Festival du Film de Cabourg 2011 (1er jour) : à la recherche du romantisme (perdu ?) (16/06/2011)

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Au-delà de la référence évidence et certes un peu facile à l’écrivain indissociable de Cabourg, je me demande tout de même si le romantisme n’est pas une notion devenue rare, voire malheureusement surannée, ou totalement disparue, au cinéma du moins, et peut-être pas seulement. En tout cas, s’il y a bien un lieu ou il doit être, c’est à Cabourg puisque ce festival est sous-titré « Journées romantiques » même si aucun des deux films à mon programme aujourd’hui ne correspondait à la définition du romantisme que je vous donnais récemment.

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Pour ce retour au Festival du Film de Cabourg, après 4 ans d’absence, j’ai commencé ma journée festivalière par un film présenté dans la section Panorama et intitulé « Ni à vendre ni à louer », le troisième long-métrage de l’auteur de bandes-dessinées Pascal Rabaté qui, après l’adaptation de sa bande-dessinée éponyme « Les petits ruisseaux »,  s’essaie à un genre nouveau avec le film burlesque muet ou plus exactement sonore mais sans dialogues, ceux-ci se réduisant à quelques sons et onomatopées, comme chez Tati. Difficile de résumer ce film qui juxtapose les situations cocasses, loufoques, fantaisistes, parfois lourdes, et beaucoup plus rarement poétiques sans qu’il y ait de réelle trame, en réalité 5 histoires parallèles qui rarement s’entrecroisent, celle d’un couple de retraités qui, en guise de résidence secondaire, possède une maisonnette astucieuse, un couple de punks,  un représentant en parapluie victime de sa maîtresse sado-maso, deux couples qui séjournent dans le même hôtel, et deux imposteurs amateurs de golfs, le tout à côté d’une procession funéraire.  Le film de Pascal Rabaté fait immédiatement penser à Tati mais c’est évidemment toujours dangereux de se confronter à un tel monument du cinéma quand on ne possède ni son génie ni forcément sa délicatesse. Truffaut, Lynch, Kaurismaki : nombreux sont pourtant les grands cinéastes à avoir cité le créateur de Monsieur Hulot. Là où Tati, par exemple dans « Playtime », avec son manège aussi enchanteur que désenchanté, nous donne l’impression de tourner en rond tout en nous emmenant malicieusement quelque part, en nous parlant de modernité aliénante, Pascal Rabaté nous fait assister à un spectacle certes parfois amusant, mais vain, ne nous emmenant nulle part.  Et puis là où Tati responsabilité le spectateur, Pscal Rabaté nous présente une suite de saynètes dans lesquelles tout est dit et dicté.  Et malheureusement pour lui un autre film muet (« L’artist » de Michel Hazanavicius pour lequel Jean Dujardin a reçu  à Cannes un prix d’interprétation amplement mérité) laissera sans doute, lui, une forte empreinte dans le cinéma. Le casting est réjouissant ( Maria de Medeiros, Jacques Gamblin, Dominique Pinon, François Damiens, François Morel…)mes ne donne pas la pleine mesure du talent de ces derniers. Reste un souci notable du cadre, Le Croisic joliment filmé ( mais désertique et déserté, seul le sable appartient à tous et aux amoureux sans toit fixe, n’étant  ni à vendre ni à louer) et qui vous feront peut-être oublier le temps qui passe à défaut de vous faire retrouver le temps perdu.  Ce film sortira en salles le 29 juin 2011.  Le film a été suivi d’un débat avec Pascal Rabaté, Dominique Pinon et Catherine Hosmalin (l’un et l’autre peu loquaces et visiblement assez embarrassés d’en parler).  Pascal Rabaté a précisé avoir voulu faire un « portrait de la France prolétaire en vacances » (« il fallait que ce soit le miroir de la société, que la crise apparaisse à l’image ») tout en spécifiant n’avoir jamais aimé les vacances quand il était enfant. Il a évoqué sa difficulté à convaincre les financiers, le scénario d’un film muet contenant peu de pages, raison pour laquelle il a réalisé un story board du film.

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A peine sortie du film de Pascal Rabaté, je rentre à nouveau dans la même salle (cette fois à moitié vide alors qu'elle était pleine pour la précèdente séance) pour découvrir une  autre avant-première, également dans la section Panorama : « Et maintenant on va où ? » de la cinéaste libanaise Nadine Labaki, film également sélectionné au dernier Festival de Cannes, à Un Certain Regard et film auquel j’ai été beaucoup plus sensible même si je ne le range pas davantage que le précèdent dans la catégorie des films romantiques.  Ce film raconte la vie d’un village libanais dans lequel les femmes s’évertuent à protéger le village et leurs familles des menaces extérieures et surtout des dissensions religieuses. Chrétiens et musulmans y vivent en effet en bonne entente mais cette entente est très fragile et le fruit de la détermination sans failles des femmes du village, faisant tout pour distraire les hommes et les empêcher de se haïr ou de trouver le moindre prétexte à leur haine. Comme une mine prête à exploser à tout instant. Nadine Labaki mêle gravité et légèreté et les styles (comédie musicale, comédie, drame) passant de l’un à l’autre avec une facilité déconcertante pour ne nous dire qu’une seule chose qu’elle le chante, le crie ou le pleure : cessez cette haine meurtrière absurde.  « Et maintenant on va où » parle de la nécessité absurde mais finalement rassurante (car devenant un mode d’expression voire de distraction ou d’identification) d’appartenir à un camp, de s’exprimer par la violence qui peut surgir à tout instant et briser l’harmonie.  Une utopie enchantée, une fable parfois douloureuse et une démonstration par l’absurde maligne et efficace.  Le tout servi par des actrices remarquables (à commencer par la réalisatrice elle-même) et une lumière chaleureuse rendant hommage à ces dernières et à la beauté du Liban. Et un plan de la fin qui fait joliment et dramatiquement écho à celui du début illustrant l’insoluble question du titre.  Je vous reparlerai plus longuement de ce film que je vous recommande d’ores et déjà.

A défaut de romantisme dans les salles obscures, je me suis consolée en regardant les teintes mélancoliques, changeantes et mystérieuses de la mer, toile éphémère porteuse de tumultueuses et romantiques promesses, mais aussi de nostalgie.

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La journée s’est terminée sous une pluie diluvienne vidant les rues de Cabourg et ses restaurants dès 22h rendant la moindre denrée alimentaire encore plus rare que le romantisme affiché partout, ici, pourtant. Espérons que la journée de demain sera plus radieuse et riche en romantisme. A mon programme, pas moins de 5 films dont j’espère avoir le temps de vous parler demain soir. Peut-être ma quête du romantisme y trouvera-t-elle davantage de satisfaction. A suivre…

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Ambiance débridée au stand d'informations...

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La ville de Cabourg prend décidément soin du coeur des autochtones

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Le Grand Hôtel qui trône au centre de Cabourg

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Le Casino, l'autre salle du festival...

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Les Swann d'or, symboles et récompenses du festival...

01:14 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (3) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | | Pin it! | |