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Critique de « Eyes of war » de Danis Tanovic avec Colin Farrell… : l’indélébile reflet de l’enfer

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Huit ans après le succès (mérité) de “No man’s land” qui mêlait habilement humour noir et gravité (prix du scénario au Festival de Cannes et Oscar du meilleur film étranger en 2002), Danis Tanovic revient au sujet qui l’a fait connaître, la guerre, cette fois plus en Bosnie mais au Kurdistan où Mark (Colin Farrell) et David (Jamie Sives), photographes de guerre, sont envoyés en mission. Le premier recherche avec obsession et avidité le cliché qui le rendra célèbre; le second dont la femme, Diane (Kelly Reilly) est enceinte, est las de toute cette violence et souhaite que cette mission soit la dernière…

Ayant débuté comme documentariste en Bosnie dont il est originaire, Danis Tanovic connaît ce dont il parle : cette soif insatiable et irrépressible d’images, plus forte que le dégoût inspiré par le désespoir et la violence. Cette trompeuse sensation que l’appareil photo protège de la périlleuse réalité. Et sans doute ce sentiment de culpabilité qui ronge et rend si âpre le retour à la vie « normale ».

« Eyes of war » n’est pourtant pas un documentaire mais bel et bien une fiction dont cette plongée dans les yeux de la guerre et de l’horreur ne constitue que la première demi-heure même si des flashbacks nous y ramèneront, la suite se déroulant dans la grisâtre ville de Dublin, comme un écho à l’état d’esprit tourmenté de Mark.  De la Bosnie où un médecin aux frontières de la folie est obligé de tuer pour sauver des vies après une sélection des survivants d’une cruauté innommable, à l’Afrique où Mark se retrouve confronté à des charniers humains en passant par le Liban où un enfant meurt en partie par sa faute et sous ses yeux, la guerre apparaît dans toute son horreur dramatiquement universelle. Une guerre qui ne quitte jamais tout à fait ceux qui l’ont eue devant les yeux, et qui ne s’arrête surtout pas à la porte de leur domicile.  Mark et le personnage de Joaquin Morales (Christopher Lee) incarnent deux visages de cette guerre, complexes et à jamais marqués, et dont les effets ne s’arrêtent pas  au temps et au terrain du déroulement des conflits.

Ces yeux de la guerre, ce sont ceux de Colin Farrell, décharné, amaigri de 20 kgs, portant en lui les stigmates psychiques indélébiles des conflits auxquels il a assisté et que son regard reflète de manière saisissante.  Il porte le film sur ses épaules accablées et malgré certaines lourdeurs scénaristiques et malgré certains inutiles effets de mise en scène en contradiction avec la dureté du sujet (sans doute aussi là pour l’atténuer), par l’intensité de son jeu, il le rend terriblement touchant.

Dommage que Danis Tanovic s’interroge sur les motivations de Mark sans vraiment y répondre, préférant s’attarder sur les conséquences et le poids de la culpabilité (comme Jim Sheridan dans l’excellent « Brothers » il y a quelques mois). Un hommage aux meurtris de la guerre à travers le portrait émouvant et lucide des reporters de guerre et de  celles qui partagent leurs vies (ici interprétées par Paz Vega et Kelly Reilly toutes deux très justes ) dont les faiblesses scénaristiques et de mise en scène sont occultées par l’interprétation magistrale de l’acteur principal qui dans son regard si expressif reflète toute l’horreur ineffable d’images ineffaçables.

Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2010 Pin it! 2 commentaires

Commentaires

  • Mixte entre "Lignes de front" Jean-Christophe Klotz et de "Brothers" de Suzanne Bier (et récemment remaker) ce film est le moins réussit car le plus impersonnel. Colin Farrell parfait et Mary Reilly pleine d'émotion ; Paz Vega et Christopher Lee à la fois sous-employés et à la fois au centre d'une pseudo-intrigue parallèle inutile et pesante (fascisme franquiste). La 1ère partie (en zone de guerre) aurait du être forte et dramatique, elle est au final gentillette (pour le genre), ne montrant qu'un seul visage de la saleté de guerre. On sent que cette partie n'est rien, juste un prétexte à la suite... Arrive la 2nde partie (le retour, la psychothérapie) qui est clairement celle qui intéresse le réalisateur. Le rythme s'accélère et l'émotion plus palpable (alors qu'en zone de guerre elle est bâclé). Le sentiment que la première partie a été sacrifié est gênante car elle reste la cause de tout le reste ; la guerre aurait du être plus présente, plus violente dès le reportage des deux amis reporter afin que le spectateur plonge plus aisément dans le traumatisme du "héro". Ca reste un bon film mais à la rigueur mieux vaut revoir les deux films cités plus haut.

  • @selenie: Je ne suis pas tout à fait d'accord pour dire que c'est le film le plus impersonnel, surtout que Tanovic parle de quelque chose qu'il connaît même si c'est vrai que le film a un côté très formaté. C'est vrai aussi que les personnages de Paz Vega et Christopher Lee auraient mérité d'être plus développés. Je ne suis en revanche pas du tout d'accord pour dire que la première partie est "gentillette". Plutôt que de nous montrer des images de guerre dont, de toute façon la surenchère est telle dans les médias, qu' elles seraient inefficaces, j'ai trouvé justement beaucoup plus marquant cette scène (tout de même horrible) en dehors du terrain de la guerre, de ce médecin obligé de tuer pour sauver des vies. Mais j'ai de toute façon préféré "Brothers".:-)

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