Avant-première- Critique de « Sans laisser de traces » de Grégoire Vigneron (05/03/2010)

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A bientôt 40 ans, Etienne (Benoît Magimel), est sur le point de prendre la présidence de son groupe. Il veut soulager sa conscience d'une injustice qu'il a commise au début de sa carrière et qui, précisément, l'a lancé. Convaincu par un ami de jeunesse qu'il retrouve par hasard, Patrick (François-Xavier Demaison), il se rend chez l'homme qu'il a lésé à l'époque pour le dédommager. L'homme se met en colère et Patrick le tue pour « défendre Etienne ». Etienne tente de reprendre le cours de sa vie mais cette mort l'obsède, sans compter que pendant ce temps, il essaie d'avoir un enfant avec sa femme, qu'un Américain essaie de prendre sa place, et que sa belle-mère est la rigidité incarnée...

Grégoire Vigneron écrit des scénarii depuis 7 ans avec Laurent Tirard (Molière, Prête-moi ta main, Le Petit Nicolas). Cette fois, ils ont inversé les rôles et Laurent Tirard est devenu coscénariste pour cette première réalisation de Grégoire Vigneron.

Voilà un film qui présentait tous les ingrédients d'un palpitant thriller : une introduction prometteuse avec voix off de rigueur, un personnage principal enserré dans ses remords, un engrenage inextricable, un ami « qui vous veut du bien » et pas seulement, une quête de rédemption et de bonheur contrariée par le destin... Et, d'ailleurs, au début, cela fonctionne parfaitement. La tension monte. On attend l'inéluctable point de non-retour, que l'étau se resserre irrémédiablement, mais malheureusement Grégoire Vigneron, peut-être par peur d'oser le thriller sans concessions (à la comédie), instille soudain des éléments de comédie qui font brusquement retomber la tension. Alors que le personnage de Patrick révélait un manipulateur derrière son apparente bonhomie, les deux scénaristes ont choisi d'en faire une sorte d'être indéfinissable dont on ne sait jamais s'il agit par inconscience ou machiavélisme. Idée scénaristique intéressante qui, malheureusement, ne fonctionne pas à l'écran, une scène dans une chambre d'hôtel totalement caricaturale cassant définitivement le rythme.

La relation entre les deux amis promettait pourtant d'être intéressante entre celui qui a réussi son ascension sociale et celui qui l'a connu avant, avant les faux-semblants aussi. Leur rencontre est d'ailleurs très emblématique de ce rapport de force.

 Les failles scénaristiques apparaissent alors d'autant plus flagrantes : Etienne qui va voir juste devant l'inspecteur chargé de l'enquête la fille de la victime le jour de l'enterrement cette dernière, la belle-mère conservatrice et bornée...et stupide, les parents pauvres avec le fils qui prend bien soin de saucer son contenu de son assiette, l'Américain au physique de playboy dont on pense qu'il veut reprendre l'entreprise familiale mais qui est en fait « in love », la velléité d'Etienne en contradiction avec son poste de chef d'entreprise. 

C'est d'autant plus dommage que la réalisation, plutôt habile pour un premier film, reflétait intelligemment la froideur clinique de l'environnement dans lequel évolue Etienne (même si je n'ai jamais vu un bureau d'entreprise avec aussi peu de papiers et de désordre, mais nous dirons que cela participe de cette volonté de froideur), de son loft glacial avec vue panoramique à son entreprise aux lignes tout aussi géométriques et aussi rigides que sa belle-mère. L'idée de cette équation de la réussite sociale « talent, chance, travail », mais aussi celle de la quête de rédemption, du sentiment d'imposture et du remords obsessionnel était également intéressante malheureusement gâchée par cette peur (ou cette volonté délibérée) de la noirceur et du thriller assumé que le début, si prometteur, nous laissait présager. C'est dommage enfin pour les acteurs : Benoît Magimel tout en retenue voire neutralité mais toujours aussi convaincant, Julie Gayet en épouse  et FLéa Seydoux en fille de victime beaucoup moins fragile et innocente qu'il n'y paraît. Un film qui s'achève sans nous laisser de traces, si ce n'est celle de la déception devant une si belle idée inaboutie.

Si vous voulez voir un film sur un engrenage implacable et sur les vicissitudes de la chance, je vous recommande plutôt le chef d'œuvre suivant:

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Sortie en salles de « Sans laisser de traces » : le 10 mars 2010 (le même jour sort en salles "La Rafle" de Rose Bosch dont vous pouvez lire ma critique en cliquant ici).

 

15:53 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, critique, sans laisser de traces, benoît magimel, françois-xavier demaison | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | | Pin it! | |