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  • Le photographe de Guibert/Lefèvre/Lemercier

    Didier Lefèvre immortalise ce périlleux périple en Afghanistanmedium_006_le_20photographe.jpg où il accompagna une mission humanitaire en 1986, nous livrant un documentaire captivant entremêlant judicieusement photographie, et bande dessinée d’E.Guibert. Nous franchissons avec lui les cols abruptes, traversons les routes escarpées, les paysages arides, rudes, côtoyons les vies et ce pays ravagés, déchirés, mutilés par la guerre entre Soviétiques et Moudjahidin. L’originalité formelle procure une véracité, une émotion prégnantes au reportage, le transformant en une singulière expérience autant pour l’auteur que le lecteur. Il ne dissimule ni ses doutes, ni ses craintes, ne tombe jamais dans l’écueil du voyeurisme, n’hésitant pas à déposer son appareil quand l’image qui s’offre à lui devient trop insoutenable. Il fige des images touchantes, poignantes, insolites, âpres, des regards désarçonnés, égarés qui nous happent dans leurs précipices de douleur. Son regard est empreint d’empathie, d’admiration même pour ces médecins sans frontières qui franchissent, transcendent avec tant de courage celles de la peur. Une symphonie picturale à plusieurs mains aux couleurs de l’Orient, soulignant ses différences avec l’Occident et l’universalité de la douleur et de l’humanisme. Un voyage d’une rare intensité, aux résonances contemporaines indéniables, auquel je vous convie vivement. Ce livre fait partie de la sélection du livre de société 2005 dont je suis membre du jury.

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  • "L'ami de Bono" de Jean Grégor

    medium_bono.jpgCela débute comme une photo de classe, instantané d’adolescence aux relents d’éternité. Puis, J. Grégor portraiture chacun de ceux qui y figurent notamment à travers la musique qu’ils aiment : Daho, Dire Straits, U2... Il dresse ainsi le tableau d’une génération de trentenaires, une peinture aux traits parfois cruels, le choix arbitraire de « morceaux » de leur vie mettant en exergue les désillusions de chacun. La musique devient alors un moyen de communication, de singularisation, même d’exclusion. L’ami de Bono, c’est avant tout le récit initiatique de celui que désigne le titre éponyme, Dany Dane, envoûté par U2. Ce périple le mènera jusqu’au chanteur, en Irlande, voyage crucial signifiant un pansement sur la plaie des illusions perdues. La musique, mélancolique, rythme aussi les phrases harmonieuses du livre comme elle rythme l’existence des personnages, musiques impitoyablement ou délicieusement immortelles malgré le temps qui passe, les regrets et remords qui s’amoncellent, un flash-back sonore sur les rêves souvent déchus du passé de ces êtres «libres et fiers» devenus «tristes et soumis». Un refrain lancinant qui résonne longtemps après la dernière ligne, nostalgique et délicieusement ensorcelant, une composition lucide et salutaire sur une génération désenchantée. Ce livre est sélectionné pour le prix du livre de société dont je suis membre du jury. Il est publié au Mercure de France. (2005)

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  • Mar adentro -Alejandro Amenabar

    Le sujet âpre du film (l’enthanasie) pourrait en rebuter certains …mais probablement manqueraient-ils alors un film d’une richesse incontestable. C’est en effet l’histoire vraie de Ramon qui, tétraplégique et donc prisonnier de son corps suite à un « accident », 28 ans plus tôt, désire s’en libérer et réclame le droit à mourir dans la dignité.

    Dès les premiers plans nous nous immisçons dans les rêves d’évasion, de « mar adentro » de Ramon…et d’emblée l’émotion et le souffle épique de la réalisation sont palpables…et ne cesseront de l’être jusqu’à la dernière seconde du film nous emmenant dans ce combat, ce voyage vers la mort par le truchement d’un vibrant hommage à l’existence.
    En effet, si le dessein du protagoniste est la mort, rarement un film nous aura pourtant parlé aussi bien de la vie, de l’amour aussi et surtout, l’amour entier et inconditionnel qui accepte mais n’exige et n’attend pas…et si le film est bouleversant ce n’est pas là où forcément on pourrait s’y attendre dans l’évocation d’un tel sujet. Ni voyeur, ni larmoyant, ni non plus démagogique, Mar adentro avant d’être un plaidoyer pour l’euthanasie et le droit àmedium_18403632.jpg mourir dans la dignité est un plaidoyer pour la vie, ces rencontres imprévus qui font le sel de l’existence, sa grisante liberté qui contribue à en faire un droit et non un devoir. Peut-être est-ce d’ailleurs l’ambiguïté du film ? C’est un hymne vibrant à la liberté, à la dignité, à la vie qui nous amènerait presque à nous interroger sur les raisons du combat de Ramon.

    Emprisonné dans son corps, Javier Bardem transmet dans son regard si expressif des émotions d’une force inouïe et aussi différentes que le désir, le désarroi, l’ironie, la mélancolie…Son regard, fenêtre ouverte sur ses émotions nous ferait presque oublier son enfermement. La caméra, souvent subjective,(voire constamment car si nous ne voyons pas tout au long du film le monde à travers son regard, le réalisateur recourant régulièrement au contre-champ, nous avons néanmoins la sensation d’appréhender le monde comme lui tant la réalisation et le scénario épousent son combat) nous fait entrer dans son intériorité et nous permet de l’accompagner dans ses évasions oniriques qui mettent en exergue la violence de ce corps inerte, qui condamne son esprit à vivre et vagabonder malgré tout.

    Malgré un sujet grave, Amenabar a réussi à réaliser un film empreint de lyrisme et de poésie grâce à une réalisation et une interprétation sobres et inspirées. C’est enfin une courageuse réflexion sur la mort mais c’est aussi un de ces films qui vous donne envie de profiter de chaque seconde et de humer l’air si fugace du bonheur, de profiter du privilège si fragile de notre liberté. Un film rare qui jamais ne tombe dans la sensiblerie mais nous touche constamment avec une justesse implacable et saisissante. Là où un film caricaturalement américain aurait insisté le cinéaste espagnol élude et use avec intelligence et subtilité de l’implicite, du hors champ, nous prouvant encore une fois que le cinéma n’a pas besoin de montrer avec ostentation pour démontrer.
    Un Oscar du meilleur film étranger amplement mérité.

    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE(2004 à 2007) Pin it! 0 commentaire