que pour ce Festival du Cinéma Américain, il est très difficile de rivaliser avec tant de souvenirs, de rencontres, de films mémorables, idéalisés peut-être aussi par le prisme de l'imagination et de la mémoire ;  parce que Deauville c'est pour moi plus qu'un festival, c'est le lieu de l'exacerbation de ma passion dévorante pour le cinéma ; c'est le lieu de la  danse endiablée et  déconcertante entre le cinéma et ma réalité ; c'est le lieu qui a vu éclore, renaître et se fracasser tant de mes illusions ; c'est le lieu où dix jours en paraissent cent et un seul à la fois ; c'est le lieu qui, à jamais, aura une place particulière dans mon existence, quitte à avoir des réactions épidermiques et à défendre ce festival comme si je l'avais enfanté même si, cette année, j'ai un instant renié ma progéniture  en songeant à  délaisser  Deauville pour Venise l'an prochain, je pense que l'attachement filial ou en tout cas sentimental sera finalement toujours plus fort.

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    L'actrice Mira Sorvino et  le réalisateur John Gunn présentent le poignant "Like Dandelion Dust"

    Joyeuse parce que, forcément, comme chaque festival, celui-ci a engendré son lot de rencontres cinématographiques et humaines, de découvertes filmiques, d'instants hors du temps, de moments insolites et inattendus, et cette sensation à la fois rassurante et violente que cela durerait éternellement, qu'il était possible de vivre indéfiniment au rythme des projections.

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    L'hommage aux "ZAZ" (Zucker-Abrahams-Zucker) par Dany Boon

    Décevante parce que ce n'est plus un secret pour personne : cette édition 2009 n'a pas été à la hauteur de ce qu'aurait pu être un 35ème anniversaire et de ce que furent ses 25ème et 30ème anniversaires sans parler de sa mémorable 33ème édition. A la décharge des organisateurs, les 20% de recettes de partenaires en moins et la crise économique y sont certainement pour beaucoup. Les invités de la Mostra n'ont ainsi pas prolongé leurs séjours pour venir à Deauville, notamment Matt Damon qui, il y a deux ans, avait honoré les deux festivals de sa présence (soi-disant absent pour cause de rentrée des classes cette année). Les nombreuses stars présentes dans les films sélectionnés n'ont ainsi le plus souvent pas fait le déplacement et même les équipes des films en compétition habituellement présentes. A l'exception des deux derniers jours, avec notamment la venue d'Harrison Ford, le festival n'a pas connu son effervescence coutumière  pas plus que le village du festival déserté par les partenaires officiels (par exemple Narciso Rodriguez présent l'an passé, ayant pourtant signé pour un partenariat de trois ans, avait rompu son contrat avec le festival). Le festival a néanmoins attiré 50000 festivaliers (selon les organisateurs). Excuse des organisateurs face à l'absence d'avant-première évènementielle comme Deauville en a connu tant ou argument pour se singulariser : le festival se présente désormais avant tout comme vitrine du cinéma indépendant américain dans la lignée de son alter ego, Sundance. Espérons aussi que le festival renouvèlera les Nuits Américaines 24H/24H comme les deux premières années et non uniquement à partir de 22h comme cette année. Espérons aussi qu'il rétablira les séances en deuxième partie de soirée.

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    Conférence de presse de Robin Wright Penn pour "The Private lives of Pippa Lee"
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    Conférence de presse d'Harrison Ford
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    Raymond de Felitta, Andy Garcia et Dominik Garcia-Lorido, conférence de presse de "City Island"
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    Meryl Streep, conférence de presse de "Julie et Julia"
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    Stanley Tucci, conférence de presse de "Julie et Julia"
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    Rachel Mac Adams et Eric Bana lors de la conférence de presse de "The time traveler's wife"

    Agréable parce que malgré tout, même si le cru 2009 ne résiste pas à la comparaison avec ses éditions précédentes, il nous a réservé de beaux moments parmi lesquels les présences de deux habitués du festival : la pétillante  Meryl Streep (incroyable -mais cela devient un pléonasme- dans le film d'ouverture « Julie et Julia ») et Harrison Ford, submergé par l'émotion devant une salle médusée. Il y a eu l'émotion plus en retenue, d'autant plus touchante, d'Andy Garcia qui, à travers le film qui lui a consacré le festival pour son hommage, a vu là la preuve de  la concrétisation de ses rêves ; un jury abordable et dynamique. Et puis Steven Soderbergh qui a présenté en avant-première le décevant « The Informant ! » ; Robin Wright Penn dont j'ai découvert l'impressionnante étendue du talent dans « Pippa Lee » ; Julia Migenes pour le concert d'ouverture illuminé de sa lyrique exubérance ; la clôture sur un air d'une nostalgique réminiscence, celui de Michael Jackson ;  les facétieux ZAZ lors de leur hommage ; le poignant « Like Dandelion dust » de Jon Gunn avec Mira Sorvino ; la sympathique comédie « La proposition » de la déjantée Anne Fletcher. Des films souvent avec des thèmes forts (« Cold souls », « The Time traveler's wife », « Sin nombre », The messenger »...) et des interprétations marquantes ( « City Island », « Pippa Lee », « Julie et Julia », "Me and Orson Welles"...) mais souvent des scénarii bâclés et une sensation d'inachevé.

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    Jean-Loup Dabadie et Elsa Zylberstein rendent hommage à Andy Garcia
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    L'acteur Cristian Mc Kay, incroyable en Orson Welles dans "Me and Orson Welles"
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    Avec Humphrey, à Casablanca ou peut-être bien au lounge Orange... Merci à ma photographe "Cinémaniac".

    Mais agréable seulement parce que, pour la première fois, parmi les vingt projections auxquelles j'ai assistées (10 films en compétition et 10 avant-premières) je n'ai eu aucun coup de cœur pour un ou plusieurs des films présentés. Même si je reconnais la force du propos de certains d'entre eux ou de leurs interprètes, aucun film ne m'a réellement enthousiasmée alors qu'il y en avait toujours plusieurs les années précédentes.

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    L'éxubérante Julia Migenes lors de son concert pour l'ouverture du festival
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    Remise du prix littéraire à Colum Mc Cann pour "Et que le vaste monde poursuive sa course folle"

    Mélancolique parce que Deauville est intrinsèquement mélancolique, d'une mélancolie poétique qui endolorit chaleureusement les pensées, et ne cessera jamais de m'envoûter.

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    Harrison Ford avec un deuxième s en prime. Euh...
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    L'une de mes "cantines": l'incomparable Miocque
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    Avec Crocodile Dundee (en réalité une des sculptures de Richard Orlinski avec lesquelles seraient repartis certains invités...)  dans la cour de l'hôtel Normandy
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    blogdeauville602.jpgEnsoleillée, pas seulement grâce à une météo radieuse, et malgré la noirceur de certains films en compétition qui, bien que de qualité inégale, de par leur  diversité, ont témoigné de la vitalité du cinéma indépendant américain. Deauville pourrait même devenir un festival s'affirmant comme politique ou du moins engagé  (avec la compétition mais aussi les Docs de l'Oncle Sam que je regrette d'avoir manqués cette année) et se donner une mission de découvreur de talents (mission déjà accomplie si on regarde la liste des films primés les années précédentes de « Being John Malkovich » à « The Visitor », en passant par « Little miss sunshine »). C'est ainsi un film sur les conséquences de la guerre en Irak sans distributeur qui a été primé, un film d'Oren Moverman avec Woody Harrelson. Le prix du jury ex aequo attribué à "Sin Nombre" de Cary Joji Fukunaga s'inscrivait aussi dans cette optique mettant en lumière  les brûlures et les parts d'ombres de l'Amérique du Sud.

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    Rencontre impromptue avec le photographe Dominique Saint sur les planches qui m'a proposée cette séance photos improvisée, je l'en remercie.
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    Et enfin, ce festival s'est révélé initiatique parce que mon état d'esprit avait changé entre l'ouverture et la clôture, que j'ai compris que le présent aussi insensé puisse-t-il sembler n'annihile pas la douceur des souvenirs,  mais qu'au contraire il se fortifie et s'éclaire grâce à eux.

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    Le jury palmarès présidé par Jean-Pierre Jeunet avec le lauréat ex-aequo du prix du jury: Cary Joji Fukunaga pour "Sin nombre"
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    Le jury "Révèlation" présidé par Maïwenn

    Merci à Orange, notamment pour m'avoir permis de faire gagner des pass à 18 d'entre vous, et pour l'accueil toujours chaleureux au lounge Orange, au Public Système Cinéma pour l'accueil, de plus en plus cordial, notamment à Clément.R, et à mes acolytes festivaliers d'un jour ou de plusieurs et aux trois cinéblogueuses pour leur charmante compagnie.

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    Le pass pour le lounge Orange
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    Le lounge Orange dans les jardins de l'hôtel Royal
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    Dans le hall de l'hôtel Normandy

    A suivre : un article sur les films en compétition de ce 35ème Festival du Cinéma Américain de Deauville avec notamment la critique de « The messenger » et « Sin nombre ». Quant aux critiques des avant-premières elles seront mises en ligne à l'approche des sorties en salles des films en questions et notamment les critiques des trois films que je vous recommande « Like Dandelion Dust », « Pippa Lee », « City Island ».

    Toutes les photos de cet article sont la propriété exclusive de Sandra Mézière pour inthemoodforcinema.com et inthemoodfordeauville.com . Pour toute utilisation, me contacter à inthemoodforcinema@gmail.com .