Prolongations des cours publics d’interprétation de Jean-Laurent Cochet : le rendez-vous incontournable des passionnés...de théâtre
Je vous avais déjà parlé avec enthousiasme des cours publics d’interprétation de Jean-Laurent Cochet, il y a quelques mois. (Plus plus d'informations concernant le cours, voir mon article précèdent en cliquant ici). Face à l’engouement -à juste titre- suscité par ce cours exceptionnel, celui-ci, qui devait initialement se terminer le 5 décembre, est prolongé (au moins) jusqu’au mois de Mai. J’en ai donc profité pour y retourner, hier soir, presque avec recueillement tant l’atmosphère a quelque chose de sacré, d’une belle gravité.
Ce cours m’a autant fascinée que le premier auquel j’avais assisté. Jean-Laurent Cochet nous donne l’impression de nous recevoir chez lui, s’inquiète d’une lumière plus tamisée que d’habitude, une lumière qui nous enveloppe et nous emmène ailleurs déjà. Puis, le spectacle commence. Le sien et celui de ses élèves. Le sien par la lecture d’une lettre de Cocteau à Guitry. Puis s’enchaînent des monologues, non Jean-Laurent Cochet n’aime pas le mot "monologues", donc s’enchaînent des scènes qui voient défiler et vivre sous nos yeux et oreilles ébahis les mots sublimes de Molière, Hugo, Racine, La Fontaine, Marivaux. Nous retenons notre souffle avec les élèves. Nous oublions l’absence de décor ou plutôt l'incongruité du décor. Sganarelle, Louis XIII ou Andromaque et le talent de leurs jeunes interprètes prennent vie sous nos yeux. Nous oublions que ce sont des élèves. Nous sommes au théâtre, ici et ailleurs, maintenant et avant. Bel instant intemporel. La salle écoute, le souffle coupé. Entre les scènes de ses élèves, Jean-Laurent Cochet nous parle de passion, il la vit d’ailleurs, il nous la transmet, ou (r)avive celle que nous possédons. Il nous parle aussi de jalousie, de Pierre Brasseur dans Les Enfants du Paradis, de la manière dont il interprète ce sentiment. Majestueusement. Des éditeurs qui ne respectent plus la beauté des textes. D’amour, d’amour du théâtre et pas seulement. De son admiration pour le talent de ses élèves, il est vrai sidérant, surgissant, éclosant. Nous traversons les siècles avec les auteurs, avec ces mots d’un autre temps, si proches de nous soudain, pourtant. Tout cela ponctué de ses mots truculents, de ses observations ironiques à l’égard d’un certain théâtre.
Je suis ressortie, j'ai émergé plutôt, avec l’impression d’avoir fait un beau voyage initiatique, avec l’envie de revenir, de reprendre des cours de théâtre aussi. Revenir pour oublier le temps qui passe. Pour s’interroger sur le temps qui passe,même, trouver des réponses ou des échos prestigieux à ses questions. Pour vibrer. Deux heures de passionnés passionnantes avec ces mots sublimés, si vivants en tout cas, si actuels. Deux heures magiques. Deux heures qui illustrent la citation d’exergue de ce blog, signée Saint-Augustin « Celui qui se perd dans sa passion et moins perdu que celuib qui perd sa passion ». Se perdre, oui, mais se perdre avec majesté, majestés même. Deux heures qui vous emplissent et vous réjouissent. Deux heures que je vous engage vivement à passer au:
Théâtre de la Pépinière Opéra-7 rue Louis Le Grand 75002 Paris-Métro Opéra- Le lundi de 18H à 20H. Location de 12H à 18H du lundi au samedi au 01 42 61 44 16. Site internet de la Compagnie Cochet.
A chaque cours des citations sont livrées au public. En voici une, de Sacha Guitry, à méditer pour tous les scénaristes et auteurs : « Les deux plus grands auteurs dramatiques du monde, Shakespeare et Molière, ont été comédiens tous les deux. Ce n’est pas une coïncidence, et ce seul fait aiderait à démontrer l’influence considérable de l’acteur dans l’art damatique, car Molière et Shakespeare n’étaient pas des auteurs dramatiques qui jouaient la comédie, c’étaient des comédiens qui ont écrit des chefs-d’œuvre, car l’un et l’autre ont été comédiens avant d’écrire, et cela me paraît d’une importance extrême ».
A noter : Deux soirées spéciales sont programmées le 24 avril et le 22 mai, dont une grande première avec M.Cochet qui fera travailler des gens du public.
Sandra.M
En deux heures nous sommes immergés dans son travail et celui des comédiens. Quand un élève-comédien monte sur scène, la salle retient son souffle, silencieusement complice. Le maître Cochet scrute chaque froncement de sourcil, chaque inflexion de voix, chaque esquisse de geste. La salle observe et écoute religieusement.
Il y a des jours comme cela où la terre se dérobe sous vos pieds, où l’existence vous semble insensée, dérisoire, et puis par une suite de hasards rocambolesques on se retrouve au théâtre alors que ce n’était pas prévu et l’Art vous prouve à nouveau ses pouvoirs prodigieux vous redonnant le sourire avec une apparente facilité déconcertante. C’est ce qui m’est arrivé mardi dernier avec « L’Autre »… Une petite et conviviale salle de théâtre, le coup de foudre pour un texte, une atmosphère, la grâce des comédiens et le sourire revenu…
De mémoire de delonophile, je me souvenais l’avoir vu poignant, bouleversant (notamment dans « Variations énigmatiques » d’Eric Emmanuel Schmitt, à ce jour mon plus beau souvenir de spectatrice de théâtre : un texte brillant que je me lasse pas de relire-et que je vous recommande vivement !- pour un acteur alors au sommet de son art…dans un rôle ambigu, un personnage inoubliable ) , je me souvenais l’ avoir vu susciter et interpréter toutes les palettes de l’émotion à l’exception d’une seule : l’humour . Un regard mélancolique et captivant, une aura indéniable, un charisme de monstre sacré du cinéma, un regard qui vous happe dans des profondeurs d’émotion eh oui, et pourtant… l’interprète inoubliable de Visconti, Verneuil, Losey, Clément et tant d’autres n’avait jamais fait rire… Je le soupçonnais pourtant d’être très loin d’être dénué d’humour, me souvenant l’avoir vu rire aux éclats lors du festival du film policier de Cognac 2002, là, à deux mètres de moi,(j’étais alors membre d’un jury de cinéphiles) lors d’une soirée organisée par le festival, où il arriva tel un fauve majestueux, impérial et admiré, imposant un silence respectueux et moi n’en croyant pas mes yeux d’être assise si proche de celui qui m’avait fait aimer le cinéma de « la piscine » au « cercle rouge » à « M.Klein », tous ces chefs d’œuvre qui jalonnent cette carrière exemplaire. Alors non pas qu’il n’y parvenait pas mais on l’apprécie dans le mystère, dans l’indicible comme dans « Le Samouraï », dans ces films où il n’a pas besoin de parler pour être, ou de démontrer pour montrer. C’est donc un des intérêts des « Montagnes russes » de nous montrer Alain Delon drôle, humain (trop humain ?), interprétant un personnage presque pitoyable, et le spectateur presque déçu d’y croire là encore, là aussi… Eh oui Alain Delon peut être humain nous qui le croyions surhumain. La pièce vaut aussi le déplacement pour la remarquable interprétation et l’énergie incontestable d’Astrid Veillon…