Avant-première – Critique de « Et soudain tout le monde me manque » de Jennifer Devoldere avec Mélanie Laurent, Michel Blanc, Géraldine Nakache (16/04/2011)

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Vous l’aurez peut-être remarqué, les critiques de films à l’affiche se sont raréfiées sur inthemoodforcinema ces derniers jours, d’abord car je me suis concentrée sur deux autres de mes blogs et sur des projets « extrabloguesques » mais aussi parce que je n’ai pas souhaité évoquer ici les derniers films vus en salles aussitôt vus aussitôt oubliés. Il en va différemment de « Et soudain tout le monde me manque » dont je n’attendais pas grand-chose, n’ayant pas vu le premier film de la réalisatrice Jennifer Devoldere « Jusqu’à toi », ni même lu le synopsis de ce dernier film, et étant plutôt réservée sur les dons de comédienne de Mélanie Laurent (en particulier en raison de son jeu dans un film qui est pourtant pour moi un chef d’œuvre « Inglourious basterds »). Tout juste avais-je vu la bande-annonce qui me semblait alterner judicieusement entre humour et émotion (contrairement à celle d’une autre comédie prochainement à l’affiche qui me semble atteindre le paroxysme de la vulgarité, devinerez-vous de quel film il s’agit ?).

Le « tout le monde » du film, c’est avant tout la famille, celle d’Eli (Michel Blanc), le père, 60 ans tout juste et qui attend un enfant de sa nouvelle femme, Suzanne (Claude Perron). De son côté, sa fille aînée, Dom (Florence Loiret-Caille), cherche à adopter tandis que Justine (Mélanie Laurent) qui travaille dans un cabinet de radiologie, passe constamment d’un petit ami à un autre en trompant son ennui et ses velléités artistiques en faisant des radios d’objets (ou d’animaux) du quotidien. Les deux filles sont ébranlées à l’annonce de la nouvelle. Pour se rapprocher de Justine avec qui il ne s’est jamais entendu, Eli se lie d’amitié avec tous ses ex…à son insu. Mais voilà, les pères, eux non plus, ne sont pas éternels et il serait bien de se réconcilier avec eux avant qu’il ne soit trop tard.

Que ceux qui cherchent un film qui révolutionnera l’histoire du cinéma et que les rabat-joies qui trouvent toujours qu’il y a trop de bons sentiments, là où parfois simplement un film n’a pas peur de faire preuve d’émotion, oui, que ceux-là passent leur chemin.  Pour les autres qui apprécient le cinéma populaire qui sait capter l’air du temps (par don de l’observation ou sensibilité et non par opportunisme), il se pourrait bien que ce film les enchante, eux aussi.

L’air du temps, c’est la difficulté de communiquer. L’air du temps c’est une certaine immaturité. La difficulté de communiquer ici entre un père et ses filles. L’immaturité du père  et de la fille. Ce père, joueur de golf assidu, musicien avorté, incarné par Michel Blanc est en effet infantile, agaçant, contradictoire, blessant et malgré tout touchant.

Cela commence comme une comédie avec un humour tendre(ment cruel même parfois), absurde, un humour mis en valeur par des dialogues particulièrement bien écrits impeccablement  servis par une galerie de premiers et de seconds rôles parfaits, parfois décalés (Géraldine Nakache toujours un peu dans le même rôle de la copine allumée attachante mais toujours impeccable dans ce rôle, Manu Payet, Florence Loiret-Caille, Sébastien Castro, Guillaume Gouix).

Jennifer Devoldere explore la complexité, toute la pudeur, la rancœur parfois, l’incompréhension souvent des rapports parents enfants et plus particulièrement des rapports père/fille : Dom et son mari qui s’apprêtent à adopter, la femme d’Eli qui est enceinte, les rapports d’Eli avec ses deux filles…

Justine, c’est ici le double de la réalisatrice qui manipule les radios comme cette dernière manipule ses personnages. Mélanie Laurent convient parfaitement à ce genre de rôle, solaire, manquant de confiance, immature, dégageant à la fois charme, force et fragilité avec une maladresse héritée de l’enfance. (Mélanie Laurent à qui on ne peut en tout cas pas reprocher d’avoir divers talents, sera ainsi la maîtresse de cérémonie du prochain Festival de Cannes. Elle vient de réaliser son premier film « Adoptés » et vient de sortir son premier album coécrit avec Damien Rice).

Puis le film bascule en nous rappelant parfois que la vie est souvent violemment imprévisible et implacable et qu’il ne faut pas attendre que « soudain tout le monde nous manque » pour dire ce que l’on pense aux personnes qui comptent, et même si porter un masque (comme Eli) est plus facile. Sans doute le discours est-il naïf mais Jennifer Devoldere fait finalement une belle déclaration d’amour à ces pères maladroits dans l’expression de leurs sentiments et non moins touchants, et qui m’a touchée contrairement au film sorti la semaine dernière qui aborde également ce sujet mais qui m’a semblé sonner constamment faux, être anachronique et dont les bonnes intentions semblent clignoter en permanence accumulant les stéréotypes servis par une réalisation agitée mais vaine.

Là, je ne vais pas disserter sur un mouvement de caméra, Jennifer Devoldere ne fait pas d’expérimentations stylistiques pour donner à son film des airs de film  d’auteur. La réalisation est au service de l’histoire, et elle assume parfaitement son aspect comédie/mélo avec pluie de rigueur les jours de larmes. Il s’agit d’une « histoire simple », rien de plus, rien de moins, qui va droit au cœur et parfois cela fait beaucoup de bien.

N’allez pas croire que vous en sortirez déprimés, juste avec le sentiment qu’aujourd’hui est « le premier jour du reste de votre vie » (ce film présente d’ailleurs pas mal de similitudes avec le film de Rémi Bezançon sur la complexité, la beauté, les douleurs que recèle la famille ) avec d’ailleurs là aussi une BO réussie (Nina Simone, David Bowie, Cat Stevens...). Tout le mal que je lui souhaite, c’est le même joli succès.  Bref, vous aurez compris. Je vous le recommande.

En bonus, le clip d’une des chansons de l’album de Mélanie Laurent, « En t’attendant » qui me trotte dans la tête depuis quelques jours…

18:51 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (2) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | | Pin it! | |