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  • Télégramme cannois, pronostics n°2: la palme d'or pour "Babel"?

    Cannes. 17H10. Le temps me manque car la cérémonie de clôture a lieu dans très peu de temps, 2H20 exactement,  mais je ressors de la projection de "rattrapage" de Babel et ce film m'a tellement bousculée que je tenais à écrire quelques trop courtes lignes. La mise en scène est volontairement destructurée, désorientée pour reflèter ce monde qu'il met en scène, un monde qui s'égare, qui peut basculer au monde geste , à la moindre seconde dans la violence irraisonnée, un monde qui n'a jamais communiqué aussi vite et mal, un monde que le l'on prend en pleine face, fascinés et horrifiés à la fois, un monde brillamment ausculté, décrit, un monde qui nous aveugle, nous assourdit, un monde de différences si semblables. Je vous en parlerai bientôt plus longuement tant il y a à dire sur ce film. Un grand film qui a toutes les qualités d'une palme d'or, qui à mon avis, domine la sélection, et à défaut  de palme d'or espérons qu'il obtiendra le prix du jury ou celui de la mise en scène!

    Pour le reste des pronostics, voir ci-dessous...et très bientôt mes commentaires sur le palmarès.

    Sandra.M

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  • Télégramme cannois: pronostics

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    Est-ce parce qu'il s'agissait du dernier film de la sélection officielle? Est-ce l'ambiance si particulière du film en question qui a déteint sur le public du festival? Toujours est-il que la projection du Labyrinthe de Pan à 19H30 hier dans le grand théâtre Lumière a ensorcelé les festivaliers. Les applaudissements qui ponctuent chaque projection officielle, parfois juste polis, respectueux, conventionnels étaient passionnés et se sont agréablement éternisés suscitant les larmes de l'équipe du film, et les frissons de la salle. Une belle émotion s'est emparée du grand théâtre Lumière. Guillermo del Toro a su concilier le fond et la forme ce qui n'a pas été le cas de tous les films de la sélection dont la présence de certains en sélection officielle comme L'Ami de la famille (il ne suffit pas de singer Fellini pour faire un chef d'oeuvre...) me laisse encore perplexe.

    L'histoire du Labyrinthe de Pan se déroule en Espagne, en 1944. La guerre civile est finie depuis 5 ans. Carmen, récemment remariée, s'installe avec sa fille Ofélia chez son nouvel époux, le très autoritaire Vidal (Sergi Lopez), capitaine de l'armée franquiste. Alors que la jeune fille se fait difficilement à sa nouvelle vie, elle découvre près de la grande maison familiale un mystérieux labyrinthe. Pan, le gardien des lieux, une étrange créature magique et démoniaque, va lui révéler qu'elle n'est autre que la princesse disparue d'un royaume enchanté.
    Afin de découvrir la vérité, Ofélia devra accomplir trois dangereuses épreuves, que rien ne l'a préparé à affronter...

    Le labyritnhe de Pan est un conte fantastique qui ne perd pas le spectateur une seule seconde, une peinture allégorique du franquisme (le réalisateur dit s'être inspiré des peintures de Goya) vu par une petite fille qui pour affronter cette dure réalité va s'évader dans un monde imaginaire dont les monstres sont finalement plus inoffensifs que ceux qu'elle croise dans la réalité. Le véritable monstre est en effet le capitaine Vidal. Par un montage habile, les deux univers sont astucieusement mêlés et mis en parallèle. Au final, c'est un conte enchanteur pour adultes qu pourra aussi ravir les enfants. La preuve qu'il n'est pas besoin de faire Flandres et de choquer pour susciter la réflexion...comme Bruno Dumont semble en être persuadé mais je reviendrai sur ce film dans un prochain article.

    Je vous parlerai également bientôt plus longuement du Labyrinthe de Pan de même que de tous les autres de la sélection officielle mais en attendant voici mes pronostics et mes préfèrences, en bref:

    En précisant que je n'ai pas vu Marie-Antoinette et Babel, l'un et l'autre étant cités pour la palme d'or même si pour le premier malgré une mise en scène très réussie, on évoque un scénario un peu léger, les 3 films qui m'ont le plus enchantée, charmée, émue, fait réfléchir, parfois les 4 en même temps sont Indigènes, Le vent se lève, le labyritnhe de Pan. La double lecture du Labyrinthe de Pan en ferait une palme d'or intéressante, à la fois film politique comme le festival les aime et conte fantastique comme on imagine que Wong Kar Wai pourrait les aimer.  Sergi Lopez pourrait également prétendre au prix d'interprétation masculine. D'ailleurs la guerre et la politique ont été omniprésents dans cette sélection officielle et le biais singulier par lequel ils sont abordés ici pourrait remporter les suffrages du jury, à défaut a en tout cas il a remporté les miens et ceux de beaucoup de festivaliers. Il serait très étonnant qu'Almodovar ne figure pas au palmarès, et pour lui probablement très décevant. On parle beaucoup de Pénélope Cruiz qui mériterait en effet le prix d'interprétation féminine, ce qui serait également une manière de primer le réalisateur et son film qui a enchanté beaucoup de festivaliers. Pour le prix d'interprétation on peut également songer aux acteurs de Red road. Pour ma part je verrais bien 4 prix ex-aequo pour les acteurs principaux d'Indigènes. Remettre une palme d'or à ce film serait également un moyen de donner un écho mondial à ce vibrant hommage au tirailleurs. Pour le prix du scénario, Selon Charlie, Quand j'étais chanteur sont mes favoris, le Caïman pourrait être celui du jury, avec Moretti figurant une nouvelle fois au palmarès. Le  prix du jury va en général a un film un peu plus atypique, pourquoi pas les Climats dont la mise en scène est remarquable (ou alors plus logiquement le prix de la mise en scène) . Pour ma part, je verrai bien Summer Palace. Pour la mise en scène, on parle beaucoup de Marie -Antoinette, Volver et Babel.

    Une chose est certaine: le palmarès reste un mystère entier, si les années passées les palmes d'or de Michael Moore et Gus Van Sant n'ont pas réellement créé la surprise (même s'il était surprenant de remettre une palme d'or à un documentaire la rumeur courait déjà depuis plusieurs jours avant le palmarès) la diversité des films présentés cette année était telle qu'il est bien difficile de savoir quels films figureront au palmarès, si Wong Kar Wai préfèrera un cinéma plutôt semblable au sien, poétique et lyrique ou bien des films âpres et sujets à polémique comme Flandres ou Red road. Le jury choisira-t-il de donner à cette palme d'or une résonance politique dans la lignée du discours que Vincent Cassel  fit lors de la cérémonie d'ouverture (et auquel une palme d'or pour Indigènes par exemple serait un formidable écho? Choisira-t-il de primer des acteurs professionnels au talent reconnu comme Gérard Depardieu ou Penelope Cruiz ou bien des débutants ou des acteurs non professionnels? Choisira-t-il de primer un cinéma classique ou un cinéma plus atypique, voire polémiste? La réponse dans quelques heures, avec mes impressions sur la cérémonie de clôture à laquelle je serai également.

    J'aimerais disserter encore longuement sur ce palmarès potentiel mais je dois vous laisser pour assister à la projection de "rattrapage" de Babel qui fera peut-être voler ces pronostics en éclat. Dès la semaine prochaine vous pourrez retrouver mes articles beaucoup plus approfondis comme le rythme éffréné de ce festival et son tourbillon de projections, d'émotions, de soirées ne m'en ont pas laissé le temps ici, avec des photographies,  mes commentaires sur le palmarès, sur tous les films que j'ai vus pendant le festival mais aussi sur ses soirées.

    N'hésitez pas à laisser vos commentaires et pronostics et à revenir sur ces pages pour retrouver très bientôt de nombreux articls plus dignes de ce nom sur cette édition 2006 du festival de Cannes.

    Sandra.M

     

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  • La rose pourpre de Cannes...

    La Croisette, 2H30. Les projections et les soirées se succèdent, malgré l’heure tardive la Croisette bruisse et fourmille plus que jamais. Je reviens de la soirée donnée à la suite de la projection du film Quand j’étais chanteur de Xavier Giannoli  et sur le chemin du retour j’observais ce spectacle étrange, cette foule bigarrée qui se montre, s’exhibe, parade, observe ce spectacle dont elle est partie intégrante. Comme dans La rose pourpre du Caire, je me demandais si je n’avais pas traversé l’écran pour me retrouver dans un film, un film de Fellini sûrement. D’une plage à une autre seule la musique change mais à l’entrée les mêmes vigiles qui vous toisent, les mêmes survoltés qui arguent de leur importance injustement méconnue pour entrer. D’une soirée à une autre on retrouve les mêmes visages jamais rassasiés,  les mêmes personnalités a priori d'univers si différents qui cosexistent, les mêmes assoifés...de soirées persuadés que la prochaine sera encore meilleure, et qui à peine entrés ont déjà le regard avide de la prochaine. Le tapis rouge est désert, et impassible avec son "certain regard" il semble regarder cela d’un œil narquois. Cette effervescence semble ne jamais devoir s’interrompre, moi-même j’ai l’impression que ce tourbillon festif et cinématographique ne cessera jamais, que je suis plongée dans une autre dimension dont je ne sortirai jamais, dont je n’ai finalement peut-être pas vraiment envie de sortir, si doucement euphorisante… Une projection succède à une autre, une soirée succède à une autre. La nuit n’existe plus. Cannes fait son cinéma. 24H/24. Un film exubérant, ridicule, touchant, excessif sûrement. Après Fellini la science-fiction. J’aurais tant à vous dire. J’aimerais épiloguer sur chaque soirée, chaque film plus encore, surtout sur l’incandescence poétique de Ca brûle le film lyrique de Claire Simon qui vous laisse un souvenir brûlant, un film sur la soif d'absolu, fatalement belle, certainement une des meilleures surprises de ce festival, présentée à la Quinzaine des réalisateurs, sur le vibrant et bouleversant hommage aux tirailleurs dans Indigènes de Rachid Bouchareb, mon favori de la sélection officielle dont la belle plus reconnaissance à ceux dont il retrace la tragique et héroîque destinée serait certainement de figurer au palmarès (Grand prix? Prix d'interprétation?), de la noirceur désespérée et désespérante de la plupart des films en compétition (certes Bruno Dumont avec Flandres veut dénoncer mais pourquoi alors toujours employer la même arme, la violence pour la condamner, le voyeurisme pour nous mettre face à nos propres faiblesses, n’est ce pas un peu surfait et facile ?), de ces réalisateurs qui sous prétexte de ne pas être mièvres deviennent glauques et pathétiques, qui sous prétexte d'éviter la banalité recourent à la même pseudo originalité, du public qui en a peut-être assez et probablement est-ce la raison des applaudissements éffrénés à l’issue de Quand j’étais chanteur, de la légèreté qui avait déserté la Croisette et qui s’en est de nouveau emparée ce soir, de la grâce de Gena Rowlands, de la fantaisie jubilatoire d’Almodovar et de ses personnages colorés et fantomatiques, de la dérision désenchantée et lucide de Moretti, de ce réalisateur dont je tairai le nom visiblement éméché qui a bien failli ne pas accéder au palais des festivals après une alertcation avec la sécurité obtus du palais, du film de Jacques Fieschi, La Californie dans lequel Nathalie Baye est une nouvelle fois magistrale, de ces films comme dont la sélection est totalement incompréhensible, de ce temps distendu que je voudrais suspendre Mais de tout cela je vous parlerai plus longuement avec le recul et le temps nécessaires, loin des réactions grégaires et excessives des festivaliers, quand j’aurai retrouvé la réalité, du moins un monde où des personnages étranges en nœuds papillons et robes de soirées n’arpentent pas les plages à 6 heures du matin, où votre importance ne dépend pas de ce petit panneau que vous arborez autour du cou… En attendant demain vous pourrez retrouver mes pronostics…à moins que je ne sois restée de l’autre côté de l’écran, dans ce film qui m’environne, dans cette Dolce vita qui me happe dans son tourbillon, et me donne envie de fredonner… A suivre.

    Sandra.M

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  • Cannes 2006, 2ème compte-rendu: Selon Charlie et selon les autres...

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    Après Paris, je t’aime dont la musique mélodieuse résonne encore à mes oreilles de festivalière pas encore totalement assourdie par le tohu-bohu cannois, direction New York pour le film World Trade Center d’Oliver Stone dont 20 minutes très attendues ont été projetées avant-hier en avant-première dans la salle Debussy avant la projection d’une copie restaurée de Platoon. Oliver Stone est ainsi venu accompagné de Willem Dafoe, Charlie Sheen et Tom Berenger (photo ci-contre) pour cette présentation exclusive. Dès les premières secondes la tension est palpable, sur l’écran et dans la salle. Nous voilà replongés presque 5 ans en arrière, les 5 courtes années qui auront été nécessaires pour que le cinéma s’empare du sujet ou plus exactement medium_stone4bis.jpgpour que soit finalisée l’idée qui a certainement germé dès le 11 septembre 2001. Je me souviens m’être demandée à l’époque combien de temps cela prendrait. Je revenais le jour même du festival du film américain de Deauville et, regardant l’écran de télévision, incrédule et effarée, je me demandais si les 10 jours qui avaient précédé mêlant fiction et réalité n’avaient pas altéré ma raison devant ces images quasi irréelles, fantastiques, tellement et dramatiquement cinématographiques. De là provient aussi certainement le malaise qui s’est emparé de la salle Debussy. Les images d’Oliver Stone nous paraissent presque plus réelles que celles d’alors parce que nous savons que c’est possible, que ce fut réel, que nous avons encore tous en tête les images des avions s’encastrant dans les tours maintes fois diffusées. Apparemment Oliver Stone a choisi de ne pas les montrer mais de suivre des policiers partis sauvés des personnes enfermées dans les tours. Il nous montre d’abord les rues paisibles de New York, l’ombre et le bruit d’un moteur d’avion, la menace qui plane, puis les policiers personnifiés qui se dirigent vers le World Trade Center, sans vraiment s’étonner comme si ce n’était que du cinéma, comme s’il croyait qu’une fois le générique de fin passé tout rentrerait dans l’ordre et que les deux tours surplomberaient à nouveau Manhattan, banalisant la réalité en simple cauchemar évanoui une fois le mauvais rêve terminé. Lorsque les policiers arrivent sur les lieux l’atmosphère est apocalyptique. Oliver Stone a choisi de filmer comme il filmerait un champ de bataille. La caméra vacille comme le monde a vacillé dans l’improbable. Des cris assourdissants, de la fumée aveuglante, des hommes ensanglantés, des visages affolés. J’imagine déjà la suite : la musique grandiloquente, le patriotisme glorifié, le sauvetage héroïque, les gros plans sur les larmes, les visages bouleversés et reconnaissants, et la leçon de morale avec la bannière étoilée flottant fièrement à la fin. J’imagine aussi ceux qui dans quelques années verront ces images sans avoir vu les autres, les réelles, se disant que ce n’était que du cinéma, ou ne sachant plus très bien. La lumière de la salle Debussy se rallume, les spectateurs hésitent, ne savent pas s’ils doivent applaudir, puis se résolvent à de très timides applaudissements. J’étouffe. Ce n’est finalement pas que du cinéma. Comme la moitié de la salle je sors sans revoir Platoon. Dehors, Cannes est toujours aussi frénétique, lumineuse, paisible malgré tout. Dehors, à peine sur les marches (bleues celles-là) de la salle Debussy les festivaliers évoquent déjà la prochaine soirée à laquelle il faut absolument être qu’ils relateront avec un air dédaigneux et blasé, le prochain dîner forcément moins bien que le prochain, le festivalier en étant un consommateur insatiable, jamais rassasié, jamais content(é).

     

    De patriotisme et de consommation, il fut aussi question dans un film de la compétition, celui qu’il est recommandé de voir sans avoir rien ingurgité auparavant : Fast food nation de Richard Linklater, l’adaptation du roman d’Eric Schlosser. L’Amérique n’ingurgite pas seulement des images, mais ici des hamburgers, symbole d’une nation excessivement consumériste. Don Henderson y est cadre au siège de la chaîne des Mickey’s Fast Food Restaurants, et de la viande contaminée a été découverte dans les stocks des steaks surgelés du fameux Big One, le hamburger vedette de la marque. Don doit découvrir comment cela s’est produit. Trouver la réponse ne va pas être aussi simple qu’il l’avait espéré. Quittant les confortables bureaux de sa société en Californie du Sud il va découvrir les abattoirs et leurs employés immigrés, les élevages surpeuplés. Don comprendra que cette fast food nation est un pays de consommateurs qui se sont fait consommer par une industrie vorace de corps, d’humains et de bien d’autres choses… Linklater établit la métaphore d’une Amérique qui exploite l’humain comme la viande montrant le bétail et les hommes envoyés identiquement à l’abattoir. Même s’il ne s’agit pas d’un documentaire ce Fast food nation n’est pas sans rappeler le film de Michael Moore primé à Cannes. Dommage que Linklater n’ait pas conservé lui aussi  tout au long du film ce ton cynique qu’il laissait entrevoir au début. La fast food nation c’est celle qui exploite, utilise, consomme, c’est celle du patriot act qu’il est « justement patriotique de ne pas respecter ». Le manichéisme entre odieux, cyniques exploiteurs et gentils exploités finit par nuire au propos et ce qui aurait dû être un brûlot contre l’industrie du hamburger et l’Amérique qu’elle symbolise devient un film ennuyeux et plat. Le seul prix auquel ce film pourrait prétendre serait probablement celui de l’interprétation féminine pour Catalina Sandino Moreno qui interprète une jeune mexicaine exploitée qui avait déjà effectué une prestation remarquable dans Maria pleine de Grâce mais les prétendantes au titre sont nombreuses et il est probable que le jury préfèrera récompenser une actrice dans un film aux qualités supérieures. Je ne peux m’empêcher de m’amuser du fait que les initiales de l’usine en question sont UMP, ce qui donne des phrases assez polysémiques du genre « Que se passe-t-il à l’UMP ». L’affaire Clearstream aurait-elle AUSSI des ramifications aux Etats-Unis ? Je m’interroge plus sérieusement sur les critères de sélection des films en compétition. Suffit-il de dénoncer, choquer, effectuer une pseudo transgression pour être sélectionné ? La forme serait-elle devenue secondaire ?

     

    Heureusement avec le contemplatif Les Climats de Nuri Bilge Ceylan, me voilà rassurée puisque c’est dans le forme que réside l’intérêt de ce film turc dont le réalisateur avait déjà été primé à Cannes pour Uzak en 2003 remportant le grand prix et le prix d’interprétation masculine. Selon Ceylan, « l'homme est fait pour être heureux pour de simples raisons et malheureux pour des raisons encore plus simples tout comme il est né pour de simples raisons et qu'il meurt pour des raisons plus simples encore ». Isa et Bahar sont ainsi deux êtres seuls, entraînés par les climats changeants de leur vie intérieure, à la poursuite d'un bonheur qui ne leur appartient plus. Le réalisateur (qui interprète également ici le rôle principal) ausculte les bouleversements et la tempête intérieure que provoque la rupture de ce couple et qui fait écho aux conditions climatiques extrêmes et déchaînées. Ce film est une nouvelle fois visuellement remarquable, avec des plans fixes d’une beauté picturale, des visages auscultés, une structure avec des plans se faisant savamment écho. Là encore on peut néanmoins se demander l’intérêt de sa sélection car si ce film est particulièrement remarquable de point de vue de la mise en scène, il rappelle particulièrement Uzak pour lequel il avait déjà reçu ce même prix. A quand un peu d’audace, et de nouveauté dans la sélection ? Nous retrouvons les mêmes plans fixes, la même neige que dans Uzak auquel il ressemble parfois à s’y méprendre. Il est donc peu probable que ce prix lui soit dévolu à nouveau d’autant que d’autres comme le film de Pedro Almodovar , Volver (dont je vous parlerai demain) pourrait largement y prétendre. Les applaudissements se contentent d’être respectueux comme ils le furent pour le pourtant remarquable Selon Charlie.

     

    Bien sûr dans Selon Charlie de Nicole Garcia (photo ci-contre), pas d’hémoglobine, pas de pseudo-transgression. Juste des hommes face à eux-mêmes. Des hommes perdus, à un carrefour de leurs existences. Nicole Garcia nous emmène cette fois au bord de l’Atlantique, hors saison. Trois jours, sept personnages, sept vies en mouvement, en quête d’elles-mêmes, qui se croisent, se ratent, se frôlent, se percutent et qui, en se quittant, ne seront plus jamais les mêmes. Charlie c’est un enfant de 12 ans dont le père interprété par Vincent Lindon trompe sa femme. Charlie c’est celui qui observe, sait, regarde ces hommes égarés et finalement leur permettra de retrouver le chemin, le droit chemin qui a parfois un caractère quasi mystique Nicole Garcia: plan d'une Eglise vers laquelle semble se diriger Charlie lorsqu'il dénonce l'adultère de sonpère, bruits de cloches...   Ce Selon Charlie pourrait être Selon Mathieu, d’ailleurs Mathieu c’est aussi le nom d’un des personnages. Charlie c’est l’adulte au visage d’enfant qui observe des enfants aux visages d’adulte. C’est cette part d’enfance, d’espoir, d’impression que tout peut arriver, que l’impossible n’est qu’une limite de la raison que son regard ,dur parfois, va faire ressurgir. Tous ces personnages ont un désir de fuite, de changement, tous sont des "hommes de solitude" comme ce squelette que le chercheur étudie, ainsi le qualifie-t-il en tout cas. Il faut un certain temps pour s’intéresser à ces personnages, pour les suivre, les comprendre, comme si Nicole Garcia voulait nous immerger dans leur solitude, nous faire éprouver leur égarement, nous renvoyer à nos propres questionnements, nos doutes, nos espoirs enfouis, comme si nous étions nous aussi face au regard réprobateur de Charlie. Tous ces personnages hésitent avant de courir au propre comme au figuré. Vers la liberté. Vers leurs réelles aspirations. Benoît Magimel est une nouvelle fois magistral dans ce rôle de professeur de biologie ayant abandonné ses rêves en même temps que sa carrière de chercheur, il mériterait une seconde fois le prix d'interprétation masculine. Un film aux interrogations universelles qui vous donne envie de prendre le destin en main, qui vous donne le Goût des autres n'étant d’ailleurs pas sans rappeler le film éponyme d'Agnès Jaoui particulièrement par le personnage de Jean-Pierre Bacri en politicien parfois ridicule mais finalement très touchant, et par la drôlerie et l’ironie qui émaillent le film et contribuent à lui donner ce ton particulier qui nous charme peu à peu. Progressivement la fragilité de ces hommes va affleurer, de prime abord antipathiques ils vont peu à peu susciter notre intérêt. Mon deuxième coup de cœur du festival qui pourrait aussi mériter le prix du scénario. Une fois la projection terminée, reste le souvenir d’un regard intense et profond, celui de Nicole Garcia sur l’existence et celui de Charlie. Un film d’une légère gravité ou d’une gravité légère dont la distance et l’inégalité reflètent le trouble des personnages et leurs vies dispersées mais qui ne sont pas à mon sens une faille scénaristique. Espérons que le jury sera plus sensible que les festivaliers à ce film qui sait prendre le temps et nous incite à le faire. Le festivalier n’aime pas prendre le temps. Il aime se perdre et s’en donner l’illusion dans tous les excès que la Croisette met à sa portée. Peut-être devrait-il écouter et essayer d’entendre Charlie…

     

    medium_cans89bis.jpg A suivre : les critiques de Volver, Red road, la leçon d’actrice de Gena Rowlands, Le Caïman, Ca brûle (mon coup de cœur de la Quinzaine des réalisateurs, pour l’heure, selon moi le meilleur film de ce festival toutes catégories confondues), la mémorable montée des marches de Kaurismaki (photos à l’appui).

    Mon coup de cœur de la Sélection Officielle demeure le film de Ken Loach.

    A suivre…(photo ci-contre, le palais des festivals encore à l'heure du Da Vinci code)

    Sandra.M

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