« Les Eblouis du cinéma », un documentaire de Jean-Jacques Bernard et Julien Sauvadon : regards éblouis(sants) sur la cinéphilie (24/06/2010)

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Je vous ai déjà parlé de ce documentaire avant sa diffusion il y a quelques mois ; j’ai enfin pris le temps de le regarder, c’est pourquoi je vous en parle à nouveau aujourd’hui (en vous rappelant que vous pouvez toujours le voir sur internet en cliquant ici).

Vous connaissez sans doute Jean-Jacques Bernard qui de sa voix, son ton et son enthousiasme inimitables anime des émissions sur Ciné Cinéma Classic depuis 1991 et désormais Boulevard du Classic. Il ne parle jamais du cinéma avec aigreur, cynisme, ou esprit de revanche mais toujours avec son amour communicatif du cinéma, ce qui fait malheureusement aujourd’hui défaut à la critique cinématographique. Julien Sauvadon, quant à lui, est journaliste à France 3 Rhône-Alpes.  Avec leurs deux regards, différents et complémentaires, en allant à la rencontre de personnalités et personnages divers ils ont tenté de répondre à une question passionnante. A l’ère d’internet et de la vidéo à la demande, qu’est-ce que la cinéphilie ? Diffère-t-elle de celle de nos parents et de nos grands-parents ? Comment se caractérise-t-elle ?

 Pour y répondre, Julien Sauvadon et Jean-Jacques Bernard ont interrogé quelques personnalités du cinéma (Thierry Frémaux, Patrice Leconte, Benoît Jacquot ) ou encore Vincent Delerm( notamment auteur d’un mémoire sur François Truffaut et dont beaucoup de chansons, dans leur construction ou paroles, reflètent cette cinéphilie) ou un sociologue mais aussi des « anonymes » qui vivent chacun à leur manière leur cinéphilie : Claude Blazy (un truculent et passionné ancien champion de Monsieur Cinéma, âgé de 80 ans), un responsable d’un internat qui y a créé un ciné club, une propriétaire de vidéo- club… ou encore un sociologue.

 Jean-Jacques Bernard rappelle tout d’abord  les origines de la cinéphilie puis la véritable révolution qu’ont représenté l’arrivée de la télévision puis du magnétoscope pour le cinéphile, prolongeant ainsi « le culte du cinéma ».

 Sans doute le titre en donne-t-il la plus belle des définitions. Pour les cinéphiles, le cinéma est un éblouissement qui éclaire l’existence davantage qu’un savoir qui se voudrait exhaustif. En tout cas c’est ma définition qui se conjugue avec celle d’un autre intervenant pour qui il s’agit de « plonger dans un univers et essayer d’en apprendre sur le monde ».   C’est aussi une curiosité inextinguible, une fenêtre ouverte sur le monde et sur le rêve. Une manière d’interroger le monde qui nous entoure et parfois d’y apporter quelques réponses. Et puis comme le disait Truffaut, il n’y a pas de temps mort dans les films. Ainsi est-ce aussi probablement  un moyen d’arrêter, de suspendre ou transcender le temps. D’expérimenter d’autres ailleurs et d’autres possibles. Et puis évidemment avant tout comme le dit le cinéphile et (lui aussi) toujours enthousiaste Thierry Frémaux « l’amour du cinéma ».

Ce qui m’a aussi beaucoup intéressée dans ce documentaire c’est qu’il montre à quel point la cinéphilie dépasse largement le rapport au cinéma, est souvent une réminiscence plus ou moins consciente. Thierry Frémaux quant à lui y voit un rapport à « la mélancolie, la perte, l’oubli, la mort ». Sans doute et probablement avec l’enfance également.  Chacun montre aussi à quel point sa cinéphilie est liée avec la découverte du cinéma, à quel point le rapport au cinéma pendant l’enfance est déterminant. Pour moi c’est le souvenir de toutes ces projections partagées avec mon père qui si longtemps a continué à m’enregistrer tous les classiques, essentiellement des westerns, des films policiers, des films des années 1930 à 1950 et qui notait scrupuleusement tous les films que je voyais et avec qui j’ai commencé  très jeune à regarder des films à l’âge où d’autres regardaient des dessins animés qui à vrai dire ne m’ont jamais vraiment passionnée. Et puis il y a eu ces journaux de cinéma que j’ai commencé à acheter très tôt, toutes ces fiches d’un certain journal que je gardais bien précieusement, cette curiosité insatiable pour un film lorsque je l’avais aimé ou qui m’avait intriguée avant de découvrir les festivals de cinéma, un beau jour de 1994, et que ma passion devienne absolument incurable et nécessaire et qu’elle me conduise dès le début de l’adolescence dans des aventures palpitantes.

Etrangement quand on me demandait si j’étais cinéphile, je répondais toujours non, non pas de peur qu’on m’interroge ( ainsi Thierry Frémaux explique-t-il les dénégations de ceux à qui on pose cette question) mais plutôt parce que ce terme me semblait recouvrir une notion un peu condescendante, plus présomptueusement intellectuelle que sentimentale alors que les éblouis recouvre cette curiosité et cette ouverture sur le monde mais surtout cette passion pour le cinéma qui me semblaient mieux définir mon rapport au cinéma.

Un documentaire vraiment passionnant (dont on peut juste regretter qu’il ne soit pas plus long -52 minutes- tant ses intervenants sont prolixes et instructifs sur le sujet) duquel se dégage cette « mélancolie bienheureuse », expression d’ailleurs employée par un des interviewée pour définir judicieusement sa cinéphilie. C’est enfin le constat à la fois nostalgique et optimiste de ce qu’est le cinéma aujourd’hui… A ne pas manquer !

Pour voir le documentaire, cliquez ici.

 

18:24 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (2) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | | Pin it! | |