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  • Festival Toute la mémoire du monde 2020 : CASABLANCA de Michael Curtiz le 8 mars à la Cinémathèque

    Dans le cadre du Festival "Toute la mémoire du monde" à la Cinémathèque, à Paris, le dimanche 8 mars 2020, à 14H30, salle George Franju sera projeté le chef-d'oeuvre de Michael Curtiz, Casablanca, une séance exceptionnelle présentée par Isabella Rossellini. L'occasion pour moi de vous parler à nouveau de ce film remarquable.
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    On ne présente plus « Casablanca » ni Rick Blaine (Humphrey Bogart), le mystérieux propriétaire du bigarré Café Américain. Nous sommes en 1942, à Casablanca, là où des milliers de réfugiés viennent et échouent des quatre coins de l’Europe, avec l’espoir fragile d’obtenir un visa pour pouvoir rejoindre les Etats-Unis. Casablanca est alors sous le contrôle du gouvernement de Vichy. Deux émissaires nazis porteurs de lettres de transit sont assassinés. Ugarte (Peter Lorre), un petit délinquant, les confie à Rick alors qu’il se fait arrêter dans son café.  C’est le  capitaine Renault (Claude Rains), ami et rival de Rick, qui est chargé de l’enquête tandis qu’arrive à Casablanca un résistant du nom de Victor Laszlo (Paul Henreid). Il est accompagné  de sa jeune épouse : la belle Ilsa (Ingrid Bergman). Rick reconnaît en elle la femme qu’il a passionnément aimée, à Paris, deux ans auparavant…

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    Casablanca est un film qui contient plusieurs films, plusieurs histoires potentielles esquissées ou abouties, plusieurs styles et tant de destins qui se croisent.

    Plusieurs films d’abord. Casablanca est autant le portrait de cette ville éponyme, là où tant de nationalités, d’espoirs, de désespoirs se côtoient, là où l’on conspire, espère, meurt, là où la chaleur et l’exotisme ne font pas oublier qu’un conflit mondial se joue et qu’il est la seule raison pour laquelle des êtres si différents se retrouvent et parfois s’y perdent.

    C’est ensuite évidemment l’histoire de la Résistance, celle de la collaboration, l’Histoire donc.

    Et enfin une histoire d’amour, sans doute une des plus belles qui ait été écrite pour le cinéma.

    De ces trois histoires résultent les différents genres auxquels appartient ce film : vibrante histoire d’amour avant tout évidemment, mais aussi comédie dramatique, film noir, mélodrame, thriller, film de guerre.

    Peu importe le style auquel il appartient, ce qui compte c’est cette rare alchimie. Cette magie qui, 70 ans après, fait que ce film est toujours aussi palpitant et envoûtant.

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    L’alchimie provient d’abord du personnage de Rick, de son ambiguïté.  En apparence hautain, farouche individualiste, cynique, velléitaire, amer, il se glorifie ainsi de « ne jamais prendre parti », de  « ne prendre de risque pour personne » et dit qu’ « alcoolique » est sa nationalité ; il se révèle finalement patriote, chevaleresque, héroïque, déterminé, romantique. Evidemment, Humphrey Bogart avec son charisme, avec son vieil imper ou son costume blanc (qui reflètent d’ailleurs le double visage du personnage), sa voix inimitable, sa démarche nonchalante, ses gestes lents et assurés lui apporte un supplément d’âme, ce mélange de sensibilité et de rudesse qui n’appartient qu’à lui. Un personnage aux mille visages, chacun l’appelant, le voyant aussi différemment.

    Auparavant surtout connu pour ses rôles de gangsters et de détectives, Humphrey Bogart était loin d’être le choix initial (il fut choisi après le refus définitif de George Raft) tout comme Ingrid Bergman d’ailleurs (Michèle Morgan, notamment, avait d’abord été contactée), de même que le réalisateur Michael Curtiz n’était pas le choix initial de la Warner qui était William Wyler. On imagine désormais mal comment il aurait pu en être autrement tant tous concourent à créer cette alchimie…

    Ensuite, cette alchimie provient évidemment du couple que Bogart forme ici avec Ingrid Bergman qui irradie littéralement l’écran, fragile, romanesque, nostalgique, mélancolique  notamment grâce à une photographie qui fait savamment briller ses yeux d’une tendre tristesse. Couple romantique par excellence puisque leur amour est rendu impossible par  la présence du troisième personnage du triangle amoureux qui se bat pour la liberté, l’héroïque Victor Laszlo qui les place face à de cruels dilemmes : l’amour ou l’honneur. Leur histoire personnelle ou l’Histoire plus grande qu’eux qui  tombent « amoureux quand le monde s’écroule ». L’instant ou la postérité.

    Et puis il y a tous ces personnages secondaires : Sam (Dooley Wilson), le capitaine Renault, … ; chacun incarnant un visage de la Résistance, de la collaboration ou parfois une attitude plus ambiguë à l’image de ce monde écartelé, divisé dont Casablanca est l’incarnation.

    Concourent aussi à cette rare alchimie ces dialogues, ciselés, qui, comme le personnage de Rick oscillent entre romantisme noir et humour acerbe : « de tous les bistrots, de toutes les villes du monde c’est le mien qu’elle a choisi ». Et puis ces phrases qui reviennent régulièrement comme la musique de Sam, cette manière nonchalante, presque langoureuse que Rick a de dire « Here’s looking at you, kid » .

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    Et comme si cela n’était pas suffisant, la musique est là pour achever de nous envoûter. Cette musique réminiscence de ces brefs instants de bonheur à Paris, entre Rick et Ilsa, à « La Belle Aurore » quand l’ombre ne s’était pas encore abattue sur le destin et qu’il pouvait encore être une « belle aurore », ces souvenirs dans lesquels le « Play it again Sam » les replonge lorsque Ilsa implore Sam de rejouer ce morceau aussi célèbre que le film : « As time goes by » ( la musique est signée Max Steiner mais As time goes by a été composée par Herman Hupfeld en 1931 même si c’est Casablanca qui l’a faîte réellement connaître).

    Et puis il y a la ville de Casablanca d’une ensorcelante incandescence qui vibre, grouille, transpire sans cesse de tous ceux qui s’y croisent, vivent de faux-semblants et y jouent leurs destins : corrompus, réfugiés, nazis, collaborateurs… .

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    Des scènes d’anthologie aussi ont fait entrer ce film dans la légende comme ce combat musical, cet acte de résistance en musique (les partisans des Alliés chantant la Marseillaise couvrant la voix des Allemands chantant Die Wacht am Rhein, et montrant au détour d’un plan un personnage changeant de camp par le chant qu’il choisit) d’une force dramatique et émotionnelle incontestable.  Puis évidemment la fin que les acteurs ne connaissaient d’ailleurs pas au début et qui fut décidée au cours du tournage, cette fin qui fait de Casablanca sans doute une des trois plus belles histoires d’amour de l’histoire du cinéma.

    Le tournage commença ainsi sans scénario écrit et Ingrid Bergman ne savait alors pas avec qui son personnage partirait à la fin, ce qui donne aussi sans doute à son jeu cette intrigante ambigüité. Cette fin ( jusqu’à laquelle  l’incertitude est jubilatoire pour le spectateur) qui rend cette histoire d’amour intemporelle et éternelle. Qui marque le début d’une amitié et d’un engagement (le capitaine Renault jetant la bouteille de Vichy, symbole du régime qu’il représentait jusqu’alors) et est clairement en faveur de l’interventionnisme américain, une fin qui est aussi  un sacrifice, un combat pour la liberté qui subliment l’histoire d’amour, exhalent et exaltent la force du souvenir (« nous aurons toujours Paris ») et sa beauté mélancolique.

    La réalisation de Michael Curtiz est quant à elle élégante, sobre, passant d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’habileté et de fluidité, ses beaux clairs-obscurs se faisant l’écho des zones d’ombre  des personnages et des combats dans l’ombre et son style expressionniste donnant des airs de film noir à ce film tragique d’une beauté déchirante. Un film qui comme l’amour de Rick et Ilsa résiste au temps qui passe.

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    Le tout concourant à ce romantisme désenchanté, cette lancinance nostalgique et à ce que ce film soit régulièrement classé comme un des meilleurs films du cinéma mondial. En 1944, il fut ainsi couronné de trois Oscars (meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur film) et l’American Film Institute, en 2007, l’a ainsi classé troisième des cents meilleurs films américains de l’Histoire derrière l’indétrônable Citizen Kane et derrière Le Parrain.

    Le charme troublant de ce couple de cinéma mythique et le charisme ensorcelant de ceux qui les incarnent, la richesse des personnages secondaires,  la cosmopolite Casablanca, la musique de Max Steiner, la voix de Sam douce et envoûtante chantant le nostalgique As time goes by, la menace de la guerre lointaine et si présente, la force et la subtilité du scénario (signé Julius et Philip Epstein d’après la pièce de Murray Burnett et Joan Alison Everybody comes to Rick’s), le dilemme moral, la fin sublime, l’exaltation nostalgique et mélancolique de la force du souvenir et de l’universalité de l’idéalisme (amoureux, résistant) et du combat pour la liberté font de ce film un chef-d’œuvre…et un miracle quand on sait à quel point ses conditions de tournage furent désastreuses.

    La magie du cinéma, tout simplement, comme le dit Lauren Bacall : « On a dit de Casablanca que c’était un film parfait évoquant l’amour, le patriotisme, le mystère et l’idéalisme avec une intégrité et une honnêteté que l’on trouve rarement au cinéma. Je suis d’accord. Des générations se plongeront dans le drame du Rick’s Café Américain. Et au fil du temps, le charme de Casablanca, de Bogey et de Bergman continuera à nous ensorceler. C’est ça, la vraie magie du cinéma ».

    Un chef-d’œuvre à voir absolument. A revoir inlassablement. Ne serait-ce que pour entendre Sam (Dooley Wilson)  entonner As time goes by et nous faire chavirer d’émotion …

     
     
    Préventes complètes. Pour les abonnés Libre Pass, quota disponible sur place 1h avant. Pour les non-abonnés Libre Pass : file d'attente en billetterie 1h avant le début de la séance.
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  • Quand le Champagne devient un allié du septième art

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    Le Champagne, acteur de l’émerveillement

    « Le Champagne aide à l’émerveillement » écrivit George Sand. A l’heure à laquelle la morale dicte parfois sa loi aux sujets des films ou à leur traitement (de façon plus ou moins heureuse, il est vrai cependant que revoir certains films, notamment des années 1970, même des comédies, fait réaliser le fossé qui s’est creusé entre cette génération et la nôtre), le Champagne , synonyme souvent de glamour et de chic, n’a pas encore disparu de nos écrans. Peut-être en est-ce aussi une des raisons, donc : il aide à l’émerveillement. Il est par ailleurs d’autant plus indissociable du cinéma que nombreux sont les festivals de cinéma à avoir des marques de Champagnes pour partenaires de leurs soirées à l’exemple de la plus ancienne maison de Champagne fondée en 1729 (Ruinart) ou encore à l’exemple de la Maison Veuve Clicquot fondée, elle, en 1772.

    Il m’a donc amusée de répertorier les films dans lesquels ce luxueux breuvage joue un rôle primordial, ceux dans lesquels les scènes n’auraient pas la même saveur sans celui-ci, ceux auxquels nous songeons immédiatement quand nous clamons gaiement « Champagne ! ». D’ailleurs, dans l’imaginaire collectif, ces films ont-ils très certainement contribué à cette association dans notre esprit entre glamour et champagne. On ne compte plus les scènes dans lesquelles servir ce précieux breuvage permet d’accélérer l’action ou de marquer un temps ou encore de signifier l’embarras ou l’ennui d’un personnage (qui le noie dans son verre) ou sa désinvolture ou son snobisme ou son cynisme. Parfois même tout cela à la fois ! Il peut être alors adjuvant ou ennemi d’un personnage. Et de combien de films n’a-t-on pas dit qu’ils étaient pétillants comme une bulle de champagne ! Je songe ainsi à ce film avec Audrey Tautou « Hors de Prix » de Pierre Salvadori pour lequel on a employé ce qualificatif et dans lequel cette boisson joue d’ailleurs un rôle non négligeable.

    Les films dans lesquels le Champagne joue un rôle central

    Le premier film qui m’est venu à l’esprit est un long-métrage dont je vous parle souvent ici c’est « Casablanca » (à revoir absolument le 8 mars prochain dans le cadre du festival "Toute la mémoire du monde" à la Cinémathèque Française, séance en plus présentée par Isabella Rossellini), le film de Michael Curtiz. Comment oublier ces scènes magiques lors desquelles Ingrid Bergman et Humphrey Bogart plongées dans les yeux l’un de l’autre sirotent leurs coupes de Champagne. Rien qu’en me remémorant cette scène, il me semble entendre Rick (Humphrey Bogart) prononcer son inénarrable « Here’s looking at you, kid !. » Le deuxième qui m’est venu à l’esprit est un film d’Hitchcock, un autre chef-d’œuvre du cinéma, et un autre film avec Ingrid Bergman qui avait cette fois pour partenaire non pas Bogart mais Cary Grant. Il s’agit du film « Les Enchaînés » dont vous pouvez également retrouver ma critique ici. Le champagne joue même un rôle crucial et contribue à l’évolution de l’intrigue et à exacerber le suspense et la tension omniprésents. En 1928, Hitchcock avait même réalisé un film muet intitulé… « Champagne ». Dans ce film, une jeune femme, habituée au luxe, doit trouver du travail après que son père lui a dit avoir perdu tout son argent.

    Evidemment, quand on pense élégance et verre à la main, difficile de ne pas visualiser James Bond (nous venons d’ailleurs d’apprendre que la sortie du prochain James Bond serait repoussée à novembre 2020). James Bond est avant tout un amateur de Dom Pérignon. Par ailleurs, pour le 35ème anniversaire d’association entre Bollinger et James Bond, un coffret tiré en 207 exemplaires avait été dessiné par le designer Eric Berthès.

    Il faudrait encore citer « Le Retour du grand blond » qui me vient immédiatement à l’esprit et notamment cette fameuse scène dans laquelle le grand blond le plus maladroit de la terre voit sa vie sauver par …un bouchon de champagne qui atterrit en plein dans l’œil du tueur qui l’avait dans sa ligne de mire. Il faudrait également citer « Sept ans de réflexion » dans lequel le champagne est aussi prétexte à une célèbre scène de comédie ou encore cette scène de « La garçonnière » dans laquelle Shirley McLaine pense au suicide du personnage de Jack Lemmon quand elle entend le bruit de la bouteille de champagne que ce dernier débouche. Et tant d'autres !

    Les exemples de scènes célèvres avec du Champagne foisonnent en effet mais ceux qui précèdent sont indéniablement entrés dans l’inconscient collectif et ont contribué à immortaliser le champagne comme acteur de l’émerveillement. Celui que le cinéma ne cessera jamais de susciter.

    L’abus d’alcool est dangereux pour la santé.

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  • PÉPÉ LE MOKO de Julien Duvivier à voir ce soir sur Ciné + Classic à 20H50

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    Avec La Bandera (1935), Pépé Le Moko est certainement le film le plus marquant de Duvivier. Si le cadre des deux films est différent (Montmartre pour le premier, la casbah d’Alger pour le second), la fatalité s’abat identiquement sur les personnages de ces deux films. Dans Pépé le Moko (1937) il s’agit d’un gangster, chef d’une bande de malfaiteurs (Gabin) réfugié dans le dédale protecteur de la casbah d’Alger. Cerné par la police de la ville, il ne peut en effet sortir de cette prison symbolique. Un policier, Slimane (Lucas Gridoux) profite de la liaison amoureuse entre Pépé et Gaby(Mireille Balin), une jeune parisienne, pour monter un stratagème afin de le faire sortir de son repaire et de le capturer plus facilement. Alors que Pépé rejoint sur le port d’Alger la jeune femme qui embarque pour la France, il y est arrêté et se suicide en regardant le bateau partir sans que celle-ci ne l’ait vu. Le médiocre récit policier du « Détective Ashelbé »(pseudonyme de Henri La Barthe) dont est tiré le film devient donc un noir mélodrame colonial.

    Si le film a été pratiquement entièrement tourné en studio à l’exception de quelques scènes dans la casbah d’Alger, le dédale de ruelles, et l’atmosphère en sont parfaitement crédibles…le caractère illusoire de l’exotisme ne résulte donc pas de lacunes dans la réalisation mais bel et bien du ton du film et des dialogues de Jeanson qui ne cessent de rappeler un « ailleurs ». Alors qu’Alger devrait ici symboliser l’exotisme, cet ailleurs c’est en réalité « une prison » dont les personnages ne rêvent que de s’évader, l’exotisme étant ici symbolisé par Paris. Alger est en effet décrite comme : « Un maquis, profond comme une forêt, grouillant comme une fourmilière, un vaste escalier dont chaque terrasse est une marche et qui descend vers la mer. Entre ces marches des ruelles tortueuses et sombres, des ruelles en forme de guet-apens, des ruelles qui se croisent, qui se chevauchent(…)dans un fouillis de labyrinthes(…), des cafés obscurs bondés à toute heure. » Si la casbah protège Pépé elle est donc aussi sa prison. Si au début du film le narrateur évoque en effet « une mer colorée, vivante, multiple, brûlante », le contraste en sera d’autant plus saisissant avec l’enfermement de Pépé le Moko et de ses acolytes. Le cadre ensoleillé et extérieur semble en effet être à l’opposé de celui des films du réalisme poétique : décor de brume, de pavés mouillés ou scènes d’intérieurs sinistres. L’impression d’enfermement connu par Pépé dans ce cadre a priori idyllique en sera donc encore exacerbée. Le thème de la prison est en effet omniprésent. Pépé avec sa gouaille inimitable dit ainsi à Gaby : « avec toi, je m’évade » ou à la fin à Ines, sa « compagne » : « tu lui diras que je me suis évadé. » Il ne cesse de rêver de Paris dont Gaby symbolise la nostalgie et même « du parfum du métro », qu’il évoque lors d’une scène mythique avec Gaby où tous deux alors à la Casbah s’envolent ensemble et en dialogues vers le Paris de leurs souvenirs : « Tu sens bon, tu sens le métro. En première… ».

    Malgré son cadre qui aurait pu être enchanteur émane du film une poésie sombre, une sorte de nostalgie à l’image de cette scène où Fréhel écoute sa propre voix d’ancienne chanteuse et fredonne sur cette voix, les larmes aux yeux : « Où sont-ils donc mes amis, mes copains. Où sont-ils donc nos vieux bals musettes, leurs javas au son de l’accordéon ». Les protagonistes ne sont donc pas les seuls à être emprisonnés, que ce soit Gaby avec son « mari » ou Pépé dans la Casbah ou encore Fréhel qui dit ainsi : « Quand j’ai trop le cafard, je change d’époque .» Le Front Populaire appartient ici à un lieu rêvé « où sont-ils tous nos bals musettes », comme son euphorie appartiendra bientôt à un passé révolu. Tous semblent rêver d’un ailleurs, ou d’une autre époque comme si ce cadre idyllique était imprégnée de la menace qui gronde dans la réalité et qui encercle peu à peu la France comme la police enferme les personnages dans la Casbah.

    Outre le portrait caustique des membres de la bande à Pépé le Moko et outre les répliques pittoresques signées Jeanson, la fin dramatique du film contribua beaucoup à sa célébrité. L’ailleurs, le changement, l’évasion n’étaient qu’une utopie et en se suicidant sur les grilles du port, enfermé jusqu’au bout Pépé regarde le bateau partir comme le passé joyeux semble s’éloigner pour entrer dans les heures sombres de l’Histoire.

    « Pépé Le Moko, c’est l’installation officielle dans le cinéma français d’avant guerre du romantisme des êtres en marge , de la mythologie de l’échec .C’est de la poésie populiste à fleur de peau : mauvais garçons, filles de joie, alcool, cafard et fleur bleue » estima Jacques Siclier. Pépé Le Moko fut en effet unanimement salué par la critique.

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