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  • "Lutétia" de Pierre Assouline: un huis-clos passionnant

    medium_2070771466.jpgLes premières critiques du prix du livre de société dont je suis membre sont parues aujourd’hui dans DS, fortement amputées comme vous le constaterez si vous comparez avec leur version intégrale figurant sur ce blog.
    Je vous livre ci-dessous mes impressions sur « Lutétia » de Pierre Assouline, également en compétition.

    Depuis ce palace de la rive gauche dont il narre l’histoire de 1938 à 1945 par le prisme du regard du détective chargé de l’hôtel et de la sécurité de ses clients, on voit, on imagine, on ressent la montée des périls et on assiste avec effroi au glissement du monde vers la tragédie, vers l’innommable, vers l’irrationnel. Assouline a choisi délibérément le seul palace de la Rive Gauche, antre de l’intelligentsia, qui vit l’Histoire dont il fit partie intégrante se dérouler sous ses yeux. Avec lui tantôt horrifiés, tantôt fascinés nous parcourons les couloirs du Lutétia et découvrons les secrets qu’il recèle, les destins qui s’y croisent et qui basculent parfois. Par une sorte d’empathie et grâce au talent de son auteur, le lecteur a l’impression de ressentir la même impuissance que le protagoniste qui, confiné dans ce lieu, voit le monde dériver vers l’inéluctable tragédie. Avec lui nous voyons avec horreur l’Abwehr, le contre-espionnage allemand, prendre possession des lieux, transformer le symbole d’insouciance en celui de l’Occupation. Assouline aurait pu se contenter d’écrire un livre d’Histoire ou un roman mais toute la richesse et la singularité de ce livre résident dans le judicieux mélange des deux sans jamais que cela n’alourdisse le récit ou n’entrave le plaisir du lecteur. Le Lutétia devient un microcosme de la société française, cristallise les angoisses que connaît alors le monde terrassé par le joug nazi. Assouline nous transporte avec lui dans ce lieu, à cette époque troublée par ce roman à la démesure de son sujet, traité sans emphase grandiloquente mais avec pudeur. De surcroît, il a su créer un personnage nuancé, ambigu, qui aime les Allemands et l’Allemagne tout en haïssant les nazis. Il évite ainsi l’écueil du manichéisme, de la complaisance aussi. A l’image du Lutétia, tantôt lâche, tantôt courageux, aveugle puis lucide, le protagoniste oscille entre passivité coupable (puisque le Lutétia hébergea le contre-espionnage allemand) et engagement dans la Résistance presque malgré lui (le Lutétia hébergea les déportés alors appelés « rapatriés » après la Libération )Le Lutétia est ainsi un personnage à part entière d’ailleurs personnifié puisque chacun l’appelle Lutétia, emblème vivant et immortel, symbole d’occupation puis de libération, d’insouciance puis de tragédie, de liberté puis d’enfermement. Assouline esquisse une véritable Comédie humaine n’oubliant ni l’héroïsme, ni les petitesses que cette époque a engendrés. Le protagoniste est aussi épris de la comtesse Clary qu’il connaît depuis l’enfance et qu’il y croise fréquemment. Cette histoire d’amour ajoute un souffle épique et romanesque et enrichit encore le récit. L’histoire et l’Histoire se mêlent donc astucieusement : la guerre 14, le scandale Stavisky, l’Occupation, la déportation, la Résistance ont jalonné le parcours du protagoniste qui verra la guerre commencer puis se terminer, qui assistera à des actes de lâcheté et d’héroïsme, qui aimera, haïra, résistera…sans jamais quitter l’hôtel Lutétia. Nous y croisons Matisse, Joyce et son secrétaire Samuel Beckett ou encore André Gide ou Albert Cohen dont nous apprenons qu’il y écrivit le sublime Belle du Seigneur. Les illustres clients de ce lieu mythique qui jalonnent le récit en accroissent l’intérêt. Le Lutétia devient alors le cadre d’un huis clos tel un théâtre dans lequel se déroule une tragédie qui le dépasse, mais qu’il symbolise aussi. Assouline retranscrit avec minutie l’atmosphère de ce majestueux édifice qui sombre avec les heures noires de l’Histoire puis renaît avec la Libération. Il parvient à nous émouvoir et nous bouleverser et là où d’autres n’auraient réussi qu’un ouvrage historique didactique de plus, Assouline a signé un roman historique passionnant, édifiant, un livre hybride sur les méandres du destin et de l’Histoire.
    Désormais quand je passe devant le somptueux édifice, je songe à toutes ces histoires qu’il a vu naître puis mourir, à ces destins dont il a assisté, impuissant, au basculement et je ne peux m’empêcher moi aussi de l’appeler à mon tour Lutétia en me prenant à rêver qu’une réponse murmurée provienne de l’imposante personnalité du Boulevard Raspail, témoin impassible de l'Histoire, qui me livrerait alors ses douloureux secrets…
    Sandra.M

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  • Le coup de cœur du mois : « Locataires » ludique et mélancolique errance de Kim Ki Duk.

    medium_18413160.jpgN’ayant pas eu le temps de voir ce film au festival du film asiatique de Deauville, ma curiosité était d’ores et déjà suscitée par le nom du prolifique et éclectique Kim Ki Duk gardant encore un souvenir émerveillé de sa symphonie picturale : « printemps, été, automne, hiver et printemps ». J’étais aussi intriguée par le silence évocateur de ceux qui avaient eu la chance de le voir.

    Résumer ce film ne ferait qu’en dénaturer immodestement l’originalité tout comme donner la parole à ses personnages aurait amoindri l’intensité et la beauté de leur relation. Alors en vous transmettant quelques bribes d’éléments j’espère vous donner envie de courir dans les salles obscures et d’accompagner ces Locataires dans leur errance langoureuse et mélancolique. Kim Ki Duk invente en effet un univers (à moins que ce ne soit les personnages qui l’inventent, une réalisation parfaitement maîtrisée entretenant délibérément l’ambiguïté) où les paroles sont superflues, inutiles, vaines puisque les deux personnages principaux n’échangent pas un mot. Ils n’ont d’ailleurs pas besoin de dire pour exprimer, pour ressentir l’étrange et immédiate harmonie qui les unit, un peu comme la musique transcrivait les sentiments dans le sublime « In the mood for love » de Wong Kar Waï sans nécessiter le moindre dialogue. La parole n’est ici que source de maux et d’hypocrisie. Le décor (réel protagoniste du récit ?) agit comme un symbole (espaces vides symbolisant la solitude des personnages mais aussi symbole de l’image que souhaitent donner d’eux-mêmes les propriétaires) mais aussi une cristallisation puis une réminiscence de l’histoire d’amour, comme un lien entre ces deux âmes solitaires et blessées. Lien intense et (car) indicible. L’humour, comme la violence d’ailleurs, est judicieusement distillé et apporte un aspect ludique, voire fantaisiste. Kim Ki Duk n’oublie pas non plus d’égratigner la société coréenne : corruption de la police etc.
    Cette balade poétique et surréaliste nous emmène et nous déconcerte. La frontière entre rêve et réalité (y) est parfois si étanche…alors si vous ne craignez pas de la franchir laissez-vous dériver en suivant ces Locataires et leur réjouissante et onirique errance. « Locataires » est de ces films dont vous sortez le cœur léger, ignorant la pluie et la foule, encore délicieusement endoloris, encore dans le monde dans lequel ils vous aura transportés et dont seul un silence évocateur, oui effectivement, pourra approcher l’intensité comme unique réponse aux interrogations des non initiés dont, je l’espère, vous ne ferez bientôt plus partie !
    Ce film a reçu le Lion d’Argent, prix de la mise en scène Venise 2004.
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  • « Sans elle », premier long-métrage très prometteur réalisé par Anna de Palma. Sortie : le 11 Mai 2005.

    Johnny Vieira (Aurélien Wiik) a 20 ans et ne peut vivre sans sa jumelle Fanfan (Bérénice Béjo) avec laquelle il entretient une relation fusionnelle qui oppresse cette dernière. Tandis que Johnny rentre en France, Fanfan choisit de rester au Portugal, pays d’origine de leurs parents, où ils étaient venus en vacances. Entre un père qui prépare sa retraite portugaise, une mère qui refuse de quitter la France, et sa sœur dont il vit la séparation comme une trahison, Johnny est écartelé et désespéré. Sa passion pour la musique et son désespoir le rapprochent de Léonard (Jocelyn Quivrin), meneur d’un groupuscule fasciste, avec qui sa sœur a eu une aventure…

    Anna de Palma signe ici un premier long-métrage dont chaque plan nous fait ressentir la douleur de la séparation éprouvée par le personnage principal : dans ses dérives, ses colères, sa violence, ses illusions. L’absente est présente dans chacun de ses actes dont la violence crie son désarroi. La réalisatrice nous dresse avec minutie le portrait de cet anti-héros en perte de repères et en parallèle, le reflet plus ou moins implicite dans un miroir brisé : le portrait de sa jumelle et de leur histoire fusionnelle. La gémellité et la séparation de ces deux entités indissociables est métaphorique de leurs vies dichotomiques : entre France et Portugal, entre deux pays donc, entre deux cultures, entre deux parents qui se séparent, entre deux identités encore. La dangereuse dérive fasciste du protagoniste annihile la tentation de l’héroïser et exacerbe le côté sombre, renforçant ainsi son ambiguïté, avec une volonté affichée de la réalisatrice d’éviter tout manichéisme. Le visage encore singulièrement enfantin de Johnny , le jeu nuancé d’Aurélien Wiik contribuent également largement à cette ambivalence. Un film intense qui aurait peut-être mérité un dénouement moins didactique qui était de toute façon induit par le récit qui le rendait (ou du moins qui en rendait l’excès) inéluctable… Un film néanmoins salutairement amoral à l’image de la passion qu’il retranscrit, un film courageux, sensible, au montage intelligemment allégorique… et très prometteur à l’image de ses jeunes interprètes qui, comme la réalisatrice, amorcent certainement une longue et brillante carrière. Gageons-le et souhaitons leur….

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  • "De battre mon coeur s'est arrêté" de Jacques Audiard

    medium_18409617.jpgDans ce remake du film américain « Mélodie pour un tueur », le protagoniste Tom interprété par Romain Duris (sur)vit de transactions immobilières frauduleuses suivant consciencieusement l’exemple paternel incarné par Niels Arestrup. Puis, un jour les hasards et coïncidences de l’existence le mettent sur la route d’un impresario de musique classique lui proposant une audition. Il se met alors à rêver de devenir concertiste à l’image de sa mère décédée … Le film alterne alors entre les moments de grâce induits par sa passion pour la musique pendant lesquels son cœur semble battre la chamade et ceux vulgaires de cet univers frauduleux, univers dissonant de violence et de mesquineries. Le fossé se creuse de plus en plus entre ces deux univers si contradictoires. Tom semble alors écartelé entre ces deux univers, ses deux identités, oppressé par cette violence qui le rattrape inéluctablement mais aussi exalté par cette passion qui le (ré)anime. Le mode filmique : plans séquences caméra à l’épaule et plans serrés font battre nos cœurs au plus près de celui des personnages et contribuent à un rythme soutenu et à l’implication constante du spectateur. La caméra scrute les visages de sorte qu’aucun battement de cœur ne nous échappe. Romain Duris, très loin d’Arsène Lupin, est ici magistral face à un Niels Arestrup toujours aussi impressionnant. Comme dans « Sur mes lèvres » (que je vous recommande si vous ne l’avez pas encore vu) les émotions proviennent des silences et se situent essentiellement dans le non dit et l’indicible. Peut-être peut-on regretter que les rôles secondaires et notamment les rôles féminins soient trop en filigrane et elliptiques mais cela renforce encore cette impression de vibrer à l’unisson de son personnage principal. Film brillamment orchestré et intense sur l’amour filial, sur les méandres du destin, hymne à la musique: pour le cinéma de Jacques Audiard de battre mon cœur est très loin de s’arrêter...

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  • Festival du film de Paris île-de-France : un festival en quête d’identité

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    Ce soir s’achève le festival de Paris île de France, première édition…en réalité la continuité du festival du film de Paris qui peine à trouver son identité depuis que la mairie de Paris s’en est désengagée et depuis la création du festival Paris cinéma qui se déroule au mois de juillet. Après avoir eu les honneurs de l’espace Cardin pendant plusieurs années et la totalité du Gaumont Marignan, le festival doit désormais se cantonner à deux salles de ce même cinéma, cadre plutôt restreint pour un festival qui doit donc en plus cohabiter avec les blockbusters à l’affiche, dont la programmation n’en est néanmoins pas moins foisonnante. Trop ? Entre la compétition officielle, le prix du cercle de la presse, le prix du public, le festival de la francophonie, le cinéma d’aujourd’hui, l’hommage au festival des antipodes, les documentaires, l’hommage au cinéma québecois, le cinéma témoin sur l’immigration et l’intégration en France… le programme est en tout cas très diversifié.

    Le festival propose par ailleurs chaque année des rencontres avec des acteurs, cinéastes, producteurs… avec notamment cette année Francis Huster, Patrice Leconte, Mireille Darc, Bernard-Henri Lévy, Jean-Louis Livi, Pierre Schoenderffer.
    Francis Huster est ainsi venu présenter « Classe de comédie », un documentaire de Raoul Girard qui immortalise la rencontre de l’acteur avec des étudiants de la classe d’été du cours Florent auxquels il transmet avec passion son expérience et sa conception du métier de comédien avec notamment un cours très enrichissant sur les regards. Il martèle par ailleurs sa conception du jeu ou plutôt du non jeu puisque pour lui elle consiste à « ne pas jouer », ce qui donna lieu à un débat plutôt animé avec François Florent également présent. Patrice Leconte d’une disponibilité exemplaire pour le public venu l’écouter, avait quant à lui amené dans ses bagages « La fille sur le pont » et « Dogora », deux chefs d’œuvre qui montrent l’éclectisme du cinéaste… « La fille sur le pont » fait partie de ces films que vous pouvez revoir pour la énième fois ( ce qui est mon cas) et continuer à le trouver jubilatoire grâce à un scénario et des dialogues ciselés et non moins caustiques, une interprétation remarquable de Vanessa Paradis et Daniel Auteuil, une musique envoûtante, une réalisation impeccable à laquelle le noir et blanc procure un parfum délicieusement suranné, une atmosphère onirique et romantique, voire sensuelle, qui ne tombe jamais dans la mièvrerie, une inspiration multiple parfois fellinienne, parfois chaplinesque, des personnages singuliers et attachants... « Dogora » propose un pari ambitieux, celui d’un film musical sans acteur ni dialogue, tourné au Cambodge, et dont le scénario est composé d’une suite symphonique du compositeur, intitulée Dogora… Le pari est réussi, chaque plan étant empreint d’émotion corroborée par une musique emphatique. Plutôt que de filmer pour la énième fois le temple d’Angkor, Leconte s’est attaché à scruter les visages, à capter la mélancolie des regards, les couleurs chatoyantes de ce pays qui le fascine. Ce n’est plus la fiction mais la seule émotion qui guide le spectateur happé par ces regards et la beauté picturale de cette symphonie visuelle. Gageons sans grand risque que l’échec (malheureux) cuisant de ce film sera à la mesure du succès annoncé des « Bronzés » dont le cinéaste commence le tournage le mois prochain, témoignant ainsi encore de l’éclectisme de son travail. Bernard-Herni Lévy était quant à lui venu présenter « Le jour et la nuit » qui avait connu lors de sa sortie un échec retentissant auprès du public mais aussi (car aussi et avant tout) de la critique qui s’était littéralement acharnée. Certes, « le jour et la nuit » est loin d’être un chef d’œuvre mais méritait-il un tel acharnement médiatique, « Les cahiers du cinéma » l’ayant même qualifié de « plus mauvais film depuis 1945 » ? Les raisons de cet acharnement n’étaient-elles pas davantage dues à la personnalité du cinéaste qu’à son film ? Un critique présent au festival lors de la rencontre avec BHL apporta d’ailleurs une amorce de réponse déclarant au cinéaste avoir réalisé une critique négative de son film lors de sa sortie et revoyant le film le trouvant « plutôt pas mal » et (un comble) demandant à BHL s’il connaissait les raisons de cet acharnement, lequel lui a évidemment retourné la question, non sans une pointe de consternation et d’ironie. Quel plus bel exemple d’une critique grégaire et versatile ? Pour sa défense, et pour ne pas faire écho au lynchage généralisé, le film comporte quelques plans intéressants, la mythique présence du « Samouraï » Alain Delon et de Lauren Bacall. Certes cela n’enlève rien à l’aspect trop didactique d’un film qui selon son réalisateur n’avait néanmoins pour autre ambition que de faire une « œuvre lyrique, nostalgique et romantique ». BHL a également évoqué sa volonté de réaliser d’autres fictions, trouvant les potentialités de « l’alphabet filmique » beaucoup plus riches que celles du cinéma…

    Outre ces rencontres, le festival c’est aussi et avant tout une compétition officielle qui à l’image de l’organisation du festival était parfois inégale et hasardeuse même si la règle veut que ce ne soit que des premiers ou deuxièmes films. Parmi les bonnes surprises figure d’abord « Souli » d’Alexandre Abela qui nous emmène avec Carlos, étudiant espagnol, en Afrique, dans un village de pêcheurs isolé, à la recherche de Souli, auteur africain qui détient un conte ancestral que le jeune espagnol espère transcrire. En s’immisçant dans la vie de la communauté, Carlos va provoquer l’explosion de son fragile équilibre social et de sa délicate harmonie. Ce film, dont le tournage a laissé une large place à l’improvisation, et qui est une adaptation très libre d’ « Othello », métaphorise brillamment les rapports ambivalents et passionnels entre l’Orient et l’Occident. Malgré un budget et une équipe réduite, grâce à une photographie sublime le résultat est parfaitement réussi. On peut s’interroger sur la cohabitation d’un film tel que celui-là et des très classiques « Quand les anges s’en mêlent » de Crystel Amsalem et « Saint-Ralph » de Michael Mc Gowan, ce dernier ayant même fait l’ouverture du festival de Toronto et ayant déjà une sortie prévue aux Etats- Unis. A côté de cela, la compétition officielle nous proposait également un film du dogme « In your hands » d’Annette K. Olesen, un film qui comme ses personnages oscille entre confiance et méfiance, savoir sur la foi et douleur sur l’amour. Pour reprendre l’expression de Francis Huster à propos de ses cours de comédie, les comédiens donnent ici l’impression de « ne pas jouer ». De plus, les règles inhérentes au dogme procurent à cette histoire des accents de véracité entraînant le spectateur alors en empathie pour ces personnages qui évoluent dans cette prison de femmes.

    Tout aussi inégale était la sélection du prix du cercle de la presse qui proposait notamment « Doo Wop » de David Lanzmann, road movie parisien racontant les errances de Ziggy, producteur de musique, rêveur et ambitieux. Ce « road movie » très attachant et désenchanté est aussi celui des illusions perdues sur fond de musique funk. De musique il était encore question dans « ma vie en cinemascope »…dans un genre beaucoup plus académique puisque le film inspiré d’une histoire vraie nous raconte le parcours et la maladie de la chanteuse Alys Robi.

    Quant au prix du public il tente bien souvent de redonner un second souffle (ou un dernier) à des films grand public passés inaperçus lors de leur sortie, films français produits en 2004…

    Des films plus engagés étaient également au programme avec notamment, concourant pour le prix de la francophonie, « Les suspects » de Kamal Dehane, une histoire d’amour en Algérie sur fond de corruption, misogynie, suspicion et montée de l’intégrisme. A l’issue de la projection, le film donna ainsi lieu à un passionnant débat sur la situation actuelle du pays avec son réalisateur et son interprète principale.

    Tout aussi engagés étaient les passionnants et instructifs documentaires de la section « cinéma témoin : immigration et intégration en France » avec notamment « le plafond de verre » de Yamina Benguigui ou encore « la faute à Voltaire » d’Abdellatif Kechiche, réalisateur multicésarisé pour « l’Esquive » dont les jeunes interprètes Osman Elkharraz et Sabrina Ouazani figuraient parmi les nouveaux talents conviés à une rencontre avec le public. Dommage que ces rencontres se soient déroulées dans un lieu de passage incessant dont le brouhaha rendait les questions inaudibles, donnant l’impression de rencontres improvisées…


    C’est donc avec nostalgie que j’ai quitté ce festival me souvenant de cette année 1998 où j’étais membre d’un jury pour la première fois, le jury jeunes du festival de Paris, y éprouvant plus que jamais cette délicieuse confusion entre fiction et réalité … Je ne savais pas alors que c’était le premier chapitre d’une histoire passionnante, celle de ma vie de festivalière, de jurée… Cette année là Sean Penn présidait le jury, rencontre inoubliable, rencontre surréaliste… En 2005, une municipalité et quelques années plus tard, le festival comptait comme membre du jury Jacques Séguéla…autre temps, autres mœurs… et cynisme involontaire de prendre un publicitaire pour un festival qui aspire à faire découvrir des « films plus fragiles » et qui se veut engagé dans « la découverte des œuvres nouvelles et des choix artistique rigoureux ».
    Espérons que cette première édition ne sera pas la dernière et que ces balbutiements préfigurent une renaissance et que le festival reviendra à sa formule initiale se souvenant que diversité et richesse ne signifient pas forcément dispersion (de thèmes, de lieux, de motivation), certaines séances en région parisienne ayant ainsi totalisé...un spectateur.
    Comment un festival qui se déroule sur la plus belle avenue du monde, dans la ville du septième art et des cinéphiles pourrait-ils être condamné à des salles au public (très) clairsemé comme ce fut malheureusement le cas cette année ?

    Autre ambiance, autre effervescence… Dans un peu plus d’un mois le festival de Cannes déroulera son tapis rouge sur les mythiques marches que je ne manquerai pas de fouler pour vous en faire un récit détaillé… Alors, en attendant de retrouver le récit de mon immersion dans la folie cannoise (sur ce blog ou sur mon site dont le projet n’est pas abandonné, simplement retardé pour le rendre le plus attractif possible) retrouvez l’actualité cinématographique sur ce blog…

    Sandra.M

    (photo: Francis Huster et Raoul Girard lors de la rencontre avec le public à l'issue de la projection du documentaire "classe de comédie" de Raoul Girard. photo: Sandra.M)

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