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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique) - Page 53
Il est rare que je vous présente ici des bandes-annonces mais... je ne résiste pas à celle-ci qui vous rappellera sans doute des souvenirs puisqu'il s'agit de celle d'un film qui a battu tous les records en 1998.
Un film romantique et mélodramatique qui s'assume pleinement doublé d'un grand spectacle. La quintessence du genre. En attendant ma critique prochaine et de le (rerere)voir en salles à l'occasion de sa ressortie en 3D, le 4 Avril 2012 (rerere)découvrez la bande-annonce.
C’est en effet Mélanie Laurent qui a fait l’ouverture du festival avec « Les Adoptés », également en compétition, qui a reçu le prix du jury et le prix du public, 10 ans après avoir été elle-même membre du jury du festival.
"Les Adoptés", c'est l’histoire d’une famille de femmes unies par un bel et fragile équilibre qui se rompra quand l’une d’entre elles tombera amoureuse. Elles n’auront pas le temps de le reconstruire, un drame frappant l’une d’elles qui se retrouve dans le coma.
Il faudra alors vivre avec l’absence et le manque, s’adopter (il s’agit bien évidemment ici d’une adoption symbolique), tisser des liens nouveaux, un nouvel équilibre peut-être encore plus fort car soudé par le drame…
Mélanie Laurent a "le malheur" d’être polyvalente : elle chante (avec talent), joue, réalise, et a même présenté la cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes, ce qui est forcément mal vu dans un pays où on souhaite mettre dans des cases y compris les personnes joliment inclassables mais ce qui montre surtout qu’elle est une artiste à part entière, guidée par le désir de créer (elle avait d'ailleurs même été sélectionnée à Cannes avec son court-métrage "De moins en moins"). Je suis d'ailleurs assez consternée par les commentaires de ceux qui n'ont pas vu le film, ne daigneront pas aller le voir mais qui sont déjà persuadés qu'il est mauvais (il faudra d'ailleurs qu'ils m'en expliquent la raison: le film d'un réalisateur inconnu provenant d'une contrée éloignée et méconnue bénéficie forcément de plus d'indulgence que celui d'une actrice connue censée visiblement n'être là que grâce à son nom mais pourquoi ne pourrait-on pas lui laisser le bénéfice du doute, au moins?), confirmant ainsi la justesse de sa récente mise en cause de la critique (comme si critiquer négativement et avec cynisme était synonyme d'esprit critique). Critiquer sera de toutes façons toujours plus facile et vain que créer...
Elle dit que ce sont avant tout les idées de mise en scène qui l’ont conduite à réaliser ce film, et c’est ce qui en fait la grande qualité et la faiblesse. La réalisation est sensible, inspirée, et témoigne d’un vrai regard de cinéaste, très influencée par le cinéma indépendant américain. Elle revendique par ailleurs trois références: la comédie dramatique "Garden State" de Zach Braff, "Punch-drunk love" de Paul Thomas Anderson et "Morse" de Tomas Alfredson.
Elle fait alterner humour et larmes avec sensibilité, et sa réalisation est lumineuse, portée par des comédiens de talent malheureusement encore peu connus (Marie Denarnaud et Denis Ménochet) à tel point que Mélanie Laurent qui ne souhaitait pas jouer au préalable à dû s’y résoudre pour que le film puisse être monté, une réalisation lumineuse qui vient contrebalancer la dureté du sujet, le tout porté par la douceur des Nocturnes de Chopin.
Un film lumineux et tendre sur un sujet grave, qui n’échappe pas à quelques longueurs mais en tout cas très prometteur pour la suite. Peut-être le fait que le sujet ne soit pas personnel (mais c'était là une volonté de sa part que de traiter d'un sujet qui ne soit pas personnel) explique-t-il que ce petit plus qui rende un film marquant et poignant lui fasse défaut.
Mélanie Laurent a également eu la bonne idée de tourner à Lyon sans que le lieu soit pour autant clairement identifiable, sa caméra étant principalement centrée sur ses acteurs principaux, leurs émotions. « On fait des films pour soi avec des équipes, avec des acteurs mais aussi pour le public. Et pour moi donc c’est le plus beau des prix » a-t-elle déclaré en recevant son prix du public. Un conte solaire, d'une gravité joliment et lumineusement mélancolique, que je vous recommande.
Retrouvez ci-dessous mes vidéos prises au Festival de Saint Jean de Luz, lors de la présentation du film par Mélanie Laurent et lors de la remise des prix et en bonus, le clip de sa chanson "En t'attendant" qui me trotte dans la tête depuis un moment.
Je vous parle ici rarement du nombre d'entrées des films, la qualité cinématographique n'en étant malheureusement pas toujours synonyme contrairement à "Polisse" dont je vous avais déjà parlé lors du Festival de Cannes où je l'ai découvert, en compétition, puis lors du Festival Paris Cinéma dont il a fait l'ouverture. Je vous l'avais alors vivement recommandé (vous retrouverez, ainsi, ci-dessous, ma critique et les photos et vidéos prises lors du Festival Paris Cinéma et de la conférence de presse du Festival de Cannes).
"Polisse" vient ainsi de dépasser les 2 millions d'entrées et "Intouchables" les 5, 6 millions en deux semaines seulement. Si le premier m'a particulièrement enthousiasmée, j'avoue que je reste assez perplexe devant l'engouement critique pour le second (même si je comprends que le public se soit déplacé en grand nombre pour un film qui est extrêmement drôle, sans doute salutaire dans une période de morosité) qui, malgré sa drôlerie, malgré le jeu des comédiens, par un tour de passe-passe qui a consisté à mettre l'accent sur le message du film (auquel on ne peut qu'adhérer, la leçon d'espoir, de tolérance, l'histoire d'amitié improbable et d'autant plus touchante, l'absence d'apitoiement) pour faire oublier les lacunes cinématographiques de ce conte des temps modernes (une mise en scène qui n'a rien d'exceptionnel, des personnages secondaires tout de même très caricaturaux, et un scénario qui s'apparente à une suite de sketchs, certes très réussis). "The Artist" de Michel Hazanavicius aurait pour moi davantage mérité ce succès phénomènal, lequel n'avoisine "que" les 1 500000 spectateurs, un succès néanmoins parait-il exemplaire pour un film muet en noir et blanc...et surtout Jean Dujardin mériterait 100 fois plus un César (et un Oscar d'ailleurs) qu'Omar Sy qui est certes irrésistible dans "Intouchables" mais ne livre pas une performance aussi exceptionnelle que le premier.
J'entends ici et là que nous avons "enfin" du bon cinéma français. C'est oublier un peu vite que Resnais et Téchiné (malgré son décevant dernier film), parmi d'autres, sont encore bien vivants et que le cinéma français compte les plus grands chefs d'oeuvre dans son Histoire... Des succès néanmoins réjouissants pour la création et pour le cinéma français...
« Polisse » est le troisième long métrage de Maïwenn après « Pardonnez-moi » (2006) et « Le bal des actrices » (2009). J’étais restée particulièrement sceptique devant «Le Bal des actrices » , film sur les masques et les mensonges des actrices dans lequel Maïwenn nous impose sa propre vérité, un bal dont elle est la reine et la manipulatrice, un bal dans lequel le cinéma est montré comme un théâtre masqué, un monde de faux-semblants dans lequel les actrices sont toutes malheureuses, narcissiques, prétentieuses et pour se dédouaner de s'être attribuée le beau rôle, Maïwenn lors d'une scène finale (lors de laquelle toutes les actrices sont réunies pour voir son documentaire) devance toutes les critiques, ses actrices lui adressant les reproches que pourrait lui faire la critique. Bref, je craignais le pire avec le sujet ô combien sensible de ce troisième long métrage.
Connaissant l’intrigue et le dénouement, j’étais curieuse de voir si je serais à nouveau embarquée, touchée, parfois agacée… et je dois avouer qu’à cette deuxième vision l’émotion, surtout, était tout autant au rendez-vous qu’à la première.
Synopsis : « Polisse » suit le quotidien des policiers de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs) : gardes à vue de pédophiles, arrestations de pickpockets mineurs, auditions de parents maltraitants, dépositions des enfants, les dérives de la sexualité chez les adolescents, mais aussi la solidarité entre collègues et les fous rires incontrôlables dans les moments les plus impensables. En parallèle, Maïwenn montre les répercussions sur la vie privée de chacun de ces policiers et l’équilibre précaire entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Mélissa ( Maïwenn) est mandatée par le Ministère de l’Intérieur pour réaliser un livre de photos sur la brigade. Ce regard va révéler les fêlures de Fred (Joeystarr), le plus écorché vif de la brigade.
Les premières minutes nous montrent une petite fille décrivant avec sa candeur enfantine les attouchements que son père lui a ou aurait fait subir (nous ne saurons pas vraiment). Quelques scènes plus tard, nous retrouvons les policiers de la BPM qui, à la cantine, racontent leurs histoires de couples, avec une certaine crudité, à la fois pour désamorcer la violence de ce qu’ils entendent au quotidien, mais aussi parce que cette violence a des répercussions inévitables sur leur vie privée.
C’est avant tout eux que la caméra de Maïwenn va suivre, nous immergeant dans leur douloureux quotidien. Douloureux parce que difficile d’entendre des horreurs toute la journée et de ne pas en ressortir écorché, voire blessé, ou même meurtri. Douloureux parce que la vie privée devient chaotique quand la vie professionnelle est aussi rude et vorace, et exige un tel dévouement dont il est impossible de ressortir indemne. Douloureux parce que les blessures des autres ravivent les leur.
Lors de la première projection à Cannes, je vous avais dit avoir été partagée entre émotion et scepticisme, agacement et admiration mais j’avoue que cette fois l’émotion et l’admiration ont dominé. Emotion parce que la caméra de Maïwenn capte et esquisse admirablement des portraits de pères, de mères, d’hommes, de femmes, d’enfants, désemparés face à la douleur indicible mais aussi la glaçante épouvante de ceux qui avouent les pires horreurs avec le sourire et une terrible « innocence », inconscients de celle qu’ils ont bafouée (Terrifiante déclaration du personnage d’Audrey Lamy inspirée comme tous les autres faits de ce film, de faits réels). Emotion parce qu’il est impossible de rester insensible devant, par exemple, cette scène douloureusement réaliste de cet enfant arraché à sa mère parce qu’il est impossible de leur trouver un foyer à tous deux. Emotion lorsque par un frôlement de main, une danse d’abandon, surgit une tendresse si longtemps contenue. Emotion parce que la scène finale d’une logique tragiquement implacable vous saisit d’effroi.
Admiration parce que Maïwenn en quelques plans, parfois juste le temps d’une déclaration à la police, nous raconte toute une histoire, un passé sombre et un avenir compromis. Admiration parce qu’elle tire des acteurs et surtout actrices, le meilleur d’eux-mêmes : Sandrine Kiberlain bouleversante, Karin Viard insaisissable, touchante puis presque effrayante, et que dire de Marina Foïs, remarquable dans le rôle de ce personnage de policier, le plus intéressant, abimé, fragile, désorienté. Même Joeystarr dont la prestation dans « Le bal des actrices » ne m’avait pas convaincue, est ici particulièrement touchant dans son rôle de flic bourru au cœur tendre qui s’implique émotionnellement dans chaque « cas ».
Alors pourquoi étais-je aussi sceptique et agacée suite à la projection cannoise ? Sceptique parce que le personnage qu’incarne Maïwenn qui se cache derrière ses grandes lunettes, son chignon, qui passe des beaux quartiers aux quartiers plus populaires, semble une nouvelle fois une manière de se dédouaner, de se donner le beau rôle, de se mettre en scène sans que cela soit forcément nécessaire. Il faut avouer que, suite à cette deuxième projection, j’ai trouvé que son personnage qui certes parfois sourit un peu trop béatement, apporte une certaine fraîcheur, un regard extérieur et est une vraie trouvaille scénaristique pour permettre au personnage de Joeystarr d’évoluer et de révéler une autre facette de sa personnalité. C’est aussi un moyen d’explorer à nouveau la mise en abyme. C'est d’ailleurs après avoir vu un documentaire à la télévision sur le travail des policiers chargés de protéger les mineurs, qu'elle a eu l'idée d'en faire un film.
Agacée par ce style faussement réaliste (Lors de la conférence de presse des lauréats à Cannes, Maïwenn s’est énervée suite à la question d’un journaliste qui, à propos de son film, parlait de style semi-documentaire) qui recrée une réalité et forcément l’édulcore pour faire surgir une réalité qui forcément n’en est pas totalement une. Agacée parce que Maïwenn par moments semble nous refaire « Le bal des actrices » et plus soucieuse de leurs performances que du réalisme (peut-être aurait-il été plus judicieux d’utiliser uniquement des comédiens inconnus) mais après cette deuxième projection, je reconnais que tous les acteurs sans exception, sont absolument remarquables et que Maïwenn est incontestablement douée pour la direction d’acteurs sachant tirer ici le meilleur de chacun (les « témoignages » d’anonymes sont saisissants).
Agacée parce que parfois la caméra s’attarde un peu trop, et nous prend en otage, ou parce que parfois elle semble privilégier ou du moins hésiter entre l’effet de style ou l’émotion et le réalisme (comme la scène des enfants qui dansent dans le bus). Agacée parce que, à l’image de son titre, cela frôle alors l’artificiel. Polisse écrit par un enfant. Polisse mais surtout pas « policé ». Polisse parce qu’il y avait déjà le PoliCe de Pialat.
Avec ce troisième film, Maïwenn veut à nouveau faire surgir la vérité, « peindre les choses cachées derrière les choses » pour reprendre une célèbre réplique d’un non moins célèbre film de Marcel Carné. En voulant parfois trop mettre en valeur ses actrices (ou elle-même), elle nuit justement à cette vérité nous rappelant trop souvent que « c’est du cinéma », alors qu’elle retranscrit malheureusement surtout une sombre réalité. Il n’en demeure pas moins que c’est un bel hommage à ces policiers de la BPM, à leur dévorant métier et leur dévouement, un constat effroyable sur la noirceur humaine, et il n’en demeure pas moins que la fin est bouleversante de beauté tragique et de lyrisme dramatique : ces deux corps qui s’élancent, et font éclater ou taire la vérité, inadmissible, et éclater ou taire l’espoir. Un film agaçant, intense, marquant, bouleversant, parfois même (sombrement) drôle.
A cette deuxième vision, la qualité de la réalisation (caméra nerveuse qui épouse la tension palpable), et surtout l’écriture m’ont particulièrement marquée, sans doute la raison pour laquelle Maïwenn condamnait cette définition de semi-documentaire. Le film est extrêmement construit, les dialogues sont particulièrement efficaces et sans doute certains les trouveront trop écrits, en contradiction avec l’impression de réalisme auquel ils ne nuisent néanmoins pas. Chaque scène de chaque personnage, qu’il soit au premier ou au second plan, dit quelque chose du dénouement concernant ce personnage et il faut dire que Maïwenn et sa coscénariste Emmanuelle Bercot manient brillamment le film choral aidées par un brillant montage qui fait alterner scènes de la vie privée et scènes de la vie professionnelle, les secondes révélant toujours quelque chose sur les premières, ces deux familles se confondant parfois. Pialat, Tavernier, Beauvois, Marchal avaient chacun à leur manière éclairer une facette parfois sombre de la police. Il faudra désormais compter avec le « Polisse » de Maïwenn dont le prix du jury cannois était en tout cas entièrement justifié.
HIMYB. Peut-être ces initiales ne vous diront-elles rien ou vous rappelleront-elles simplement vaguement celles d'une série télévisée bien connue. Peut-être donc ne connaissez-vous pas encore "How I met your blogger", le rendez-vous des blogueurs cinéma passionnés de cinéma qui fêtera déjà sa 5ème édition. "Des blogueurs cinéma passionnés de cinéma" : un pléonasme, me direz-vous...Pas du tout! Mais c'est là un autre débat (sur lequel je me suis largement exprimée dans cette note) que celui de ces blogs qui se créent plus par opportunisme que par passion et ceux pour qui le cynisme vindicatif est devenu le credo pour se démarquer dans une époque où il est glorifié au détriment de la passion plus discrète.
En général, ceux qui viennent à HIMYB sont heureusement là pour partager leur passion et parler cinéma jusqu'au bout de la nuit, et même la blogueuse que je suis qui, en général, n'affectionne pas particulièrement les réunions de plus de 3 personnes est toujours ravie d'y venir et de retrouver des connaissances forgées au gré de mes 8 années de blog(s) et avec lesquelles le cadre convivial permet d'échanger plus longuement que dans celui de projections presse. J'y retrouve ce que j'ai apprécié au début du blog: la possibilité de partager sa passion.
Si vous aussi avez envie de découvrir quels êtres étranges et non moins sympathiques se dissimulent derrière de mystérieux pseudonymes alors vous êtes les bienvenus le vendredi 2 décembre à partir de 19h30 chez Foncier Home (43 Boulevard des Capucines, 75002 Paris, face à l'Olympia, metro Madeleine M8-12-14). Pour vous inscrire, c'est ici. Et n'oubliez pas de devenir fan sur Facebook et de suivre l'équipe HIMYB sur Twitter pour tout savoir.
Non, je ne suis pas encore partie dans de nouvelles pérégrinations festivalières, cette fois à Sarlat, mais je tenais néanmoins à vous parler de ce festival qui présente dans sa sélection de nombreux films récemment recommandés par inthemoodforcinema.com parmi ses 29 avant-premières, à commencer par le film d'ouverture, "La Délicatesse" de David et Stéphane Foenkinos-dont vous pourrez retrouver ma critique, ici-, projeté ce soir à 19H, un de mes grands coups de coeur de cette année.
Parmi les films en sélection, d'autres grands coups de coeur de cette année comme "Une bouteille à la mer" de Thierry Binisti (primé à Saint Jean de Luz mais aussi récemment au Festival de La Réunion) ou "Louise Wimmer" de Cyril Mennegun découverts au Festival de Saint Jean de Luz (retrouvez mon compte-rendu du festival, ici) mais aussi "17 filles" de Muriel et Delphine Coulin, prix Michel d'Ornano du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville ou "Elena" d'Andrei Zvianguintsev qui fait par ailleurs l'ouverture de la semaine du cinéma russe à Paris, également ce soir.
Vous pourrez également y découvrir d'autres films très attendus comme "Les Lyonnais" d'Olivier Marchal ou encore "L'ordre et la morale" de Mathieu Kassovitz.
Lelouch. Prononcez ce nom dans un dîner et vous verrez immédiatement l’assistance se diviser en deux. Les adorateurs d’un côté qui aiment : ses fragments de vérité, ses histoires d’amour éblouissantes, sa vision romanesque de l’existence, sa sincérité, son amour inconditionnel du cinéma, ses phrases toutes faîtes et récurrentes, une musique et des sentiments grandiloquents, la beauté parfois cruelle des hasards et coïncidences. Les détracteurs de l’autre qui lui reprochent son sentimentalisme et tout ce que les premiers apprécient, et sans doute de vouloir raconter une histoire avant tout, que la forme soit au service du fond et non l’inverse. Avec « Roman de gare », les seconds s’étaient rapprochés des premiers, mais pour cela il aura auparavant fallu que le film soit au préalable signé d’un autre nom que le sien. Avec « Ces amours-là », il ravira sans doute à nouveau les premiers et agacera certainement les seconds, ce dernier film réunissant tout ce qui définit son cinéma. Et c’est bien normal puisque ce film est le cadeau qu’il s’est offert et qu’il offre à son public pour ses cinquante ans de carrière.
Pour évoquer ces cinquante ans de cinéma, il nous invite à suivre le destin flamboyant d’Ilva (Andrey Dana), ses malheurs et ses bonheurs démesurés sur cinq décennies d’histoire. Pour Ilva l’amour est plus important que tout. C’est par la plaidoirie de son avocat (Laurent Couson) et au rythme d’un orchestre symphonique que son destin, fait de bonheurs et tragédies tout aussi romanesques, nous est conté.
Des premiers plans en noir et blanc qui évoquent les débuts du cinéma au dernier sur les spectateurs sortant d’un cinéma projetant « Ces amours-là » , ce dernier film de Claude Lelouch est avant tout un hommage au cinéma, une manière de remercier son public de sa fidélité (l’exergue puis le dernier plan leur sont ainsi destinés), de faire le bilan de son existence cinématographique, lui, l’enfant juif que sa mère cachait dans un cinéma pendant la guerre et qui verra ainsi naitre sa passion et sa dévotion pour le cinéma qui non seulement illuminera sa vie mais la sauvera. Il s’amuse avec la mise en abyme pour nous parler de son histoire, d’histoires vraies qui l’ont marqué, mais aussi du cinéma qu’il aime.
Le père d’Ilva (Dominique Pinon) est projectionniste, beau prétexte pour évoquer les débuts du parlant avec « Le chanteur de jazz » ou pour nous montrer des extraits de classiques du cinéma : « Remorques » de Jean Grémillon, « Autant en emporte le vent » de Victor Fleming, « Le Jour se lève » et « Hôtel du Nord » de Marcel Carné sans parler d’une affiche très à propos du « Crime était presque parfait » d’Hitchcock. Et c’est avant tout ce qui m’a plu dans ce nouveau film : sa passion du cinéma qui transpire dans chaque plan, sa volonté de la partager avec nous, son regard toujours alerte et curieux, presque candide. Tant pis si cette naïveté, certes parfois maladroite, en hérisse certains.
L’amour du cinéma donc, un amour du cinéma qui passe par celui des acteurs. Et c’est là qu’il m’a bluffée. Dans ces scènes plus intimes ou ses fameux fragments de vérité et où l’émotion affleurent et nous emportent. Qu’importe si « Ces amours-là » souffre de quelques baisses de rythme, si la musique force parfois un peu trop l’émotion, si Claude Lelouch ne s’embarrasse pas de psychologie, il dessine la vie en grand, en romanesque et le jeu de ses acteurs qu’il dirige si habilement nous y fait croire (on comprend alors aisément le générique impressionnant des acteurs qui ont tourné pour lui et qui apparaissent à la fin).
Que ce soit dans une boîte de jazz avec Audrey Dana, Gilles Lemaire et Jacky Ido (ce dernier est pour moi LA révélation) où plus rien d’autre, malgré la foule et le bruit, ne semble exister que leurs sentiments naissants ou au siège de la Gestapo entre Samuel Labarthe, nazi jouant la Marseillaise et Audrey Dana (qui m’a rappelée la fameuse scène de la Marseillaise dans « Casablanca » de Michael Curtiz), Lelouch nous fait retenir notre souffle comme si la scène se déroulait réellement sous nos yeux, sans doute l’effet de sa fameuse méthode qui consiste à souffler le texte aux acteurs pour créer l’effet de surprise. Des acteurs filmés en gros plan dont sa caméra bienveillante traque l’éclat, l’émotion, la vie, la faille, la magie. Raphaël fait ses débuts plus que prometteurs de même que le musicien Laurent Couson, Dominique Pinon devient à nouveau beau sous l’œil de Claude Lelouch, Judith Magre et Anouk Aimée nous émeuvent en quelques plans. Audrey Dana confirme la confiance que Lelouch a placée en elle, invariablement juste, incarnant ce personnage à la fois courageux et désinvolte, grave et insouciant, volontaire et soumis aux hasards de l’existence. Et il en fallait du culot pour dire à des Français de jouer des Allemands ou des Américains et de l’audace pour prétendre retracer 50 ans d’Histoire en deux heures, et pour tourner le tout en Roumanie.
Avec « Ces amours-là », Lelouch signe une fresque nostalgique ; une symphonie qui s’achève sur une note d’espoir ; la bande originale de son existence cinématographique qui évite l’écueil du narcissisme en guise de remerciements au cinéma, à la musique, à son public, à ses acteurs ; un film joliment imparfait qui met en exergue les possibles romanesques de l’existence ; un film jalonné de moments de grâce, celle des acteurs avant tout à qui ce film est une déclaration d’amour émouvante, passionnée et de ce point de vue entièrement réussie.
Et pour le plaisir, une de mes scènes lelouchiennes préférée dans laquelle éclate tout son talent de directeur d’acteurs.