Rois et Reines : le couronnement de Desplechin ? (10/01/2005)

Dans ce film singuliermedium_arois_et_reines.jpg, Desplechin nous narre les histoires parallèles de Nora (Emmanuelle Devos) et d’Ismaël (Mathieu Amalric). Le couronnement de l’une est annoncé dès le début, en l’occurrence son mariage, et la déchéance de l’autre, ruiné et interné en hôpital psychiatrique. L’histoire de la première tourne au drame et à la tragédie (son père est condamné par un cancer et elle est seule pour y faire face) et celui du second au burlesque. Celui qui devait aller vers l’ombre va aller vers la lumière et celle qui devait aller vers la lumière va aller vers l’obscurité. C’est en avant tout cela « rois et reines », un mélange hybride de drame et de comédie avec des transitions habiles nous faisant passer insidieusement de l’un à l’autre par un montage savamment alerte. De ce point de vue, le film est une réelle réussite. Il est indéniablement maîtrisé. Et elle n’était pas facile la transition! Il nous réserve aussi quelques moments d’anthologie : scène de danse d’Ismaël, les scènes ubuesques avec son avocat incarné par Hipollyte Girardot. Ce dernier n’est d’ailleurs pas le seul dont la qualité du jeu est à souligner : Catherine Deneuve en psychiatre, ou Noémie Lvovsky ou encore Maurice Garrel. Dans cette partition impeccable les fausses notes dérangeantes proviennent d’Emmanuelle Devos, dont j’ai trouvé le jeu prodigieusement agaçant. Une profusion de thèmes est abordée : adoption, reconnaissance, deuil, transmission, quête d’identité. « Rois et reines » pourrait être une sorte de poème désenchanté tragico-burlesque. « Rois et Reines », c’est la vie mise sur un piédestal (ou peut-être à son vrai niveau ), la mythologie de l’existence : « la vie -y-est un roman ». Evidemment je ne peux que reconnaître toutes ces qualités intrinsèques et d’autres encore : multitude de références cinématographiques, littéraires, picturales, mythologiques, latines, hellénistiques auxquelles même les prénoms des personnages n’échappent pas (mais est-ce une qualité ? Ou alors au sens d'attribut...). Alors au-delà de toutes ces qualités intrinsèques, au-delà du fait que j'avoue ne pas m’être ennuyée et n’avoir pas vu réellement passer les 2H30, au-delà de l’exploit de réaliser un film si singulier avec des saynètes qui resteront probablement (mais combien de temps ?), je n’arrive pas à céder à l’unanimisme de bon ton et ne peux m’empêcher de faire entendre une voix dissonante (pas autant que celle d’Emmanuelle Devos néanmoins), mon agacement ayant prédominé, agacement devant le (sur)jeu d’Emmanuelle Devos (pourtant si nuancé dans le sublime « Sur mes lèvres » d’Audiard !. Alors oui, comme elle le dit « Aimer c’est n’avoir pas à demander »…mais « jouer c’est peut-être aussi n’avoir pas à surjouer »), devant pléthore de citations, de références qui font un peu trop didactiques et « démonstration ostentatoire de savoir » qui m’ont constamment mise à distance de l’émotion ainsi que le caractère antipathique du personnage de Nora.
A noter :
- la sortie du livre de Marianne Denicourt « Mauvais génie », sorte de réponse à Desplechin qui aurait pillé la vie de l’actrice pour inélégamment écrire son film. L’art ou du moins celui qui y prétend peut-il tout justifier ? Ce sera la question du jour…
-Le film a obtenu le prix Louis Delluc.

10:35 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (3) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | | Pin it! | |